Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Pourquoi l'ai-je cru ?: Roman
Pourquoi l'ai-je cru ?: Roman
Pourquoi l'ai-je cru ?: Roman
Livre électronique366 pages6 heures

Pourquoi l'ai-je cru ?: Roman

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Paris, vendredi 13 novembre 2015. Quatre adolescentes issues de milieux sociaux différents, scolarisées dans la même classe de terminale, assistent au concert d’un groupe de hard rock. Ce soir-là, au bataclan, le malheur va s’abattre sur les personnes présentes dans cette salle. Les quatre amies n’y échapperont pas et leur amitié n’y résiste pas. L’une d’elles, Malika, certainement plus fragile que les autres, va tomber entre les griffes de Samy, un jeune garçon radicalisé. Ce dernier est en recherche d’une proie facile devant lui permettre de faire ses preuves au sein de la cellule terroriste à laquelle il appartient.
Par amour au début, par idéologie ensuite, la jeune fille acceptera de couper les ponts aussi bien avec sa famille qu’avec ses amies. Elle va suivre ce nouveau compagnon dans un périple qui va les conduire de Paris à un camp militaire de Daesh en Syrie. La jeune fille va devoir y affronter des évènements auxquels elle n’était pas du tout préparée. Une fois rompus à l’art de la guerre, plutôt que d’aller combattre en première ligne, Il leur est demandé de rentrer au pays. Le championnat d’Europe de football organisé en France doit leur permettre de mourir en martyr. Tout ne va pas se passer comme prévu.
LangueFrançais
Date de sortie21 avr. 2017
ISBN9782312051505
Pourquoi l'ai-je cru ?: Roman

Auteurs associés

Lié à Pourquoi l'ai-je cru ?

Livres électroniques liés

Fiction générale pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Pourquoi l'ai-je cru ?

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Pourquoi l'ai-je cru ? - Patrick Perrin

    cover.jpg

    Pourquoi l’ai-je cru ?

    Patrick Perrin

    Pourquoi l’ai-je cru ?

    Roman

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2017

    ISBN : 978-2-312-05150-5

    Avant-propos

    À la mémoire de toutes les victimes d’attentats, que ces derniers aient été commis en France, chez nos voisins européens ou dans tout autre pays au monde visé par cette ignoble barbarie.

    Avec également toute ma compassion et mon soutien aux familles des victimes.

    ***

    Certains lieux évoqués ou certains faits relatés sont malheureusement bien réels, mais les personnages évoqués dans ce roman ne sont que le fruit de l’imagination de l’auteur. Les faits sont très largement romancés. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.

    ***

    Prologue

    Allez-y, demandez-moi ce qu’est un bruit sourd ? Je vais vous répondre.

    Un bruit sourd est pour moi le résultat du contact entre un trottoir goudronné au pied d’un immeuble de banlieue et un corps venant de s’y écraser.

    L’exemple peut vous paraître choquant mais, lorsque par hasard, également par malchance, vous vous trouvez à deux mètres d’un corps désarticulé duquel vient de s’échapper une projection rougeâtre venant de souiller vos chaussures vernies et de tacher le bas de votre pantalon, vous ne pouvez qu’associer à la question posée la réponse ainsi formulée.

    Chapitre 1

    Lorsque sans prendre aucune précaution, sa mère ouvre la porte de sa chambre puis en allume la lumière, Christelle se réveille en sursaut. D’un geste vif, elle remonte la grosse couette en plumes d’oie ornementée d’immenses fleurs roses qui en cette fin de nuit agitée ne lui recouvrait plus que la partie basse du corps. La tête de la jeune fille repose sur un coussin carré assorti au même motif. C’est fou comme cette parure ressemble à une tapisserie murale des années 70. Ce n’est pas vraiment l’idée que l’on peut se faire d’une chambre d’adolescente en ce début du 21ᵉ siècle. En remontant le couvre-lit jusque au-dessus de sa tête, plus un seul centimètre de peau, pas même un brin de cheveux n’est offert au regard amusé de l’arrivante. Avec ce geste, Christelle entend mettre fin à ce qu’elle considère comme une véritable déclaration de guerre, une ignoble agression matinale perpétrée sur sa modeste personne et ce sans motif légitime. S’être rendue d’un coup invisible ne l’empêche toutefois pas de parler. La preuve, cinq mots jaillissent de sa bouche.

    – Putain de bordel de merde ! Un juron, lancé à haute et intelligible voix, afin d’être sûre qu’il arrivera bien à bon port, c’est-à-dire jusqu’aux oreilles de la maudite personne qui vient d’oser interrompre sa fin de nuit.

    La femme qui vient d’ouvrir cette porte mesure 1 M 70. Elle est mince, certainement même un peu trop, c’est du moins l’avis de son mari. Ses cheveux blonds très fins, coupés au carré, et ses lunettes à fine monture couleur or lui donnent assurément l’air d’une intellectuelle. Ce matin, comme souvent d’ailleurs, elle est vêtue d’une chemise de nuit blanche, bouffante, en coton avec manches longues et col boutonné jusqu’en haut. Ce vêtement de nuit ressemble à ceux portés par les épouses modèles au début des années mil neuf cent. Sa fille lui a déjà fait remarquer qu’il est bizarre de s’habiller à la dernière mode pour la journée et de se vêtir en « tue l’amour » pour aller se coucher. Malheureusement, rien n’a changé, elle continu à la porter prétextant que la douceur du tissu et le confort du vêtement sont bien plus essentiels à ses yeux que ce à quoi elle ressemble ou peut bien ressembler au moment où elle se glisse dans ses draps de lit.

    Son aspect physique, dans son ensemble, ne trahit pas ses 45 printemps, mais il faut bien le reconnaître, cette chemise de nuit, d’un autre temps, ne lui est guère avantageuse.

    L’intruse, appelons-la ainsi pour l’instant, celle qui a osé réveiller son adolescente de fille de manière si agressive, fait tout de même remarquer à cette dernière que l’emploi matinal de gros mots n’est pas une façon bien courtoise de souhaiter le bonjour à sa mère.

    – Tu peux être un peu polie, s’il te plaît ? N’oublie pas que je ne suis pas ta copine, ni ton amie et que tu me dois le respect.

    L’adolescente n’en a que faire, non seulement elle ne s’excuse pas mais en plus, elle reste la, au chaud, bien cachée sous sa couette. Elle n’envisage absolument pas de répondre à Nathalie, sa mère. Il faut dire que ce matin, Christelle, malgré la nuit censée avoir apaisé sa colère, est encore un peu plus remontée que la veille et ce n’est certainement pas ce réveil brutal qui va pouvoir tant soit peu apaiser les tensions nées à ce moment-là. Cette mauvaise humeur trouve source dans une dispute qui a éclaté à la fin du dîner familial. Le motif n’ayant rien de dramatique en soi, il n’aurait pas mérité que l’on ne s’y attarde plus d’une soirée. En effet, au moment du dessert, pensant venu l’instant propice à une légitime requête, du moins jugée comme-t-elle par la jeune fille, cette dernière a tout simplement demandé aux deux adultes lui faisant face, une sensible augmentation de son argent de poche. Voila, rien que ça, rien de plus. Là ou elle a poussé le bouchon un peu loin, c’est qu’après avoir essuyé un refus, elle a insisté lourdement, allant même jusqu’à des propos menaçants du style : « Hé bien vous l’aurez voulu, faudra pas vous plaindre » ou « vous verrez, vous le regretterez ! ». Son beau-père et sa mère sont montés petit à petit en pression, haussant le ton, se fâchant au final et mettant fin ainsi au débat.

    En vérité, c’est plutôt Christelle qui mit fin à la conversation en se levant précipitamment de table et en quittant la pièce, alors même qu’elle n’avait pas terminé de manger. Par la suite, elle s’est enfermée dans sa chambre en prenant bien soin de claquer la porte en signe auditif de sa colère du moment.

    Pour en revenir à son argent de poche, à chaque début de mois une somme, toujours la même, lui est allouée pour ses faux frais quotidiens et puis basta, plus rien. Par la suite, inutile de monter au créneau pour obtenir une petite rallonge, car la réponse sera systématiquement négative et ce quel que soit le bien fondé de sa demande. Même le gros câlin sur les genoux de maman, façon petit bébé, pouce dans la bouche, n’y changera rien. Les deux adultes sont raccords sur cette façon de procéder, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre.

    Afin de pouvoir faire face à ses besoins quotidiens, sa mère et son époux lui remettent quatre-vingts euros par mois, pas un euro de moins, mais jamais un de plus. Christelle estime que cette somme ne suffit plus à couvrir l’ensemble de ses frais personnels. De nos jours dit-elle souvent, le paquet de Malboro est devenu hors de prix et dans les bars, le petit noir ou le demi de bière aussi. Devant le refus qu’une nouvelle fois elle s’est vue opposer, la discussion a donc très vite dégénéré. Le motif avancé par les décideurs n’est pas le manque de moyens financiers. En effet, la petite famille occupe un très bel appartement, dont elle est propriétaire, situé à l’intérieur d’une copropriété entièrement sécurisée avec même la présence physique d’un gardien. Les occupants de cet immeuble exercent presque tous une profession libérale, médecins, avocats, d’autres sont dans le monde des affaires. Bref, que des pauvres malheureux comme le dirait Christelle. Son beau-père lui aussi, ne déroge pas à la règle. Il est médecin, plus précisément gastro-entérologue. Il gagne ainsi très bien sa vie. Ça rapporte un max de soigner les intestins malades. Quant à sa maman Nathalie, elle a un bon job aussi, elle est secrétaire médicale.

    C’est d’ailleurs grâce à cette profession qu’il y a une quinzaine d’années, elle a fait la connaissance de Jacques, le beau-père médecin. Dans un premier temps, ce dernier n’était simplement que son patron puis, très vite, il est devenu son amant. Cette liaison n’a pas été officialisée de suite, mais la jeune fille l’a immédiatement su. Elle a ressenti que sa mère était amoureuse de son patron avant même que Nathalie ne se décide à le lui avouer. Il faut dire aussi que d’un coup, sa mère qui était du genre à arriver à l’heure et à ne surtout pas offrir une minute de travail supplémentaire à un quelconque employeur, ne comptait soudain plus son temps passé au cabinet. Elle partait bosser fringuée comme une princesse et maquillée comme une voiture volée. On aurait dit que chaque jour, elle se rendait à une cérémonie de mariage. Et puis ce régime alimentaire, commencé d’un coup, sans raison valable car vu son poids et son petit gabarit, elle n’en avait nul besoin. Et les chansons entonnées sous la douche. Ce fut visible comme le nez au milieu de la figure qu’elle était amoureuse et depuis son divorce, cela ne lui était jamais arrivé, du moins jamais jusqu’à atteindre ce niveau-là. L’adolescente analysait tout ceci comme des signes extérieurs de bonheur. Elle était à la fois heureuse de voir sa mère aussi enjouée, mais jalouse de devoir la partager avec un inconnu.

    Un an plus tard, presque jour pour jour, le couple franchissait en toute intimité le perron de la mairie d’arrondissement et se présentait devant monsieur le Maire. À vrai dire, ce samedi-là, c’est une adjointe qui officiait. D’ailleurs cette dernière avait certainement dû prévoir autre chose pour son début de week-end, peut-être avait-elle été désignée au pied levé afin de remplacer le premier magistrat de la ville, toujours est-il que tout au long de la cérémonie, elle fut autant aimable qu’une porte de prison. Ne lui en déplaise, le mariage fut tout de même officialisé. Jacques se vit ainsi socialement positionné en tant que second mari de Nathalie et de fait, nouveau beau-père d’une jeune adolescente répondant au joli prénom de Christelle.

    Il faut reconnaître que l’homme est charmant. La cinquantaine, athlétique, visiblement quelqu’un qui s’entretient physiquement. Ses cheveux blancs ondulés et ses lunettes à verres ronds et fine monture lui donne un faux air de Richard Geere. Il est passionné de golf et d’équitation et n’est pas dénué d’un certain humour même si ce dernier est du genre pince sans rire. Quelquefois, cela met Christelle mal à l’aise. Elle ne sait jamais s’il parle sérieusement ou s’il plaisante. Sa mère et lui forment assurément un très beau couple.

    S’agissant d’un remariage, Christelle a donc quelque part dans le monde un père biologique. Il s’agit d’un genre d’aventurier qui un beau jour, comme ça, sur un coup de tête à moins que cela ne soit sur une énième dispute, a tout plaqué, sa maison, son boulot, sa femme et accessoirement aussi sa fille, âgée à l’époque de 6 ans. Il est parti s’installer dans le Sud de la Thaïlande, à Phuket plus précisément. Aux dernières nouvelles et elles commencent d’ailleurs à quelque peu dater, il était loueur de jets ski sur une plage de Patong. Cette activité diurne étant complétée par une autre qui elle s’exerce la nuit. Il faisait office de barman dans un bar à gogo danseuses. Quelle vie trépidante pour ce lâche géniteur.

    Deux ans plus tôt, lors du dernier appel téléphonique reçu par sa mère, alors que ce jour la Christelle était en cours, Nathalie avait indiqué par la suite à sa fille, sur un ton mi-moqueur mi-agacé, que son père venait de lui avouer qu’il était tombé amoureux d’une jolie Thaïlandaise disait-il, bien plus jeune que lui et qu’ils envisageaient sérieusement eux aussi de convoler en justes noces. Il serait mensonger de dire que cette nouvelle fit réellement plaisir à sa mère, l’aimait-elle toujours en secret ? Peut-être qui sait ? C’est du moins le sentiment qu’avait eu la jeune fille à l’instant ou sa mère lui rapportait la teneur des propos de son père. Christelle non plus n’avait pas été enchantée par cette annonce. C’est bizarre, elle n’avait pas su dire réellement pourquoi.

    Il lui semblait pourtant tout à fait normal qu’à l’instar de sa mère, son père puisse lui aussi refonder une nouvelle famille. C’est peut-être parce qu’elle ne s’imaginait pas avoir par exemple un demi-frère thaïlandais, un enfant d’une autre culture, d’une autre croyance et pourquoi pas un Chinois ou un hindou aussi ? En plus, lui, l’heureux veinard, profiterait à temps plein de ce papa qu’elle-même n’avait pas eu l’occasion de serrer dans ses bras aussi souvent qu’elle l’aurait souhaité. Jalousie quand tu nous tiens !

    Pour revenir à l’objet de la dispute, à cette demande bassement matérielle faite hier soir lors du repas, entre fromage et dessert, aucun soutien donc à aller chercher du côté de son père biologique. Ce dernier ne lui a jamais envoyé un seul centime, pas de cadeaux d’anniversaire, rien non plus pour noël et alors, les étrennes du jour de l’an, n’en parlons surtout pas. Christelle est bien obligée de reconnaître que sa mère et son beau-père lui assurent un minimum de revenus. Ils sont les seuls. Bien sur, ils l’habillent et l’a nourrissent aussi. Elle n’a même pas de grands-parents à taper pour arrondir ses fins de mois difficiles. Les parents de Jacques, son parâtre comme elle aime à l’appeler pour le faire enrager, sont morts dans un tragique accident de voiture alors que leur fils n’était âgé que de dix ans. Ensuite, il a été élevé par une vielle tante qui habitait et travaillait dans une ferme en Normandie. D’abords programmé pour prendre sa suite sur l’exploitation agricole, dès que celle qui avait pris à sa charge d’élever son neveu constata que celui-ci était visiblement plus doué pour manier la feuille et le stylo que pour traire les vaches ou conduire un tracteur, elle comprit qu’il était vain de l’inciter à poursuivre cet apprentissage à la ferme. À partir de ce moment-là, en renonçant à ce renfort néanmoins nécessaire et tant attendu, elle du, pour compenser cette absence, redoubler d’efforts. Elle a ainsi sacrifié une bonne partie de ses maigres économies sur l’hôtel des études à financer. Cette tante est malheureusement décédée d’un cancer foudroyant juste quelques mois avant que son brillant neveu n’obtienne son doctorat. Dommage, la vie est parfois cruelle, elle aurait certainement été plus que fière de pouvoir assister à sa réussite.

    En ce qui concerne les grands-parents paternels, ils ont imité leur fils adoré. Non pas qu’ils soient partis vivre en Thaïlande. Ils habitent toujours dans un joli petit pavillon de la proche banlieue Lyonnaise. Par contre, le couple de retraités a coupé définitivement les ponts avec son ex-belle fille et cela le jour même ou cette dernière leur a annoncé quelle se mettait en ménage avec Jacques, celui qui allait devenir son second mari.

    Quant aux grands-parents maternels, la grand-mère est décédée en 2006 des suites d’une longue maladie et le grand-père vie seul dans le Sud de la France. Ce dernier ne manque jamais d’envoyer un chèque à chaque Noël, mais, âgé de 85 ans et n’ayant plus toute sa tête, il n’a plus vraiment la notion du coût de la vie ni de la réelle valeur de l’argent. Les dix euros ainsi perçus chaque noël n’augmentent que de façon anecdotique le pouvoir d’achat de la jeune fille. Et sa mère pourtant de lui rappeler juste après la réception de l’argent :

    – N’oublie pas de téléphoner à papy pour lui dire merci, ça lui fera plaisir. L’adolescente ne trouve pas ça très amusant, elle qui a tant besoin d’agent. Christelle ne se montre donc pas très réactive à la sollicitation de sa mère malgré les explications de celle-ci sur l’état physique de son grand-père. La fois dernière, sur un ton énervé, sa réponse a fusé :

    – Oui, t’inquiètes, je lui dirai merci. Je vais le remercier de me prendre pour une Roumaine ou une Moldave en train de faire la manche au coin de la rue avec son bébé sur les genoux et son chien assis à ses côtés ou le contraire pourquoi pas, je sais plus.

    – Que t’es bête ma fille, lui a rétorqué sa mère tout de même amusée par le sens de la répartie de sa fille.

    Quant à sa bonne humeur matinale en ce jour du moins de novembre, façon de parler, en tant que fille unique, à chaque fois qu’un conflit éclate, elle se sent bien seule pour s’opposer au monde des adultes. Ce matin-là, Christelle peste encore dans son for intérieur « C’est rageant quand même, ces vieux cons sont pleins de blé et ils vont me plaindre un petit billet de cinquante euros. Ils voudraient sûrement que je ne puisse plus me payer mes cigarettes, c’est ça ! Eh bien on va voir, si à la fin du mois je n’ai plus de pognon pour me les acheter mes clopes, j’irai les taxer voilà tout. Et si je me fais gauler et bien, je suis encore mineure pour quatre mois, ils seront bien obligés de venir me chercher au commissariat, ça leur apprendra à me plaindre 50 euros à ces deux cons ».

    Tiens, en voila une journée qui s’annonce bien ! Pourtant c’est enfin vendredi, la fin de semaine n’a jamais été aussi proche.

    L’adolescente bénéficie d’un physique jugé très agréable par beaucoup, mais qui, à elle, ne lui convient pas du tout. Elle se trouve un peu trop grosse, trop enrobée. Pourtant le chiffre qui s’affiche chaque matin sur le pèse-personne n’a rien d’alarmant, 57 kilos pour 1 mètre 65 c’est tout à fait correct pour une jeune fille de son âge. Plus que les chiffres, c’est l’aspect général de son corps qui ne lui plaît pas. C’est pour ça qu’elle a décidé d’augmenter sensiblement sa consommation de cigarettes, tant pis pour ses poumons. En plus, pour faire bonne mesure, elle se nourrit de moins en moins, donc de plus en plus mal.

    Elle juge ses cuisses trop grosses, son bassin trop large, son ventre un peu trop gras. Tout ceci la contrarie à un point que cela en deviendrait presque obsessionnel. Et c’est sans parler du pire, ses joues, ses deux belles bajoues biens dodues qui donnent à ce visage harmonieux un air de bonhomie. Là encore, un autre motif de dispute avec sa mère lorsque cette dernière lui pince gentiment une joue en lançant à la cantonade :

    – Hein qu’elle respire la santé ma jolie Christelle ! Et si en plus quelqu’un d’étranger assiste à la scène, ceci démultiplie sa colère, presque à gifler sa mère si elle ne se retenait pas. Elle marmonne alors une insulte entre ses dents, son vocabulaire personnel étant suffisamment étoffé en la matière pour à chaque fois en trouver une nouvelle à marmonner.

    Elle préfère ensuite prendre la fuite avant d’avoir à lancer quelques paroles blessantes que par la suite elle regrettera d’avoir prononcées. En ce matin de novembre, pour couronner le tout, Nathalie vient de lui dire en plaisantant :

    – Tu sais ma chérie pour ton argent de poche, aujourd’hui c’est vendredi 13, tu devrais essayer de jouer au loto, il y a une super cagnotte, c’est peut-être ton jour de chance qui sait ? Malheureusement non, la suite va prouver que pour la jeune fille, ce vendredi 13 n’était vraiment pas son jour de chance, bien au contraire.

    Ce trait d’humour ne fait pas vraiment rire la jeune fille. Nathalie sort alors de la chambre, mais se garde bien d’en refermer la porte ni d’en éteindre la lumière ce qui pour le coup déclenche l’envoi d’un nouveau juron : Quelle conne !

    L’adolescente est toujours dans son lit. Elle commence à avoir chaud la dessous, d’un geste brusque elle repousse la couette libérant ainsi son visage. Durant une ou deux secondes sa vue est brouillée. C’est certainement du à ses yeux encore collés par les larmes de rage versées la veille en s’endormant. Puis, tout se remet en place. Elle aperçoit son armoire, avec la glace au milieu et les deux portes grandes ouvertes. Ce meuble est rempli de fringues à tel point que la barre métallique de la penderie est cintrée comme un arc. Nul doute que tout ça ne va pas tarder à se casser la gueule. Elle se dit qu’un jour ou l’autre, il va falloir quelle prenne le temps de faire du tri, elle a encore des fringues de l’époque ou elle avait 14 ans, c’est nul. Elle pourra peut-être les refiler à la petite sœur de Malika, au moins cela donnera un peu d’air à son armoire.

    Son bureau situé juste en face de la fenêtre donnant sur rue est lui aussi bien garni. Un ordinateur portable extra plat dernier cri trône sur une pile de livres scolaires comme pour les maintenir plaqués sur le plateau du meuble, les empêcher de prendre leur envol. Et des bouquins, il y en a pas mal en classe de terminale.

    Ils sont loin d’être tous intéressants, mais aucun tri n’est possible, pas le choix, c’est le programme, il faut les ingurgiter, un à un, quitte à les vomir en fin d’année à condition bien sur d’avoir son bac en poche.

    La tapisserie de sa chambre est dans les teints rose bonbon avec motifs enfantins du style bande dessinée avec animaux de la forêt se cachant en partie derrière des arbres. Christelle se dit qu’à l’instar de sa parure de lit, tout ceci fait vraiment bébé. Et le lustre, c’est le pompon, avec son abat-jour rose aux motifs blancs. Un père noël assis sur un traîneau tiré par 4 rennes, c’est pas nul à chier ça ? Même l’odeur des lieux rappelle l’enfance. Ça sent le bonbon, on se croirait à Uzes, au musée du bonbon Haribo. Bien sur, il y a une boite de sucreries ouverte posée sur la table de nuit, juste à côté de la lampe de chevet. Il y en a également une posée sur le bureau. C’est pas bon pour la ligne tout ça, mais c’est quand même bon à manger. Une chambre d’ado devrait sentir le tabac froid non ? Comment a-t-elle pu attendre jusqu’à ce jour pour enfin prendre conscience que cette pièce est horriblement moche. Il va lui falloir encore une fois faire le forcing afin d’obtenir que la pièce soit retapissée. Mieux, qu’elle soit totalement réaménagée. Il faudra également la remeubler. Elle souhaite en faire une vrai chambre d’adolescente et non plus comme c’est le cas en ce moment, celle d’une petite gamine de 8 ou 10 ans. C’est décidé, elle proposera que ce soit son cadeau de Noël, elle ne demandera rien d’autre cette année.

    Évidemment qu’elle aurait préféré de l’argent afin de pouvoir s’acheter ce qu’elle veut, mais la, il y a urgence à changer cet environnement de bébé. Ce n’est plus possible de recevoir les copines dans une pareille chambrée. Comme elles sont sympa, elles ne lui en ont jamais fait la remarque, mais dans son dos, elle est quasiment sûre qu’elles se moquent d’elle, c’est pas possible autrement. Et pire encore, imaginer qu’un jeune et beau garçon de sa classe vienne pour une raison ou pour une autre, peut-être un amoureux pourquoi pas ? lui rendre une petite visite chez elle. Ce serait dramatique.

    Cette image de jeune fille bébé risquerait d’être propagée dans tout le lycée. Alors, il ne lui serait plus possible d’oser affronter le regard et les rires moqueurs de ses autres camarades lycéens et lycéennes.

    Afin d’effacer tant que faire se peut toutes ces vilaines choses de son esprit, Christelle décide de rester couchée encore quelques petites minutes, juste pour qu’il y ait la coupure avec les mauvaises ondes qui gravitent actuellement tout autour de sa personne. Elle doit repartir du bon pied. Ce n’est que vingt minutes plus tard et après un appel lointain de sa mère qui cette fois-ci n’a pas osé s’approcher de trop près, qu’elle pose enfin le pied gauche sur la descente de lit, vous l’avez deviné, elle aussi est teintée d’un joli rose bonbon.

    Depuis la veille, la jeune fille a le nez qui coule et c’est embêtant. Comme à chaque réveil matinal, elle fait un point rapide sur le programme de la journée. Ce matin, avant le cours de math, elle a rendez-vous avec trois bonnes copines. Les quatre jeunes filles fréquentent le même lycée et encore mieux, elles sont dans la même classe de terminale. En général, deux matins par semaine, le lundi et le vendredi, jours ou les cours ne commencent qu’à 10 heures, elles se retrouvent toutes les quatre dans un bar situé non loin de l’établissement et ce afin d’y prendre un café, fumer une cigarette pour certaines d’entre elles et pour toutes se confier leurs petits tracas quotidiens. Accessoirement aussi, elles évoquent ce qu’elles ont regardé la veille à la télé.

    Christelle va pouvoir leur raconter avec force de détails la dispute d’hier soir. Bien entendu, elle omettra de leur avouer que comme une gamine de 5 ans qui accompagne sa mère aux courses et à laquelle ont refuse un jouet, elle s’est endormie en boudant et surtout en pleurant à chaudes larmes. Elles ont beau être toutes très proches, il ne faut tout de même pas abuser. Il y a des choses qui ne se racontent pas, même entre très bonnes copines. Chacun n’a-t-il pas droit à son jardin secret ?

    Ensuite, bahut toute la journée avec bien sur pause repas puis fin des cours et ce soir, petite soirée entre filles. Au programme, concert au Bataclan. Il s’y produit un groupe de hard rock composé de cinq musiciens américains, plus précisément Californiens. Christelle en est fan depuis plusieurs années. C’est elle, qui à force d’insistance, a réussi à convaincre ses trois copines de l’accompagner à cette soirée. Elle s’est d’ailleurs auto désignée pour acheter les billets en vente sur internet, étant sûre ainsi que tout le monde s’y rendrait. Rien qu’à y penser, la jeune adolescente est toute excitée. Voilà enfin de quoi retrouver le moral.

    Allez, il est temps pour elle de filer à la cuisine afin d’y prendre son petit-déjeuner. Lorsqu’elle pénètre dans la pièce, l’odeur du café frais embaume encore les lieux. Ni sa mère, ni son beau père ne sont présents. Ceci n’est pas pour lui déplaire, bien au contraire. Elle va pouvoir ainsi manger en tête à tête avec elle-même. Au moins, il n’y aura pas de prise de bec. Personne ne remettra sur le tapis la dispute de la veille. Après s’être remplie un bol de café noir et l’avoir passé quelques secondes dans le micro-onde, elle se dirige vers le placard et en sort un sachet entamé contenant un reste de brioche tranchée. C’est ce qu’elle préfère manger le matin. La jeune fille en avale deux tranches puis, faisant le geste pour aller en piocher une troisième, elle se ravise et la laisse dans son emballage. Et son régime alors ! Il faut être sérieuse. Elle termine son bol de café et passe à la salle de bains afin de se préparer pour la suite de la journée.

    En se savonnant le visage, elle se dit que pour l’argent de poche, elle tentera une nouvelle approche d’ici quelques jours. Quant aux travaux de réfection de sa chambre, elle va laisser passer l’orage et proposera le projet d’ici quelques semaines. Cette attente est un peu contre nature, la jeune adolescente est en général toujours pressée mais quelquefois, elle sait faire preuve de patience et de diplomatie. L’important est d’arriver à ses fins.

    Il est 8 h 15 lorsque Christelle franchi la porte de son appartement et se retrouve les pieds posés sur la moquette du palier. Direction le café du Levant. Les copines doivent certainement déjà s’y trouver.

    Chapitre 2

    La présentatrice météo de cette chaîne d’info en continue vient d’annoncer pour la journée à venir un temps plutôt gris sur Paris. Pourtant, les températures sont encore très douces en cette mi-Novembre. C’est d’ailleurs le cas depuis quelques jours sur l’île-de-France en général et sur la capitale en particulier. Cette année, l’automne est relativement clément et les premiers signes annonciateurs de l’hiver ne sont pas encore apparus. La végétation tarde à se parer des couleurs de l’hiver. Sur les arbres, les feuilles commencent tout juste afficher une tenue bariolée. Le vert a bien commencé à disparaître, laissant place peu à peu aux teintes rouilles, mais le jaune, signe avant-coureur d’une mort annoncée, n’est lui que très marginalisé pour l’instant. La feuille, comme le ferait n’importe quel être humain au crépuscule de sa vie, peine à lâcher prise. Elle s’accroche avec force à sa branche nourricière, se refusant à venir tapisser le sol d’un parc ou d’un jardin public Parisien, ne voulant surtout pas finir en paillasson pour semelles de chaussures des promeneurs du dimanche.

    Réchauffement climatique ou pas, ce retard amorcé ne peut tomber mieux en cette année de sommet mondial sur l’environnement. En effet, la COP 21 doit se tenir dans une quinzaine de jours, ici même, à Paris. Bon nombre de chefs d’État ou de gouvernement vont se réunir au Bourget afin de proposer un projet commun susceptible de soigner les plaies d’un monde blessé comme l’ont dit certains, moribonds comme le diront certains autres. Le diagnostic sera non sans mal établi et l’ordonnance sera rédigée. Là ou ça va se compliquer, c’est lorsqu’il va falloir désigner qui va mettre la main au portefeuille pour financer les médicaments. Tant de différences entre les pays industrialisés et les émergents, entre les pollueurs et les tousseurs, entre ceux refusant de payer tout en continuant à polluer et ceux qui ont obligation à polluer pour continuer à eux respirer. Ces derniers ne seront pas non plus en mesure de financer le projet. Et c’est sans parler des climatosceptiques.

    Bref, tout ceci va mener au cérémonial des paraphes, ouvrant la porte à un avenir supposé plein d’espoir. Il ne faut pas rêver, cet accord, accouché aux forceps, sera sans doute maintes fois remis en cause, la raison d’État prenant toujours le pas sur la bonne volonté des états.

    La, pour l’heure, nous sommes le vendredi 13, fin de semaine, et aujourd’hui, bien loin de ses préoccupations climatiques, la bien nommée Française Des Jeux, communément rebaptisée « FDJ » s’apprête une nouvelle fois à encaisser le jackpot. C’est du moins ce qu’est en train de penser Malika, cette jolie jeune fille d’origine algérienne âgée de 17 printemps lorsqu’à 7 heures du matin, elle franchit un peu au radar, la porte de la salle de bains familiale. Le spectacle qui s’offre alors à ses yeux ne l’incite plus guère à penser au temps qu’il va faire dans les vingt prochaines années ni non plus au chanceux va peut-être gagner la super cagnotte de 25 millions d’euros mise en jeu le soir même. D’ailleurs, la jeune fille n’a elle-même jamais misé ne serait ce qu’un seul euro dans l’achat d’un ticket de loto ou autre jeu de hasard. Elle préfère laisser ce rêve aux autres, à ceux qui croient en la chance, à ceux qui continuent à garder inlassablement espoir même lorsque perdre est devenu pour eux une habitude.

    Mais c’est Beyrouth ici, quel bordel ! se pense-t-elle en entrant dans la pièce. Pire encore, c’est la Nouvelle – Orléans après le passage de l’ouragan

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1