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Sextos (55)
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Livre électronique294 pages5 heures

Sextos (55)

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À propos de ce livre électronique

Anthony Lavoie, le beau skater avec qui je texte en secret (il a une blonde, mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’il la laisse), m’a envoyé une photo de lui… torse nu !
Il est trop parfait ! Je ne peux pas croire qu’il s’intéresse à une fille comme moi. S’attend-il au même genre d’image de ma part (même s’il dit que non) ? Si je ne lui rends pas la pareille, me trouvera-t-il plate? Pas assez game ? J’aimerais tant le faire rêver comme il me fait rêver.
Je n’ai qu’à m’organiser pour qu’on ne me reconnaisse pas. Après tout, il va la garder pour lui, j’ai confiance! Même s’il s’arrange toujours pour éviter mon regard, à l’école…
Transférer des photos osées d’un ou une mineure est criminel : il s’agit de distribution de pornographie juvénile, ce qui est passible d’une condamnation. Qui plus est, les gens touchés sont souvent victimes d’intimidation, de moqueries et de harcèlement. Ces images sont privées, et seule la personne photographiée peut en disposer à sa guise.
LangueFrançais
Date de sortie24 févr. 2021
ISBN9782897921972
Sextos (55)
Auteur

Ariane Charland

Ariane adore les histoires. Toutes les histoires. Les drôles, les tristes, les vraies, les fausses. La lecture et l’écriture ont toujours été ses passions, mais elle s’inscrit tout de même en traduction à l’Université de Montréal pour avoir un « vrai métier ». Elle obtient son diplôme en 2005 et commence tout de suite à travailler à la pige. Les années passent, et le vieux rêve la rattrape : écrire un livre et (idéalement, peut-être, qui sait?) le faire publier. Sa première série jeunesse paraît aux Éditions Michel Quintin, de 2012 à 2014, puis, en 2016, elle publie Comme un coup de poignard aux Éditions de Mortagne. La tête pleine de projets, Ariane ne quitte jamais la maison sans son stylo et son carnet de notes. Elle habite à Montréal avec son conjoint et leurs deux merveilleux enfants.

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    Aperçu du livre

    Sextos (55) - Ariane Charland

    août

    Le mensonge

    Dimanche 22 septembre

    Ghostface

    Salut ! On s’est jamais parlé, mais on est ensemble en français. Je peux pas m’empêcher de passer tous les cours à te regarder. J’ai pas le courage d’aller te voir, alors j’ai décidé de t’écrire. Émoji de bonhomme sourire.

    Romane

    « Ghostface » ? Sérieux ? Tu prends un nom de tueur en série pour dire à une fille que tu la regardes en secret ???

    Ghostface

    Lol ! Je savais que tu connaîtrais ça !

    Romane

    T’aurais pu choisir mieux. Scream, honnêtement, c’est assez moyen.

    Ghostface

    Quoi !?! L’émission peut-être, mais le premier film était écœurant !

    Je suis sûr que t’as sursauté pendant des jours, après, chaque fois que le téléphone sonnait chez vous !

    Surtout si, comme moi, t’avais juste huit ans quand t’as piqué le DVD dans la collection de tes parents… Émoji de bonhomme qui fait un clin d'œil.

    Romane

    OK, lol, je t’accorde ce point-là… si tu avoues que le masque blanc du tueur est beaucoup trop ridicule pour faire peur !

    Ghostface

    Ha ! Ha ! Marché conclu ! Mais je vais continuer de porter le mien à l’Halloween, justement parce que c’est drôle !

    Romane

    Bon, maintenant qu’on s’est entendus sur l’essentiel, vas-tu me dire ton vrai nom ?

    Ghostface

    Pas sûr… Qu’est-ce que je vais faire si t’es déçue ?

    Romane

    On pourra s’ignorer à l’école et agir comme si cette conversation avait jamais eu lieu. Émoji de bonhomme qui fait un clin d'œil. Ça changera pas grand-chose ! Pis, si tu passes les cours de français à me regarder, tu sais que je suis loin d’être la fille populaire qui mémère tout le temps !

    Ghostface

    Oui. C’est une des choses que j’aime chez toi.

    Romane

    Que je sois rejet ?

    Ghostface

    T’es pas rejet, voyons ! T’es… anticonformiste.

    Romane

    OK, tu t’es bien rattrapé. Émoji de bonhomme qui fait un clin d'œil.

    Ghostface

    Je suis pas non plus le gars le plus populaire de l’école. Pas rejet, mais un peu solitaire.

    Romane

    Alors, ça me fait déjà deux indices. Un gars ni rejet ni populaire qui est dans mon cours de français… Ton bureau est derrière le mien, j’imagine, sinon je me serais rendu compte que tu me regardes.

    Ghostface

    Bon guess.

    Romane

    Mais je suis assise dans la deuxième rangée… ça laisse pas mal de monde !

    T’as les yeux de quelle couleur ?

    Ghostface

    Mes yeux ? T’es drôle ! Personne remarque jamais la couleur des yeux !

    Romane

    C’est vrai. Tes cheveux ?

    Ghostface

    Bruns. Mes yeux aussi, en passant. Pas super original, hein ?

    Romane

    Lol ! Moi aussi, j’ai les yeux bruns.

    Ghostface

    Sauf que les tiens sont plus beaux que les miens.

    Romane

    Tu peux pas voir mes yeux si t’es assis derrière moi.

    Ghostface

    Y a pas juste en français que je te regarde…

    Romane

    On a d’autres cours ensemble ?

    Ghostface

    Oui, mais je te dis pas lesquels, ce serait trop facile.  Émoji de bonhomme qui fait un clin d'œil.

    Romane

    T’es grand ou petit ?

    Ghostface

    Dans la moyenne.

    Romane

    Et tes cheveux, ils sont longs ou courts ?

    Ghostface

    Ni l’un ni l’autre.

    Romane

    Euh… Pourrais-tu être encore moins précis, s’il te plaît ?  Émoji de bonhomme qui fait une grimace.

    Ghostface

    Disons qu’ils sont trop longs au goût de mon père, mais pas assez au mien !

    Romane

    C’est pas vraiment mieux, lol ! Mais c’est pas grave, je commence à avoir une idée…

    Ghostface

    Déjà ? Alors, je suis qui ?

    Romane

    Attends, j’ai d’autres questions. Mets-tu souvent du noir ?

    Ghostface

    Pas aussi souvent que toi, mais oui.

    Romane

    Portes-tu des souliers de skate ?

    Ghostface

    Ça m’arrive.

    Romane

    Même quand il pleut à boire debout ?

    Ghostface

    Les bottes de pluie, c’est pour les faibles. Émoji de bonhomme qui fait un clin d'œil.

    Romane

    Et des jeans ?

    Ghostface

    Qui n’en porte pas ?

    Romane

    Déchirés aux genoux ?

    Ghostface

    Pour l’aération.

    Romane

    As-tu toujours tes écouteurs dans les oreilles ?

    Ghostface

    Je plaide coupable. Je vais être sourd à trente ans.

    Romane

    Ouain, au fond, c’est toute notre génération qui va être sourde !

    Ghostface

    Lol ! C’est vrai !

    Pas d’autres questions ?

    Romane

    Oui, laisse-moi y penser.

    Pratiques-tu un sport qui implique de rouler comme un fou et de manquer se casser le cou en faisant des jumps ?

    Ghostface

    Excellente description. La réponse est oui.

    Romane

    OK. Je sais t’es qui.

    Ghostface

    Vraiment ? C’est quoi, mon nom ?

    Romane

    J’ai peur de me tromper…

    Ghostface

    Essaie, on verra.

    Romane

    Anthony ?

    Ghostface

    C’est ta réponse finale ?

    Romane

    Come on. C’est toi ou c’est pas toi ?

    Ghostface

    Être ou ne pas être… je me pose continuellement la question…

    Romane

    Arrête de niaiser ! T’es Anthony ?

    Ghostface

    OK, j’arrête. Oui, t’as raison. Tu m’as démasqué.  Émoji de bonhomme sourire.

    Romane

    Comme ça, tu passes les cours de français à me regarder ?

    Ghostface

    Ça te dérange ?

    Romane

    Moi non, mais Sabrina peut-être. T’sais, la fille suuuper souriante, qui est dans tous les comités de l’école, pis qui s’adonne à être ta BLONDE !!!!!

    Ghostface

    Ouain… mettons que ça va plus ou moins bien entre nous depuis un bout.

    Romane

    Ah bon ? À l’école, ça paraît pas pantoute !

    Ghostface

    Disons que j’ai pas trop le choix…

    Sabrina peut être assez… menaçante.

    Romane

    Sabrina Romero ? Menaçante ?

    Avec ou sans masque blanc ridicule ?

    Ghostface

    Ha. Ha. Ha. J’ai l’intention de la laisser bientôt. Faut juste que je prépare le terrain…

    Romane

    En lui jouant dans le dos comme en ce moment ?

    Ghostface

    Je sais, je sais, j’ai l’air d’un vrai salaud… J’ai pas trop réfléchi… J’avais juste envie de te parler, d’apprendre à te connaître… Mais je comprends si tu préfères me supprimer de tes contacts.

    Romane

    Ben non, je vais pas faire ça !

    Ghostface

    Fiou ! Mais pas un mot à l’école, OK ?

    Romane

    OK.

    Ghostface

    Je suis vraiment content d’avoir eu le courage de t’envoyer un message !

    Romane

    Moi aussi.

    Ghostface

    Faut que je te laisse, mais je te reviens dès que possible ! Pis tu peux m’écrire de ton côté, ça me ferait plaisir.

    Romane

    OK, je vais m’en souvenir.

    Ghostface

    Émoji de bonhomme sourire.

    Romane

    Émoji de bonhomme sourire.

    Romane

    Je reste immobile un long moment, couchée dans mon lit, à fixer mon téléphone. Je rallume l’écran, soudain gagnée par la crainte absurde que mon compte n’affiche plus la conversation que je viens d’avoir avec Anthony.

    Nos bulles réapparaissent, et je ne peux m’empêcher de lâcher un petit soupir de soulagement. Je les relis, juste pour m’assurer que je n’ai pas rêvé. Ses lol et ses smileys me font rigoler. Son surnom ridicule aussi.

    S’il sait que je tripe sur les films d’horreur, c’est qu’il a réellement pris le temps de me connaître, grâce à mes comptes sur les réseaux sociaux ou aux macarons sur mon sac.

    C’est vrai que je m’habille et me maquille en noir, parfois style « poupée gothique », parfois style « écœure-moi pas si tu veux pas recevoir un coup de botte tu sais où ». Ça laisse sans doute deviner que je ne suis pas une mégafan des films de Disney, mais quand même.

    En ce qui le concerne, c’était plutôt évident. Je l’ai vu lire un livre de Stephen King, l’autre jour, et je l’ai déjà croisé au cinéma. Il était avec sa gang. Ils achetaient des billets pour le même film qu’Éléonore, Laurent et moi. Comme on ne se parle pas à l’école, on ne s’est pas salués, mais Anthony nous a adressé un léger signe de tête. Il nous avait reconnus.

    J’ai trouvé ça gentil de sa part, parce qu’il aurait très bien pu nous ignorer. C’est qu’il est plutôt populaire, même s’il vient de prétendre le contraire. Il ne se tient peut-être pas avec l’Élite de l’école avec un grand É, mais disons qu’il est populaire dans son genre. Il fait du skate avec ses amis, et ça, c’est toujours cool.

    D’ailleurs, ils réalisent souvent des vidéos de leurs prouesses (ou leurs tentatives de prouesses !), qu’ils publient sur à peu près tous les réseaux sociaux qui existent. On n’est amis sur aucun d’eux, mais je les entends en parler continuellement à l’école. Bien que j’aime les regarder en personne, au skatepark, je n’avais jamais ressenti l’envie d’aller voir leurs enregistrements… jusqu’à ce qu’il m’écrive !

    Quand je tape son nom complet, Anthony Lavoie, dans la barre de recherche, plusieurs profils s’affichent, mais le sien n’est pas trop difficile à repérer. Sur sa photo, on le voit justement sur sa planche au sommet d’une rampe, au parc proche de notre école. En fait, il n’est pas vraiment sur sa planche, mais plutôt à côté, dans les airs. On devine qu’il a voulu exécuter un saut… et qu’il est sur le point de se casser la gueule.

    Je grimace en même temps que je ris. Ç’a dû faire terriblement mal, mais l’image est tellement comique que je n’y peux rien. En lisant les commentaires de ses amis, je constate que la plupart oscillent eux aussi entre la sollicitude empathique : « Ouch ! » et le fou rire incontrôlable : « Ha ! Ha ! Ha ! » Anthony, lui, répond généralement par des émojis ou des GIF humoristiques.

    Je parcours rapidement ses autres publications. Elles ont presque toutes rapport au skate ou au snowboard, mais il y en a quelques-unes de plus personnelles, dont un portrait de sa grand-mère décédée, à qui il a écrit un hommage très touchant. On sent la sincérité de sa peine et de son amour pour elle. En lisant ses mots, j’ai envie de courir jusque chez lui (même si je ne sais pas où il habite) et de le prendre dans mes bras. Je dois me retenir de lui réécrire pour lui offrir mes condoléances. Il me trouverait sans doute bizarre, étant donné que ça date du printemps.

    Je m’arrête ensuite sur la photo d’une plage envahie par de vieilles cannettes cabossées et des emballages de plastique vides, sur laquelle une pancarte indique pourtant de rapporter ses déchets à la maison. Anthony a mis un émoji fâché et a écrit : « Wow. Bravo l’humanité. »

    OK, ce gars est juste trop parfait. Il possède les trois meilleures qualités du monde : il est capable de rire de lui-même, il n’a pas peur de montrer ses sentiments et il se préoccupe du sort de notre planète. Sans oublier qu’il a un penchant pour les films d’horreur, bien sûr.

    Un des commentaires sous la photo attire mon attention.

    leagreenwood@tonylavoie Wow ! C’est tellement vrai ! On a juste une planète, faut en prendre soin !

    Quand je vois le pseudonyme de Léa Boisvert accolé à celui d’Anthony, une légère nausée me gagne, et pas seulement parce que cette fille est à peu près le contraire d’une environnementaliste (sérieux, elle doit posséder au moins cinquante-huit sacs à main et autant de paires de souliers, en plus de changer de téléphone cellulaire tous les six mois).

    Léa Boisvert, c’est une des filles qui nous écœurent le plus, mes amis et moi. Elles ne nous ont jamais agressés physiquement ni taxés ni quoi que ce soit. Elles ont beaucoup trop de « classe » pour ça. Elles pratiquent plutôt l’intimidation passive agressive. Exemple : on passe à côté de leur gang, et Léa commente assez fort pour qu’on l’entende : « Est-ce qu’ils sont déguisés en vampires ? C’est-tu déjà l’Halloween pis personne m’a avertie ? » Après, elles gloussent en chœur en se traitant affectueusement de bitches, pendant que nous nous efforçons de faire comme si elles n’existaient pas.

    Heureusement, Anthony et les autres skaters ne se tiennent pas avec elles. Le midi, ils vont au skatepark, où ils exécutent toutes sortes de tricks (ou peu importe comment ça s’appelle). Je vais souvent au parc avec mes amis, moi aussi, mais dans la portion gazonnée, là où il y a des arbres et des tables de pique-nique, et je leur jette des coups d’œil. Chaque fois, je me dis qu’ils sont hot.

    Surtout Anthony.

    Il n’est pas particulièrement meilleur que les autres, mais la façon qu’il a de sauter sur son skate et de le tenir avec sa main a quelque chose de tellement léger, tellement fluide, tellement naturel… tellement wow !

    Même quand il marche, il est sexy.

    Et le petit mouvement de tête qu’il effectue pour replacer ses cheveux tombés devant ses yeux est absolument adorable.

    Bref, ça fait un bon moment que je le trouve à mon goût sans oser me l’avouer. Je repousse mes sentiments dès qu’ils se manifestent, me répétant silencieusement que je n’ai aucune chance avec lui, qu’il est trop beau pour moi et que, de toute façon, il a une blonde. Pourquoi entretenir des espoirs si on sait qu’on va se ramasser avec le cœur en miettes ? Même maintenant, je tente de modérer ma joie. Si je la laisse monter trop haut, la chute sera encore plus douloureuse.

    Je parcours les autres publications d’Anthony et suis soulagée de ne pas revoir le nom de Léa. Par contre, celui de Sabrina est omniprésent, et je n’exagère pas. Elle like chacune de ses photos en plus de les commenter plusieurs fois, souvent en ne mettant que des cœurs ou des bisous. Elle est carrément obsédée. C’en est presque épeurant ! Je comprends qu’Anthony craigne sa réaction s’il la laisse.

    Ils sortent ensemble depuis presque deux ans. Une éternité ! Je me demande s’ils ont déjà fait l’amour. Ça ne m’étonnerait pas. Avec Éléonore, ma meilleure amie, on les a même surpris, une fois, à la fin de l’hiver passé. Bon, pas vraiment, mais ils s’embrassaient avec fougue, à moitié dissimulés derrière le conteneur à ordures sur le côté de l’école (c’était le jour de la collecte des déchets et oui, je sais, dégueu). Tellement qu’ils ne nous ont pas entendues ouvrir la porte à quelques mètres seulement de leur cachette.

    Sabrina était sur la pointe des pieds, les bras solidement enroulés autour du cou d’Anthony, qui avait les deux mains agrippées à ses fesses. Éléonore et moi, nous nous sommes dépêchées de nous éloigner, sans nous retourner pour voir s’ils nous avaient remarquées. Une fois à l’abri de leurs regards, nous avons éclaté de rire.

    — Ouache ! s’est exclamée Élé. Faudrait me payer cher pour que je me fasse pogner le cul par un gars à côté des poubelles de l’école !

    J’ai approuvé même si, secrètement, je mourais de jalousie. Pas à cause du décor, bien sûr, mais j’aurais aimé qu’un gars me désire autant qu’Anthony semblait désirer Sabrina.

    Ce souvenir me déprime.

    Je retourne lire les messages de « Ghostface », en particulier celui où il dit qu’il a l’intention de la laisser bientôt, histoire de regrimper sur mon petit nuage. Mon cœur se regonfle. Il gonfle tellement qu’il me fait mal… mais dans le bon sens du terme !

    Je ressens soudain le besoin irrépressible de partager mon bonheur avec quelqu’un.

    Mon téléphone indique 20 h 51. Je n’ai plus que quelques minutes pour appeler Éléonore. Je sais qu’elle commencera par me sortir quelques commentaires sarcastiques, genre : « Wow. Ça, c’est courageux : utiliser un pseudonyme pour jouer dans le dos de sa blonde… » Mais elle finira par comprendre quand je lui lirai notre conversation. Elle est comme ça, Élé : elle cache toujours sa sensibilité derrière une armure de dérision.

    Je vais dans mes contacts et sélectionne son numéro. L’appareil collé à ma joue, j’écoute les sonneries qui s’enchaînent interminablement et j’imagine Drew Barrymore, dans la scène d’ouverture de Scream, qui décroche nonchalamment le combiné, sans se douter qu’elle s’apprête à parler à un tueur fou. Évidemment, ça me fait penser à Anthony, et mon cœur s’emballe.

    Le répondeur familial finit par s’enclencher. Déçue, je raccroche sans laisser de message. Le temps que mon amie l’écoute et me rappelle, il sera trop tard de toute façon. Ses parents ne veulent pas qu’elle et sa sœur, Raphaëlle, parlent au téléphone passé vingt et une heures.

    Ouais, de vrais gardiens de prison…

    Elle n’a même pas le droit d’avoir de cellulaire. Raph, par contre, est continuellement pendue au sien. Elle a un an de plus que nous et travaille dans un resto, la fin de semaine. Pas dans la cuisine où le filet obligatoire risquerait de ruiner sa chevelure parfaite (elle, elle fait partie de l’Élite avec un grand É). Plutôt en tant qu’aide-serveuse. L’été prochain, avant qu’on commence notre cinquième secondaire, Élé pourra elle aussi se chercher un emploi et se payer un cellulaire.

    Malgré tout, elle ne s’en plaint pas trop. Même qu’elle aime bien

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