Psychose (47)
Par Ariane Charland
5/5
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À propos de ce livre électronique
La vie semblait pourtant me sourire. Je commençais le cégep, j’avais un bon emploi et je venais d’emménager avec mon meilleur ami, à deux pas des résidences où ma blonde habitait. C’était le bonheur, la liberté totale !
Sauf que ça n’a pas duré. Le stress des études, le travail qui me prenait trop de temps, les nuits blanches, l’alcool, le pot… Quelque chose s’est rompu à l’intérieur de ma tête. Mon esprit s’est détraqué. Je me suis mis à voir des ombres, à entendre des voix, à m’imaginer qu’on me voulait du mal…
J’aurais dû écouter mes amis et aller me faire soigner. À la place, j’ai attendu qu’il soit trop tard. Je me suis battu contre ma folie et j’ai perdu.
La psychose est un trouble mental grave qui se manifeste par une perte de contact avec la réalité. Les personnes qui en sont atteintes éprouvent beaucoup de difficultés à distinguer ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas. On estime que de 4 à 5 % des jeunes connaîtront un épisode psychotique. Heureusement, avec les bons traitements, la majorité d’entre eux s’en sortiront.
Ariane Charland
Ariane adore les histoires. Toutes les histoires. Les drôles, les tristes, les vraies, les fausses. La lecture et l’écriture ont toujours été ses passions, mais elle s’inscrit tout de même en traduction à l’Université de Montréal pour avoir un « vrai métier ». Elle obtient son diplôme en 2005 et commence tout de suite à travailler à la pige. Les années passent, et le vieux rêve la rattrape : écrire un livre et (idéalement, peut-être, qui sait?) le faire publier. Sa première série jeunesse paraît aux Éditions Michel Quintin, de 2012 à 2014, puis, en 2016, elle publie Comme un coup de poignard aux Éditions de Mortagne. La tête pleine de projets, Ariane ne quitte jamais la maison sans son stylo et son carnet de notes. Elle habite à Montréal avec son conjoint et leurs deux merveilleux enfants.
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Aperçu du livre
Psychose (47) - Ariane Charland
Prologue
Émile
Je suis devenu fou à dix-sept ans. Je l’étais peut-être déjà avant, mais c’est là que ça s’est déclaré, que la psychose a pris le dessus, que la paranoïa m’a englouti et qu’Anaïs me l’a craché :
– T’as un fucking problème, Émile Beauchesne ! Va te faire soigner, parce que ça tourne pas rond dans ta tête !
Je pense que ce n’était pas vraiment une insulte. Elle voulait sincèrement que j’aille me faire soigner.
Elle était tannée. Écœurée. À boutte. Je venais de lui crier après en pleine rue. Je l’avais accusée de me jouer dans le dos, alors que c’est moi qui n’arrêtais pas de lui mentir. Je ne pouvais pas lui avouer que je me faisais suivre, que des caméras épiaient mes mouvements et qu’on me chuchotait des choses à l’oreille. Des choses humiliantes, blessantes, qui ne se répètent pas.
J’aurais dû l’écouter et aller demander de l’aide. Au fond de moi, je savais que ça n’allait pas, que je n’étais pas dans mon état normal, que quelque chose clochait dans mon cerveau.
À la place, j’ai attendu qu’il soit trop tard.
Je me suis battu contre ma folie et j’ai perdu.
Première partie
L’amorce
Émile
Je dépose la boîte remplie de livres sur le plancher, me redresse et essuie mon front. J’ai chaud et je suis essoufflé. Il n’y a pas tant de choses que ça à déménager et on peut prendre l’ascenseur jusqu’au quatrième étage des résidences, mais l’air est étouffant et l’humidité nous écrase.
Anaïs se moque gentiment de moi.
– Est-ce qu’il va te rester de l’énergie pour tester le lit tantôt ?
Une lueur malicieuse brille dans ses yeux noirs. Elle s’approche de moi en contournant les piles de boîtes qui s’élèvent par terre. Ses doigts chauds se faufilent sous mon t-shirt. Je souris en glissant les miens sur sa nuque, couverte de sueur à cause de la canicule, près de ses longs cheveux attachés en queue de cheval. Je me penche pour l’embrasser. Ses lèvres ont un goût salé et sucré à la fois.
Afin de lui montrer que je suis encore assez en forme pour tout ce qu’elle a en tête, je la soulève en la serrant fort contre moi. Ses bras s’enroulent autour de mon cou tandis qu’elle me rend mon baiser… qui ne dure malheureusement pas aussi longtemps que je l’aurais voulu : des pas dans le corridor nous poussent à nous séparer prestement.
Le père d’Anaïs entre dans sa chambre et place une grosse boîte par-dessus celle que je viens d’apporter. Son regard suspicieux passe de moi à elle, puis d’elle à moi. Il a sans doute deviné qu’il nous a dérangés. Le connaissant, je suis sûr qu’il est en train de chercher un moyen de me supprimer de la vie de sa fille, surtout maintenant qu’elle n’habitera plus sous son toit et qu’il ne pourra plus régir sa vie comme il le faisait (ou plutôt comme il s’imagine qu’il le faisait, Anaïs étant assez débrouillarde pour échapper régulièrement à sa vigilance).
– Ça va ? demande-t-il d’un ton bourru. On y retourne ?
Nous répondons par l’affirmative et le suivons jusqu’à l’ascenseur. Je crois surprendre quelques coups d’œil désapprobateurs dans ma direction. Ça fait un an qu’Anaïs et moi sortons ensemble, et ça fait un an qu’il se méfie de moi. Il ne m’aime pas et ne comprend pas ce que sa fille voit en moi.
Probablement convaincu que notre relation ne durerait pas et qu’il ne s’agissait que d’une sorte de rébellion de jeune fille sage de la part d’Anaïs, il ne s’y est pas tout de suite opposé. C’est plus tard, quand j’ai commencé à me pointer aux fêtes de famille, qu’il s’est mis à manifester son désaccord plus ouvertement, en particulier sur mon allure, à cause de mes jeans déchirés (que je n’ai jamais portés auxdites fêtes de famille, en passant) ainsi que de mes vieilles espadrilles (elles, par contre, je les y ai portées).
Bref, selon lui, je ne suis pas assez bien pour sa fille. En fait, je suppose que je ne suis pas assez riche. Au secondaire, j’habitais dans un petit quatre et demie, seul avec ma mère, et elle n’a pas d’automobile. Les parents d’Anaïs, ils en possèdent trois et leur maison comporte deux salons et quatre salles de bain, même si elle est fille unique.
Au printemps, j’ai entendu monsieur Kim (qui m’intimide beaucoup trop pour que je l’appelle par son prénom ; d’ailleurs, il ne m’y a jamais invité) dire à sa femme qu’on ne pouvait rien attendre de moi, étant donné ma famille. Ses paroles exactes étaient :
– T’as pas vu son père, Sandra. Un vrai bon à rien ! Notre fille mérite mieux qu’un bum !
J’avais passé l’après-midi chez eux, avec Anaïs, et j’étais censé m’en retourner chez moi quand je me suis aperçu que j’avais oublié ma veste. Ils étaient dans la cour et ne m’avaient pas entendu ouvrir la porte de la clôture. Je l’ai refermée en silence et suis reparti sans ma veste. Je ne l’ai pas dit à Anaïs parce que, là-dessus, je suis forcé de donner raison à son père.
Ma mère est une personne bien. Elle travaille fort et m’a élevé seule. Mon père, par contre, est loin d’être fiable. Avant que ma mère le mette dehors, quand j’étais petit, il déjeunait tous les matins de bière et de cigarettes. Je crois que ça n’a pas changé. J’ai coupé presque tout contact avec lui, alors je n’ai plus beaucoup de nouvelles, mais je sais qu’il a tendance à perdre ses emplois au bout de deux ou trois mois et qu’il paye rarement son loyer. Il y a quelques années, il s’est même fait arrêter pour vol à l’étalage.
Un loser. Un vrai.
Dans le stationnement, la mère d’Anaïs se retourne lorsque la porte se referme derrière nous. Elle nous adresse un sourire pincé. Elle était chargée de garder la voiture pleine de boîtes, mais c’est plutôt mon immeuble, de l’autre côté de la rue, qu’elle surveillait.
J’y ai emménagé au début de l’été avec Ludovic, mon meilleur ami. La bâtisse appartient à son oncle, qui a accepté de baisser le montant du loyer pour nous. Heureusement, parce que je n’aurais jamais été capable de payer ma part, même si on est loin de vivre dans le grand luxe. Les murs sont en carton, les armoires de cuisine sont croches et l’eau chaude met une éternité à jaillir du pommeau de douche.
Inutile de préciser que les parents de ma blonde ne sont pas super ravis que nous soyons maintenant voisins.
Sa mère est toutefois plus ouverte que son père et, au fond, je pense qu’elle ne me déteste pas. Le fameux après-midi où son mari lui a fait remarquer que leur fille méritait mieux qu’un bum, elle lui a répondu que j’avais quand même l’air d’avoir la tête sur les épaules, qu’Anaïs était heureuse avec moi et que j’étais poli, même si je n’étais pas bavard.
Peut-être pas le meilleur compliment du monde, mais ç’aurait pu être pire.
– Un dernier petit effort ! nous encourage-t-elle. Il vous reste seulement une boîte chacun !
Elle donne la plus petite à sa fille et je m’empare de la plus grosse, laissant la moyenne à monsieur Kim.
Après avoir fermé le coffre vide, Sandra ouvre une portière arrière pour saisir l’immense plante verte qui a fait le trajet sur la banquette. Elle la referme d’un coup de hanche, la verrouille en pressant un bouton sur son porte-clés et monte avec nous au quatrième étage, où se trouve la minuscule chambre d’Anaïs. Ça s’appelle un studio, selon le site Web du cégep, mais il y a tout juste assez d’espace pour se tenir debout entre le lit à une place et la chaise droite glissée sous le bureau.
– C’est pas bien grand, hein ! mentionne Sandra en examinant la toilette et le lavabo cachés derrière une porte à peine plus large que les cases de notre école secondaire.
– C’est en masse, maman ! lui assure Anaïs.
Elle va se laver les mains et commence à suspendre ses vêtements dans le placard à balais qui lui servira de garde-robe.
D’autres locataires passent dans le corridor. On les entend par la porte entrebâillée. Ils rigolent en parlant d’un party qui aura lieu prochainement. Le père de ma blonde ne se donne même pas la peine de cacher son désaccord.
– Hum ! J’espère qu’il y en aura pas trop, des partys.
– Franchement, papa ! réplique Anaïs en riant. C’est pas parce qu’on étudie qu’on a pas le droit de s’amuser.
– De toute façon, interviens-je, ça risque pas trop de dégénérer. Il y a des surveillants au rez-de-chaussée et des caméras à tous les étages.
Il se tourne vers moi. Aussitôt, je me sens mal et je me mets à fixer mes mains couvertes de taches de rousseur. Il doit se dire qu’il en manque, à mon appart, des caméras de surveillance. Il doit aussi se demander s’il ne pourrait pas en installer lui-même, histoire d’être certain que je ne corromprai pas trop sa fille avec ma nature de bum.
– C’est correct de fêter une fois de temps en temps, lui concède-t-il, mais faudrait pas oublier que le cégep, c’est sérieux. Surtout en Sciences de la nature.
Il prononce cette dernière phrase en intensifiant son regard sur moi. Je ne sais pas ce qui m’a pris de m’inscrire dans ce programme. J’aurais dû imiter Anaïs et opter pour Arts et lettres. Pas que ce soit un programme inférieur ou je ne sais quoi. Disons juste qu’elle risque de s’amuser pas mal plus que moi dans ses cours. J’aime les maths et les sciences, mais j’ai toujours dû bûcher pour maintenir ma moyenne.
– En quoi tu veux t’inscrire dans deux ans, Émile ? me demande Sandra.
C’est bien les parents de ma blonde, ça. On n’a même pas commencé le cégep qu’ils pensent déjà à l’université.
– Je sais pas trop. Peut-être en génie.
– En génie ? s’étonne le père d’Anaïs. Comme moi ?
Il est ingénieur et semble douter profondément de ma capacité à le devenir aussi. Pour me donner une contenance et éviter d’avoir à le regarder dans les yeux, j’ouvre une boîte afin d’aider Anaïs à s’installer.
– Si j’ai les notes pour, précisé-je en plaçant quelques romans sur les tablettes.
– Émile est super bon, papa. Il a eu des meilleures notes que moi dans plein de matières !
– Juste en sciences, m’empressé-je de nuancer.
Une pointe de culpabilité s’insinue en moi. Cette même culpabilité que je cherche à faire taire depuis le début de l’été. Mes bonnes notes, je ne les ai pas méritées tant que ça.
On jase encore d’école et du sérieux de l’affaire tout en rangeant quelques trucs, puis les parents d’Anaïs rentrent chez eux, nous laissant seuls dans la minuscule pièce où ma blonde habitera jusqu’au printemps prochain.
Elle ferme la porte. Je la sens nerveuse. Pas parce que ses parents sont partis, plutôt à cause de la nouvelle vie qui s’offre à nous. Anaïs a toujours eu peur de l’inconnu, de ce qu’elle ne peut pas prévoir.
– Penses-tu que je vais survivre ? me demande-t-elle avec un rire anxieux.
Je m’approche d’elle.
– T’es la fille plus forte que je connaisse, affirmé-je.
C’est la vérité. Le fait de déménager loin de chez soi, dans un endroit où rien ne nous est familier, c’est une étape importante pour n’importe qui, mais encore plus pour elle. Depuis qu’elle est toute petite, elle souffre de timidité quasi maladive. À l’école, elle ne parlait pratiquement à personne. Ses parents ont tendance à la surprotéger et il a presque fallu qu’elle se batte contre eux pour avoir le droit de se chercher un emploi, l’été passé. C’est là qu’on a commencé à se côtoyer. Elle travaillait au café-crémerie en face du centre de loisirs où j’étais moniteur de camp de jour.
Elle se blottit dans mes bras et j’embrasse ses cheveux noirs, lustrés, parfumés, qui me rendent fou.
– Je pourrais passer l’année enfermée ici sans jamais aller dans l’aire commune, suggère-t-elle d’une voix étouffée parce qu’elle a le visage collé contre mon épaule.
– Comment tu vas faire pour manger ? lui demandé-je. Il n’y a ni réfrigérateur ni four dans ta chambre.
– Je vais me contenter de noix et de chocolat.
– Et pour prendre ta douche ?
– Je vais me laver au lavabo. J’aurai juste à mettre plus de déo et personne va s’en rendre compte. Ou j’irai chez toi.
– Prendre ta douche dans un appart de gars… T’es sûre que ça te tente ?
On se regarde et on rit.
– Tu vas voir, dis-je. Tu vas te faire plein d’amis et ça va être la meilleure année de ta vie.
Son sourire devient espiègle.
– Ou je pourrais m’enfermer ici et t’obliger à rester avec moi pour me tenir compagnie.
– Être ton prisonnier ? Ça me va.
Elle se met à avancer en me poussant doucement. Je recule sans la quitter des yeux. Je m’arrête quand mes talons heurtent le pied de son lit. Elle continue d’avancer, se retrouve de nouveau collée contre moi. Je la prends par la taille et la fais basculer sur le matelas.
Anaïs
Ça fait maintenant presque une semaine que j’habite aux résidences. Ça fait aussi presque une semaine qu’Émile et moi sommes inséparables. On ne s’est quittés que quelques heures d’affilée, le temps qu’il aille travailler, et on s’est rejoints immédiatement après. Disons qu’on rattrape le temps perdu, puisqu’on ne s’est pratiquement pas vus de l’été !
J’ai quand même eu l’occasion de rencontrer quelques-uns des étudiants avec qui je cohabiterai. Surtout des étudiantes, en fait, étant donné que chaque étage des résidences est divisé en deux couloirs, un pour les gars et l’autre pour les filles, l’aire commune étant située au milieu.
En ce moment, je suis chez Émile et je l’observe pendant qu’il cuisine. Je le trouve beau. Le soleil de l’été a pâli ses cheveux, bronzé sa peau et fait ressortir ses taches de rousseur. Son travail à l’entrepôt a découpé les muscles de ses bras et de pas mal tout son corps. Il est plus grand, aussi. Il n’a peut-être gagné que quelques centimètres depuis qu’on a fini le secondaire, mais c’est suffisant pour que je me sente encore plus petite à ses côtés.
Il me lance un regard en coin, s’étant sans doute aperçu que je le fixe depuis tout à l’heure. Je quitte le comptoir auquel j’étais appuyée et je m’approche de lui. Je dépose un baiser dans le creux de son cou en me hissant sur la pointe des pieds.
– Mmmm ! Ça sent bon ! murmuré-je en parlant autant de l’odeur des crêpes qu’il prépare que de celle de sa peau mêlée au parfum de son shampoing.
De sa main libre, il m’attire plus près et ferme les yeux lorsque je mordille son oreille.
C’est ce moment que choisit Ludovic pour émerger du couloir où débouchent leurs chambres. Il se frotte les yeux en bâillant, puis s’arrête sec lorsqu’il nous voit.
– Oh, les amoureux ! s’exclame-t-il en détournant le visage, les mains levées pour se protéger d’une attaque imaginaire. Pas de cochonneries dans ma cuisine, s’il vous plaît !
– T’es juste jaloux ! riposte Émile.
Ludovic rigole et va ouvrir le frigo pour y saisir la pinte de lait. Il en boit toujours un grand verre en se réveillant, comme un enfant. On pourrait croire qu’il est huit heures du matin alors qu’il est plutôt huit heures du soir. Il travaille dans une boulangerie et il doit souvent être là avant même le lever du soleil. Comme il ne se couche pas plus tôt pour autant, il a l’habitude de faire une sieste en fin d’après-midi.
– Moi, jaloux ? s’indigne-t-il en s’essuyant la bouche du revers du poignet. Vous êtes ben cute, les tourtereaux, mais, avec le cégep qui débute, j’ai pas l’intention d’avoir une blonde, mais plusieurs !
Je ris en me décollant de mon chum pour le laisser retourner la crêpe qui cuit dans la poêle. Ludo avait une copine quand j’ai commencé à sortir avec Émile. Elle l’a quitté au début de notre cinquième secondaire. Il a mis du temps à s’en remettre (même s’il ne l’avouerait pas) et, depuis qu’il est en appart, il ne pense qu’à toutes les filles qu’il pourra y ramener… même si, pour l’instant, ça ne s’est pas encore produit.
Il replace le carton de lait dans le frigo et ouvre une armoire pour en sortir un sac de croustilles déjà entamé. Il s’en prend une énorme poignée et des miettes tombent sur sa camisole qui a dû être blanche autrefois, mais qui est maintenant tachée, jaunie et râpée par l’âge.
– C’est comme ça que tu comptes les charmer ? plaisanté-je en me servant dans le sac.
Il m’adresse un clin d’œil moqueur.
– Non, je garde ça pour toi ! répond-il avant d’avaler une autre poignée de chips.
– Hé ! Pas touche à ma blonde ! intervient Émile en versant une nouvelle louche de pâte à crêpes dans la poêle chaude.
Ludovic lui donne une claque dans le dos.
– Inquiète-toi pas, dude ! Je sais reconnaître une cause perdue quand j’en vois une.
Il m’offre encore des chips. J’en prends quelques-unes et il quitte la cuisine en lançant :
– Bonne soirée, les enfants !
– Tu sors ? lui demande Émile en s’étirant pour le voir dans l’embrasure de la porte.
Ludovic acquiesce.
– Yep ! J’ai une date, si vous voulez tout savoir.
– J’espère que tu vas te changer avant, le taquiné-je.
Il me tire la langue en