Auguste Rodin: Naissance d’une vocation
Par Jeanne Fayard
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À propos de ce livre électronique
La sculpture d’Auguste Rodin s’impose avec tant de force par sa beauté qu’on est curieux de connaître l’origine de cette vocation. Né à Paris, en 1840, dans une famille modeste et respectueuse des valeurs morales, Auguste grandit entre un père, employé à la Préfecture, qui veut faire de son fils « un ouvrier hors du commun », une mère protectrice et une sœur très pieuse qui le soutient. Le jeune Auguste dessine inlassablement. À quatorze ans, il entre à la « Petite École » (École impériale de dessin) et découvre la sculpture avec émerveillement. À cette époque, les grands travaux menés par le baron Haussmann se développent dans la capitale. L’échec d’Auguste au concours d’entrée de l’École des Beaux-Arts le contraint à travailler comme mouleur ornemaniste au service de différents artisans.
Mais la mort de sa sœur aimée le plonge dans le désarroi. Il entre au couvent, où il devient Frère Augustin. Comment sa vocation première sera-t-elle marquée par cette épreuve ?
Vous pourrez suivre pas à pas, dans cette biographie romancée, le parcours parfois chaotique d'Auguste Rodin, jusqu'à ce qu'il perde sa soeur et entre au couvent. Comment sa vocation première sera-t-elle marquée par cette épreuve ?
EXTRAIT
Après la classe, et avant de rentrer à la maison, Auguste sait qu’il doit passer au marché de la rue Saint-Jacques, pour y prendre les provisions que sa mère réserve chaque semaine auprès de la marchande qui les inscrit sur son compte. Auguste prend le sac qu’elle lui tend, où sont emballés les légumes et les pruneaux dans des papiers journaux. D’un coup d’œil, il a repéré les dessins.
– Eh ! tu regarderas ça plus tard, petit, ta mère t’attend.
Auguste pense déjà au plaisir qu’il aura en rentrant, à essayer de copier les dessins à l’insu de sa mère. Il avance, en prenant bien soin de ne pas heurter la marchandise contenue dans les sacs très lourds. Il traverse la rue Soufflot où des manifestants se sont regroupés au carrefour, en brandissant un drapeau rouge, et en hurlant « À bas Louis-Philippe ! À bas le Roi ! ». D’autres crient « Tous à l’Hôtel de Ville ! », en agitant des pancartes au bout de leurs bras. Auguste ne comprend pas les slogans qu’il entend et presse le pas. Les poings dressés des manifestants le font frémir de crainte. En même temps, il se sent attiré par leur audace et s’arrête un instant pour les regarder s’approcher de très près des policiers. Il sait qu’il ne faudra rien dire à son père qui lui interdit même de parler de ces choses-là.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jeanne Fayard, écrivain et femme de théâtre, est spécialiste de Camille Claudel, d'Auguste Rodin et de Tennessee Williams. Préfacière du best-seller Dossier Camille Claudel de Jacques Cassar réédité trois fois (Séguier-Archimbaud, Maisonneuve et Larose, Klinsieck), elle a organisé, avec Evelyne Artaud, l’exposition et le colloque Camille Claudel et la Sculpture au féminin à Limoges (2009).
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Aperçu du livre
Auguste Rodin - Jeanne Fayard
Chapitre I
1848, fin février, la révolte gronde dans Paris. Les insurgés sont embusqués derrière des barricades autour du Panthéon et dans le quartier Mouffetard, où vit la famille Rodin. C’est l’heure de partir à l’école et Jean-Baptiste Rodin rappelle à son fils :
– Auguste, fais attention à toi au coin de la rue. Tiens bien la main de ta grande sœur.
Madame Rodin s’impatiente :
– Auguste, dépêche-toi ! Tu es encore à copier ces dessins à cette heure-ci !
– Jette-moi ces papiers journaux à la poubelle !
– J’arrive, maman, mais surtout, ne les jette pas !
– Il est six heures et demie, tu vas être en retard à l’école ! Et n’oublie pas de passer d’abord chez M. Lauset qui t’attend.
– Je sais, maman…
Auguste enfile sa veste rapidement et cache sa touffe de cheveux roux sous son béret. Il est près de la porte quand sa mère lui lance :
– Ne la claque pas en partant. Ça pourrait réveiller ta petite sœur qui dort encore. Elle a beaucoup toussé cette nuit.
Auguste descend à toute allure les escaliers du vieil immeuble, au numéro 3 de la rue de l’Arbalète où la famille Rodin occupe un logement mansardé au dernier étage. Comme chaque matin, Monsieur Lauset qui habite au rez-de-chaussée, a laissé la porte de son atelier entrouverte.
– Allez petit, tire-moi sur cette toile. Mes vieux doigts n’arrivent plus à le faire. Après tu me prépareras les couleurs comme je te l’ai déjà montré. Moi, je vais finir ce tableau qui m’a empêché de dormir cette nuit.
Pendant une heure, le jeune Auguste s’attelle à la tâche difficile de tirer sur la toile pour l’assouplir, la clouer sur le châssis, où il passe ensuite un enduit pour préparer le travail du peintre.
Comme chaque matin, Monsieur Lauset a laissé un bol de lait et une tartine beurrée sur la table de la cuisine avec un sou à côté pour le jeune garçon. À sept heures et demie, Auguste referme la porte de l’atelier et part en courant pour être à temps devant le portail de l’école. Au coin de la rue Mouffetard, il voit un groupe de policiers, matraque à la main, face à quelques ouvriers de l’imprimerie du quartier. Il les reconnaît de loin, il les a souvent vus dans le magasin de couleurs, où Monsieur Lauset l’envoie acheter ses fournitures. Au même moment, les paroles de son père résonnent dans sa tête « Ne te mêle pas de tout ça ! Bouche tes oreilles et passe ton chemin ». Auguste est soulagé d’arriver à l’école de la rue du Val-de-Grâce, tenue par les Frères de la Doctrine chrétienne. Un religieux, en soutane noire, accueille les élèves, les compte un par un, en leur demandant leur nom et leur rappelle qu’ils doivent ôter leur béret en le saluant.
Après la classe, et avant de rentrer à la maison, Auguste sait qu’il doit passer au marché de la rue Saint-Jacques, pour y prendre les provisions que sa mère réserve chaque semaine auprès de la marchande qui les inscrit sur son compte. Auguste prend le sac qu’elle lui tend, où sont emballés les légumes et les pruneaux dans des papiers journaux. D’un coup d’œil, il a repéré les dessins.
– Eh ! tu regarderas ça plus tard, petit, ta mère t’attend.
Auguste pense déjà au plaisir qu’il aura en rentrant, à essayer de copier les dessins à l’insu de sa mère. Il avance, en prenant bien soin de ne pas heurter la marchandise contenue dans les sacs très lourds. Il traverse la rue Soufflot où des manifestants se sont regroupés au carrefour, en brandissant un drapeau rouge, et en hurlant « À bas Louis-Philippe ! À bas le Roi ! ». D’autres crient « Tous à l’Hôtel de Ville ! », en agitant des pancartes au bout de leurs bras. Auguste ne comprend pas les slogans qu’il entend et presse le pas. Les poings dressés des manifestants le font frémir de crainte. En même temps, il se sent attiré par leur audace et s’arrête un instant pour les regarder s’approcher de très près des policiers. Il sait qu’il ne faudra rien dire à son père qui lui interdit même de parler de ces choses-là.
Le soir, à table, son père dit qu’en ce jour du 25 février, la République vient d’être proclamée à l’Hôtel de Ville, et qu’il doit retourner surveiller les rues de la capitale. Monsieur Rodin est employé à la Préfecture de police de Paris, il est souvent réquisitionné pour des tâches de surveillance. Mais, ce soir, le jeune Auguste voit son père se déplacer avec des gestes amples et parler à mi-voix à sa femme, comme s’il y avait des sous-entendus que les enfants ne devaient pas connaître. Auguste saisit quelques bribes de mots. Son père parle d’une certaine « Clotilde » qu’il croit avoir aperçue parmi les manifestants.
– Je ne sais pas ce qu’elle vient chercher là !
Sa mère intervient aussitôt :
– Tu crois qu’elle t’a reconnu ?
– Si c’est le cas, elle se trompe, je ne veux pas d’une traînée sous mon toit !
Auguste ne comprend pas le regard soucieux que sa mère adopte soudainement. Il voudrait poser des questions sur certains mots qu’il vient d’entendre et dont il ne connaît pas le sens, mais sa mère détourne la conversation et attire l’attention de son mari sur la santé fragile de la petite Anna-Olympe, qui continue de tousser et d’avoir le front brûlant.
– Je vais lui mettre des cataplasmes de moutarde sur la poitrine pour enlever cette fièvre qui n’a pas baissé de la nuit !
Jean-Baptiste Rodin se lève de table, après avoir plié sa serviette, et se dirige vers la chambre pour aller voir sa fille.
– Ne l’embrasse pas, au cas où elle serait contagieuse ! C’est pas le moment de tomber tous malades !
Madame Rodin fait toujours un signe de croix, en entrant et en sortant de la chambre qu’Anna-Olympe partage avec son frère et sa sœur.
Les jours suivants, Auguste voit un défilé incessant se former entre la porte d’entrée de l’appartement et la chambre où repose la petite Anna-Olympe. Auguste et Maria dorment à présent dans la pièce principale aux côtés des parents qui ont dressé deux lits-cages à la hâte. Auguste voit la petite tête d’Anna-Olympe dodeliner d’un côté à l’autre, et sa poitrine se soulever pour tenter d’aller chercher un peu d’air dans l’espace qui l’entoure. L’enfant n’en peut plus de tousser, de cracher. Elle devient blême, tandis que la mère tente encore de la prendre contre elle pour apaiser cette toux qui n’en finit pas. Auguste entend les râles de l’enfant, il est comme fasciné par ce rictus de douleur qui déforme son visage et voit les gestes désespérés de sa mère pour retenir cet enfant, telle une ombre qui se noie. Auprès de lui, Maria, sa sœur aînée, prie et égrène son chapelet interminablement. Auguste voudrait faire quelque chose avec ses mains qui semblent triturer une matière invisible. Il sait que cette vision de la souffrance de sa petite sœur, tête tendue et bouche à demi ouverte dans une lutte contre la mort, s’imprime à jamais dans sa mémoire.
Le lendemain, toute la famille s’est réunie pour prier dans la chambre mortuaire, dressée de tentures noires pour la circonstance, autour du lit où repose la petite Anna-Olympe. Un prêtre en soutane vient lui donner l’extrême-onction. Le jeune
