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Chrysanthèmes couleur Lila: Thriller scientifique
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Chrysanthèmes couleur Lila: Thriller scientifique
Livre électronique347 pages4 heures

Chrysanthèmes couleur Lila: Thriller scientifique

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À propos de ce livre électronique

A la fin du tome 1, suite aux travaux de Silvio Zitelli et de son équipe, un enfant transgénique surdoué est né.

La méthode fonctionne et la mise au monde de tels enfants est mise en route grâce aux infrastructures de « La firme ». Cependant, des dissensions ne tardent pas à apparaître : le groupe des modérés d’une part et les adeptes de la théorie nazie d’Heinrich Himmler d’autre part, ceux-ci ayant pout but la création d’une race des seigneurs dans la pure tradition du national-socialisme.
Le lutte qui va éclater entre ces deux factions finira par conduire à un véritable drame humain dans la clinique de Steinhöring.
Ce drame ne mettra pourtant pas le point final à l’aventure qui continuera dans le tome 3 dans lequel les surdoués, devenus adultes, vont commencer à influencer le monde. Leur intelligence supérieure suffira-t-elle à maîtriser les nombreuses menaces qui pèsent sur la société ?

Découvrez le deuxième volet du thriller scientifique et dystopique GeneGenius !

EXTRAIT

Cette ville, associée dans son esprit à Adolf Hitler, n’était pas le but de son voyage ; rien à voir avec un pèlerinage. Il avait simplement voulu emprunter cette route, comme le font de nombreux touristes. Peut-être aurait-on pu trouver dans ces touristes quelques néonazis, mais ce n’était pas le cas de Silvio, même si le Führer avait toujours exercé sur lui une certaine fascination, comme pourrait le faire une attirante fleur du mal.
Il avait trouvé une chambre d’hôte bien aménagée dans une maison située entre le Königsee et Berchtesgaden, une maison tenue par monsieur et madame Ebner.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Louis Varetto, docteur en sciences, enseigne au sein d’une Haute Ecole. Lors de ses recherches, il a écrit plusieurs articles scientifiques dans des revues internationales comme Journal of Theoretical Biology. C’est récemment qu’il s’est tourné vers la fiction en langue française. La trilogie GeneGenius est son « premier roman ». Après « Couleurs Lila » tome 1, voici « Chrysanthèmes couleur Lila » tome 2.
LangueFrançais
ÉditeurDricot
Date de sortie10 août 2018
ISBN9782870955857
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    Aperçu du livre

    Chrysanthèmes couleur Lila - Louis Varetto

    chrysanthèmes.

    Lundi 17 décembre, année III

    À travers la baie vitrée, Manfred von Kehl regardait le lac. La neige tombait, à peine inclinée. Assis dans son confortable fauteuil, il ne se lassait pas du spectacle de l’eau tranquille et de tout son paysage montant vers le ciel à la rencontre des flocons.

    Pourquoi Silvio Zitelli s’était-il soudainement volatilisé ? Voilà la question qu’il se posait à nouveau. Déjà une semaine que l’équipe d’enquêteurs de LBK tentait de le retrouver.

    Le plus incompréhensible pour lui était que Zitelli avait disparu le jour même où le comité l’avait convoqué pour lui confirmer la réussite de ses travaux : l’enfant transgénique était très nettement surdoué.

    Il fallait impérativement retrouver cet homme qui était devenu indispensable au sein de GERT Biotech, la société qui constituait la partie émergée de LBK.

    Sous la surface de la mer, la partie immergée restait secrète pour le commun des mortels. Zitelli lui-même ignorait tout des objectifs cachés sous l’eau salée. On l’avait simplement autorisé une seule fois à y plonger la tête, en prenant soin de ne lui fournir ni masque ni tuba.

    Les enquêteurs avaient découvert que Silvio avait loué une voiture pour une durée indéterminée, dans un petit garage de Constance dont le patron avait accepté un acompte substantiel en liquide. Comme le montant n’était pas loin de représenter la valeur de la voiture, cela semblait indiquer que sa disparition était volontaire, et qu’il voulait rester aussi discret qu’une carte de banque inutilisée.

    Si le réseau des agents de LBK n’était pas très dense, il s’étendait à des degrés divers sur une bonne partie de l’Europe : Allemagne, Autriche, Pologne, Danemark, Norvège, Pays-Bas, Belgique, Grand-Duché de Luxembourg, France.

    Tous les agents du réseau avaient reçu le signalement de Silvio Zitelli, mais jusqu’ici, sans résultats.

    ***

    Ce même lundi de la mi-décembre, dans sa chambre, assis dans le petit fauteuil, il regardait tomber la neige sur la montagne. La fenêtre, tel un économiseur d’écran, lui renvoyait la chute quasi verticale des flocons sur le fond fixe du paysage.

    Au loin, Silvio Zitelli apercevait le mont Kehlstein, situé à quelques kilomètres de Berchtesgaden.

    Le dimanche brumeux où Gerda lui avait appris qu’il était convoqué par le comité de la Firme, il avait pris la décision de disparaître de la circulation pour un certain temps. Démoralisé, lassé parla pression exercée sur lui par ses nouvelles fonctions au sein de GERT Biotech, en plein doute quant à la voie qu’il suivait ou qu’on lui faisait suivre, il était parti de sa maison de Constance au volant d’une voiture de location.

    Il avait choisi de faire la route allemande des Alpes, qui part de Lindau, au bord du lac pour s’achever dans l’extrême sud-est de l’Allemagne, à Berchtesgaden. Après s’être arrêté à Füssen pour visiter le château de Louis II de Bavière, le Neuschwanstein, il avait continué la route touristique qui bordait plusieurs lacs aux décors somptueux. Le Walkensee d’abord, ensuite, après la ville de Bad Tölz dans laquelle il passa la nuit, le Tegernsee, le Chiemsee et le Hintersee, un peu avant Berchtesgaden.

    Cette ville, associée dans son esprit à Adolf Hitler, n’était pas le but de son voyage ; rien à voir avec un pèlerinage. Il avait simplement voulu emprunter cette route, comme le font de nombreux touristes. Peut-être aurait-on pu trouver dans ces touristes quelques néonazis, mais ce n’était pas le cas de Silvio, même si le Führer avait toujours exercé sur lui une certaine fascination, comme pourrait le faire une attirante fleur du mal.

    Il avait trouvé une chambre d’hôte bien aménagée dans une maison située entre le Königsee et Berchtesgaden, une maison tenue par monsieur et madame Ebner.

    Au sommet du mont Kehlstein était perché le bâtiment connu sous le nom de « Nid d’aigle » que Martin Bormann avait fait construire en 1937. Les autorités allemandes avaient soigneusement retiré de ce bâtiment tout ce qui aurait pu rappeler le personnage qu’était devenu l’artiste peintre raté d’origine autrichienne. De même, un peu plus loin ne subsistaient que quelques morceaux de mur de ce qui avait été sa seconde résidence, le Berghof de l’Obersalzberg. Le fantôme de Hitler planait comme un aigle sur cette partie des Alpes bavaroises.

    À travers la vitre, Silvio eut soudain l’impression, bien qu’il n’y eût pas de soleil, de voir passer lentement l’ombre de ce fantôme, et il se fit la réflexion que Hitler avait lui aussi participé à la mise au point d’un système destiné à agir sur l’homme dans le but de le transformer. Certes, il n’y était pas allé par quatre chemins en ce qui concerne les moyens, et sa façon d’envisager la notion d’amélioration de l’homme était abominable. Mais la fin, qui avait justifié les atroces moyens que l’on connaît, n’était-elle pas, dans son esprit à lui et dans ceux de ses nombreux partisans, un objectif louable ?

    Les images mentales peuvent voyager aussi vite que la lumière, aussi bien vers le futur que vers le passé, et celles de Silvio se retrouvèrent instantanément dans son nid à lui, du moins celui qu’il avait occupé en Belgique avant sa mort officielle. Il se revit dans son salon, devant sa bibliothèque et plus précisément devant le dos du livre de Werner Heisenberg, La Partie et le Tout. Il pénétra en pensées dans l’ouvrage de papier, le feuilleta jusqu’à ce qu’il retrouve le passage qu’il cherchait : « … j’avais appris qu’il ne fallait jamais juger un mouvement politique d’après les objectifs qu’il prétend se donner, et qu’il se donne peut-être vraiment ; et qu’il fallait le juger, au contraire, d’après les moyens utilisés pour la réalisation de ces objectifs. »

    Silvio avait été troublé par cette idée qui allait à l’encontre de ce qu’il avait toujours pensé et de ce que pensent la plupart des gens.

    Le communisme de Staline et le national-socialisme de Hitler s’étaient donné des objectifs complètement différents, sur lesquels pouvait porter le jugement des hommes. Bien qu’il n’ait jamais été vraiment intéressé par ces questions, Silvio avait toujours considéré comme fondamentalement louables les objectifs des communistes, contrairement à ceux des nazis, mais dès lors qu’ils avaient utilisé des moyens aussi inacceptables les uns que les autres, peut-être ne valaient-ils pas mieux les uns que les autres. Et surtout, il était possible que le défaut se trouve dans les objectifs eux-mêmes, que leurs partisans respectifs avaient accepté de rendre compatibles avec les moyens utilisés. Mauvais moyens, mauvaise fin ?

    Pendant que les flocons ne tombaient plus, les pensées de Silvio gagnaient un endroit indéfini, sans lieu ni temps, dans lequel il se demanda si ces considérations pouvaient s’étendre en dehors du domaine de la politique, par exemple au domaine de la génétique.

    Hitler, et surtout Himmler qui avait une formation d’ingénieur agronome, avaient utilisé les moyens de leur époque, comme le faisaient les biologistes ou les agriculteurs afin d’améliorer telle variété de végétal ou d’animal. Élimination des individus les moins conformes aux critères attendus, sélection et croisements des meilleurs.

    Les scientifiques d’aujourd’hui utilisaient encore ces moyens, que l’on pouvait qualifier d’indirects, mais le développement extraordinaire de la biologie moléculaire au sens large, de la technique en général, de l’électronique et de l’informatique avait permis d’intervenir directement sur le matériel génétique.

    Silvio, quand il s’appelait encore Romain, n’avait pas beaucoup hésité à utiliser des moyens très douteux, du mensonge à la fécondation forcée. La fin, qui était l’amélioration de l’homme par l’homme, ne contenait-elle pas en elle-même le défaut, pour avoir permis l’utilisation de tels moyens ? Mauvais moyens, mauvaise fin ? Lila Quantius, la femme qu’il avait aimée, n’avait-elle pas raison ?

    Et pourtant, si les objectifs étaient atteints, si dans le futur émergeait un homme meilleur, ne pourrait-on pas considérer les moyens douteux utilisés dans le passé comme des dégâts collatéraux parfaitement justifiés ?

    Vieux débat sans cesse recommencé le long de la flèche du temps, à titre individuel et à titre collectif.

    Un bruit incongru provenant de son système digestif ramena Silvio dans son fauteuil, dans sa chambre, au pied de la montagne enneigée.

    Le couple Ebner avait accepté de lui fournir le gîte et tous les repas. Il avait donc eu les moyens de ne presque pas sortir depuis qu’il était arrivé, une semaine auparavant. Juste quelques promenades dans les environs et une seule incursion en ville pour acheter des livres, de quoi faire encore des progrès dans cette langue allemande qu’il utilisait quotidiennement depuis qu’il vivait à Konstanz.

    Aujourd’hui, il avait envie de bouger un peu, de voir des gens. Comme la visite du Nid d’aigle n’était pas organisée pendant la période hivernale, il décida de se rendre au Berghof ou du moins à l’endroit où le bâtiment se trouvait avant sa destruction complète en 1952. Depuis lors, un centre de documentation sur l’histoire du national-socialisme avait été construit à proximité.

    Dans le fil d’une discussion avec monsieur Ebner, Silvio apprit que les autorités se gardaient bien d’indiquer le chemin vers les morceaux de mur qui restaient du Berghof, mais son hôte lui expliqua comment y accéder. En temps normal, il aurait regardé sur internet, mais cette fois, il était un touriste sans ordinateur, sans tablette, sans GPS. Il n’avait emporté que son téléphone portable, mais il ne l’avait pas allumé une seule fois.

    Après le repas de midi, il prit la voiture et suivit l’itinéraire. Vers Berchtesgaden d’abord, et puis à droite vers l’Obersalzberg. La route, en forte pente, était très bien dégagée, malgré les récentes chutes de neige. Il gara l’Opel dans le parking, près du centre de documentation. Après avoir contourné le bâtiment, il suivit un chemin qui descendait dans les bois. Comme la neige recouvrait tout, difficile de trouver quelques murs dépassant du flanc de la colline et entourés d’arbres réduits à l’état de squelettes en cette saison. En avançant lentement, il finit par apercevoir les vestiges. En voyant le morceau de mur gris, il se remémora la conversation qu’il avait eue avec Gerda dans les rues de la vieille ville de Constance, à propos des oreilles et des yeux des murs. Il plaça son oreille droite contre le béton rugueux et froid, parsemé de mousses et de lichens.

    — Dis-moi Le Mur, toi qui as des oreilles, et probablement aussi des yeux, raconte-moi ce qui t’est arrivé. Je m’appelle Silvio.

    — Ah, Silvio, j’étais assoupi et le contact de ton oreille douce et chaude m’a réveillé. Tu es donc venu me parler ! Et tu veux que je raconte. Quel plaisir tu me fais, car quand quelqu’un passe ici, j’ai beau m’égosiller, personne n’entend ! La plupart des gens passent sans me voir, d’autres s’arrêtent et souvent je voudrais pouvoir fermer mes oreilles comme on ferme les yeux, pour ne pas entendre les bêtises qu’ils débitent. Mais trêve de stérile bavardage, je vais te raconter un peu ce que j’ai vécu, si tu as le temps.

    — J’ai un peu de temps, mais il fait glacial ici.

    — Si tu savais tout ce que j’ai vu, pendant mes années de gloire. Tu me vois aujourd’hui, perdu dans les bois, envahi par la végétation et réduit à la taille d’homme. Mais as-tu vu les films d’Eva Braun ? J’étais déjà là, partie intégrante d’une belle maison, et je pouvais contempler le magnifique panorama sur la vallée. Et surtout, je me souviens d’Adolf, si gentil avec les enfants, souriant et enjoué avec les personnalités qu’il recevait.

    — Oui, Le Mur, je me doute que tu as vu beaucoup de choses, mais avec ton pied enfoncé dans le sol, tu es l’immobilité même, et tu n’as pas pu voir tous ces enfants envoyés dans les chambres à gaz.

    — J’en ai entendu parler, mais je ne peux pas y croire. Si tu l’avais vu !

    — Et pourquoi crois-tu que les Lancaster britanniques ont largué toutes ces bombes en 1945 ? Elles ont détruit bon nombre de tes copains, les autres murs du Berghof et des bâtiments environnants.

    — Les misérables, ces mangeurs de grenouilles ! Détruire la maison de cet homme adulé de tous.

    — Ta culture générale laisse à désirer, Le Mur. Ce sont les Français qui mangent des grenouilles, pas les Anglais !

    — Tous dans le même sac, Silvio. Les Anglais avec leurs avions qui ont bien failli m’avoir et les Français qui sont arrivés ici les premiers et qui m’ont pissé dessus, les porcs, ces Schweinehunde.

    — Un mur, c’est parfois fait pour ça, non ?

    — T’es français toi ou quoi ?

    — Non, je suis belge d’origine, mais il m’arrive aussi parfois d’uriner sur un mur. Excuse-moi, j’y penserai dorénavant.

    — Bon, je te pardonne, ça fait tellement de bien de discuter avec quelqu’un qui me prête l’oreille.

    — Et moi je t’accorde l’amnistie, vieux mur nazi, mais sache que bien d’autres murs auraient lancé toutes leurs pierres à ton faîte s’ils avaient entendu ce que tu viens de dire… Bon, j’ai l’oreille gelée, je vais te laisser.

    — Prête-moi la gauche, s’il te plaît, que je puisse te raconter encore.

    — Cela suffit pour l’instant, je te prêterai peut-être l’oreille gauche si je repasse ici, tout à l’heure, dit Silvio en s’éloignant sur le chemin. En tout cas, j’ai été enchanté de faire ta connaissance.

    Il n’entendit pas la réponse, car, si les murs ont l’ouïe fine, leur voix ne porte qu’à quelques centimètres.

    Silvio fit demi-tour vers le centre de documentation. C’était un bâtiment moderne, une espèce de grand chalet extrêmement vitré, à l’intérieur duquel tous les thèmes essentiels relatifs à la période nazie étaient abordés au moyen de documents, de photos et de films. Silvio prit le temps d’examiner l’ensemble, pas dans tous ses détails, mais attentivement pour ce qui concerne l’essentiel. Il visita ensuite rapidement la partie du bunker sous-terrain accessible au public, et alors qu’il achetait le fascicule intitulé L’Obersalzberg, la Maison Kehlsteinhaus et Adolf Hitler, il engagea la conversation avec la sympathique dame préposée au guichet. Il la félicita pour la qualité de l’exposition. Elle fit de même pour la qualité de son allemand.

    En quittant le centre, il décida de retourner voir Le Mur, car il avait deux mots à lui dire, ou peut-être pas après tout. Qu’il garde ses illusions sur Adolf et sa clique. Arrivé au même endroit, il renonça à lui prêter l’oreille gauche. Au contraire, après un coup d’œil circulaire, il fit glisser vers le bas sa courte fermeture éclair et s’apprêta à se soulager sur la partie même où il avait peu avant placé l’oreille. Mais il se ravisa, fit volte-face et réchauffa le tronc d’un arbre voisin.

    ***

    Manfred von Kehl allait avaler le contenu de sa première cuiller de potage lorsque le téléphone interne se mit à sonner. Il déposa l’objet en argent dans l’assiette en porcelaine, se leva et décrocha le cornet.

    — Franz, j’espère que c’est important pour que vous me dérangiez à l’heure du repas.

    — On a retrouvé Zitelli, Monsieur von Kehl.

    — Vous avez bien fait de me déranger, Franz. Dites-moi.

    — Un de nos membres l’a reconnu, au centre de documentation du Berghof.

    — Zitelli à Berchtesgaden ! Il faut me l’amener !

    — Oui, Monsieur von Kehl. Il occupe une chambre dans une maison d’hôte non loin du Königsee. Quelles sont vos instructions ?

    — Qu’on l’embarque, Franz, mais sans faire de vagues. Pas de violence. Et essayez de savoir ce qu’il faisait là-bas. Que nos hommes se renseignent discrètement.

    — Bien, Monsieur von Kehl, je m’en occupe.

    — Merci, Franz.

    — Bon appétit, Monsieur.

    ***

    Silvio commençait à se sentir mieux dans sa peau. Son excursion au centre de documentation, la petite conversation qu’il avait eue avec la dame ainsi que la discussion avec Le Mur, qui lui semblait aujourd’hui si réelle qu’il se demandait si elle n’avait pas vraiment eu lieu, ces quelques activités l’avaient remis sur le chemin d’une vie normale, d’une vie avec les autres, après cette semaine pendant laquelle il avait pratiqué la spéléologie dans ses grottes mentales.

    Certes, il n’avait pas résolu ses problèmes, mais il se sentait sur la bonne voie. Il avait presque digéré ses échecs et après tout, qu’Arsène ne soit pas surdoué était peut-être mieux. Il se rendait compte qu’il n’avait jamais pensé à l’enfant lui-même. Comment serait la vie d’un surdoué dans un monde composé d’une majorité de cons ? se demanda-t-il.

    Silvio savait que les surdoués « normaux », les surdoués du hasard, ceux que l’on appelle volontiers les HP, « hauts potentiels », ont souvent des problèmes, notamment à l’école. Comment se comporteraient des surdoués transgéniques, surdoués par déterminisme ?

    Silvio s’était mis sous le signe de l’espèce humaine, en oubliant les individus qui la composent. Au fond, sans approuver leur idéologie, il avait fait comme les nazis, dont il venait de voir retracer l’histoire près des restes du Berghof, à la différence énorme que les nazis s’étaient mis sous le signe de la seule race aryenne, qui n’est qu’une petite partie de l’humanité.

    Pourtant, il se demandait encore si son projet ne pourrait pas trouver sa pertinence à plus grande échelle. Si les surdoués déterministes étaient plus nombreux, ils formeraient un ensemble qui pourrait déplacer légèrement la courbe de l’intelligence. Ils représenteraient une minuscule surface sous la queue de la courbe, mais peut-être pourraient-ils y vivre heureux pour le bien de tous. Pour cela, il devrait trouver la raison de son échec avec Arsène.

    Silvio voulait trouver des réponses plus claires à ces questions, auxquelles il pensait encore consacrer quelques jours, après quoi il devrait prendre une décision. Retourner chez GERT Biotech, la queue entre les jambes, et voir ce que lui voulait exactement la Firme, ou bien laisser tomber tout ça et se refaire une troisième vie, mais laquelle ?

    Il avait décidé de s’octroyer un deuxième jour de sortie, après sa période d’hibernation. Ce serait le Königsee et le parc National, ainsi que les mines de sel. Après un bon petit déjeuner, il s’habilla chaudement et prit le volant de l’Opel de location. Direction le « lac du roi ». Après environ un kilomètre, il s’arrêta au signal stop, au croisement de la petite route qui venait de la maison d’hôte et de la grand-route. Il allait redémarrer lorsque la porte droite de la voiture s’ouvrit brusquement. Un homme s’assit rapidement à la place du passager, clouant Silvio de surprise.

    — Mais… que faites-vous ? s’écria-t-il.

    — Restez tranquille, Monsieur Zitelli, je ne vous veux aucun mal.

    Silvio, en entendant son nom, comprit immédiatement. Ils l’avaient retrouvé.

    — Faites demi-tour, Monsieur Zitelli. S’il vous plaît.

    Sans rien dire, Silvio s’exécuta docilement. C’est alors qu’il s’aperçut qu’il y avait une autre voiture.

    — Qui êtes-vous ? demanda-t-il à l’inconnu.

    — Je suis quelqu’un qui a pour mission de vous ramener à Konstanz, avec l’aide de mes deux amis qui nous suivent dans la Mercedes.

    — Qui vous a confié cette mission ?

    — Vous le saurez en temps voulu.

    — Puis-je savoir où nous allons ?

    — Certainement. Nous retournons d’où vous êtes parti tout à l’heure. Vous avez quelques bagages à récupérer, je présume, et un adieu à faire à vos hôtes. Ensuite, nous vous raccompagnons à Konstanz.

    — Je suppose que toute résistance est inutile, demanda-t-il.

    — Nous avons les moyens de vous forcer à nous accompagner, répondit l’homme en sortant un pistolet de la poche droite de son loden.

    — OK, OK, ce ne sera pas nécessaire. Mais c’est bien regrettable, moi qui commençais seulement à profiter de mes vacances.

    Ils arrivèrent à la maison. Silvio arrêta la voiture, se tourna vers l’homme et l’interrogea du regard.

    — Vous pouvez sortir, lui répondit-il, je vous accompagne.

    Ils sortirent de l’Opel, tandis que la Mercedes restait à quelque distance.

    En entrant dans la maison, ils trouvèrent monsieur Ebner en train de trier les prospectus touristiques qu’il mettait à disposition de ses clients.

    — Votre excursion s’est bien passée, Monsieur Zitelli ? plaisanta-t-il.

    — Hélas, je dois m’en aller, Monsieur Ebner, je viens d’apprendre que mon père était très mal, un accident vasculaire cérébral.

    — Oh, je suis vraiment désolé.

    — Pouvez-vous préparer ma note, pendant que je rassemble mes bagages ?

    — Certainement, je vais le demander à Hilde, c’est elle qui s’en occupe.

    Un quart d’heure plus tard, Silvio réglait sa note, et après un au revoir chaleureux, il quitta monsieur et madame Ebner pour rejoindre l’Opel, toujours flanqué par l’homme au loden. Sur le siège arrière était assis un autre homme, noir de cheveux avec une petite moustache. La Mercedes avait disparu et Silvio n’avait pas pu voir qu’à son volant se trouvait la dame du centre de documentation, avec laquelle il avait discuté le jour précédent.

    Le loden se mit au volant et programma son GPS en choisissant le chemin le plus rapide. Ils avaient un peu plus de 400 km à faire. Silvio fut invité à prendre place à l’arrière, à côté du moustachu.

    Pendant le trajet, le moustachu et le loden n’échangèrent que quelques mots, dans un dialecte probablement bavarois auquel Silvio ne comprit goutte. Tout avait été prévu pour ne pas perdre de temps. Ils profitèrent d’un arrêt-pipi pour sortir une glacière du coffre, ce qui permit au trio d’assouvir sa faim et sa soif en roulant.

    Silvio regardait le paysage, mais toutes les autoroutes du monde se ressemblent ; comme une impression de ne pas y être. À l’endroit où vous êtes, vous ne faites que passer. Même si vous vous arrêtez, vous n’y êtes toujours pas, vous vous trouvez hors du lieu. C’est pourquoi Silvio trouvait les autoroutes si ennuyeuses, il avait l’impression de rester toujours au même endroit, spectateur d’un road-movie.

    Pourtant, cette trompeuse immobilité mena rapidement le trio en vue du lac de Constance. Alors, le loden quitta l’autoroute et entra en Bavière.

    Il arrêta la voiture, sortit, referma la porte, s’éloigna un peu et joua du téléphone portable. Manifestement, la conversation concernait Silvio, car, à plusieurs reprises, le loden montra l’Opel du doigt, comme si son interlocuteur pouvait la voir. Après avoir réintégré le véhicule, le conducteur redémarra pour s’arrêter un peu plus loin, dans un parking. Il coupa le moteur. Silvio demanda s’il pouvait sortir se dérouiller les jambes, mais le moustachu refusa.

    — Vous sortirez bientôt, précisa-t-il.

    — On attend quoi ? demanda Silvio.

    — La chute des feuilles, fit le loden. Et le moustachu de rire aux éclats.

    Humour aussi savoureux que des gnocchis sans sauce pensa Silvio en souriant, pour faire plaisir.

    Un quart d’heure plus tard, une Mercedes Vito vint se garer à côté de l’Opel. Le moustachu fit sortir Silvio pour le faire entrer dans la Mercedes. C’était un modèle à double cabine, celle de derrière possédant des vitres fortement teintées, de sorte

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