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Projet C (27)
Projet C (27)
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Livre électronique226 pages3 heures

Projet C (27)

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À propos de ce livre électronique

Quand j’étais petite, mon père me répétait sans cesse à quel point j’étais laide. Avec mes cheveux crépus et mon teint de mulâtre, je détonnais à côté de mes sœurs, blondes, à la peau de porcelaine. En vieillissant, je rêvais de ressembler aux mannequins dans les magazines, aux vedettes de la télé. Mais j’ai fini par comprendre que je ne serais jamais comme elles. Jamais jolie. Juste ordinaire. Maintenant, je cache mon manque de courbes sous des vêtements trop grands. Et je m’isole, tentant de devenir invisible aux yeux des autres.

Mais voilà, récemment, j’ai trouvé la solution à mes problèmes. À mon manque de confiance. Tout ce qu’il me faut, ce sont des seins plus gros. Je me sentirais tellement bien ! Je pourrais porter des décolletés comme les autres filles, et enfin espérer connaître l’amour…

Ma mère et ma meilleure amie me parlent des complications de l’opération. Mais je me fiche de ce qu’elles racontent. Aucun risque n’est assez grand pour me dissuader d’aller jusqu’au bout de mon projet C.

Beaucoup de jeunes femmes pensent à recourir à l’augmentation mammaire, convaincues que, pour être belles, elles doivent correspondre aux modèles fabriqués par l’industrie de la mode. La chirurgie comporte toutefois des risques qui ne sont pas toujours considérés avec sérieux par les patientes. Bien se renseigner est primordial avant de songer à cette solution dont certains effets peuvent être irréversibles.
LangueFrançais
ÉditeurDe Mortagne
Date de sortie4 mars 2015
ISBN9782896624256
Projet C (27)
Auteur

Nadine Poirier

Je suis née en 1965 à Bonaventure en Gaspésie. Cinquième d’une famille de 7 enfants, je n’étais pas particulièrement intéressée par les livres. Après une enfance à jouer avec les crabes au bord de la mer, à me rouler dans la glaise, à courir dans le champ derrière les vaches, et ensuite à travailler dans une base de plein air, je me suis installée à Trois-Rivières pour obtenir mon baccalauréat en récréologie. Durant 15 ans, j’ai organisé les loisirs dans une école secondaire. Mais depuis que j’ai une famille de 4 jeunes lecteurs, j’ai découvert l’univers sensationnel des livres jeunesse. J’ai trouvé une autre façon d’exploiter mon imaginaire débordant. Par le biais de l’écriture, je découvre une grande liberté de penser et de m’exprimer. Mon écriture évolue au rythme de mes enfants. Elle prend de l’âge, se refait une beauté, change selon mes humeurs. Je n’aime pas la routine. Souvent, mes récits aboutissent dans ma collection d’idées abandonnées. Dans ce métier, j’apprends aussi à tourner la page. J’aime aborder des sujets qui touchent l’être humain et ses complexités, sa nature imperfectible et son grand potentiel. Les petites choses de la vie quotidienne qui me font sourciller, rager ou sourire se retrouvent bien souvent à la pointe de mon crayon. J’en profite pour exprimer ce qui me trotte dans la tête. Mes personnages reflètent toujours une partie de moi, même les plus détestables!

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    Aperçu du livre

    Projet C (27) - Nadine Poirier

    unique.

    Chapitre 1

    Il était une fillette

    – Maeva ! Arrête de pleurnicher ! me lance mon père sèchement.

    Je renifle sans arrêt et mon corps fait de petits soubresauts saccadés.

    Je suis assise dans la camionnette avec lui, nous roulons. Du haut de mes cinq ans, je n’arrive pas à voir par-dessus le tableau de bord, mais je sais où nous allons. J’aurais préféré rester avec maman. Quand elle part avec mes deux sœurs, mon père va au bar.

    Mon père appuie sur le frein brusquement. Je n’aime pas le bruit des pneus, ni cette poussière qui monte jusqu’aux fenêtres.

    – Reste là ! m’ordonne-t-il avant de sortir. Les gosses n’ont pas le droit d’entrer là-dedans. Ça s’ra pas long.

    J’ai envie de pleurer. C’est toujours trop long.

    – Non, j’veux venir avec toi ! dis-je, apeurée de rester seule dans la camionnette.

    – Arrête de te plaindre, et regarde passer les bagnoles !

    Il disparaît dans l’épaisse fumée de sa cigarette. Je reconnais la maison à la peinture écaillée et la porte grise sans fenêtre. J’entends de la musique, parce que mon père m’a demandé de laisser la vitre de l’auto ouverte. Sur la galerie, il y a des hommes qui fument et qui boivent de la bière. Le soleil plombe sur le siège en cuirette, qui me brûle les cuisses. Je cherche mon père des yeux. C’est long !

    J’attire les regards des hommes sur la galerie. J’entends toutes sortes de commentaires à mon sujet. J’ai peur qu’un homme s’approche de la fenêtre pour me regarder de plus près, comme la dernière fois. J’ai chaud, j’ai soif, et papa ne revient pas. Au bout d’un moment beaucoup trop long, je commence à pleurer. Je sais qu’il ne le faut pas. Un homme sur la galerie qui n’arrête pas de me regarder entre dans le bar. Mon père sort enfin, mais il est bizarre. Il marche en se traînant les pieds. Du revers de la main, il lance sa cigarette. C’est certain qu’il est fâché.

    – Tu vas te taire ! Pas moyen d’avoir une minute tranquille, me hurle-t-il par la fenêtre de la camionnette.

    Mon père est furieux, je le vois bien.

    – Si t’étais plus jolie, je te vendrais, tiens.

    Je voudrais retourner chez nous, me réfugier dans les bras de maman. Mais ce n’est pas encore fini. Papa jase à l’extérieur avec un autre homme. Je l’entends. Il rit de moi :

    – Ce laideron est une vraie calamité.

    – Arrête, elle n’est pas si laide, ta fille.

    – Bon, faut que j’y aille, sinon je vais me faire engueuler !

    Mon père monte dans la camionnette en chialant après moi. Son odeur me répugne.

    – Pas un mot à ta mère sur le bar. Tu lui diras que je suis un bon petit papa. Compris ?

    Figée au fond de mon siège, je lui fais signe que oui.

    À la maison, ma mère nous attend. À voir l’expression sur son visage, je me doute qu’elle est en colère.

    – Tu empestes la boisson et la cigarette. Je sais que tu étais au bar, lui crie-t-elle.

    – Qu’est-ce que ça peut bien te faire ? J’ai l’droit d’aller où je veux. C’est pas toi qui vas m’en empêcher.

    – Avec notre fille ! hurle maman en me prenant dans ses bras.

    – Cette gosse n’est pas ma fille. Pourquoi tu ne lui dis pas la vérité !

    Je ne comprends pas ce qu’il raconte. Je ne suis pas sa fille ? Alors je suis la fille de qui ? Ils se disputent comme d’habitude. Vont jusqu’à lancer des objets dans la pièce. Ma mère me dit d’aller dans ma chambre, mais j’ai trop peur. Je suis terrorisée. Je me réfugie dans la chambre de mes deux grandes sœurs jumelles de onze ans. Émilie a ses écouteurs sur les oreilles, et Rose, son oreiller sur la tête.

    Assise dans un coin de la pièce, j’entends la dispute de mes parents :

    – Arrête de la traiter comme si elle était un caillou dans ton soulier. T’es jamais capable d’être gentil avec elle.

    – C’est TA fille, pas la mienne. Je me fiche pas mal de cette bâtarde !

    – Pourri ! T’as quand même décidé de rester avec nous. De rester pour te faire vivre par ta femme, oui ! Tu cherches même pas de travail. En plus, tu bois et tu fumes mon argent !

    – Va chier ! Tu le sais bien, que j’peux pas travailler, avec mon dos.

    – J’suis écœurée de toi, de tes histoires, de tout faire dans la maison. Trouve-toi une autre conne pour te servir !

    – Bien d’accord ! De ton côté, trouve-toi un autre con à contrôler !

    – Dégage ! crie ma mère sur un ton menaçant.

    J’entends les portes claquer, les tiroirs s’ouvrir et se refermer. Je jette un œil dans le couloir et je vois mon père qui transporte ses bagages.

    – Démerde-toi toute seule, poufiasse ! lance-t-il en sortant, laissant ma mère assise au milieu du couloir, la tête entre les mains.

    – C’est déjà ça que je fais, soupire-t-elle.

    Je m’approche et je lui caresse les cheveux, comme elle le fait pour moi quand j’ai de la peine. Elle lève la tête et me dit :

    – À partir de maintenant, plus personne ne va crier dans cette maison.

    Émilie et Rose se plaquent à la fenêtre pour voir déguerpir notre père sur les chapeaux de roues.

    – Il est reparti en France pour un long voyage, chercher du travail, leur ment ma mère, alors qu’elles pleurent parce qu’il ne leur a pas fait un câlin avant de partir.

    Mon père n’est jamais revenu. Depuis, la vie est plus paisible avec maman, devenue heureuse du jour au lendemain, comme si le soleil lui souriait enfin. J’étais contente de voir mon père disparaître. Mes sœurs, qui avaient ses faveurs, ont trouvé ça plus difficile. Il était tout le temps en train de les complimenter et de les exhiber comme un trophée de chasse.

    Ce jour-là, j’ai bien compris pourquoi je ne suis pas aussi jolie que mes sœurs. Nous n’avons pas le même père. Je pense que mon vrai père était noir. Parce que j’ai les cheveux d’une fille noire et que ma peau est un peu foncée. Ma mère n’a pas voulu me raconter l’histoire de mon vrai père. Elle m’a seulement avoué que c’était une erreur et qu’elle ne savait rien de lui. Une erreur. C’est ce que je suis.

    J’ai admis des années plus tard que mon faux père ne m’aimait pas parce que je n’étais pas sa fille. Ensuite, je me suis rendu compte qu’il n’était qu’un salaud et le pire des voyous. J’ai eu peur qu’il revienne jusqu’au jour où maman nous a annoncé qu’il était mort dans un accident de voiture. Sans broncher, comme si elle nous parlait de la météo. Je ne sais toujours pas si elle nous a raconté ça pour me rassurer ou afin que mes sœurs cessent de l’attendre. Parfois, il m’arrive de penser qu’il s’est fait assassiner tellement il était mauvais.

    À cette époque, la situation de ma mère monoparentale a fait dégringoler la bourse familiale. C’est pour cette raison que mon oncle Tom, le frère de ma mère, habite désormais avec nous. Oncle Tom dit qu’ils peuvent ainsi partager les factures. Je sais. C’est bizarre d’habiter avec un oncle, mais, avec le temps, j’ai fini par le considérer comme mon père, en cent fois mieux ! J’aimerais qu’il soit là plus souvent, mais son travail de camionneur l’oblige à s’absenter fréquemment.

    Six années me séparent de mes sœurs, les jumelles. J’ai grandi en les regardant avec envie. Jolies toutes les deux, les chanceuses ! Je restais sans parler à l’entrée de leur chambre pour les espionner et regarder comment elles s’habillaient, comment elles se maquillaient ou se coiffaient. J’occupais la place de la petite dernière. J’étais donc la tannante, la dérangeante, celle qu’il fallait garder à l’occasion. Parfois, j’avais l’impression d’entendre mon père.

    Lorsque j’avais sept ans, elles ont entrepris de me faire jolie. Avec mes cheveux crépus et mon teint, je détonnais tellement à côté d’elles, blondes, à la peau de porcelaine. Émilie a tenté en vain de me démêler les cheveux pour me faire une belle coiffure. Un vrai désastre.

    – Il n’y a rien à faire avec cette tête ! s’est exclamée Émilie. Désolée, petite sœur. On va te mettre un chapeau pour cacher tes cheveux.

    Rose s’est improvisée maquilleuse. Les couleurs de ma sœur n’allaient pas avec ma peau cuivrée. J’avais l’air d’une petite fille qui se prépare pour l’Halloween. Elles ont bien ri. Maman est entrée en coup de vent et leur a dit d’arrêter de se payer ma tête.

    J’ai filé à la salle de bain pour voir mon nouveau look, mais j’ai quand même entendu :

    – Arrêtez de lui faire croire qu’elle n’est pas jolie. Elle va finir par le penser.

    – Mais, maman, avoue que…, a chuchoté Émilie.

    – Tais-toi ! a tranché maman. Maeva fera une superbe femme. Autant que vous deux !

    J’y ai cru. J’ai attendu que cette superbe femme naisse en moi. Mais voilà. Elle ne s’est jamais pointée. J’ai seize ans et je suis ordinaire sur toute la ligne. Pas un laideron, comme le disait mon père, mais pas une beauté non plus. Je ne suis pas aveugle. Toutes les filles que je vois à la télé, dans les magazines, sur Internet, à mon école, partout, sont bien plus belles que moi. Mes yeux noirs manquent d’éclat et je déteste mes cheveux frisés. Si au moins j’avais des seins. J’ai attendu en vain qu’ils se développent comme ceux de mes sœurs. Tous les jours de la dernière année, j’ai pris mes mensurations sans jamais détecter la moindre différence. J’ai compilé exactement trois cent soixante-cinq longs soupirs de déception. Je peux même dire que les derniers sont sortis accompagnés de quelques larmes ; celles du désespoir. Celles qui font si mal en dedans.

    Dommage que la pilule qui fait grossir les seins n’ait pas encore été inventée. Je la prendrais sans hésitation.

    Chapitre 2

    Foutue robe !

    Dernier été avant ma cinquième secondaire, j’ai une urgence à régler, au dire de ma mère.

    – Le bal est à la fin de l’année, ma chérie.

    – Je sais.

    Il me faut une foutue robe ! Mes seins, dans le miroir, n’ont pas grossi d’un iota. Je replace les bourrures dans mon soutien-gorge.

    J’irai seule au bal. Je n’ai pas de petit ami. Pas besoin d’un diplôme pour savoir que les gars de cette planète aiment les filles avec une grosse poitrine. Sous mon chandail, mon bonnet A résonne comme les A dans « cAtAstrophe » ! C’est plus que décevant. J’ai abandonné toute tentative de séduction en troisième secondaire, le jour où Freddy m’a touché les seins en me demandant si j’étais un gars.

    Aujourd’hui, c’est le samedi le moins attendu de ma vie. Ma mère et moi, nous quittons la maison pour voir les robes dans une boutique vraiment branchée. Je n’ai pas envie d’aller au bal ni de me pavaner dans une robe. Je n’en porte jamais.

    Je suis presque certaine que ma mère fera tout pour que je sois la digne représentante d’un conte de fées, selon ses moyens… Ce qui veut dire conte de fées cheap ! Juste à l’idée de me faire prendre en photo le soir du bal, j’ai envie de disparaître. Ark ! Pas question qu’on immortalise la pire soirée de ma vie ! « Regardez là-bas ! Cachée sous la table ! C’est Maeva ? Mais oui, c’est elle. Elle est venue au bal toute seule ! Hé ! Vous avez vu sa robe ORDINAIRE ? »

    Ma mère voudrait m’offrir le forfait complet, y compris l’arrivée au bal en limousine. Une chance que c’est impossible, vu le prix.

    Mes sœurs m’ont pratiquement forcée à regarder les robes sur Internet. J’en ai vu de toutes les sortes ! Des corsages ornés de minuscules pierres, à dos nu, avec ou sans bretelles, courtes, longues, en satin, en taffetas, en mousseline, avec des broderies perlées, des robes marquise, princesse, sirène, de quoi tourner le fer dans la plaie. Je ne pourrai jamais porter ça.

    Ma mère sait bien que ce sera plus cher dans une boutique, mais elle préfère payer pour une robe que j’aurai essayée. Je monte dans son auto en me plaignant.

    – Août, c’est trop tôt pour magasiner une robe ! L’école n’est pas commencée. Dans un an, elle ne me fera plus !

    – Maeva, nous allons simplement voir ce qu’il y a en ce moment. On ne va pas acheter aujourd’hui.

    Une vraie journée plate qui s’annonce. Magasiner une robe de bal juste pour le fun. C’est la totale !

    Ma mère est excitée, mille fois plus que moi. Elle trouve extraordinaire ce que sont devenus les bals en comparaison du sien, il y a trente ans. Je parie qu’elle aimerait ça, être à ma place.

    À la boutique, les mannequins dans la vitrine me font pouffer de rire. Ma mère m’observe, interloquée. Je ne peux pas croire que je vais porter une affreuse robe comme celles-là.

    – Combien tu veux mettre, maman ?

    Elle réfléchit un peu avant de me répondre.

    – Je ne sais pas, mais essayons de ne pas exagérer. C’est quand même une robe que tu ne porteras qu’une fois.

    Pas plus avancée dans mes réflexions, j’entre, suivie de ma mère. La vendeuse nous accueille, une femme tout droit sortie d’un magazine de mode, maquillée pour une soirée mondaine, ses blonds cheveux soigneusement coiffés. Elle a sûrement dans la cinquantaine. Je la dévisage… surtout à cause de son imposante poitrine qui défie les lois de la gravité ! Elle nous demande d’enlever nos chaussures.

    – Êtes-vous maquillée ?

    – Non.

    – Avez-vous appliqué de l’antisudorifique ?

    Elle me donne une lingette pour que j’essuie toute trace sous mes aisselles.

    – Vous comprenez, mademoiselle, ces robes ne doivent pas être tachées ni abîmées avant le grand jour.

    – Oui. Je comprends, dis-je en tournant la tête pour camoufler ma grimace.

    Ma mère me fait un clin d’œil complice que j’interprète comme : « Allez, joue le jeu, Maeva. »

    – Eille ! C’est du sérieux, lui soufflé-je en catimini.

    Presque toutes les robes ont sur le corsage des pierres ou des paillettes qui brillent au maximum, attirant l’attention en plein là où il ne le faut pas. Je tente par tous les moyens de trouver une robe qui me ferait passer inaperçue. Le genre qui cacherait ma poitrine sans être ni trop voyante ni trop commune. Quant à ma mère, elle cherche un prix.

    Je manque de volonté et ça se voit à mon expression on ne peut plus explicite. D’un rayon à l’autre, je me traîne les pieds. Je pousse les cintres un à un, sans regarder vraiment. La tenue qui rend invisible n’existe pas. Mon air déprimé ne décourage pas la vendeuse, qui nous présente ses collections avec détermination.

    – Tenez. Celle-ci conviendrait parfaitement à votre teint bronzé et à vos longs cheveux noirs. Celle-ci donnerait de l’éclat à vos yeux. Voyez la rouge sur le mannequin…

    Elle poursuit comme ça jusqu’à ce que toutes les robes me paraissent hors circuit.

    Pour faire plaisir à ma mère, j’en essaie une dizaine. Des robes que je peux porter en gardant mon soutien-gorge, évidemment. Donc, les plus laides, les moins féminines, les plus « mémé », les moins sexy, les plus banales, les moins ajustées. Une épreuve qui dure deux longues heures. La vendeuse entre avec moi chaque fois, me répétant que ces robes sont fragiles, qu’il ne faut pas les briser, que c’est son travail d’aider les clientes à les enfiler. Je lui tourne le dos. Je n’ai pas envie qu’elle remarque les mouchoirs qui servent de bourrures dans mon soutien-gorge. À chaque essai, toujours le même problème : ça poche en avant ! Il faut des seins pour porter ces déguisements ! Je voudrais parler au couturier responsable de ce grand désastre !

    Quelques pas devant le miroir pour imiter la démarche d’un mannequin et je me sens comme un déchet dans la robe de

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