L'Express

Philippe de Villiers, meilleur complotiste de France

Il y a des gens qui savent comment utiliser la Covid-19 à leur profit » Depuis la sortie, début avril, de son dernier livre, Le J our d’après, Philippe de Villiers distille le poison du soupçon de plateaux télé en studios radio. L’Express a enquêté sur le rapport complexe à la vérité de cet ancien homme politique devenu influenceur médiatique, de ses théories fantasques sur la crise sanitaire à sa relation compliquée avec le président de la République. Ou comment cet homme à mi-chemin entre la politique et le spectacle est devenu, au fil des ans, l’un des principaux propagateurs des théories complotistes en France.

Chapitre 1

Petits et gros mensonges

Philippe de Villiers retourne la feuille A4 posée devant lui, ses longues jambes pliées sur un canapé en cuir dans un bureau d’Albin Michel, son éditeur parisien. Les chiffres de vente de la semaine sont arrivés, ce fameux baromètre GFK qu’il connaît par coeur. Le Vendéen sourit. C’est bon, très bon même. 63 000 un mois et demi après parution. La promesse d’un nouveau best-seller, sûrement au-delà des 100 000 exemplaires: un plaisir dont le septuagénaire polygraphe ne se lasse pas.

Son dernier livre, Le Jour d’après – commencé le 27 décembre et remis à son éditeur fin février – défend une thèse radicale: la pandémie du Covid-19 aurait été planifiée par des élites globalisées. « Ce que nous avons vécu a déjà été joué », écrit-il. L’objectif? Profiter de la crise pour imposer un ordre mondial sans frontières et créer une « humanité nouvelle, sous l’empire de l’intelligence artificielle ». Dans ce brûlot, il fustige des cibles prisées des complotistes: « Big Pharma », « Big Tech », Bill Gates, la CIA ou Gavi, l’Alliance (internationale) du vaccin… Mais le grand méchant de l’ouvrage, c’est Klaus Schwab, fondateur du Forum économique mondial de Davos, cité une vingtaine de fois, parfois présenté comme « l’illuminé de la montagne magique ». Selon Philippe de Villiers, Schwab serait le cerveau d’un projet transhumaniste préparant la fusion entre les hommes et les machines. Une transposition sans filtre de la théorie complotiste dite du Great Reset, ou « grande réinitialisation », diffusée à partir de l’été 2020 sur Internet, avant d’être popularisée par le documentaire à succès Hold-up.

L’art villiériste consiste à mêler avec talent le vrai au faux, les faits aux fantasmes. Au départ, il y a effectivement le concept – très marketing – de lancé par le forum de Davos en juin 2020, qui appelle de ses voeux un « capitalisme responsable ». Un mois plus tard, Klaus Schwab sort un essai, cosigné avec le prospectiviste Thierry Malleret ( Forum Publishing). Le tandem tente de tirer les leçons de l’épidémie. « Diagnostiquant l’échec du néolibéralisme, le livre plaide pour un capitalisme plus respectueux de l’environnement, est d’abord une opération de communication. On peut tout à fait lire ce livre comme un catalogue de principes et de voeux pieux. En tout état de cause, ça n’a rien d’un projet diabolique. Mais ce titre représente une véritable aubaine pour les conspirationnistes ». Le contraste est presque comique entre cet ouvrage, scolaire et bourré de bons sentiments, et la version fantasmagorique, digne d’un thriller hollywoodien, qu’en donne Philippe de Villiers. Schwab alerte par exemple contre des dérives technologiques qui pourraient déboucher selon lui sur une « surveillance totalitaire ». Mais, à en croire le Vendéen, son livre n’est rien d’autre qu’un nouveau qui annonce le « Grand Soir biotechnologique » comme le « goulag numérique ». L’a-t-il vraiment lu, au fond? Villiers le jure à L’Express. « Je l’ai dans la voiture », lancet-il, faisant mine de se lever pour aller le chercher.

Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.

Plus de L'Express

L'Express1 min de lecture
Bus : Vent De Fronde Contre Bruxelles
C’est peu dire qu’elle a vu rouge. Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France (LR) n’a pas mâché ses mots lorsqu’elle a eu vent du projet de la Commission européenne pour verdir les bus urbains. « L’Europe ne peut pas être le lieu de l’a
L'Express1 min de lecture
L'Express
Directeur de la publication : Alain Weill. Directeur de la rédaction : Eric Chol. ■
L'Express1 min de lectureInternational Relations
Le Mot De La Semaine
Le couperet ne va pas tarder à tomber pour l’agence de l’ONU chargée des réfugiés palestiniens, l’UNRWA, qui se trouve dans la tourmente depuis que 12 de ses membres ont été accusés par Israël d’avoir « participé activement » à l’attaque du Hamas le

Associés