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L' expertise psycholégale, 2e édition
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Livre électronique689 pages7 heures

L' expertise psycholégale, 2e édition

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À propos de ce livre électronique

Tant les jeunes psychologues que les psychologues d’expérience trouveront dans cette deuxième édition de L’expertise psycholégale, entièrement revue, des balises méthodologiques pour faciliter leur travail, que ce soit pour évaluer les capacités parentales, la véracité d’allégations d’agression sexuelle, les séquelles psychologiques à la suite d’accidents ou de traumatismes ou la dangerosité d’un individu.
LangueFrançais
Date de sortie9 avr. 2014
ISBN9782760540033
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    Aperçu du livre

    L' expertise psycholégale, 2e édition - Louis Brunel

    texte.

    Le psychologue

    dans le système judiciaire

    MICHEL SABOURIN

    LOUIS BRUNET

    PIERRE-YVES LÉTOURNEAU†

    1.1. Considérations historiques

    Au Québec, il y a déjà plus de cinquante ans que l’on note un apport des psychologues dans le fonctionnement du système judiciaire. Au départ, c’est-à-dire un peu après la Deuxième Guerre mondiale (1947 : voir Arès, Boudreau et Ménard, 1987), c’est à titre de témoins experts devant les tribunaux pour des causes relevant essentiellement de l’aide à l’enfance que les psychologues ont fait leur marque pour déboucher vingt-cinq ans plus tard, soit au cours des années 1970, dans des causes relevant du droit de la famille (séparation et divorce) (Gélinas, Alain et Thomassin, 1994). C’est à cette époque que l’on a commencé à faire appel à l’expertise des psychologues pour obtenir des avis sur la capacité parentale et pour aider la cour à déterminer lequel des parents possédait la compétence suffisante pour que lui soit accordée la garde d’un enfant. Avec l’entrée en vigueur, en 1982, de la Loi sur les jeunes contrevenants, une loi fédérale qui a suivi de quelques années l’adoption et l’entrée en vigueur d’une loi québécoise innovatrice en matière de protection de la jeunesse (la Loi sur la protection de la jeunesse, 1974), tout le domaine de la jeunesse (enfance et adolescence) est devenu le terrain d’expertise privilégié des psychologues.

    Cette présence des psychologues, qui s’est tout de même manifestée d’une façon très graduelle, ne constituait certes pas un envahissement de la sphère juridique. Comme le rapportent Gélinas, Alain et Thomassin (1994), en 1990, seulement 307 des 4 594 membres de la Corporation professionnelle des psychologues du Québec (CPPQ, 1991) disaient effectuer des expertises pour la cour avec une certaine régularité, sans que ce soit nécessairement leur activité principale ; à ce qu’il semble, d’ailleurs, la plupart de ces praticiens œuvraient déjà dans des domaines, comme les centres de services sociaux, la Direction de la protection de la jeunesse ou des établissements carcéraux, où la présence au tribunal se situe habituellement dans le prolongement normal du travail clinique effectué. En pratique privée, à la même époque, seulement 228 membres de la CPPQ considéraient que l’expertise psycholégale constituait leur principale activité professionnelle ou une activité significative. Mais l’intérêt pour ce type de pratique est en constant développement, comme on peut d’ailleurs le constater en consultant les statistiques récentes de l’Ordre des psychologues du Québec (OPQ) ; en effet, à l’automne 1998, 295 psychologues en pratique privée considéraient l’expertise psycholégale comme leur principale activité professionnelle (OPQ, communication personnelle, le 20 octobre 1998). En 1991, lorsque la CPPQ décida de reconnaître les neuf principaux champs de pratique en psychologie, le domaine de la psychologie légale (expertise et consultation) fut retenu.

    Tout récemment, un autre domaine qui est une excroissance non litigieuse du droit de la famille, soit la médiation familiale, a commencé à prendre une ampleur justifiée par les modifications au Code de procédure civile du Québec, qui en font une étape obligatoire dans toute procédure de divorce, ainsi que par la reconnaissance gouvernementale d’un acte partagé de médiation familiale (par les psychologues, les travailleurs sociaux et les conseillers d’orientation, du côté des sciences humaines, et par les avocats et les notaires, du côté des sciences juridiques).

    Dans le domaine du droit criminel, l’implication des psychologues a beaucoup plus tardé à apparaître que dans les domaines précédemment mentionnés. En effet, tout comme c’était le cas chez nos voisins du Sud, c’est l’expertise psychiatrique qui a longtemps dominé dans les cours criminelles toutes les questions ayant trait à la détermination des troubles mentaux ou de l’aliénation mentale, ou encore à l’aptitude à subir un procès. Mais tout comme des changements significatifs à cet effet se sont produits depuis quelques années aux États-Unis, on remarque également au Canada une implication croissante des psychologues dans ce qui était auparavant considéré comme une chasse gardée des médecins.

    C’est avec l’arrêt Abbey de la Cour suprême du Canada, en 1982, que des critères canadiens d’admissibilité à l’expertise ont été définis clairement et qu’il a été établi que le témoin expert a pour principal rôle d’assister le juge des faits en aidant à sa compréhension, en lui permettant de faire des inférences et de tirer des conclusions sur des sujets dont la complexité technique ou la portée scientifique dépassent les connaissances et l’expérience du commun des mortels (Macartney-Filgate et Snow, 1997). Quelques années plus tard (arrêt Béland, 1988), la Cour suprême du Canada a réitéré que c’est uniquement à cette condition que le témoignage d’un expert peut être admissible et que le même témoignage est tout à fait superflu si la matière faisant l’objet d’une expertise tombe sous le sens commun. C’est sur cette base d’expertise incluant non seulement la formation, mais également l’expérience acquise, que les témoignages des psychologues en matière criminelle ont commencé à être de plus en plus admis dans les cours de justice. Plus récemment (arrêt Mohan, 1994), la Cour suprême a précisé que l’admissibilité d’un témoignage expert doit reposer sur un domaine reconnu de spécialité ou d’expertise, qui relève directement et logiquement des circonstances de l’espèce et qui est requis par le juge des faits. Il faut dire que la Cour suprême, dans l’arrêt Lavallée (1990), qui a jeté les bases au Canada de la défense basée sur le syndrome de la femme battue, avait déjà reconnu que les affaires possédant une incidence psychologique requièrent habituellement une preuve d’expert parce que la compréhension du comportement humain n’est pas à la portée du premier venu et exige des études spécialisées. Plus récemment (le 25 mars 1999), la Cour suprême, dans Smith c. Jones, a précisé les limites du secret professionnel et défini l’exception relative à la sécurité publique applicable autant à l’avocat qu’au médecin psychiatre.

    Il arrive souvent que l’on demande à des psychologues d’intervenir dans des dossiers de la cour et de devenir ainsi, sans jamais l’avoir prévu, des témoins experts ou des témoins de faits, même s’ils n’ont jamais choisi volontairement d’œuvrer dans le domaine de l’expertise psycholégale. Ceci s’explique par le fait que l’opinion du psychologue est de plus en plus en demande et peut s’appliquer à une gamme étendue de problèmes à incidence juridique. Ainsi, le fait d’avoir eu en thérapie un client qui est plus tard accusé de violence conjugale, ou encore d’avoir procédé à l’évaluation d’un enfant qui fait par la suite l’objet d’une dispute de garde, peut amener un psychologue à devoir rendre un témoignage devant un tribunal. Même les psychologues en milieu universitaire qui agissent essentiellement comme chercheurs ou enseignant n’échappent pas à cette possibilité ; on peut en effet les appeler à la barre pour témoigner sur des aspects précis qui touchent à leur domaine d’expertise (par exemple, sur le témoignage oculaire, dans le cas d’un chercheur en mémoire ou en perception), ou encore pour présenter des données pertinentes issues de projets de recherche ou même de l’information concernant des participants ou sujets de recherche. Ici, comme dans la plupart des cas, il faudra toutefois tenir compte du droit à la confidentialité prévu par la Charte québécoise des droits et libertés et de la nécessité d’obtenir, s’il y a lieu, le consentement préalable des personnes concernées avant de pouvoir témoigner. Nous reviendrons plus loin sur cette épineuse question.

    La notoriété du psychologue en tant qu’expert n’est sans doute pas étrangère à la nature même de sa formation (plus particulièrement illustrée par le modèle scientifique-professionnel) et à sa pratique clinique basée sur un modèle d’acquisition scientifique des connaissances (observation, hypothèse, vérification de l’hypothèse par des méthodologies appropriées, analyse des résultats avec confirmation ou invalidation de l’hypothèse) ; en effet, la philosophie du travail du psychologue est fondamentalement empirique et colle sans doute davantage au processus hypothético-déductif tant privilégié par le système juridique.

    Dans la plupart des cas, le psychologue à qui on demande ainsi de participer au bon fonctionnement du système judiciaire n’a ni la préparation ni l’expérience requises, et la perspective de se retrouver à la barre des témoins n’est certes pas des plus réjouissantes. Il importe donc de fournir au moins quelques éléments essentiels à ces professionnels afin qu’ils puissent œuvrer efficacement et sans trop d’anxiété dans ce nouveau milieu de travail. C’est d’ailleurs l’un des buts que nous visons dans le présent chapitre. Par ailleurs, un nombre grandissant de psychologues, comme nous l’avons indiqué précédemment, ont choisi d’œuvrer à temps plein ou d’une façon significative dans le milieu judiciaire ; pour eux, l’expertise psycholégale (et la possibilité qui en découle de témoigner devant une cour de justice) est beaucoup plus qu’un incident de parcours. C’est à eux également que s’adresse ce chapitre, afin de leur permettre de parfaire leurs connaissances des rouages complexes de l’expertise ou, à tout le moins, de mettre un peu d’ordre dans ce qu’ils savent déjà !

    Dans les sections qui suivent, nous allons examiner d’une façon approfondie les diverses facettes de l’expertise psycholégale, pour en préciser les différents domaines d’application, ainsi que les préalables en termes de formation universitaire et d’expérience pratique. Enfin, nous présenterons les aléas du témoignage expert avec ses particularités et les pièges à éviter.

    1.2. Les principaux champs d’application

    1.2.1. Le témoin expert

    Le fait d’être membre de l’Ordre des psychologues du Québec, bien qu’il autorise légalement un individu à porter le titre réservé de « psychologue », ne confère pas automatiquement le titre et la capacité d’agir comme témoin expert. Même le fait que les services d’un psychologue soient retenus par un avocat ne garantit pas d’une façon absolue que la Cour reconnaîtra la qualité d’expert de celui-ci et en autorisera le témoignage. A contrario, quelqu’un qui n’est pas membre d’un ordre professionnel pourrait être autorisé à agir comme expert en matière psychologique. Donc, la reconnaissance d’expertise ne découle pas de la reconnaissance légale sur le plan professionnel.

    Les deux principaux critères qu’utilisent habituellement les juges pour décider de la qualité d’expert sont la formation et l’expérience, bien appuyés par des faits vérifiables. Aussi, il arrive souvent que l’on tienne également compte de la formation continue (ou supplémentaire) qu’un individu a suivie, de son expérience comme chercheur, des ouvrages ou articles scientifiques qu’il a publiés, de son milieu de travail et de sa connaissance d’instruments psychométriques précis particulièrement pertinents à une cause. Par ailleurs, selon la cause, il arrive que la pondération ou l’importance accordée à chacun des facteurs que nous venons d’énumérer soit différente. Bien souvent, c’est la combinaison de plusieurs des facteurs précédents, plutôt que la possession d’un seul, qui détermine la reconnaissance de l’expertise. Il arrive donc que des chercheurs ne possédant à peu près aucune expérience professionnelle ou des gens possédant une formation ou une expérience minimales ne soient pas reconnus comme experts. Le fait d’avoir déjà été reconnu expert dans des causes antérieures qui dénotent une certaine similarité avec la cause actuelle est bien souvent un critère additionnel.

    La première phase, qui précède tout témoignage expert, est la reconnaissance formelle par la Cour de la qualité d’expert du témoin. C’est donc à cette étape qu’il y a discussion et que, parfois, des objections à cette reconnaissance sont formulées par la partie adverse ; en dernier ressort, c’est le juge qui aura à décider, après avoir soupesé les arguments favorables et défavorables présentés par les parties. Et il n’y a rien d’automatique là-dedans ; il nous est arrivé de voir un psychologue américain expérimenté dans un domaine très précis, par ailleurs ésotérique, être refusé comme expert parce qu’il avait obtenu un doctorat par correspondance ! Il est donc fort important que quiconque aspire à cette reconnaissance, et même un expert des plus aguerri, soit bien préparé à répondre à toutes les questions soulevées et puisse faire une démonstration particulièrement claire et convaincante de sa formation et de son expérience pertinentes ; ceci se fait habituellement au moyen d’un curriculum vitæ à jour de l’expert potentiel, qui doit refléter l’ensemble des réalisations pertinentes en appui au statut d’expert recherché.

    On demande souvent aux experts potentiels d’indiquer leur domaine de spécialité. L’expert peut alors indiquer le ou les domaines dans lesquels il exerce habituellement sa profession, il a reçu une formation plus approfondie ou il a développé une compétence et des connaissances poussées. Cependant, malgré le sens commun du terme « spécialiste », le professionnel doit absolument éviter de s’attribuer le qualificatif de « détenteur d’une spécialité » ou de laisser entendre qu’il détient un certificat de spécialiste s’il n’en détient pas, ce qui pourrait constituer un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession. En effet, comme le stipule clairement l’article 58 du Code des professions (L.R.Q., chapitre C-26) : « Nul ne peut utiliser un titre de spécialiste […] ni agir de façon à donner lieu de croire qu’il est spécialiste […] s’il n’est titulaire du certificat de spécialiste approprié. » Par ailleurs, certains psychologues québécois ou canadiens ont pris la peine d’obtenir un certificat de reconnaissance de leur « spécialité » d’un organisme américain, tel l’American Board of Professional Psychology (ABPP), après avoir passé les examens appropriés et fait la démonstration qu’ils rencontrent les exigences de cet organisme. L’ABPP reconnaît officiellement les six spécialités suivantes : psychologie clinique, psychologie du counseling, psychologie scolaire, psychologie industrielle et organisationnelle, neuropsychologie et psychologie légale (forensic psychology). Il est alors tout à fait approprié pour un spécialiste reconnu d’en faire part à la Cour, car cette reconnaissance constitue indéniablement un moyen objectif et indépendant d’évaluer la qualité d’expert d’un témoin.

    Dans un autre ordre d’idées, il arrive que lors de son passage à la barre, l’on s’adresse au psychologue en utilisant le titre de « docteur ». Si le témoin a effectivement obtenu un diplôme de doctorat en psychologie ou dans un domaine connexe, il n’y a pas de mal à se voir attribuer le titre auquel il a droit. Mais si, par contre, il ne détient qu’une maîtrise, par exemple, il est recommandé d’en informer son interlocuteur. Même informé, il peut arriver que ce dernier continue d’utiliser ce titre ; ce n’est plus alors la responsabilité du témoin, puisqu’il a déjà apporté la précision requise. Cependant, le fait de se laisser attribuer un titre auquel on n’a pas droit peut constituer un acte dérogatoire et entraîner des conséquences disciplinaires.

    Le fait d’être reconnu expert permet au psychologue non seulement de témoigner de faits dont il pourrait avoir eu connaissance et qui sont pertinents à la cause, mais également de donner son opinion professionnelle par rapport à des entrevues qu’il a menées ou des examens qu’il a fait subir à l’une ou l’autre des parties ; en d’autres termes, cette reconnaissance autorise l’expert à témoigner par ouï-dire (c’est-à-dire à donner son opinion sur des faits dont il n’a pas eu personnellement connaissance), ce qui, sauf à de très rares exceptions, est interdit au témoin de fait. La Loi sur la preuve au Canada (L.R.C., 1985, ch. C-5) précise d’ailleurs le rôle du témoin expert et les limites qui lui sont imposées :

    Article 7. Lorsque, dans un procès ou autre procédure pénale ou civile, le poursuivant ou la défense, ou toute autre partie, se propose d’interroger comme témoins des experts professionnels ou autres autorisés par la loi ou la pratique à rendre des témoignages d’opinion, il ne peut être appelé plus de cinq de ces témoins de chaque côté sans la permission du tribunal, du juge ou de la personne qui préside.

    Aussi, le fait d’être reconnu à titre d’expert n’a pas vraiment d’influence sur la crédibilité accordée à un témoin ou sur le poids de son témoignage. Contrairement à l’admissibilité, sur laquelle l’expert n’a aucun contrôle, sa crédibilité, le poids qui sera accordé à son témoignage et l’influence que ce témoignage exercera sur le résultat du procès tombent davantage sous son contrôle. Donc, si un expert n’est pas jugé très crédible, l’impact de son témoignage sera faible ou nul. D’autre part, un expert dont la crédibilité est élevée aura souvent une influence prépondérante.

    Qu’est-ce qui peut contribuer à augmenter ou à diminuer la crédibilité d’un témoin expert ? Plusieurs facteurs, comme le nombre d’années d’expérience professionnelle, le grade universitaire (maîtrise ou doctorat), ainsi que des éléments de perception ou d’image professionnelle, tels l’apparence, l’honnêteté ou l’objectivité des propos, le degré de confiance et la facilité d’expression, la qualité du travail professionnel accompli ou des rapports soumis, vont tous plus ou moins moduler la crédibilité accordée à l’expert. Mais certains éléments ont sans doute plus de poids que d’autres, notamment l’objectivité. Ainsi, bien entachée sera la crédibilité d’un psychologue dont les rapports et les témoignages fournissent toujours, sans trop de nuances et de discernement, l’opinion recherchée par la partie qui retient ses services, même si ce n’est pas objectivement la conclusion qui devrait découler de l’ensemble des données recueillies, et qui, au fil des ans, acquiert la réputation d’être un expert biaisé (hired gun). Par ailleurs, un expert qui est perçu comme étant au-dessus de la mêlée, qui effectue un travail de qualité et qui présente toujours des conclusions dont l’objectivité est reconnue par toutes les parties, se gagne très rapidement dans les cercles juridiques une réputation d’impartialité, et ses opinions deviennent très recherchées. A contrario, qui voudrait d’un expert dont on sait qu’il favorise toujours indûment la partie qui retient ses services et qui a tendance à tourner les coins ronds dans son travail professionnel ? Les juges repèrent très rapidement ce genre d’expert et n’accordent habituellement pas beaucoup de crédibilité à ses propos. Par ailleurs, quelqu’un à qui l’on reconnaît une expertise particulière très forte dans un domaine spécialisé a des chances de voir sa crédibilité grandement reconnue.

    1.2.2. Le psychologue conseil

    Un autre rôle du psychologue dans le système judiciaire, rôle par ailleurs beaucoup moins fréquent que celui de témoin expert, est celui de psychologue conseil. Inconnu il y a quelques décennies à peine, ce nouveau rôle se développe lentement au Québec, dans le sillage de l’expérience américaine du début des années 1970, sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin.

    C’est ainsi que certains psychologues jouent un rôle conseil auprès d’avocats criminalistes dans la préparation d’un procès d’assises, c’est-à-dire un procès devant jury. Pour un avocat, le procès devant jury représente un défi particulier. Au lieu de convaincre un juge formé comme lui, en utilisant des arguments légaux et une jurisprudence qu’ils connaissent bien tous les deux, il doit plutôt composer avec douze personnes naïves et inexpérimentées sur le plan juridique, souvent pressées d’en finir et susceptibles de s’être déjà formé une idée quant à la culpabilité ou à l’innocence de l’accusé, qui vont prendre une décision en fonction de leur interprétation bien personnelle des directives en droit du juge qui préside le procès.

    L’implication des psychologues dans la préparation d’un procès devant jury a débuté aux États-Unis au début des années 1970, donc en plein cœur de la guerre du Vietnam, par le retentissant procès des Sept de Harrisburg (Schulman et al., 1973). Il s’agissait de prêtres et de religieuses catholiques accusés par le gouvernement américain d’avoir comploté pour incendier des bureaux de recrutement militaire, pour détruire des lettres de notification pour le service militaire et même pour kidnapper Henry Kissinger ! Le choix par le gouvernement de la ville de Harrisburg, en Pennsylvanie, une région ultraconservatrice, comme site du procès, avait profondément choqué l’opinion publique américaine. Ainsi, des universitaires opposés à la guerre du Vietnam sont venus prêter main-forte à la défense lors de la sélection du jury pour tenter, en quelque sorte, de rétablir l’équilibre (Sabourin, 1995). Ils fondèrent leur définition du profil du juré idéal pour ce procès sur des données démographiques et attitudinales obtenues par sondage. Le résultat fut un désaccord du jury (10 jurés en faveur de l’acquittement et 2 irréductibles en faveur de la culpabilité). Dans les circonstances et compte tenu du lieu où se déroulait le procès, ce résultat a été jugé impressionnant et tant les communautés légale que scientifique ont commencé à s’intéresser à la préparation « scientifique » des procès devant jury.

    Le psychologue conseil peut intervenir de différentes façons pour aider à la préparation d’un procès et plus particulièrement à la sélection du jury. Ce qui le distingue de l’avocat, c’est qu’il va utiliser des méthodes dites « scientifiques » ou « systématiques » au lieu de techniques basées essentiellement sur l’intuition et le gros bon sens.

    Une première intervention est possible lorsque la cause qui sera entendue a fait l’objet d’un battage médiatique important, plus souvent qu’autrement préjudiciable à l’accusé. L’avocat de la défense s’interroge alors sur la possibilité que son client puisse jouir d’une défense pleine et entière si le procès se déroule, tel que prévu, dans le district judiciaire où l’infraction est présumée avoir été commise. S’il pense que son client subira un préjudice, il peut alors songer à demander le renvoi devant une autre juridiction (un changement du lieu du procès). Mais il doit faire la preuve que ce renvoi est nécessaire à cause des opinions largement négatives et préjudiciables qui circulent. Pour ce faire, il peut s’appuyer sur les données d’un sondage réalisé scientifiquement, lesquelles données pourront également servir à la préparation du procès en général (on pourra tester l’efficacité de certains arguments de la défense et de la poursuite) et pour la sélection du jury en particulier (en aidant, par exemple, à la définition des profils favorable et défavorable).

    La technique du procès simulé est un second type d’intervention que le psychologue conseil peut utiliser, surtout lorsqu’une affaire n’a pas été médiatisée. Ainsi, il est possible, à l’aide de comédiens qui agissent comme témoins et d’avocats tenant le rôle de la poursuite, de la défense ou du juge, de simuler avec beaucoup de réalisme le procès à venir. On choisit alors un jury dans le bassin de population qui sera éventuellement retenu pour le procès ; l’enregistrement vidéo, le visionnement et l’analyse des délibérations de ces « faux » jurés donnent souvent de très précieuses informations sur la compréhension qu’ont des gens ordinaires de concepts légaux quelquefois très complexes et sur leur réaction aux arguments de la poursuite et de la défense. Une variante beaucoup moins onéreuse (mais dont la validité est toutefois plus faible) consiste à résumer le procès (preuve de la poursuite, défense, plaidoiries, directives du juge, etc.) dans un texte écrit et de faire suivre la lecture de ce texte par des délibérations que l’on enregistre et que l’on écoute attentivement. On peut également recueillir l’opinion des membres du jury « simulé » sur différents aspects du procès ou leur demander de répondre à un questionnaire d’évaluation de la crédibilité des différents témoins.

    Enfin, lors de la sélection du jury, le psychologue conseil peut assister l’avocat dans cette tâche complexe, qui se déroule souvent à vive allure, à partir des profils préalablement établis. Il peut même, lorsqu’il est permis de poser des questions aux candidats (ce qui se produit habituellement dans les causes très médiatisées), aider l’avocat à formuler ses questions de façon que les réponses puissent aider à la sélection.

    Aussi, certains avocats ont pris l’habitude de demander l’opinion du psychologue conseil quant à la structure et au contenu de leur plaidoirie. C’est ici qu’entrent en jeu les évaluations des effets de récence et de primauté (ou le degré d’importance de parler en premier ou de parler juste avant les délibérations, selon les cas), ainsi que l’utilisation efficace des principes de la communication persuasive (utilisation d’arguments uni- ou bidirectionnels, etc.).

    Bref, au-delà de son rôle de témoin expert, le psychologue possède souvent (nous y reviendrons) une formation et une expérience qui l’habilitent à offrir des services ou des conseils très précieux à un avocat criminaliste chargé de préparer un procès d’assises. Aux États-Unis, du fait qu’un grand nombre de procès civils se déroulent devant jury, ces services de préparation de procès et de sélection du jury sont très recherchés, ce qui a donné naissance à une industrie florissante ; par ailleurs, au Canada, le développement est un peu plus lent, car les procès devant jury sont réservés à l’infime minorité des causes criminelles entendues par nos tribunaux.

    1.2.3. Le médiateur familial

    Le 1er juillet 1997, une nouvelle loi modifiant le Code de procédure civile concernant la médiation familiale est entrée en vigueur au Québec. Les couples avec enfants, qu’ils soient légalement mariés ou conjoints de fait, ont maintenant accès gratuitement aux services d’un médiateur professionnel pour la négociation et le règlement de toute demande de séparation, de divorce, de garde d’enfants, de pension alimentaire ou de révision d’un jugement existant. Cette médiation peut être volontaire et on peut y recourir avant d’entamer une procédure judiciaire ou en cours de procédure. Elle peut également avoir lieu à la suite d’une séance d’information sur la médiation, avant ou après le dépôt d’une demande en justice. Enfin, elle peut aussi être ordonnée par le tribunal.

    Seul un médiateur professionnel accrédité, dont on trouve une description dans la loi et le règlement qui l’accompagne, est habilité à offrir ce service. Et ce sont seulement les membres de six ordres professionnels, soit les avocats (Barreau du Québec), les conseillers d’orientation, les notaires, les psychologues, les membres de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, ainsi que ceux de l’Ordre des psychoéducateurs du Québec. De plus, les employés des centres de protection de l’enfance et de la jeunesse (CPEJ) ont aussi la possibilité d’être ainsi accrédités. La médiation familiale est donc devenue un acte professionnel réservé par la loi à ceux qui détiennent l’accréditation.

    Le psychologue qui désire obtenir une telle accréditation doit répondre à une série de conditions qui touchent autant le contenu que le niveau de sa formation et de son expérience. Au départ, il faut avoir suivi un cours de 60 heures en médiation familiale, avoir un minimum de trois ans d’expérience au sein de son ordre professionnel et s‘engager à compléter, dans les deux ans suivant l’accréditation, 10 mandats de médiation familiale sous la supervision d’un médiateur accrédité qui a complété 40 mandats de médiation familiale et à suivre dans ce délai une formation complémentaire de 45 heures en médiation familiale. Cette formation doit être suivie après l’accréditation du médiateur.

    La formation de base, qui porte sur chacun des sujets suivants reliés à la séparation, au divorce ou à la nullité du mariage, est répartie de la façon suivante :

    au moins 15 heures sur les aspects économiques, légaux et fiscaux (notamment la fixation des pensions alimentaires pour enfants et le partage du patrimoine familial et des autres droits patrimoniaux résultant du mariage ou de l’union civile ou le règlement des intérêts communs que des conjoints de fait peuvent avoir dans certains biens). Toutefois, un médiateur dont la formation universitaire est juridique n’est tenu qu’à un minimum de 6 heures de cours sur ces aspects ;

    au moins 15 heures sur les aspects psychologiques et psychosociaux, dont 3 heures de sensibilisation aux conditions de vie des personnes après la rupture. Toutefois, un médiateur dont la formation universitaire est de nature psychologique ou psychosociale n’est tenu qu’à un minimum de 6 heures de cours sur ces aspects ;

    au moins 24 heures sur le processus de médiation (notamment la déontologie) et sur la négociation (notamment les obstacles à la négociation et l’équilibre des forces en présence) ;

    au moins 6 heures de sensibilisation à la problématique de la violence.

    La formation complémentaire, qui comporte un approfondissement des mêmes sujets que la formation de base, est répartie comme suit :

    15 heures sur le processus de médiation et la négociation ;

    30 heures sur les sujets complémentaires à la formation universitaire du demandeur ; ces heures porteront, dans le cas d’un médiateur dont la formation est de nature psychologique ou psychosociale, sur les aspects économiques, légaux et fiscaux et, dans le cas d’un médiateur dont la formation est de nature juridique, sur les aspects psychologiques et psychosociaux.

    1.2.4. Le psychologue œuvrant au sein des services correctionnels

    Plusieurs psychologues ont choisi d’œuvrer au sein des services correctionnels (canadiens ou québécois) à titre soit de psychologue, soit d’agent de libération conditionnelle. Il s’agit habituellement de psychologues cliniciens qui exercent leur métier auprès d’une population carcérale. Dans bien des cas, leur rôle principal consiste à faire des évaluations en vue de déterminer le degré de dangerosité ou de réhabilitation d’un détenu en attente d’une décision de libération conditionnelle. Dans d’autres cas, le psychologue offre de véritables services de consultation psychothérapeutique.

    Puisque le psychologue est à l’emploi d’un service correctionnel, mais qu’il dispense en même temps des services professionnels à un client, il arrive quelquefois que cette double allégeance entraîne des conflits entre les devoirs et les obligations respectives à l’égard de l’employeur et du client. Il est donc fort important, dans une pareille situation, de toujours préciser à son client détenu les limites de la confidentialité qui s’appliquent eu égard à la nature du service dispensé. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’une évaluation psychologique menant à un rapport qui sera transmis à d’autres instances correctionnelles, le psychologue doit toujours prendre soin d’indiquer à son client l’absence de confidentialité. Par ailleurs, lorsqu’il s’agit de soins thérapeutiques, les règles habituelles doivent s’appliquer.

    1.3. Les exigences en termes de formation et d’expérience

    Les différents champs d’application que nous venons de décrire n’ont pas les mêmes exigences en termes de formation universitaire et d’expérience requise. Dans certains cas, il s’agit d’une formation relativement homogène, dans des cadres existants, qu’il suffit de compléter par quelques cours spécialisés. Dans d’autres cas, la formation de base est loin de satisfaire les exigences minimales et la formation complémentaire est beaucoup plus élaborée.

    1.3.1. La formation universitaire

    Les différentes fonctions exercées par le psychologue ne sont pas nécessairement associées au même cheminement universitaire. Ainsi, le témoin expert dont les services seront retenus, soit pour des évaluations (capacités parentales, abus physique ou sexuel, etc.) associées à des problématiques de garde d’enfants et d’accès, soit pour des évaluations de l’aptitude à subir un procès ou de troubles mentaux (absence de responsabilité criminelle), ou encore pour tout type d’évaluation associée à l’état mental ou à la personnalité de son client, possède généralement une solide formation en psychologie clinique. Cette qualité s’applique également au psychologue œuvrant dans le système carcéral, ainsi qu’à celui ou celle qui va offrir des services de médiation familiale. Par ailleurs, le psychologue conseil pourrait par exemple avoir suivi un cheminement de recherche en psychologie sociale. Dans les lignes qui suivent, nous avons choisi de tracer en détail les exigences associées uniquement aux rôles de témoin expert et de psychologue conseil, puisque la formation associée au médiateur a été très bien décrite plus haut et que celle qui se rapporte au psychologue œuvrant en milieu carcéral est essentiellement la formation clinique traditionnelle que nous décrirons pour le témoin expert, complétée par une expérience de travail pertinente.

    A. LA FORMATION DU TÉMOIN EXPERT

    Une bonne formation de base du psychologue clinicien habilitant celui-ci à offrir des services d’expertise devrait normalement comporter les matières suivantes :

    une bonne connaissance des principales problématiques éthiques associées à l’évaluation et à l’intervention, ainsi que l’apprentissage d’une méthode de résolution de dilemmes éthiques ;

    des cours portant sur la mesure et l’évaluation de la personnalité par des techniques psychométriques (objectives ou projectives) ;

    des cours portant sur le fonctionnement normal et la psychopathologie de l’enfance, de l’adolescence et de l’âge adulte ;

    des cours portant sur l’établissement d’un diagnostic psychologique selon un modèle reconnu de classification des troubles mentaux, comme le DSM-V ;

    des stages d’initiation à la pratique ainsi qu’un internat clinique.

    B. LA FORMATION DU PSYCHOLOGUE CONSEIL

    La fonction de consultation pour la préparation de procès exige tout d’abord une solide formation en méthodologie de la recherche (planification et design expérimental), ainsi qu’en utilisation de méthodes quantitatives avancées (analyses corrélationnelles, analyses factorielles, régression, analyse de la variance, etc.) et de méthodes qualitatives. Aussi, il est hautement souhaitable d’avoir suivi un cours sur l’éthique de la recherche pendant lequel seront abordés les principaux problèmes entourant la planification et le déroulement d’une recherche (notions de mystification, de consentement éclairé, de confidentialité et de vie privée, etc.). De plus, il serait utile d’avoir suivi des cours sur la plupart des sujets suivants dans le cadre d’une formation de recherche où l’accent est mis sur l’acquisition de connaissances en psychologie sociale :

    l’élaboration et la genèse des théories en psychologie ;

    les théories contemporaines en psychologie sociale ;

    la psychologie de l’identité sociale et des relations intergroupes ;

    une introduction à la psychologie légale ;

    les recherches contemporaines en psychologie légale ;

    la comparaison des sexes sur les plans social et cognitif ;

    la genèse de la cognition sociale ;

    les techniques de sondage d’opinion.

    1.3.2. La formation supplémentaire

    Une fois acquise la formation de base que nous venons de décrire, il est souvent utile pour le témoin expert ou le psychologue conseil d’acquérir un certain nombre de connaissances spécialisées qui, très souvent, proviennent de domaines complémentaires à la psychologie (le droit, la criminologie, la sociologie, etc.), quand ce n’est pas d’autres domaines de la psychologie elle-même.

    Ainsi, un témoin expert qui œuvre auprès d’une clientèle d’une ethnie différente de la sienne aurait certes avantage à posséder des connaissances plus que sommaires en psychologie interculturelle. Il en va de même pour l’acquisition de connaissances sur des problématiques associées à la violence domestique (la violence conjugale, les mauvais traitements envers les enfants, les toxicomanies, etc.) ou à la santé (la gestion du stress, les dysfonctions sexuelles, etc.). De même, il peut être fort utile pour un témoin expert qui travaille surtout à la conception de recommandations de garde d’enfant ou de droit d’accès de posséder des connaissances supplémentaires concernant les effets du divorce ou des problèmes familiaux sur les enfants. Ces connaissances peuvent se révéler indispensables pour que le témoin expert puisse offrir une évaluation nuancée. Aussi, un expert appelé régulièrement à témoigner ou à fournir à la Cour des rapports d’expertise aurait avantage à bien connaître les rouages et le fonctionnement du système judiciaire ou à consulter des ouvrages de référence traitant de la préparation de rapports d’expertise en fonction du type d’évaluation (voir, entre autres, l’excellent ouvrage de Melton et al., 1997). En fait, selon son champ de pratique privilégié, le témoin expert doit compléter sa formation par des connaissances spécialisées directement pertinentes à la nature même des évaluations demandées.

    Pour le psychologue conseil, il va de soi qu’une très bonne connaissance en droit pénal général constitue une exigence fondamentale. Ce n’est pas qu’il doive se substituer à l’avocat qui retient ses services, bien au contraire, mais il est essentiel qu’il comprenne parfaitement la mécanique du système judiciaire (l’enquête préliminaire, la sélection du jury, etc.), l’essence même des concepts légaux qui sont, par exemple, associés au fonctionnement d’un procès devant jury, ou encore la définition même des infractions alléguées ou des défenses utilisées. Aussi, des connaissances approfondies en techniques de sondage d’opinion (la formulation des questions, l’échantillonnage, l’analyse des réponses, etc.) sont certainement indispensables au psychologue qui tente de déterminer les effets médiatiques ou de tracer les profils des candidats à retenir ou dont il faut disposer lors de la sélection du jury. Pour une analyse approfondie des relations entre les jurés lors de délibérations simulées, il va de soi que des connaissances en psychologie des petits groupes ou en dynamique des groupes pourront se révéler très utiles.

    1.3.3. L’expérience

    En plus de la formation que nous venons de décrire, il va de soi que l’acquisition d’une expérience pratique constitue un complément indispensable. Mais il n’est souvent pas facile d’acquérir cette expérience ; dans certains cas, cela peut même se révéler périlleux si on ne prend pas le soin de procéder à un apprentissage graduel et prudent. Ainsi, le jeune psychologue se demande toujours comment procéder, tout d’abord, pour laisser savoir à des avocats qu’il est disposé à offrir des services psychologiques en tant que témoin expert, surtout lorsqu’il n’a jamais œuvré dans ce domaine. Il craint en plus de ne pas passer le test d’admissibilité comme expert et d’en subir la honte. Certains n’osent même pas avouer leur manque total d’expérience, laissent faussement sous-entendre qu’ils ont déjà offert de pareilles expertises, de crainte que leurs services ne soient pas retenus s’ils admettent leur virginité professionnelle. Mais cette façon de procéder pourrait être une erreur coûteuse, car « toute la vérité et rien que la vérité » est un principe fondamental non seulement au tribunal, mais également en psychologie !

    Il n’y a pas de honte à admettre son inexpérience dans un domaine particulier, et il existe des règles très simples pour y suppléer et pour acquérir une expérience valable et profitable. Ainsi, la meilleure façon d’apprendre les rudiments de l’expertise consiste, dans un premier temps, à observer des experts aguerris. Toutefois, en matière familiale, la règle du huis clos s’applique ; il est alors essentiel d’obtenir la collaboration du témoin expert d’expérience que l’on désire observer, puis l’aval du juge, si l’on veut assister à une audition dans un cas de garde d’enfant. Si l’expert en herbe connaît des collègues qui sont impliqués dans un dossier, ceux-ci accepteront sans doute, en obtenant bien entendu l’autorisation de leur client et du juge, qu’il les accompagne afin d’avoir la possibilité d’observer ce qui se passe ; il est toutefois clair que tout ce qui se dit à l’audience tombe automatiquement sous le sceau du secret professionnel. Une autre façon d’acquérir de l’expérience qui va au-delà de la simple observation est associée au modèle de l’apprenti ; celui-ci offre ses services non pas à un avocat, mais à un psychologue expert ; habituellement, ces services sont bénévoles, puisqu’en échange, l’apprenti bénéficie gratuitement des lumières et des sages conseils de l’expert choisi. Enfin, lorsque la personne se sent prête à fonctionner d’une façon autonome, il est judicieux d’avoir recours, du moins au début, aux services de supervision (bien sûr rémunérés) d’un psychologue d’expérience. En procédant ainsi, avec prudence, on évite bien des problèmes associés à une méconnaissance fondamentale du domaine et des règles qui en régissent le fonctionnement.

    1.4. Le témoignage à la Cour

    De nombreux dossiers dans lesquels sont impliqués les psychologues les amènent à se présenter devant un tribunal afin d’y exposer leurs conclusions et leurs recommandations.

    Au cours des dernières années, le poids du témoignage des psychologues experts dans les décisions que prennent les juges en matière de garde d’enfant s’est accru. On retrouve en effet de plus en plus souvent, dans les jugements, des extraits de témoignages ou de rapports d’expertise de psychologues ayant agi comme témoins experts. Dans les paragraphes qui suivent, nous allons exposer les tenants et les aboutissants du témoignage à l’audience, en nous référant surtout à des exemples impliquant des experts en matière de garde d’enfant et de droit d’accès.

    1.4.1. Considérations générales

    Un témoin ordinaire ne peut rapporter que l’observation de faits dont il a eu personnellement connaissance. Comme nous l’avons vu plus haut, le témoin expert peut, lui, dépasser la simple description de ces faits pour donner son opinion et analyser les données

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