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Nostalgie de l'avenir
Nostalgie de l'avenir
Nostalgie de l'avenir
Livre électronique183 pages2 heures

Nostalgie de l'avenir

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À propos de ce livre électronique

Croisée de deux destins dans une maison isolée. Elle, Sabine, anthropologue, la quarantaine, s’offre une retraite pour fêter la fin de longues recherches sur le Y King Mongol. Lui, Noé, vingt-cinq ans, vit toujours chez sa mère. Désœuvré, il refuse d’envisager un avenir personnel quand il a déjà peine à prendre consistance dans le présent. Il déboule dans la solitude de Sabine et cherche à obtenir d’elle une parole, un geste, un « il ne sait trop quoi » qui lui permettra de briser son désenchantement. Ce roman signe le retour de la littérature qui initie à la vie. Myette Ronday, non sans humour, rapporte ce croisement de destins dans une écriture déliée, inventive, exhalant la part du rêve ou du délire, captant la vérité intime des personnage. Le tout vibre d’une santé insolente.
LangueFrançais
Date de sortie26 mars 2013
ISBN9782312009193
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    Aperçu du livre

    Nostalgie de l'avenir - Myette Ronday

    cover.jpg

    Nostalgie de l’avenir

    Myette Ronday

    Nostalgie de l’avenir

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    Du même auteur

    Comment devenir une mante religieuse quand on a des réflexes de fourmi (épuisé).

    Madame Robinson (Flammarion).

    Le vélo de Berkowitz (Flammarion).

    © Les Éditions du Net, 2013

    ISBN : 978-2-312-00919-3

    Pour Pyerrot, enchanteur au quotidien, et pour ceux et celles qui se baladent avec à la main leur petit seau de cendres à la rencontre de ceux ou celles auquel il est destiné.

    « Fais aussi en sorte », venait fugacement le ravir le vieil enchanteur, « de toujours te pardonner à toi-même tes égarements et tes méprises, afin qu’ils ne te reviennent pas au visage comme une balle au bout d’un élastique. Seulement alors, d’un cœur léger, tu pourras te confronter à ce monde étrangement séduisant et prévisible ».

    Premier mouvement

    Sur la route

    Noé s’était réveillé tôt. Du moins pour lui qui ne se levait jamais plus avant le début de l’après-midi. Ses pieds s’étaient glissés dans ses reebooks.

    Il n’y avait plus à réfléchir. D’ailleurs toutes ses pensées étaient en bouillie dans sa tête. Ou ailleurs. Pourquoi ne penserait-on qu’avec la tête et pas avec… ?

    En hâte, ses seuls biens vraiment personnels - lecteur de compact, carnet de notes, portable, carte bancaire et deux figurines en terre cuite - avaient été fourrés dans un havresac.

    Comme toujours, le frigo regorgeait de victuailles. Dans leur emballage sous vide les mets aseptisés et autres, ravier de crudités entamés, jambon et fromage éventés, pot de Nutella presque achevé, n’avaient soulevé qu’une nausée.

    Impossible de se mettre ça, une fois de plus, entre les dents. Il avait vidé le fond d’une bouteille de Pepsi dans l’évier, et était sorti à jeun de l’appartement, de l’ascenseur, de l’immeuble.

    Puis, au volant de la voiture de sa mère, il s’était éloigné de la rue, du quartier, de la ville.

    Peut-être bien d’un cadre provisoire de sa vie.

    Goulpa, le même jour en fin d’après-midi

    Incrédule, Sabine considérait l’instrument découvert entre le tronc noueux de la glycine et le mur en pierres sèches. Ses doigts accoutumés aux clés Yales n’en croyaient ni le poids, ni la forme.

    – Une clé pour caverne aux trésors ou chambre de Barbe-Bleue, se dit-elle avec tout le respect superstitieux qu’elle éprouvait pour les contes de Grimm et autres.

    Dans le même temps, elle introduisait ce gros passe-partout presque mythique dans la figure béante de la serrure. Au premier tour, un fracas d’assiettes cassées résonna derrière la porte.

    En suspens, elle se rappela abruptement que Chantal, l’amie qui lui prêtait la maison, avait ludiquement cru bon d’intégrer à la liste des commentaires et recommandations concernant l’eau, l’électricité, le courrier, les trappes à souris, les fenêtres à ne jamais ouvrir sous peine de ne pas pouvoir les refermer, la présence des… manifestations.

    – Si tu préfères, avait-elle souligné, les revenants, les fantômes, les esprits frappeurs. Seulement, dans le pays, on les appelle les manifestations.

    – Quel genre de danger annoncent-elles aux humbles mortels ?

    – Elles prédisent tout simplement un décès, une naissance ou un cataclysme.

    – En somme, elles se chargent des faire-part et des avis de tempête et s’annoncent toujours par …

    Un bruit de vaisselle pilée… C’était bien ce que Sabine venait d’entendre. Son regard balayait les murets en pierres sèches qui délimitaient l’ancien potager, la soue à cochons recyclée en chambre d’été, la pile de bois sous le hangar. Sous un toit en grosses lauzes la bouche obscure du four à pain abritait une série de chouettes en plâtre peint. Un sentier bordé de buis conduisait à la maison. Plus loin, le rectangle bleu de la bâche tendue sur la piscine. Pas une maison, personne à l’horizon. Même plus, miniaturisé par la distance, le taxi qui l’avait amenée. Ce fracas de vaisselle était donc bien celui des manifestations. Selon Chantal, celles-ci n’avaient pas la réputation de se moquer du monde. Elles ne se trompaient jamais d’interlocuteur et ne prédisaient jamais rien à tort.

    Brrr… L’air est plutôt frais, frissonna Sabine, redoutant de se laisser impressionner au point de se croire tout de suite ensorcelée, figée à tout jamais. Ou jusqu’à l’arrivée improbable d’un prince charmant qui risquait d’être déçu à la vue d’une quadragénaire même pas liftée. Manifestations ou quoi que ce soit, maintenant elle devait ouvrir cette porte.

    La clé n’avait pas accompli un tour complet. Elle reprenait la manœuvre et provoquait un nouveau fracas surnaturel qui lui faisait porter la main au loquet avec un tressaillement de … plaisir. En dépit de tout scepticisme elle se sentait flattée d’être en quelque sorte élue, même si c’était par des esprits frappeurs, figures explicatives d’une superstition paysanne face à un phénomène naturel inexpliqué.

    L’ombre du rosier agriffé aux piliers du bolet décrivait une série de signes cabalistiques sur la porte toujours fermée. Espérant presque que les manifestations réagissent une troisième fois, Sabine reprenait la manœuvre, la serrure émettant alors un décevant grincement de rouages mal huilé.

    – Tu l’as coincée ! s’exclamait Michel dans un autre temps.

    Ce jour lointain où elle l’avait invitée pour la première fois à découvrir sa chambre d’étudiante.

    – Mais non !

    Cela ne pouvait être. Elle s’acharnait comme alors à tirer, pousser sur la clé à présent que celle-ci refusait obstinément de virer dans un sens comme dans l’autre.

    – Ne la dispute pas, avait repris Michel. Les serrures, c’est comme les filles, faut avoir la manière.

    – Je suppose que tu pressens intimement les petits caprices de celle-ci ? avait-elle persiflé, presque décidée alors à ne jamais revoir celui qui allait pourtant devenir son compagnon au quotidien et le père d’Alma.

    Alma… Heureusement, la clé forgée tournait soudain en douceur et sans prévenir. La porte cédait dans un tendre gémissement sans accorder à Sabine le loisir de s’interroger une fois de plus sur ce que pouvait bien faire en ce moment cette enfant décidée, qui avait déserté le nid familial depuis trois mois pour suivre en auditrice libre des cours de sociologie et d’économie politique à Berkeley tout travaillant dans un drive-in afin d’assurer elle-même sa subsistance,

    Sabine se baissa pour s’emparer de son sac de voyage. Son front heurta avec force le montant en pierre. Il lui fallut toute sa volonté ou elle ne savait trop quoi d’autre maintenant que sa tête avait volé en éclats, pour ne pas s’écrouler. Tout chavirait et bourdonnait. Elle mettait pourtant un pied devant l’autre sans comprendre par quel miracle. Elle y voyait même, entendait, croyait encore avoir ses esprits, mais le tout filtré par un voile rouge.

    Enfin, elle savait à présent quel accident absurde lui avaient prédit les manifestations.

    Sur la route

    L’aiguille de la jauge à essence signalait qu’il roulait sur la réserve. Depuis plus trois jours il n’avait pas un rond sur lui. Et son compte était en rouge. Mais il lui suffisait de composer un code pour être aussitôt renfloué de cent cinquante euros maximum.

    De ce code de secours, Noé ne s’était jamais servi. Cadeau de son père autant pour lui venir en aide que pour se donner bonne conscience et se rassurer lui-même sur la survie matérielle de son unique rejeton. D’ailleurs à part peut-être vivre à sa place, son père, ni sa mère ne pouvait plus rien d’autre pour lui.

    Pourvu que l’avenir tout proche ne soit pas en trompe-l’œil ou ne vire au cauchemar.

    Pour l’instant, il était en marge ou nulle part.

    Goulpa, quelques instants plus tard

    Les treize premières notes de La Guerre des étoiles ! Son portable, déjà ! Ou pouvait-il encore être ? Si pas dans la poche de sa veste, dans son sac. Si Sabine ne le dénichait pas bien vite l’appel allait être mis en mémoire. À la treizième note, in extrémis, elle mettait la main dessus.

    « Allô, Sabine ? » La voix de Michel lui parvenait d’un autre monde, sur un arrière fond de tambours ethniques, maintenant qu’il avait abandonné une carrière de violon alto pour se consacrer au métissage musical.

    – Oui, je suis bien arrivée. A l’instant. L’endroit paraît agréable.

    Toujours légèrement étourdie, elle rebroussait sa frange pour se tâter le front, puis regardait sa main. Il n’y avait pas de sang. Mais c’était sûr, elle allait avoir une bosse.

    – … Ta voix est bizarre. Tu grignotes quelque chose ? … Tu as mal une dent. Mon pauvre chéri !

    Elle se laissait choir dans le premier fauteuil. Le coussin en cuir se ratatinait sous son poids avec un sifflement presque intestinal.

    – … Comment cela, « Des années que je ne t’ai appelé chéri » ? Tu te trompes, ou alors tu ne fais plus attention.

    La porte d’entrée restée ouverte se rabattait toute seule. Durant une seconde Sabine crut surprendre des pas qui s’éloignaient, martelant les marches du perron. Mais déjà, son attention était retenue par la sensation d’être quasiment aspirée par le fauteuil. Aucun doute ! De seconde en seconde elle s’enfonçait davantage. Mentalement un juron lui échappait. Le fond du fauteuil avait cédé en partie et elle se retrouvait les fesses coincées entre les ressorts.

    – Fais gaffe au vieux Voltaire, avait aussi recommandé Chantal. C’est un très vieux fauteuil qu’il faut traiter en douceur, avec tout le respect que l’on doit à ses ressorts ancestraux. Il a l’habitude de ne pas lâcher facilement ses proies. Évite donc de t’y asseoir.

    Elle profita de ce que Michel se lançait dans une description méticuleuse de sa douleur pour tenter de s’extirper du piège. Le portable posé sur le ventre, prête à le rattraper, elle s’agrippait d’une main à l’accoudoir, de l’autre au dossier, appuyait de toutes ses forces sur ses bras, les muscles abdominaux bandés. Trop sollicitée, la fermeture de mon pantalon craquait brusquement.

    Elle était partie de Paris avec la certitude d’avoir au minimum un bon gros kilo à perdre, du sommeil à rattraper et le besoin de s’aérer autant la tête que le corps loin de la noise et de la pollution avant de songer à l’élaboration d’un nouveau projet d’étude à mettre en train. Constatant la quantité de chair comprimée sous le voile de dentelle blanche qui débordait entre les lèvres disjointes de la fermeture Éclair, dans un sursaut moral, elle décidait de faire passer le régime et les exercices abdominaux en priorité.

    – Mais, bien sûr, Michel que je t’écoute, dit-elle, recollant presque à temps le portable à son oreille.

    – … Comment cela, tu ne me sens plus présente ? … D’accord, peut-être suis-je un peu stressée, je… Non, aucune raison de l’être. L’endroit paraît sublime et solitaire à souhait. Mais, comme je te l’ai déjà dit, je viens juste d’arriver, je n’ai pas même eu le temps d’enlever ma veste. Je voudrais m’installer et découvrir un tant soit peu les lieux avant que la nuit ne tombe. Si tu permets, je te rappellerais plus tard…… Mais non, je ne me désintéresse pas de ce que tu dis…

    En fait si. Pas vraiment. Mais d’expérience Sabine savait qu’il n’y avait pas urgence. Michel était la proie de maux imaginaires et de douleurs bien réelles dès qu’elle s’éloignait pour au moins vingt-quatre heures. La première fois, un an après le début de leur association amoureuse à plein temps, il lui avait fait le coup de la crise d’appendicite. À l’époque les portables n’existaient pas. Mais à peine arrivée à destination, on lui avait annoncé qu’elle devait faire demi-tour. À l’heure qu’il était son mari devait être hospitalisé, peut-être même déjà opéré. Contre toute attente il était à la gare Montparnasse, non rasé, avec un bouquet d’immortelles dans les bras, les yeux battus, le sourire désabusé de celui qui vient de rompre avec les plus grandes angoisses.

    Une autre sonnerie de téléphone plus conventionnelle retentit tout à coup, attirant son attention vers un recoin plus sombre de la pièce.

    – Je dois raccrocher, dit-elle, coupant net la communication et lançant le portable dans son sac de voyage resté ouvert au milieu de la pièce.

    Elle s’arrimait alors des deux mains, poussait, tirait, serrait les fesses pour en comprimer le volume et s’arquait sans réussir à s’extirper du fauteuil. La seule solution paraissait être de faire basculer ce vieil imbécile sur le côté pour l’obliger à lâcher prise. Ce qu’elle fit sans plus réfléchir. Le Voltaire capota à la première secousse et elle se retrouva d’abord comme une tortue toujours attachée à sa carapace, battant des pattes sur le côté avant d’arriver à se libérer et de se précipiter vers l’autre téléphone. Au passage elle écrasa malencontreusement son tube de rouge à lèvres roulé hors de son sac.

    – Chantal ! … Comme c’est gentil de m’appeler si vite, dit-elle, sans pouvoir s’empêcher de râler intérieurement au sujet de son rouge.

    Un tout nouveau tube, acheté le matin même avant de prendre le train. Elle ne l’avait pas encore étrenné et n’en avait pas d’autres dans ses bagages. Passer une journée

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