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Le choix d'une vie (48)
Le choix d'une vie (48)
Le choix d'une vie (48)
Livre électronique287 pages3 heures

Le choix d'une vie (48)

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À propos de ce livre électronique

Je n’ai jamais réellement pensé à l’avenir. Faire des plans compliqués et se casser la tête, je laissais ça aux vieux, aux gens ennuyants comme ma sœur. J’avais quinze ans et, à cet âge, on s’amuse ! Ma vie était simple : mon chum, mes amis, des partys, le collège privé. Maintenant… j’ai encore quinze ans, mais tout a basculé. Parce que j’ai fait un test de grossesse et que deux lignes sont apparues. Moi, maman ? Je ne sais même pas comment m’occuper de moi-même, comment je pourrais prendre soin d’un autre humain ?

Et pourtant… j’ai décidé d’essayer. D’essayer d’être une adulte, alors que tout le monde me disait que je n’y arriverais pas. La naissance approche et j’ai peur. J’ai tout perdu, j’ai dû quitter le collège, je n’ai plus d’amis. Seulement il y a cette émotion… cette force qui me pousse à croire que ce bébé va changer ma vie en mieux. Mais, sans Marisol, rencontrée dans mon école pour jeunes mères, et sans son frère Sebastian, je doute de pouvoir m’en sortir.

La maternité à l’adolescence entraîne son lot de questionnements et de doutes chez la jeune mère, surtout en raison de la pression exercée par son entourage. Il faut beaucoup de courage pour se lancer dans une telle aventure, et le soutien des proches et des intervenants est essentiel pour le bien-être de la nouvelle famille.
LangueFrançais
Date de sortie25 sept. 2019
ISBN9782897920265
Le choix d'une vie (48)
Auteur

Samuel Champagne

Samuel Champagne est postdoctorant en sciences sociales à l'Université Laval. Il travaille sur le concept inédit du coming-in (l'entrée dans le placard). Il s'intéresse notamment aux milieux de vie et structures familiales influençant la construction identitaire des adolescent(e)s homosexuels-les, bisexuels-les et lesbiennes. Sa thèse en recherche-création sur le thème du placard en littérature destinée aux adolescents et jeunes adultes a obtenu le prix de la meilleure thèse. Il est l'auteur de douze romans jeunesse et d'un ouvrage pour adulte, en plus d'avoir publié plusieurs nouvelles et articles. Il a été l’invité d'honneur au Salon du Livre de Montréal en 2018, récipiendaire de la bourse Dorais-Ryan en 2015, du prix AQPF-ANEL en 2015, du prix Relève du CMCC en 2016, d'une bourse de recherche du FRQSC en 2018 et du prix Espiègle en 2019. Auteur au talent d’écriture évident, ses histoires touchent notre sensibilité et permettent à tous de comprendre et d’accepter la complexité de l’humain que nous sommes.

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    Aperçu du livre

    Le choix d'une vie (48) - Samuel Champagne

    - 1 -

    Je me contorsionne pour parvenir à observer mes fesses dans le miroir. Excellent. Le bikini suit la courbe de mon arrière-train comme s’il avait été peint dessus. Nick va baver par terre en me voyant, c’est certain.

    – Je sors ? demande Tania de la cabine voisine. Jordane, t’es prête ?

    Je repousse le rideau. Appuyée sur une armoire ouverte contenant les vêtements rejetés par les autres clients, Florence émet un petit sifflement. Tania regarde à l’extérieur, cachant son corps avec le rideau. Quand elle m’aperçoit, elle fait valser le tissu et prend une pose théâtrale.

    – Comment tu le trouves ? me questionne-t-elle.

    Elle replace le haut du costume de bain. Il est noir avec de minces lignes dorées, et de grandes ouvertures sur le côté dévoilent sa peau. Le décolleté est plongeant. Je masque ma jalousie. Jamais je ne remplirai un bonnet C comme elle. La puberté m’a laissée tomber de ce côté-là. Je réponds finalement avec un hochement de tête.

    – Il est pas mal.

    Sans attendre qu’elle me complimente en retour, je file dans ma cabine. J’entends Florence s’extasier et lui assurer qu’elle est class en noir. Tout le monde sait pourtant que les rayures horizontales, c’est rarement flatteur. Mais je ne suis pas assez méchante pour le dire à Tania. Je vais aussi taire le fait qu’elle a des bourrelets qui ressortent.

    J’ai choisi un bikini blanc. Je me place de face, admire mon ventre plat. Je n’ai peut-être pas une grosse poitrine, mais j’ai tout le reste, et ç’a été suffisant pour obtenir Nicholas.

    Je me rhabille rapidement et sors de la cabine.

    – Je t’attends pour aller payer ! que je lance à Tania.

    – Je ne le prendrai pas ! m’avise-t-elle de derrière le rideau. On voit mon gras sur les côtés. Faut que je me mette au régime !

    J’opte pour un « OK » non compromettant et informe Florence que je vais aller à la caisse. Il est évident qu’elle aussi, elle devrait songer à un régime. Les filles ont acheté des sushis pour souper et sont allées chez Chocolats Favoris par la suite. Je me suis contentée d’un wrap au poulet et aux légumes. C’est pourquoi ce bikini me fait super bien et que, demain, au party, tous les gars vont se retourner sur mon passage.

    Mon cellulaire vibre dans ma poche. Il s’agit d’un rappel ; il faut que je prenne ma pilule. Je fouille dans mon sac. Aucun signe de la plaquette. Je la prendrai en arrivant à la maison.

    J’effectue mon achat et quitte le magasin. Flo et Tania sont assises sur un banc et s’attendrissent sur une petite fille qui essaie de se sauver de sa mère. Je laisse la dame passer avec sa poussette pleine de sacs, tirée par l’enfant.

    – Elle est trop cute ! s’exclame Tania. Tu trouves pas, Jordane ?

    Bof.

    – Je m’emmerde, on rentre ? que je propose.

    Mes amies se lèvent et nous quittons le centre commercial pour prendre la direction du métro. J’ai tellement hâte au mois de janvier ! Je vais demander à mes parents de m’offrir des cours de conduite pour Noël et, à mes seize ans, en janvier, je vais commencer immédiatement ! J’en ai assez de me promener en transport en commun. Je suis coincée entre une femme avec un gros sac à dos qui me pousse dans les côtes et un monsieur qui sent vraiment mauvais. C’est le début de l’été, il fait chaud, et il y a des gens qui n’investissent pas assez dans le déodorant !

    Mes amies et moi nous séparons à Berri-UQAM.

    – Demain midi chez Nick ! crie Tania une fois dans l’escalier roulant qui la fait descendre. Tu mettras ton super bikini !

    Je regarde sa tête s’éloigner jusqu’à disparaître. Je n’ai pas besoin qu’elle me rappelle que mon chum des neuf derniers mois organise une fête autour de sa piscine demain ! Nick dit que c’est une récompense pour avoir survécu aux examens. L’année scolaire vient tout juste de se terminer. La paix, enfin l’été. Le seul point négatif, c’est que je dois endurer ma sœur, Zoé. Elle croit que, parce qu’elle a un an de plus que moi, elle sait tout, comprend tout. C’est une nerd qui n’a jamais éprouvé de plaisir de toute son existence. À part étudier et jouer les saintes-nitouches, son but est de me taper sur les nerfs. Et elle réussit avec brio !

    J’ouvre la porte de la maison et la première chose que j’entends, c’est sa voix.

    – Le prof d’histoire pense que je devrais me présenter comme déléguée des élèves, l’année prochaine.

    Je roule des yeux en déposant mes quelques achats dans l’entrée. Non mais, sérieusement ! On ne peut pas laisser passer l’été avant de songer à la rentrée ?

    – T’étais où ? me demande mon père en se retournant sur le divan.

    – Avec Flo et Tan.

    – T’as mangé ?

    Je hoche la tête. Mes parents sont assis côte à côte, devant la télévision allumée, mais sans son. Zoé me salue d’un mouvement du menton. Je fais pareil.

    – T’es encore allée magasiner ? s’exclame-t-elle en désignant mes paquets.

    – On ne se contente pas tous de porter des sacs à patates…, que je réplique.

    – Au moins, je pense pas que mes vêtements me donnent de la valeur, rétorque ma sœur.

    – À en juger par ton niveau de popularité, je dirais que toi et le concierge, vous avez en effet la même valeur.

    – Les filles, ça suffit, soupire notre père.

    – C’est elle qui a commencé, que je me justifie.

    Je tourne les talons. Pour qui elle se prend ? J’en ai assez qu’elle se pense meilleure que tout le monde. Ce n’est pas parce que j’ai quinze ans et elle, seize que son cerveau fonctionne mieux que le mien ! Les bonnes notes, ce n’est pas tout !

    Dans ma chambre, je m’étends sur mon lit et texte mon chum. Il n’aime pas ma sœur ; il la trouve laide. Elle et moi, on ne se ressemble pas beaucoup. Je suis plus grande, plus mince, les traits de mon visage sont plus doux. On a malgré tout les mêmes cheveux bruns, les mêmes yeux verts et le même petit nez. Et les mêmes parents, malheureusement.

    Le lendemain, vers midi, je vais saluer mon père et ma mère, occupés au jardin, avant de partir pour le party. Zoé est assise au salon. Elle lit. Un samedi. Il n’y a aucun espoir pour elle.

    Je quitte la maison sans lui adresser la parole et me rends rapidement chez Nick, à quelques stations de métro de chez moi. Quand j’arrive, tout le monde est autour de la piscine. Il fait super chaud, le barbecue est allumé et on m’offre une bière.

    Nick est dans la piscine. Il se soulève à l’aide de ses bras et en sort. Ses cheveux châtains sont plaqués sur son front, ses yeux bleus sont posés sur moi. Il ne faut pas chercher très loin pour comprendre pourquoi toutes les filles veulent Nicholas. Mais il est à moi depuis le début de l’année scolaire. Après plusieurs semaines de flirt pas trop subtil, il s’est finalement décidé à m’inviter à faire quelque chose en dehors de l’école. On s’entend bien. La plupart du temps.

    Nick m’embrasse sans retenue.

    – J’ai mouillé ton chandail, remarque-t-il en se décollant. Tu vas devoir l’enlever.

    – Quelle tristesse…

    Sans me préoccuper des autres, je détache ma jupe et bouge les hanches pour qu’elle tombe au sol. Je retire ensuite mon chandail et laisse Nick me regarder.

    – Pas mal mieux, approuve-t-il.

    – Nouveau bikini.

    – Si tu le dis, je…

    Un de ses amis siffle et Nick lui lance un regard méchant.

    On se baigne pendant un moment, on fait une partie de Marco Polo puis, perchée sur les épaules de Nick, je m’efforce de pousser Tania à l’eau. Elle a mis un costume de bain beaucoup trop petit pour elle et ses seins ressortent de partout. Elle le fait exprès, en plus.

    Je suis en train de manger un hamburger quand mon cellulaire vibre. Il est dix-huit heures, c’est l’heure de gober ma pilule. Fuck, je l’ai encore oubliée à la maison. Je ne l’ai même pas prise, hier. Je ne sais pas pourquoi j’ai programmé un rappel, je ne le fais jamais à cette heure-là. J’en avalerai trois demain, c’est tout.

    Quand le soleil commence à se coucher, Nick me prend par la main.

    – Viens.

    La maison est vide, tous les invités sont restés dehors. Alors que nous montons les marches jusqu’à l’étage, j’entends les rires de nos amis et les clapotis des courageux toujours dans l’eau. Nick referme la porte de sa chambre derrière nous. Maintenant ?

    – Mais le party ? que je demande. On va être seuls cette nuit, non ?

    – Allez, j’ai attendu toute la semaine !

    Je le laisse détacher la boucle de mon haut de bikini avec peu d’enthousiasme. Dernièrement, on dirait que tout ce qu’il veut, c’est qu’on couche ensemble. Pas que je n’aime pas ça, mais… il me semble que faire des activités de couple sans enlever nos vêtements serait une bonne option aussi.

    Peu à peu, je me laisse charmer par ses caresses. Il a promis que ce serait rapide et ce l’est. Moins de vingt minutes plus tard, il se lève du lit et se rhabille.

    – T’as faim ? Je vais mettre des pizzas au four.

    Il n’attend pas ma réponse et quitte la pièce, me laissant là, toute nue sur le lit. Bon, Nick n’est pas le gars le plus romantique de la terre, mais j’ai vu pire. La première fois qu’on a couché ensemble, c’était à ma fête, en janvier. Je n’ai même pas eu mal. Après, j’ai décidé de prendre la pilule. Je suis presque certaine que ma sœur n’a encore jamais couché avec un gars. Elle attend qu’il y en ait un qui sorte d’un livre, d’après moi.

    - 2 -

    Ma mère cogne à ma porte. Encore.

    – Allez ! On va être en retard.

    Je mets mon oreiller sur ma tête. En retard pour aller camper ? Sérieusement ? Je croyais que les vacances, c’était fait pour oublier les horaires ?

    – Jordane, allez !

    Je me retourne avec un grognement censé indiquer à ma mère que je suis encore en vie. À peine. Il est neuf heures vingt-deux. Je me suis couchée super tôt et on dirait que je n’ai pas dormi. Je me lève, mais me rassois aussitôt. Je suis étourdie. J’entends mes parents qui s’affairent en bas. Je n’ai pas envie d’aller camper ! On a toujours fait ça à la mi-juillet, d’aussi loin que je me rappelle. Et, d’aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours détesté ça. Aller jouer à des jeux de société avec mes parents dans une tente humide et me faire piquer par les moustiques… wow, quelle excitation.

    Je me redresse lentement. Ça va. Je vais à la salle de bain et fixe mon reflet après m’être brossé les dents. Je profite un peu trop de l’été, je pense. J’ai des poches sous les yeux, mais la peau bronzée par le soleil. Faut s’amuser dans la vie ! Sauf que là, on dirait que je ne suis plus trop en vie. J’ai l’air d’un zombie. Où est ma trousse de maquillage ? Du cache-cernes, ça presse !

    – Ça va, ma pinotte ?

    – Je vais juste aller me coucher, ça va passer.

    Je monte les marches et me dirige vers ma chambre. Zoé m’emboîte le pas.

    – Je suis sûre que tu fakes d’être malade pour pouvoir aller niaiser avec ton chum…

    – Au moins, j’ai des amis, que je rétorque avant de lui claquer la porte au nez.

    Bon, OK, ma sœur aussi a des amis. Mais ils ne font rien. Leur idée du plaisir, c’est de parler de livres ou d’aller au musée. Pas mon genre.

    Je me laisse tomber sur mon lit. J’ai été malade deux fois, ce matin. Mes parents pensent que je fais une indigestion. Je suis allergique au camping ! Ils ont décidé qu’on devait rentrer. D’après moi, ils ont eu peur que je vomisse sur les sacs de couchage. Je ne veux même pas imager l’odeur qui serait restée dans la tente ensuite. Il aurait fallu la brûler. Elle aurait pu servir d’instrument de torture.

    Je file dégueu. On a mangé des hot-dogs avec des guimauves, hier. Faut pas chercher très loin pour comprendre pourquoi je suis malade. Trop de mauvaise bouffe, ça ne me fait pas. J’ai chaud. Je pense que je suis fiévreuse. Je retire mon chandail et mes shorts et reste étendue en sous-vêtements, le visage écrasé dans l’oreiller.

    Je me réveille au son de mon cellulaire qui vibre. C’est Nick.

    « Tu reviens à quelle heure, dimanche ? »

    Dimanche, c’est dans deux jours.

    « Je suis déjà à la maison. »

    « Cool. Tu veux venir chez nous ? Mes parents sont sortis. »

    Il ajoute un émoji d’aubergine à son message. Pas de sexe, je ne suis pas d’humeur. Je suis encore à moitié endormie.

    « Pas ce soir, je suis malade. »

    « J’ai un bon remède. »

    Je lève les yeux au plafond. Son remède implique probablement… du sexe. Il ne me proposera évidemment pas de me faire couler un bain ou de me réchauffer de la soupe. Ce n’est pas son genre. Il ne peut pas tout avoir, le style et la gentillesse, hein.

    « Demain, peut-être. »

    « T’es plate. »

    Je l’ignore. Il fait tout le temps ça. Si je dis non, je suis plate.

    Je me tourne sur le côté, j’ai mal au ventre. Décidément, ce n’est pas ma journée. Mon cellulaire vibre dans ma main à nouveau. J’envoie promener Nick mentalement avant de remarquer que c’est mon rappel journalier. En soupirant, je me lève pour aller prendre ma pilule. Puis je vais à la salle de bain. Quand je m’essuie, une légère trace rouge marque le papier. Au moins, le mal de ventre s’explique : je vais avoir mes règles. J’attrape la boîte de tampons sous le lavabo, fais ce que j’ai à faire et descends au rez-de-chaussée.

    Mes parents sont assis au salon, seuls.

    – Comment tu te sens ? me demande ma mère.

    Je secoue la main, l’air de dire « couci-couça ».

    – T’as faim ?

    Je fais non de la tête. Je m’installe sur le divan et mon père met son bras autour de mes épaules. Il me caresse les cheveux et je me pelotonne contre lui. Ce n’est pas une façon cool de passer son vendredi soir, mais bon, on s’en fout.

    Je ne suis pas trop sûre d’avoir envie de porter mon bikini blanc. J’hésite. Je ne veux pas mettre du sang dessus, ce serait la honte totale. Quoique mes règles ont l’air terminées. Elles ont toujours été légères, mais là… j’ai gagné le gros lot ! Après une journée, plus rien. Je suppose que mon corps me récompense après m’avoir donné mal au cœur pendant trois jours la semaine dernière.

    Je remplis finalement mon sac de plage avec le bikini blanc, une serviette, ma brosse et mes verres fumés. Direction : glissades d’eau !

    Nick glisse sa main sous l’élastique de mon costume de bain, au niveau de mes fesses. Je suis contente qu’il soit affectueux en public, mais c’est peut-être un peu trop… Il y a des enfants partout…

    – Arrête, s’il te plaît…, que je chuchote.

    – Personne regarde, répond-il tout bas.

    – Je m’en fous, arrête…

    Avec un soupir ennuyé, il retire sa main et se couche sur le dos, sur la serviette qu’il a installée près de la mienne. Les autres sont retournés à la glissade où il faut se mettre sur le ventre. Je l’ai essayée une fois, mais ça m’a vraiment fait mal, pas question que je recommence.

    – Avoir su, je serais pas resté avec toi, grommelle mon chum.

    – Avoir su quoi ? Que j’avais pas envie de me faire tripoter sur l’herbe entre une poubelle et un cooler de sandwichs ?

    Non mais, c’est quoi, son problème ? Au début de notre relation, on sortait, des fois. On allait au cinéma, on n’avait pas besoin de coucher ensemble pour se prouver qu’on était un couple. Là, on dirait que je ne sers qu’à ça. Et j’en ai vraiment assez. S’il n’était pas si beau, ça ferait longtemps que Nick aurait pris le bord ! Justement, il se lève.

    – T’es chiante !

    Je roule des yeux. C’est ça. Désolée : l’exhibitionnisme, ce n’est pas un truc que j’ai envie d’expérimenter. Je le regarde s’éloigner, sans doute pour aller rejoindre nos amis, qui doivent encore attendre en file. Je me retourne et tente de me coucher sur le ventre. Peine perdue. Finalement installée sur le dos, je presse subtilement mon index et mon majeur sur mes seins. Ça fait mal. On dirait que j’ai un bleu. J’ai dû me cogner dans une glissade. Fais chier, je vais bronzer tout croche.

    - 3 -

    Je cligne des yeux plusieurs fois pour m’habituer à la lumière du jour. Quelle heure est-il ? Au mois d’août, le soleil se lève tôt, c’est tout ce que je sais. Il doit être au moins sept ou huit heures. Wow, j’ai la gueule de bois. Pourtant, je n’ai bu qu’une bière au party chez Flo, hier. Je remets la couverture sur mes yeux ; je n’ai manifestement pas assez dormi. À mes côtés, Nick grogne dans son sommeil.

    Je sens que je suis sur le point de sombrer à nouveau quand un haut-le-cœur me surprend. Rapidement, je repousse la couverture et cours à la salle de bain. Je rejoins de justesse la toilette, me cogne le genou gauche sur le carrelage en me laissant tomber au sol. Je vomis bruyamment et je reste là, haletante, le cœur battant. Je déteste être malade.

    – Je vais aller en bas, t’es dégueulasse, lance Nick dans mon dos.

    Je n’ai pas la force de lui répondre.

    Quand je suis certaine que le pire est passé, je me redresse. Je soupire profondément en regardant mon reflet dans le miroir. Je suis toute nue. J’ai le visage pâle, un peu verdâtre. Je fronce les sourcils, la tête penchée sur le côté. Est-ce que… La puberté aurait-elle enfin compris ce qu’elle devait faire ? On dirait que mes seins sont plus gros. À peine, mais je le prends !

    – Je vais aller chercher du McDo ! crie Nick du rez-de-chaussée.

    Ark ! Je me précipite encore vers la toilette.

    Je suis assise au salon en train de fureter sur Facebook quand ma mère et ma sœur reviennent de leur séance de magasinage. Instantanément, je remarque les sacs que Zoé trimballe.

    – Tu lui as acheté des trucs ? que je demande à ma mère.

    – Je les ai achetés moi-même, tu sauras, répond Zoé. Si tu travaillais, t’aurais de l’argent. Tu serais pas obligée de quémander tout le temps.

    Je plisse les yeux et ma mère lève la main pour exiger un temps mort.

    – On arrête ça tout de suite. Essayez donc de vous entendre trois secondes ! Je vais arroser le jardin, ne vous entretuez pas.

    Zoé et moi attendons que la porte-fenêtre se referme avant de nous défier du regard de nouveau.

    – T’as encore rien foutu de la journée, c’est ça ? me questionne ma sœur.

    – Si tu veux tout savoir, j’ai pris un bain, j’ai feuilleté le catalogue d’IKEA, j’ai parlé avec mes amis, mon chum est venu. J’ai posté des photos sur Instagram. Journée bien remplie.

    – Remplie de trucs insignifiants, tu veux dire.

    – Au moins, j’ai pas eu à me promener avec un balai dans le derrière en permanence. J’espère que tu vas mettre de la crème.

    Ma sœur roule des yeux. Je me lève et passe devant elle, le menton levé.

    – Maman est allée chercher les uniformes. Tiens…

    Elle lance un sac dans ma direction. Il tombe sur le sol et un bout de la jupe grise réglementaire dépasse du plastique blanc. Je ramasse le tout d’un geste sec. Yé. L’école recommence dans deux semaines. Ô joie et extase. Ça me donne presque envie de vomir encore.

    Mon cellulaire vibre

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