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Éloi (28)
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Livre électronique302 pages3 heures

Éloi (28)

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À propos de ce livre électronique

*Deuxième édition : nouvelle couverture, contenu identique*
Ma soeur Annabelle me dit que je suis son chevalier, parfois son prince. Plus personne ne s’offusque quand je me présente en tant que garçon ; mes amis et ma famille ont compris que mon corps n’est pas tout ce qui me définit. Je prends de la testostérone, j’attends impatiemment de pouvoir subir ma première chirurgie et je commence le cégep. Maintenant, à dix-sept ans, je suis Éloi. Je suis heureux, je suis en paix, mais je ne cesse de me poser une question : est-ce qu’un jour, quelqu’un voudra être en couple avec moi ?
Puis, il y a Luka, un ami de Dominic, qui s’immisce dans ma quiétude. Il change tout avec ses yeux gentils et ses questions que j’évite. Il est gai, comme moi. Non… pas tout à fait comme moi. Mais comment pourrais-je lui avouer que je ne suis pas exactement celui qu’il apprécie ? Plus j’apprends à le connaître, plus j’ai envie d’être son prince à lui. Et moins j’ai envie qu’il sache que je suis transsexuel.
Finalement, je me rends compte que je ressens encore le besoin de me cacher pour qu’on m’aime.

Prise d’hormones, chirurgies, documents légaux, première relation amoureuse... Dans cette suite de Garçon manqué, l’auteur continue d’aborder la transidentité, et, surtout, les étapes à franchir par les gens en transition. Admettre sa différence est un pas énorme, mais tout ce que ça demande par la suite exige également beaucoup de courage.
LangueFrançais
Date de sortie12 janv. 2022
ISBN9782897923198
Éloi (28)
Auteur

Samuel Champagne

Samuel Champagne est postdoctorant en sciences sociales à l'Université Laval. Il travaille sur le concept inédit du coming-in (l'entrée dans le placard). Il s'intéresse notamment aux milieux de vie et structures familiales influençant la construction identitaire des adolescent(e)s homosexuels-les, bisexuels-les et lesbiennes. Sa thèse en recherche-création sur le thème du placard en littérature destinée aux adolescents et jeunes adultes a obtenu le prix de la meilleure thèse. Il est l'auteur de douze romans jeunesse et d'un ouvrage pour adulte, en plus d'avoir publié plusieurs nouvelles et articles. Il a été l’invité d'honneur au Salon du Livre de Montréal en 2018, récipiendaire de la bourse Dorais-Ryan en 2015, du prix AQPF-ANEL en 2015, du prix Relève du CMCC en 2016, d'une bourse de recherche du FRQSC en 2018 et du prix Espiègle en 2019. Auteur au talent d’écriture évident, ses histoires touchent notre sensibilité et permettent à tous de comprendre et d’accepter la complexité de l’humain que nous sommes.

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    Aperçu du livre

    Éloi (28) - Samuel Champagne

    Prologue

    Quand j’étais petit, je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas qu’on ne me comprenne pas. Je ne savais pas qu’il y a de ces choses enfouies si profondément à l’intérieur de soi que les autres, même s’ils plissent les yeux, se concentrent du mieux qu’ils le peuvent, ne les voient pas.

    Quand j’avais quatre ans, je voulais raser mes cheveux, je voulais faire pipi debout. Je voulais qu’on me parle au masculin, même si tout le monde s’entêtait à m’appeler Éloïse et à m’offrir des robes.

    Quand j’avais huit ans, je voulais faire du hip-hop pour toujours, je m’imaginais porter un complet lorsque je serais devenu adulte. Comme mon père.

    Et, quand j’avais dix ans, je voulais faire du skateboard et oublier. Surtout oublier. Que je me posais des questions. Que j’avais peur des réponses.

    Ces choses que je voulais quand j’étais petit, je les voulais encore, désespérément, en vieillissant. Même si je savais que le mien était celui d’une fille, je souhaitais, dès que la chance m’en serait donnée, avoir le corps d’un garçon. Qu’on m’appelle par un nom de garçon, qu’on me dise « jeune homme », grandir en sachant que j’allais avoir de la barbe, une poitrine plate, un pénis…

    Quand j’ai su qu’espérer n’était pas suffisant, j’ai eu mal. J’ai pleuré et j’ai pensé mourir, j’ai blessé mon corps, celui dont je ne voulais pas.

    J’aurais aimé qu’on me dise, quand j’étais plus jeune, que les choses qu’on croit acquises ne le sont pas toujours. Que ce qui semble une question de blanc ou de noir cache parfois un millier de nuances de gris. Et que quelqu’un qui est né dans le corps d’une fille peut en fait être un garçon…

    Que l’impression d’être un étranger dans son propre corps est normale. Que s’imaginer être différent est normal. Que de vouloir que les gens nous reconnaissent pour la personne qu’on se sait être est normal. Toutes ces émotions sont normales quand on est transsexuel. Quand on est comme je suis.

    Quand j’avais douze ans, on m’a dit que j’avais le droit d’être moi. D’être un gars dans un corps de fille, que j’existais pour de vrai et que je pouvais être réparé si je le souhaitais. Avec le temps, les choses s’améliorent, dit-on. Pour moi, ce fut le cas.

    J’ai rencontré ce médecin qui m’a tout expliqué, qui m’a dit : « Oui, tu es un garçon, je te crois. » Il m’a fait des piqûres pour que mon corps arrête de changer, pour que je ne sois plus menstrué, jamais, pour que j’aie la chance de rester un peu enfant, dans cet espace-temps où il n’y a pas tellement de différences extérieures entre les garçons et les filles.

    Puis, quand j’ai eu seize ans, j’ai pu commencer à recevoir des injections de testostérone, hormone qui allait supplanter l’œstrogène qui coulait dans mes veines. À ce moment… le soulagement ! J’ai eu droit à la voix qui craque, aux boutons et aux courbatures. J’ai eu droit à une puberté de garçon. Mon corps a changé, de la barbe a poussé sur mon menton, j’ai mué, ma physionomie tout entière est devenue celle d’un homme. Un jeune homme.

    Depuis, je me sens mieux, je me sens moi, je n’ai plus aussi mal. Malgré les problèmes que ma situation m’a causés avec ma famille, malgré les amis que j’ai perdus et les insultes et les agressions auxquelles j’ai eu droit, malgré tout ce qui reste d’inconnu et d’incertain dans ma vie, je suis moi, je suis Éloi.

    - 1 -

    Août

    Je replace le pain sur le dessus de mon hamburger après que Pascal y a mis ses tranches de tomate. J’attrape le pain du dessous et soulève mon repas, mords dedans.

    – À vous voir échanger de la nourriture comme ça, je suis presque jalouse, lance Mikaëlle.

    Pascal place les deux rondelles d’oignon que je lui ai données sur le dessus de son sandwich. Il sourit à sa blonde, qui lui envoie un clin d’œil. Cute, cute, cute

    J’ai connu Pascal à l’âge de cinq ans et, depuis, on n’est jamais restés plus de deux jours sans se parler. C’était quand j’étais considéré comme fille, avant les médecins et les psychologues, avant les doutes et la peine. Il sait tout de moi, ou presque. Il sort avec Mikaëlle depuis tellement longtemps que j’ai oublié l’année exacte de leur rencontre.

    – Ils sont comme les deux doigts de la main, ces deux-là, affirme Dominic, en face de moi, montrant son index et son majeur croisés.

    – Tu peux bien parler ! renvoie Jasmine en riant.

    Elle désigne la main de Dominic, au-dessus de mon assiette. Il vient d’y mettre de la mayonnaise ; il sait que j’aime ça avec mes frites.

    – Je dirais plus qu’on est trois doigts, moi, la corrige Pascal.

    Les filles approuvent de la tête.

    – Ah, je vous aime tellement ! s’exclame Dom, l’air faussement dramatique.

    Il tend les bras pour m’attraper et empoigner Pascal. Dom est fan des câlins. Je m’éloigne autant que la banquette du restaurant me le permet. Pascal le repousse et Dom fait semblant d’essuyer une larme sur sa joue.

    – OK, ta gueule, maintenant, le prévient Pascal, tendant un doigt vers lui.

    Tout le monde sourit, à la table. Je trempe une frite dans la mayo, l’avale sans dire un mot. Dominic est mon autre meilleur ami. Je l’ai rencontré quand j’avais treize ans, après que le docteur m’a donné des bloqueurs d’œstrogènes, pour stopper ma puberté féminine en attendant que je puisse commencer les injections de testostérone. Je ne voulais pas lui dire que j’étais trans, que mon corps ne correspondait pas à mon esprit. Mais, quand il l’a su, il ne m’a pas rejeté, on est restés amis ; on s’est même rapprochés. Il a été mon professeur de hip-hop pendant trois ans ; maintenant, je suis aussi prof.

    Du coin de l’œil, je vois Dominic embrasser Jasmine. Elle et Mik sont au courant de ma situation. On n’en parle presque jamais. Depuis quatorze mois, avec la testostérone, ma physionomie a beaucoup changé, plus personne ne se doute que je suis né avec un corps de fille. Mes amis savent que je porte un binder – un t-shirt compressif qui cache ma poitrine –, que j’ai un… que je n’ai pas de pénis, mais ils savent aussi à quel point leur discrétion me fait du bien, à quel point j’ai envie d’oublier que je suis différent. Alors on n’en parle pas. Avec eux, Éloi le transsexuel, Éloi le gars trans, Éloi le FTM… ce n’est pas moi. Je suis Éloi le gars qui parle toujours de cinéma ou de danse, le gars qui fait du skate. Des fois, je suis le gars gay, mais ça non plus, on n’en parle pas beaucoup.

    – Hé, regarde, me lance Dominic, agitant la main devant moi.

    Les sourcils froncés, je suis ses doigts des yeux.

    – Tu le reconnais ? Il était là à…

    – Je m’en souviens, que je l’interromps.

    Il y a un gars au comptoir des commandes. Pas très grand, blond, avec des shorts en jeans et un t-shirt blanc. Je sais qui c’est. Enfin, je ne le connais pas personnellement, mais…

    OK, rewind. En mai dernier, Dominic et moi sommes allés à la Fierté Trans, un événement annuel où se réunissent plusieurs personnes se trouvant dans une situation similaire à la mienne, et il y était aussi, le gars du comptoir. Mais il n’est pas comme moi. Je le sais, parce que c’est un ancien ami d’école de Dominic.

    – Je peux ? demande Dom, me regardant. Éloi ?

    Je ne comprends pas… Et puis le moment où je lui ai demandé de ne pas aller le voir me revient en tête et je me sens rougir. Je souris finalement à Dominic, qui se lève.

    – Les deux doigts de la main, me taquine Mik. Il te demande même ton avis.

    Je me concentre sur mes frites. J’essaie de passer incognito. Si Dom était allé le voir en mai, ce gars aurait su que je suis trans… Je ne voulais pas ça.

    – Il est vraiment cute, ajoute Mikaëlle en pointant l’objet de mon angoisse du doigt.

    – Je me sens aimé, c’est incroyable, soupire Pascal.

    Dominic approche, le gars sur ses talons.

    – Luka, c’est la gang, annonce-t-il. Gang, c’est Luka.

    – Il est incroyablement précis, réplique le nouveau avec un petit rire.

    Il tend la main vers Jasmine, assise au bout de la table. Elle fait les présentations. Je suis un peu loin et, mon tour arrivé, je me soulève et tends les doigts. Il a les yeux bleus, comme moi. Ses cheveux lui arrivent aux épaules, ils ne sont pas attachés. Quand il me serre la main, sa paume est chaude contre la mienne.

    Et puis, je vois quelque chose traverser ses pupilles, quelque chose que je ne reconnais pas. Est-ce qu’il m’a vu à la Fierté Trans ? Ça passe aussi rapidement que c’est venu et il me sourit :

    – Content de te connaître. Je peux m’asseoir avec vous une seconde ?

    Pourquoi il me le demande à moi ?

    – Bien sûr, approuve Pascal.

    Dominic reprend sa place près de Mik et tout le monde se pousse pour que Luka ait un peu d’espace sur notre banquette en forme de U. Il ouvre le sac qu’il tient et en sort quelques frites.

    – Vous vous êtes connus comment ? demande Jazz.

    – Au secondaire, mais on n’avait aucun cours ensemble, on se parlait seulement durant les réunions de Génies en herbe, répond Dominic avant de se tourner vers Luka. Tu as un an de moins que moi, c’est ça ?

    – Oui, je vais avoir dix-neuf le mois prochain. Tu fais quoi de bon, Dom ? T’étais prof de hip-hop, non ?

    J’étire le cou : Luka essuie ses doigts sur une serviette en papier avant de repousser ses cheveux derrière ses oreilles. Il est vraiment beau. Je repose mes yeux sur mon hamburger.

    Je reçois un coup dans les côtes de la part de Pascal la seconde d’après.

    – Quoi ?

    – L’élève a surpassé le maître, dit (répète?) Luka. T’aimes ça, donner des cours de danse ?

    Je hoche la tête affirmativement. Je dois avoir l’air tellement stupide…

    – T’es au cégep ? veut savoir Mik.

    Luka acquiesce, avale une frite. Je vois sa pomme d’Adam monter et descendre et ça me fait sourire. J’étais tellement content quand j’ai commencé à apercevoir la mienne, au printemps dernier !

    – Je commence ma deuxième année à André-Laurendeau. Je suis en cinéma.

    Instantanément, tout le monde se tourne vers moi et, forcément, la tête de Luka suit le mouvement général.

    – Est-ce qu’on vient de trouver un quatrième doigt ? lance Jasmine en ricanant.

    Ha. Ha. Ha. Tout le monde trouve ça comique. Pas moi ! Je déteste être le centre de l’attention ; ils le savent, pourtant…

    – Oublie ça, que je dis à Luka devant son visage perplexe.

    – Éloi aussi va étudier en cinéma, explique Dom. À Ahuntsic, c’est ça ?

    Je fais encore oui de la tête et le sourire de l’autre s’élargit.

    C’est mon tour de parler, maintenant, non ? Je suis trop gêné.

    Je me passe la main près du menton et je sens un début de barbe contre mes doigts. Je suis rassuré. Il n’en faut pas plus pour me rappeler que j’ai fait un long bout de chemin, que mon allure correspond à ce que je ressens : je suis un gars, point final.

    – T’aimes ça ? que je demande à Luka. Ton programme, je veux dire ?

    – J’adore ! J’ai failli aller à Ahuntsic en fait, mais je préfère m’orienter vers la communication plutôt que les médias.

    Il a cette habitude de regarder son interlocuteur dans les yeux quand il parle, c’est un peu perturbant.

    Un cellulaire fait retentir sa sonnerie, une chanson de Fall Out Boy, je crois. Bon choix. Luka engloutit la frite qu’il vient de pêcher dans son sac et s’essuie les doigts à nouveau.

    – Ça doit être mon amie, annonce-t-il. Il… Elle doit être arrivée à l’arrêt de bus.

    Il se lève en attrapant son cellulaire.

    – Il faut que j’y aille, confirme-t-il.

    – Eille, tu me laisses ton numéro ? demande soudainement Dominic. Comme ça, si on fait quelque chose de spécial, je t’enverrai un texto.

    – OK, cool !

    Je les regarde échanger leurs coordonnées. C’est aussi simple que ça ?

    – Content de vous avoir rencontrés, nous salue Luka.

    Je lui souris en guise d’au revoir et il s’éloigne, pousse la porte du resto. On le suit des yeux à travers la vitrine. Je vois quelqu’un qui attend sur le banc près de l’abribus et je le reconnais. La reconnais, en fait. Luka était avec elle à la Fierté Trans. Alors que moi, je fais une transition de femme à homme, son amie doit sûrement faire une transition d’homme à femme.

    Illico, plein de questions me viennent en tête : qui est-elle ? quelle est son histoire ? comment se sont-ils connus ? où en est-elle dans ses démarches ? Je ne connais pas d’autres personnes comme moi. Je croise quelques enfants chez le docteur parfois, je lis beaucoup sur Internet, mais ce n’est pas pareil. Je sais que mes amis, le psychologue, ils ne comprennent pas vraiment. J’aimerais bien avoir un ou une ami(e) trans.

    – Je l’aime bien, ce gars-là, déclare Jazz, me sortant de ma tête.

    – Oui, il est vraiment nice, ajoute Dom.

    Il me lance un petit coup d’œil. Il doit avoir reconnu la fille de l’autre jour, lui aussi. Même si, aujourd’hui, elle porte des vêtements de style masculin. Ce n’est pas si facile de s’affirmer et d’être jugé, je comprends ça…

    Dom ne dit rien de plus ; ce n’est pas son genre de potiner et il est trop respectueux pour parler de l’identité des autres. Il sait bien que ce ne sont les affaires de personne.

    – Il est aussi sexy qu’en mai, hein ? me taquine-t-il malgré tout.

    – Ferme-la, que je marmonne en retour, le faisant ricaner. Ah, je t’haïs…

    – Tu m’aimes, arrête…

    Il presse ma nuque avec sa main avant de se remettre à dévorer sa poutine.

    Il a raison. J’adore Dom. J’adore Pascal. Ce n’est pas toujours simple, mais ça pourrait être tellement pire ! Des fois, je me demande si, sans eux, j’aurais pu passer au travers de tout ce qui m’est arrivé.

    Je regarde en direction des vitrines à nouveau, mais ne vois que l’autobus qui tourne à l’angle de la rue. J’espère que cette fille a autant de soutien que j’en ai eu.

    Le 23 août, c’est mon premier jour au cégep.

    C’est aussi un jour d’injection. Le matin, après ma douche, je me pique, près de la fesse gauche. Je replace mon boxer rapidement, cachant les cicatrices que j’ai sur la cuisse. Il y a eu un temps où la douleur était trop grande ; j’avais besoin d’agir… Et ce que j’ai trouvé à faire, c’est me couper la peau. Il n’y a pas beaucoup de marques, mais elles me rappellent que j’en ai fait, du chemin… J’ai un étrange sentiment d’affection pour ces petites lignes…

    Je me dépêche de m’habiller. Shorts en jeans et débardeur, avec une chemise à manches courtes par-dessus pour cacher la présence de mon binder au niveau des aisselles. Souliers, casquette… Je me regarde dans le miroir de l’entrée avant de sortir. Oui, j’ai de l’allure. Et dire que j’ai passé des années à éviter les miroirs ! Maintenant, ils me renvoient une belle image. J’ai l’air plus jeune que mes dix-sept ans, parce que je suis un peu petit et que je n’ai pas énormément de barbe, mais j’ai quand même du muscle et des hanches étroites et des épaules un peu larges et un front plus haut et une voix que j’aime et une mâchoire carrée et… Je souris pour moi-même en marchant vers l’arrêt d’autobus ; avant, j’aurais été incapable de trouver une seule chose qui soit correcte chez moi.

    Lorsque j’arrive à la station de métro, l’angoisse me rattrape et je me fige. J’ai peur. Vraiment, vraiment peur. J’ai toujours été anxieux, ce n’est pas nouveau, mais je croyais être passé par-dessus cette impression que ma vie allait imploser au moindre faux mouvement. Comme si je venais de mettre le pied sur une mine antipersonnel.

    Un homme me percute.

    – Qu’est-ce que tu fais ? me questionne-t-il en me contournant.

    Allez… marche. Marche, Éloi, marche. Impossible.

    Je vais entrer dans des classes où les étudiants ne savent rien

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