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Sans eux (56)
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Livre électronique301 pages3 heures

Sans eux (56)

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À propos de ce livre électronique

« Dans la nuit du 14 au 15 avril sont tragiquement décédés Myriam Labonté et Antoine Dubois... »

Mes parents sont morts. Leur départ inattendu me frappe de plein fouet et je n’arrive pas à m'y faire. Pourtant, je n'aurai pas le choix. Je dois me montrer fort, ne serait-ce que pour mes petites sœurs.

« Ils laissent dans le deuil... »

Le deuil. C’est quoi, au juste? C'est moi qui pleure constamment? C'est Océane qui devient agressive? C'est Coralie qui ne prononce plus un mot? C'est tous ces gens qui débarquent dans notre vie en croyant avoir le droit de nous dire quoi faire?

Mes parents sont morts, d’accord, mais moi, je suis toujours là. Et il est hors de question que je permette à quiconque de nous envoyer dans des familles d'accueil différentes.

Je ferai l’impossible pour que nous nous en sortions… sans eux.

À la suite d’un événement perturbant, comme une rupture ou la mort d’un être cher, on vit un deuil. Bien que largement étudiées, les réactions à cet état demeurent imprévisibles et variées, surtout chez les enfants et les adolescents. Si le temps reste le meilleur remède, parfois il ne suffit pas, et une aide professionnelle est nécessaire.
LangueFrançais
Date de sortie7 avr. 2021
ISBN9782897922047
Sans eux (56)
Auteur

Emilie Turgeon

Emilie Turgeon a toujours aimé écrire. C’est en suivant un cours de création littéraire à l’université que l’idée de publier un jour s’est manifestée. Écrire pour la jeunesse lui semblait la chose à faire puisque ses fréquentes visites dans les librairies s’éternisent surtout dans le rayon pour adolescents. D’ailleurs, selon elle, les livres dont on se souvient le plus sont ceux qu’on lit quand on est jeune. Aujourd’hui, elle est enseignante de français au secondaire et trouve chaque jour dans ses classes de nouvelles sources d’inspiration.

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    Aperçu du livre

    Sans eux (56) - Emilie Turgeon

    Remerciements

    Première partie

    Le choc

    Chapitre 1

    Le 10 avril, c’est jour de fête !

    Dans ma famille, lorsque c’est l’anniversaire de quelqu’un, on met tout sur pause. Plus rien n’a d’importance sauf la personne fêtée. Pas question de faire des heures supplémentaires. On laisse de côté les devoirs et on permet à la star du jour de choisir le restaurant où sera célébré l’événement.

    Pour mes sœurs, des jumelles, il y a une alternance. Océane a le droit de décider où nous mangerons les années qui se terminent par un nombre pair et Coralie, un nombre impair. C’est à Océane de se prononcer, ce soir. Elles finissent toujours par se consulter et trouver un consensus, mais le dernier mot revient à celle dont c’est le tour.

    C’est mon père qui a instauré ça, il y a trois ou quatre ans, pour mettre fin à une petite querelle entre les filles, qui n’arrivaient pas à s’entendre sur le St-Hubert ou le Normandin. Un pile ou face a permis de déterminer qui serait la première à choisir. Ça fonctionne très bien, et il n’y a plus de chicane depuis ce jour-là.

    Ce soir, donc, Océane veut que nous allions manger dans un restaurant asiatique nommé Lotus de Jade. Nous avons été surpris par son choix inusité, mais tout nous est apparu plus clair quand elle a expliqué que c’était le resto des parents d’une de ses camarades de classe. Elle doit en entendre parler tous les jours !

    Mes parents ne s’en plaignent pas, ils peuvent apporter leur vin ! Ils n’ont pas l’habitude de boire de l’alcool la semaine, surtout pas un mardi, mais, les jours de fête, il y a exception. Peut-être pour moi aussi, on verra !

    Nous arrivons au Lotus de Jade à dix-sept heures trente très précisément. Une hôtesse pas du tout asiatique nous accueille.

    — Bonjour ! On a une réservation pour cinq au nom de Dubois, annonce ma mère.

    — Oui, bien sûr, suivez-moi.

    La décoration de l’endroit est un vrai cliché, avec des statues de dragon, des lanternes et des affiches des signes de l’astrologie chinoise. Ça sent bon, c’est au moins ça.

    Mes parents s’installent d’un côté de la table, tandis que je prends place entre mes sœurs de l’autre côté. On pourrait croire que, parce qu’elles sont jumelles, elles aiment être collées l’une à l’autre, mais non. Quand je suis là, je dois être au milieu. C’est ce qu’elles veulent. Et toujours du même côté, en plus ! Océane à ma gauche et Coralie à ma droite. C’est comme ça, ça ne s’explique pas.

    Une serveuse vient rapidement se présenter, remplir nos verres d’eau et déposer les menus devant nous.

    — Notre menu pour enfant se trouve à la dernière page. Voulez-vous que j’ouvre votre bouteille de vin tout de suite ?

    — Oui, merci, répond mon père.

    Personnellement, tant qu’à venir dans un vrai resto, par opposition à un fast-food, j’ai envie de vivre toute l’expérience ! J’ouvre donc le menu et cherche les propositions de la table d’hôte.

    — Je ne veux pas manger un repas pour enfant, se plaint Coralie.

    — Moi non plus, ajoute sa jumelle.

    — Vous mangerez ce que vous choisirez, les filles, les calme mon père. C’est votre anniversaire !

    Elles se plongent toutes les deux dans le menu, mais je sais très bien qu’elles ne le lisent pas vraiment. Ma mère m’adresse d’ailleurs un clin d’œil. Mes sœurs sont à l’âge où elles aiment faire comme moi. Donc, peu importe ce que je commanderai, elles m’imiteront. Même si je demandais un plat de pieuvre ! Ce qui n’est pas au menu, donc pas d’inquiétude. Je parierais ma prochaine paye sur ce coup-là !

    Quand elle revient, la serveuse prend d’abord la commande de mes parents, qui optent pour des mets aux noms bizarres, puis la mienne, le pad thaï au poulet et aux crevettes. Lorsqu’elle se tourne vers Océane, ma sœur dit qu’elle va manger comme moi.

    — Moi aussi ! ajoute tout de suite Coralie.

    Voilà. Pari gagné. Cette fois, c’est moi qui fais un clin d’œil à ma mère. Je sais que les filles vont aimer leur repas, je connais leurs goûts, quand même !

    — Juste le pad thaï pour les petites ? demande la serveuse.

    — Non ! On veut la table d’autre nous aussi ! insiste Coralie.

    — C’est « table d’hôte », la corrigé-je.

    — Ça veut dire quoi ?

    Hum, bonne question. Je sors mon cellulaire pour lancer la recherche sur Google. L’une de mes profs de français a dit un jour qu’il y aurait toujours un moment où nous serions ignorants, dans notre vie, mais qu’il n’y avait rien de pire que de souhaiter le rester. Ça m’a marqué. Maintenant, quand je ne connais pas la réponse à une question, je la cherche.

    — Euh…, hésite la serveuse. Ça fait quand même un gros repas pour des enfants. La soupe, les rouleaux, le plat, le dessert, énumère-t-elle.

    — Nous en sommes conscients, répond ma mère.

    Je lève la tête et range mon cellulaire. Elle a parlé avec sa voix passive-agressive. J’adore ces moments-là ; enfin, juste quand les mots ne me sont pas destinés.

    — Mais, voyez-vous, c’est l’anniversaire de mes filles aujourd’hui. Huit ans, déjà. Si elles veulent un plat de la table d’hôte, elles auront un plat de la table d’hôte. De plus, j’imagine que, si elles ne les terminent pas, nous pourrons rapporter les restes dans une petite boîte ? Je n’en serais pas déçue, pour être honnête, puisque ça m’éviterait de devoir préparer des lunchs pour demain.

    Ma mère déteste que quelqu’un d’autre lui dise ce qu’il y a de mieux pour ses enfants. Lorsque ça se produit, elle prend un ton condescendant, parle lentement comme si elle s’adressait à un abruti et utilise trop de marqueurs de relation. Et elle finit ça par un sourire hypocrite. C’est sa façon à elle de répondre à son interlocuteur « mêle-toi de tes affaires, connard ! ».

    Je me retiens de rire quand je vois la serveuse cligner des yeux un peu trop rapidement. Elle doit se demander ce qui vient de se passer. Mais elle est bonne, elle se reprend vite.

    — Ah oui ? Un anniversaire ? Des jumelles, en plus ! Êtes-vous identiques ? s’informe-t-elle en examinant ouvertement les filles.

    — Pareilles, pas pareilles, répond mon père, comme chaque fois qu’une personne pose la question. Le yin et le yang, pour rester dans la thématique de votre resto !

    — Eh bien ! Bonne fête, mesdemoiselles !

    — Merci, lancent Océane et Coralie en chœur.

    — Non mais, je crois que je sais mieux qu’elle ce que mes enfants peuvent manger, non ? chuchote ma mère dès que la serveuse s’éloigne.

    Mon père pose sa grosse main sur celle de ma mère, lui dit qu’elle a raison, dépose un bisou rapide sur sa joue et entreprend de lui verser du vin. Je pousse sans discrétion ma coupe vers lui. Il me regarde, hausse un sourcil, puis me sert.

    — OK, c’est assez, l’arrête ma mère lorsque ma coupe est à moitié pleine.

    Elle me jette une œillade qui, autrefois, venait avec les mots « mon chenapan ». Je crois que j’ai passé l’âge d’être qualifié de la sorte, mais le doux regard d’avertissement est toujours là, lui. Je lui souris avant de prendre une première gorgée de vin. Si elle savait ce que j’ai déjà ingurgité dans certains partys… Je serai bientôt adulte, elle va devoir s’y faire !

    — Nous aussi, on peut en avoir ? demande Océane.

    — C’est hors de question ! tranche ma mère. On va plutôt vous commander de l’orangeade ou du Pepsi.

    Nos soupers en famille ne sont jamais ennuyants. Premièrement, Coralie nous raconte toujours un million d’anecdotes qu’Océane s’empresse de corriger, ou alors elles nous parlent de leurs grands projets. Le dernier en date est celui de devenir vétérinaires, d’avoir leur propre clinique où elles ne soigneront que des chats. Parce que, d’après elles, les chiens, ça jappe fort, ça bave, ça te lèche le visage et ce n’est pas agréable.

    Mes parents et moi, nous rigolons en voyant mes sœurs essayer de manger leur soupe avec les cuillères asiatiques. C’est une première pour elles et, de toute évidence, ce n’est pas un franc succès.

    — Est-ce qu’on peut avoir des vrais ustensiles ? supplie finalement Océane.

    — Juste si tu vas les demander toi-même à la serveuse, dis-je pour la mettre au défi.

    Océane est la plus dégourdie des jumelles, mais, dès qu’il faut s’adresser à un inconnu, elle devient hyper timide. Elle confie la tâche à Coralie, qui a de la facilité à parler aux étrangers.

    — Tu as choisi un restaurant asiatique, il faut donc manger comme en Asie ! affirme mon père. Et j’ajoute que celle qui sera la plus habile avec ses baguettes remportera un prix !

    — Quoi ?

    — Ah ! Surprise !

    Ce genre de défi suivi d’une récompense excite toujours mes sœurs. Évidemment, je ne peux jamais participer, parce que je suis « trop grand ». Ce ne serait pas juste.

    À la fin du repas, mon père déclare le match nul. En fait, ni l’une ni l’autre ne s’est démarquée. Elles ont fini par soulever un motton de nouilles avant de croquer dedans et de laisser retomber l’excédent. Et elles ont pris les crevettes avec leurs doigts. Un peu plus et elles mangeaient directement dans l’assiette, comme les animaux !

    Comme ma mère l’a prédit, il reste suffisamment de pad thaï pour faire les lunchs de demain. La serveuse nous assure qu’elle gardera les restes avant de nous demander ce que nous voulons pour dessert.

    — Ce sera un beignet à l’ananas pour moi, dis-je. Et je veux bien manger ceux de mes sœurs aussi, je crois qu’elles n’ont plus faim.

    — Non ! riposte Coralie. Moi, j’ai gardé une petite place dans mon estomac juste pour ça.

    — Moi aussi ! ajoute Océane.

    — Ah oui ? Une petite place grosse comment ? demande ma mère, taquine.

    — Comme ça ? tente Coralie en mimant un cercle gros comme un deux dollars avec ses doigts.

    Elle regarde mon père. C’est lui le meilleur complice. Il lui fait signe de l’augmenter.

    — Euh, plutôt comme ça, précise-t-elle en triplant, au moins, la grandeur de son cercle.

    Mon père lève un pouce, discrètement.

    — Ah, bon, ça me semble être assez de place pour un beignet, ça, confirme ma mère. Ce sera donc cinq beignets à l’ananas !

    Nous chantons bonne fête aux jumelles lorsque les desserts arrivent. Puis mon père règle l’addition, ma mère récupère les restes et nous partons. Ma mère conduit, puisque c’est mon père qui a consommé le plus d’alcool. Les filles ont le goût de mettre de la musique fort, et nous chantons, faux, jusqu’à la maison.

    Ensuite, c’est l’heure du bain. J’en profite pour aller chercher les cadeaux que je cache dans mon garde-robe depuis samedi. Mes parents ont promis aux filles de leur acheter de nouveaux vélos lorsque la météo sera plus propice aux randonnées, alors j’offre les seuls paquets emballés.

    J’attends mes sœurs dans leur chambre et souris dès que je les vois bondir sur place en découvrant les cadeaux posés sur leurs lits respectifs.

    — Il y a deux cadeaux, mais ils sont à partager, les avertis-je.

    Océane ouvre la boîte qui contient un kit de billes et de fils à broder pour faire des colliers et des bracelets. Coralie, elle, déballe deux t-shirts : l’un avec une licorne, l’autre avec un chaton qui porte un nœud papillon.

    — Wow !

    — Trop cool !

    Mes parents, qui se tiennent dans l’embrasure de la porte, approuvent d’un signe de tête.

    — Bon, maintenant, au dodo, lance ma mère. On ne voudrait pas que madame Julie vous trouve insupportables demain. Déjà que vos devoirs ne seront pas faits…

    — Est-ce qu’on va avoir des problèmes ? demande Océane, qui déteste qu’on la sermonne.

    — Non. Je vais écrire un petit mot dans votre agenda. Ne t’inquiète pas.

    Mes sœurs se glissent sous leurs couvertures, et mes parents vont tour à tour les embrasser. J’y vais aussi et j’ai droit à de gros câlins.

    — Bonne nuit, les licornes !

    — Bonne nuit, plus meilleur grand frère du monde, me répond Océane.

    — De l’Univers, la corrige Coralie.

    Je referme leur porte derrière moi.

    — Quoi ?

    Mes parents me regardent d’un drôle d’air. Qu’est-ce que j’ai dit ? Ou fait ?

    — Si j’avais eu un frère, commence mon père, j’aurais voulu qu’il soit comme toi. Tu es hot, mon Max.

    — Tes sœurs ont de la chance de t’avoir, ajoute ma mère en me caressant la nuque.

    — Euh… c’était juste des t-shirts et des babioles pour bricoler. Il n’y a rien là.

    Mes parents se sourient de façon un peu trop énigmatique à mon goût avant de remonter au rez-de-chaussée. Je vois mon père rigoler en tapotant les fesses de ma mère, qui grimpe les marches devant lui.

    Je suis conscient que c’est génial d’avoir des parents encore ensemble, qui s’aiment, visiblement. Mais, pitié, j’espère qu’ils n’auront pas envie de faire l’amour ce soir ! Ma chambre est juste sous la leur !

    Chapitre 2

    Impossible d’oublier le 14 avril

    C’est samedi soir, il pleut, et je suis de corvée de gardiennage. Apparemment, vingt ans de vie de couple, ça se fête, donc mes parents sortent en amoureux dans un restaurant à la mode. Je ne m’y suis pas opposé, parce qu’ils n’ont pas l’habitude d’abuser de mes services gratuits et que ça n’empêche pas mes amis de venir passer du temps avec moi. Mes sœurs sont mignonnes et gentilles. Tout le monde les aime. Et elles se couchent tôt, donc la soirée n’est jamais gâchée.

    — Bon, Maxime, j’ai mis la lasagne au four, m’avertit ma mère. Ça devrait être prêt dans quarante-cinq ou cinquante minutes. Tiens, je vais te régler la minuterie pour que tu ne l’oublies pas.

    Elle a revêtu sa robe noire à pois, très vintage selon elle, et a coiffé ses beaux cheveux blonds avec application. Elle sent le parfum, juste assez, mais porte trop de maquillage à mon goût. Je l’aime plus naturelle, avec seulement son mascara et son gloss rosé des jours de semaine. Quand ma mère participe à un événement spécial, comme ce soir, elle se maquille les yeux comme dans les revues et porte du rouge à lèvres trop rouge. Elle est jolie, mais c’est moins elle.

    Mon père nous rejoint dans la cuisine, très chic dans son veston marine des grandes occasions. Lui, jour de semaine ou pas, il est toujours identique. C’est sûr qu’un crâne rasé, ça ne se coiffe pas bien ! Ma mère répète souvent que tout ce qu’elle attend de lui, c’est qu’il soit propre. Elle dit ça en tapotant le petit ventre rebondi de mon père avant de lui donner un bisou. Les filles font « eurk ! », mais moi, je les trouve cute.

    — Bon, on est prêts ? demande mon père.

    Mes parents ont tous les deux cette habitude de commencer leurs phrases par « bon ». Une fois qu’on l’a remarqué, c’est hyper agaçant. Surtout parce qu’ils ne sont pas les seuls. J’ai au moins trois profs cette année qui parlent comme ça !

    — Oui, oui, acquiesce ma mère, excitée.

    Je les suis dans l’entrée. Ma mère tient à apporter un parapluie au cas où ils seraient stationnés loin de l’entrée du resto (elle ne veut pas que la pluie gâche ses cheveux).

    — Bye, les filles ! crie ma mère en direction du sous-sol.

    — Bye ! répondent mes sœurs en chœur.

    Comme ils sortent, mon amie Gabrielle entre, les saluant et leur souhaitant une agréable soirée au passage. Simon ne devrait pas tarder non plus.

    — Comment ç’a été aujourd’hui, Max ? Je te le dis tout de suite, j’ai une anecdote digne des ligues majeures à te raconter !

    La fin de semaine, je travaille dans une animalerie où je passe l’essentiel de mes journées à nettoyer des cages, à remplir des bols de bouffe et d’eau et à garnir des tablettes avec toutes sortes de produits permettant de prendre soin des animaux de compagnie. Généralement, apprendre ça crée un bel effet chez les filles. Un genre de « ooooohhh ! » attendri. L’image du gars qui cajole des bébés animaux a de quoi plaire, semble-t-il. Elles changeraient d’avis si elles sentaient mon chandail après une journée de travail !

    Gabrielle, elle, travaille chez La Senza.

    — Tu gagnes sans doute, lui accordé-je. L’événement le plus palpitant du jour a été quand une perruche a chié sur la main de ma patronne. J’ai dû me cacher dans une autre rangée pour rire.

    — Tu as raison, je gagne haut la main !

    Elle passe devant moi en secouant ses longs cheveux bruns frisés qui sentent la pêche. Ça accentue son air exotique. Sa mère est née ici, mais ses grands-parents viennent de la Polynésie française. Sérieux, il faut être débile pour quitter un tel paradis ! Son père, lui, est québécois.

    — Qu’est-ce qu’on mange ? demande-t-elle en se dirigeant vers la cuisine.

    — De la lasagne. Raconte-moi ton histoire !

    Elle m’ignore et entreprend de fouiller dans le frigo. Je la laisse faire. Comme nous sommes amis et voisins depuis l’enfance, et que nos parents sont très proches, ma maison est la sienne et vice versa.

    — Il y a ce qu’il faut pour faire une salade César, ça te tente ?

    — Comme tu veux. Maintenant, raconte ton anecdote !

    Gabrielle sort un restant de romaine rabougri, du fromage, du bacon, et s’affaire à nous préparer une salade convenable.

    — Fais griller une tranche de pain ou deux, m’ordonne-t-elle.

    — Pas avant que tu…

    — OK, OK !

    Elle m’adresse un sourire satisfait, marque une pause théâtrale et commence son récit :

    — Cet après-midi, pendant que j’étais à la caisse, j’ai servi… madame Poitras !

    — Non !

    — Oh oui ! J’ai scanné un

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