Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Ping-Pong: Un roman décapant au cœur de la Corée du Sud !
Ping-Pong: Un roman décapant au cœur de la Corée du Sud !
Ping-Pong: Un roman décapant au cœur de la Corée du Sud !
Livre électronique245 pages3 heures

Ping-Pong: Un roman décapant au cœur de la Corée du Sud !

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Bienvenue dans le monde de Clou et Moaï. Ces deux adolescents sont les heureux exclus d’une bande dont le leader, Chisu, les persécute au quotidien.

Mais à force de coups, ils ne sentent plus la peur ni même la douleur. Jusqu’au jour où ils découvrent une table de ping-pong perdue en plein milieu d’un champ, coincée entre une armoire et un vieux canapé en cuir. Ce lieu deviendra leur repère. Ils y rencontreront Secrétin, un Français qui leur apprend l’existence d’une planète ping-pong. Une révélation décisive. Clou et Moaï vont devoir faire un choix : jouer (ou non) une partie de ping-pong capitale. S’ils gagnent, ils pourront alors décider du sort de la planète.

Ping-Pong mêle à la fois un réalisme assez cru, un humour très noir, et un univers fantastique débridé et décapant. Le lecteur y est sans cesse transporté entre le dégoût, l’horreur, et la poésie, l’émotion.

EXTRAIT

À l’extrémité du terrain vague des travaux étaient en cours. C’étaient des travaux pour les tours d’un complexe résidentiel et commercial. Au vu de la profondeur des fondations il s’agissait très certainement d’une immense résidence. Assis sur le sofa, la première chose que nous avons vue, Moaï et moi, c’était le ciel, une immense crane2 traversant le ciel. La crane hissait une structure métallique mesurant plusieurs dizaines de mètres de long. Un paysage dont la vue aurait émerveillé quiconque, pourtant nous n’avons pas été surpris ou crié whaou. Ce n’est pas que nous soyons insensibles, disons simplement que nous avons reçu un peu trop de coups.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

- « Ce roman, je vous le conseille fortement, car il ne ressemble à rien de ce que vous avez lui jusqu’ici, sauf à avoir déjà lu Park Min-kyu. Essayez, se laisser surprendre parfois ça a du bon, surtout en littérature. » - Yves Mabon, Les Huit Plumes
- « Curieux livre que celui-ci. Empreint d’un regard allant de la noirceur au détachement, il recèle pourtant une fraîcheur qui se manifeste dans une écriture ludique alliant anglicismes, dessins, paragraphes d’une ligne ou de quatre pages, où pointent souvent l’ironie et l’humour. C’est qu’ici les personnages ne cèdent jamais à l’abattement. » - José Antonio Garcia Simon, Le Courrier

À PROPOS DE L'AUTEUR

Park Min-kyu est un écrivain de la faiblesse et de la petitesse. Il s’insurge contre la cruauté de notre monde et la transition brutale qu’a pu connaître son pays vers le capitalisme. À travers des héros le plus souvent faibles et marginaux, il s’interroge sur le sens que l’on peut donner au mot « humanité », de façon originale et complètement loufoque. Il s’agit là d’une poétique de l’absurde qui confronte le lecteur à ses propres limites et à sa propre cruauté, et l’amène à se remettre en question, lui et le monde dans lequel il vit. Les éléments de science-fiction s’insinuent délicatement dans le texte, transportant crescendo le lecteur dans une tout autre réalité, vers une fin des plus radicales.

Park Min-kyu est un auteur anticonformiste dont les livres et la personnalité font couler beaucoup d’encre. Lors de ses apparitions en public, il porte le plus souvent des lunettes d’aviateur ou des masques de catch. C’est de fait un des auteurs coréens les plus médiatisés. Il est aussi musicien et joue dans un groupe de rock.
LangueFrançais
ÉditeurIntervalles
Date de sortie9 juin 2017
ISBN9782369561484
Ping-Pong: Un roman décapant au cœur de la Corée du Sud !

Lié à Ping-Pong

Livres électroniques liés

Fantasy pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Ping-Pong

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Ping-Pong - Park Min-kyu

    Min-kyu

    PING

    Au milieu d’un terrain vague se trouvait une table de ping-pong. Comment était-ce possible ? C’était comme ça. Et puis il y avait un vieux sofa¹, posé négligemment à côté de la table de ping-pong. Avec son cuir tout en lambeaux, il avait des airs de vieille femme. Le sofa changeait sans cesse d’orientation. La plupart du temps il faisait face au sud mais parfois aussi à l’est, et d’autres fois pas tout à fait à l’est. Ce qui était important ce n’était pas l’orientation du sofa, mais l’impression que quelqu’un était venu s’y asseoir. Derrière se tenait un cabinet rouillé et chancelant. Il ne changeait jamais de place, et n’avait aucune raison de le faire, ses portes ne s’ouvraient pas et c’est sans doute pour ça que quelqu’un l’avait abandonné. Je n’y ai jamais vu ni animaux ni oiseaux. Il n’y avait que des avions qui sillonnaient le ciel de temps à autre, un tas de sable et un tas de bois, ainsi que quelques engins de chantier au loin. On peut dire que c’était ça l’écosystème du terrain vague.

    À l’extrémité du terrain vague des travaux étaient en cours. C’étaient des travaux pour les tours d’un complexe résidentiel et commercial. Au vu de la profondeur des fondations il s’agissait très certainement d’une immense résidence. Assis sur le sofa, la première chose que nous avons vue, Moaï et moi, c’était le ciel, une immense crane² traversant le ciel. La crane hissait une structure métallique mesurant plusieurs dizaines de mètres de long. Un paysage dont la vue aurait émerveillé quiconque, pourtant nous n’avons pas été surpris ou crié whaou. Ce n’est pas que nous soyons insensibles, disons simplement que nous avons reçu un peu trop de coups.

    Whaou

    et dire ça. À quel point faut-il être heureux avant de pouvoir pousser une telle exclamation ? Je me suis demandé, tandis que je fixais la crane qui venait de commencer à se déplacer horizontalement dans un bruit assourdissant. Une douleur aiguë m’a transpercé³, le flanc. Il avait sans doute reçu trop de mauvais coups. Au plus profond du sofa, je me suis lové. Je savais d’expérience que si je me levais trop vite la douleur serait encore plus vive. J’ai fermé les yeux. Criiiii. Sans doute à cause de la douleur le corps de Moaï aussi s’est agité. Les springs du sofa crissaient d’une douleur encore plus vive. C’était au début de l’été, un samedi après-midi.

    Whaou

    Aujourd’hui, j’ai vraiment reçu beaucoup de coups. Il y a des jours comme ça, où j’en reçois particulièrement beaucoup. Deux ou trois fois par mois, ça arrive à coup sûr. Il n’y a rien à faire. Je voudrais tourner la page mais ce n’est pas une question de volonté. Criiiii. Encore ce bruit métallique. Les springs rouillés du sofa, sont pareils aux bronches d’une vieille femme asthmatique. Moi aussi j’aimerais vieillir vite, et tuer tranquillement le temps en toussant. Si soudain paf je devenais un vieil homme, on ne me ferait pas subir ce genre de chose. Non, si seulement je pouvais vivre jusqu’à quarante ans, ou trente ans, non même vingt ans ce serait bien. Vingt ans. Vingt, ans. Vivre jusqu’à l’âge de vingt ans, est-ce seulement possible ? De grâce, laissez-moi vivre. Un grand et ambitieux rêve.

    Moaï et moi nous formons un set. On nous torture en set, on nous appelle en set, on reçoit des coups en set. Les lieux où l’on se fait rouer de coups varient. Tous les jours on reçoit des coups en classe, aux toilettes, sur le toit-terrasse, et ici même dans le terrain vague. Je ne sais plus depuis quand, Moaï et moi en sommes arrivés à considérer tout cela comme notre labeur quotidien. On ne peut pas dire que ce soit un labeur agréable, mais n’ayant jamais connu autre chose je n’arrive pas à savoir si je l’aime ou le déteste. C’est tout, ainsi va la vie. J’ai quinze ans⁴, mais Moaï, qui a un an de plus que moi, doit sûrement penser autrement. C’est sûr que recevoir des coups en set ne veut pas dire qu’on en parle.

    Moaï parle peu. Il a déjà redoublé une fois avant d’arriver dans notre collège. C’est tout ce que je sais de lui. Je ne sais pas s’il avait déjà été bizut dans son ancienne école, mais en tout cas il parle peu. C’est notre professeur principal qui lui a collé ce surnom. Ça alors, c’est leur portrait craché ! Puis il nous a montré une photo de cette île du Pacifique Sud où il y a de mystérieuses statues de pierre⁵. Ils étaient tous morts de rire. En effet, c’était vraiment la même impression. Le nom de ces statues était Moaï. Moaï, est ainsi devenu Moaï. Chaque fois que je l’entends, je trouve ce nom vicieux.

    Mais à ce point-là, c’est quasi mystique non ? Une fois j’ai même surpris une fille dire ça. Vu ma situation je ne devrais rien dire, mais Moaï est un mystère surnaturel – sa tête est colossale. Pourtant ce n’est pas à cause de sa tête qu’on persécute Moaï. Parmi les diverses raisons il y a tout d’abord son argent, le fait qu’il parle peu, une nature de bizut inhérente à son caractère, mais s’il y a bien une raison c’est certainement parce qu’il est doué d’un pouvoir surnaturel. Un pouvoir surnaturel. Il y a quelque temps il y a eu cette émission dont tout le monde a parlé, présentant un pro capable de tordre une spoon d’un simple frottement comme du caoutchouc. Vous pouvez tous y arriver avec un peu de concentration. Et puis sur-le-champ, les téléspectateurs ont informé la chaîne de leur réussite, et le lendemain c’était le chahut dans la classe. Ya, toi aussi essaie pour voir. A dit quelqu’un à Moaï. Cette spoon est devenue la source de son malheur. Oooh. La spoon s’est vraiment tordue comme du caoutchouc. Ya, viens par là. Ch’isu a appelé Moaï. Essaie encore. Et une fois encore, Moaï a tordu la spoon.

    Pendant un moment Ch’isu s’est mis à convoquer Moaï dès qu’il s’ennuyait. Toi viens voir par là. C’est toujours moi qui transmettais le message. En général il devait aller dans le repaire de la bande de Ch’isu derrière l’entrepôt, et Moaï tordait de nouveau la spoon. Whaou trop dément ! Parfois on le convoquait même la nuit. Dans un terrain abandonné à côté d’un Seven Eleven⁶, il devait de nouveau tordre une spoon devant la bande de Ch’isu et leurs nanas. Yihaa. Et tu peux faire ça avec un truc plus grand ? Avec un truc plus grand, il ne pouvait pas. Le don de Moaï les impressionnait de moins en moins. Mais merde tords au moins ta bite. C’est ce qu’a dit une des filles un jour. T’as pas du fric ? A demandé Ch’isu en se recoiffant. Le hasard fait bien les choses, Moaï avait de l’argent plein les poches. Pourquoi t’es venu seul ? A demandé Ch’isu en crachant peuh par terre, lorsqu’il est arrivé le jour suivant à l’entrepôt. Il veut nous… voir. Il y a une grande différence entre il veut te et il veut nous, le but de la convocation n’était vraiment pas le même. C’est ainsi que nous sommes devenus un set.

    On prenait des coups ensemble, on se faisait convoquer ensemble, mais Moaï et moi on ne parlait presque jamais. Viens, il veut nous voir. Se cherchant d’une classe à l’autre tête baissée, ses convocations étaient nos seuls échanges et c’était tout. J’étais désolé pour Moaï, mais au début je dois avouer avoir éprouvé de la joie. Disons que c’était comme si j’avais enfin un ami, oui c’est ça. S’il n’y avait pas eu cette histoire, peut-être serions-nous déjà devenus les meilleurs amis du monde. C’est arrivé peu de temps après qu’on soit devenu un set. Plus je regarde ce connard plus je le trouve bizarre. Ce mystère surnaturel – inexpressif, cette tête gigantesque, c’est sans doute ça qui gênait Ch’isu. Tu ressens rien ? Et paf paf il frappait Moaï juste pour voir, mais aucun changement sur le visage de Moaï. Ça c’est vraiment bizarre. Il a tout essayé, même les chatouilles, si bien que la perversité du caïd a repris le dessus. Hi hi hi, toute la bande a commencé à rire. Ya, Clou ! Il a baissé le pantalon de Moaï. Suce ! Au début j’ai hésité mais face au regard transperçant du caïd je ne pouvais qu’obéir (en fait j’avais seulement sa bite dans la bouche). Pourtant ce sont mes larmes qui ont coulé. Le mystère surnaturel gardait toujours le silence alors Ch’isu a haussé les épaules. Laisse tomber. J’abandonne. Après cet incident on ne s’est plus jamais regardé droit dans les yeux. Même si on était un set, c’était comme ça.

    Clou⁷. Moi c’est Clou. C’est ainsi qu’on m’appelle. Toc toc. Si on me regarde de loin quand Ch’isu me cogne la tête on dirait qu’on enfonce un clou, c’est pour ça qu’on m’a collé ce surnom. Ya, Clou ! Quand on me dit ça c’est bizarre, mais je ne sais pas car je n’ai jamais eu d’autre surnom. Si je l’aime bien ou pas, je ne saurais dire. Toc toc. Parfois j’imagine que si j’étais vraiment un clou ce serait bien. Quand j’attends le coup la tête sur le mur, eh bien oui, je prie. La prochaine fois faites-moi renaître en clou. Parce que les clous, semblent ne recevoir dans leur vie qu’un seul coup.

    Une fois je me suis vraiment ouvert le crâne. C’est que j’ai reçu un caillou sur la tête, on m’a fait passer un x-ray et j’ai maintenu, c’est juste un caillou, même une fois les x-ray développées j’ai continué à maintenir ma version – puisque je vous dit que c’est juste un caillou. Sur la région que pointait le médecin il y avait pourtant une fêlure comme si on y avait planté un clou. Jusqu’à ce que mon crâne soit entièrement cicatrisé, Ch’isu ne m’a plus frappé. Disons que c’est à partir de ce moment-là, que mes capacités langagières se sont considérablement dégradées.

    Je fais partie de la catégorie des bizuts. Je suis faible, peureux, on ne me remarque pas, et je n’arrive pas à étudier. Il n’y a pas une seule chose que je sais bien faire. Y’a rien, à faire. Indifférent, nonchalant, insensible, démuni, et tandis que je me cache la plupart du temps comme une bacteria Ya, Clou ! à cet appel je réagis. Dans un soubresaut, mon corps répond automatiquement. Lorsque c’est la voix de Ch’isu c’est encore pire. J’ai trop la honte. Moaï et moi, c’est en ça qu’on diffère. S’il se rapproche d’une sorte de bailleur de fonds, on peut dire que moi je suis le larbin. Je suis d’un rang inférieur. J’étais humain autrefois, mais je ne peux plus prétendre l’être. En gros, je me situe quelque part entre le clou et l’humain. Ping. Puisqu’il arrive parfois qu’on voie couler mes larmes, je pense pouvoir dire cela.

    Le bizutage a commencé lors de ma 2e année au collège. Sans aucune raison. S’il devait y avoir une raison ce serait qu’une fois arrivé dans la même classe que Ch’isu, il m’a remarqué. Il m’a d’abord frappé. Lève les bras. Il m’a asséné une pluie de coups de poing sous les aisselles. Mon visage était intact mais j’ai terriblement souffert pendant des jours. C’était comme si quelque chose comme les ailes de ma vie, qui bourgeonnait jusqu’alors, s’étaient brisées. Quelque chose comme des plumes blanches ou du duvet, tombait à chaque coup. C’était ce genre, d’impression.

    C’est comme ça que ça a commencé. Plus personne ne m’a adressé la parole. Non, plus personne ne pouvait. Je suis devenu la propriété exclusive, le larbin, le jouet, la boîte à musique, le MP3 player, l’alarme, l’insecte domestique, le handbag, le sandbag de Ch’isu. Il m’a fallu une année entière pour ne plus prêter attention aux coups. À un moment, c’est bizarre mais je me suis senti en paix. Quand j’ai réalisé que la situation ne pouvait pas empirer, l’inquiétude a disparu. Je ne pouvais rien y faire, et cette vie où plus rien n’importait a débuté.

    C’est rien. Les jours où je recevais beaucoup de coups et où j’étais même blessé au visage, je donnais toujours la même réponse. Tu t’es battu ? Je suis tombé. Au début, j’ai gardé le silence par peur des représailles, puis plus tard par peur que ça n’empire. T’es sûr que ça va ? Ça va. Cette vie où plus rien n’importait continuait, mais il y avait un endroit où ça n’allait pas. C’étaient mes ongles.

    Les dix ongles de mes doigts sont à moitié déglingués. Plus précisément, c’est parce que, je les rongeais. Crève ! Dès que j’avais envie de tuer Ch’isu, je me rongeais les ongles. Les ongles, personne ne les remarque, et peu importe la souffrance ils ne font pas de bruit. C’est ce côté qui m’a toujours rassuré avec les ongles. Comme tous les parents qui travaillent, les miens n’ont jamais regardé mes ongles une seule fois. T’as quoi aux mains ? Oui c’est Ch’isu qui a remarqué mes ongles brisés comme des débris de porcelaine. Euh, c’est comme ça depuis toujours, j’ai sorti comme excuse, puis peuh il a murmuré en crachant. Toi, tu voudrais pas ma mort par hasard ?

    Comment… il a su ?

    Après ça j’ai eu encore plus peur du mec. J’ai arrêté de me ronger les ongles. Si je devais parler de Ch’isu, soit j’aurais tellement de choses à dire qu’il me faudrait cent notes pour tout raconter, soit je ne dirais carrément rien, c’est comme ça. Il est contestable que son existence en elle-même soit mauvaise, mais il est certain qu’elle se détachait du lot. C’est ça, à tous points de vue. Tout ce qui sort de sa bouche est appliqué à la lettre. S’il dit qu’il va t’arracher les cheveux, alors les cheveux seront arrachés. S’il dit qu’il va te planter un couteau dans le ventre, alors il le plante vraiment (comme on m’a vite emmené à l’hôpital je ne suis pas mort). S’il dit qu’il va te tuer, alors tout le monde va penser, qu’il va tuer. C’est pour ça que tout le monde, écoute ce que dit Ch’isu.

    Le bruit courait que même les caïds du lycée ne pouvaient le défier à la légère. Il y avait aussi une rumeur convaincante selon laquelle les chefs des gangs l’avaient déjà remarqué. Comment dire, c’est parce qu’il avait véritablement ce je-ne-sais-quoi de supérieur aux autres. Quand avait-il bien pu s’entraîner et apprendre à faire toutes ces choses, pour moi c’était incompréhensible. Force et violence, ruse, incitation, pouvoir, exploitation, influence, préservation, réconfort, répression, persuasion, harmonie, manipulation… le mot mauvais ne suffisait pas à le décrire. Par exemple il me gratifiait parfois d’une gentille plaisanterie, ou alors il me demandait sur un ton amicalement bienveillant si j’allais bien. C’était très rare, mais dans ces moments-là ping, je ne pouvais m’empêcher de pleurer. Je ne vois pas d’autre explication, il ne pouvait qu’être doté d’un pouvoir effrayant.

    Seuls 2 % des êtres humains dirigent la planète.

    Notre professeur principal répétait cela comme une rengaine, et c’est aussi ce que je pense. Quand je regarde Ch’isu, je sais que ce genre d’être humain existe réellement. Ils se présentent aux élections, font des discours, recrutent, établissent des rules – c’est important, je le comprends. Il faut bien que quelqu’un dirige tous ces êtres humains. Je le conçois. Que les 98 % des êtres humains restants se laissent duper, obéissent docilement, se soumettent plutôt que d’agir – c’est ce qui fait tourner la planète. Le problème, ce sont justement les êtres humains comme moi. Les êtres humains comme moi et Moaï. Mais enfin

    nous n’avons aucune data. Nous n’avons aucune vitalité, et nous ne sommes pas une force motrice. Nous ne sommes ni omis ni exclus. Jamais nous n’avons émis une quelconque opinion ou un quelconque consentement. Pourtant nous vivons ainsi. Mais enfin

    que sommes-nous ?

    Ils sont cinq dans la bande de Ch’isu. En comptant les membres peu influents on atteindrait facilement un nombre plus important, mais ce sont ces cinq membres qui en constituent le noyau. Il y a quelque temps une institution gouvernementale a mené une expérience visant à accroître notre force combative, en croisant des chiens avec des hommes. Comme nous ne sommes pas dans un roman de SF ce genre d’expérience ne pouvait pas réussir. L’institut de recherche a fermé ses portes, et pour finir il n’est resté que des bébés hybrides mi-hommes mi-chiens. Ces œuvres ratées ont été vendues à bas prix aux quatre coins du pays. Loin de connaître la vérité, les parents aussi stupides que ces sales hybrides – se sont occupés d’eux comme de la prunelle de leurs yeux.

    Les pires ce sont les filles. C’étaient des vieilles nées entre 1910 et 1920, qui avaient amassé une immense fortune après s’être vouées pendant presque un siècle à la prostitution. Vers l’âge de quatre-vingts ans, elles ont vendu leurs biens et se font fait faire des opérations de chirurgie esthétique hightech comme des liftings sur tout le corps – même sur leur chatte – et se font fait passer pour d’honorables adolescentes de quatorze ans sans le sou – ce sont des traînées, voilà tout.

    Lèche.

    J’ai réellement déjà léché la chatte de l’une d’entre elles (en fait j’ai seulement posé mes lèvres). Celle de la gamine qui malgré le coup de téléphone de Ch’isu a refusé son chantage sexuel prétextant être malade. Ya, Clou ! Il m’a donné son sac et Ch’isu qui était allé la chercher jusque dans son studio a défoncé la porte d’un coup de pied. Je ne sais pas si la fille avait l’air négligé ou malade, mais il lui a vraiment arraché presque tous les cheveux. Ensuite il lui a frappé la tête sans pitié avec une fry-pan qui avait dû servir à cuisiner des tteokbokkis⁸. Baisse. Une fois le jogging taché de sauce de la fille descendu, il m’a de nouveau forcé à le faire. Lèche. Et puis il a filmé la scène avec son phone.

    Entre les jambes écartées de la fille, ça sentait le linge pas lavé depuis 1910.

    Pour résumer

    voilà le genre d’êtres humains, qu’ils sont. Ce genre d’individus, se cramponnent aux côtés des 2 %. Ils se lavent mal, volent, rackettent, se prostituent, se font maquereaux, menacent, frappent, réclament l’argent d’autrui sans jamais payer de taxes. Le pire c’est qu’ils pensent, appartenir à l’élite des 2 %. Quoi qu’il en soit, ces cons n’ont que de la merde dans la tête.

    réveillez-vous, bande d’attardés

    Pour diverses raisons le terrain vague, était un espace très utile à la bande de Ch’isu. Pour se cacher et comploter des mauvais coups, je pense qu’il n’y a pas meilleur endroit. Avant comme il y avait un fossé il fallait faire un détour de quarante minutes pour y accéder, mais avec l’arrivée des travaux, des trucks ont comblé le fossé avec de la terre. En tournant après la colline située derrière le collège, on y arrive en dix minutes à peine. Le jour où l’on nous y a emmenés pour la première fois nous avons reçu de violents coups. Nous ne connaissions pas encore le coin où il y a le sofa, mais on s’est fait frapper en set devant le tas de sable. Après le départ de la bande de Ch’isu nous sommes restés allongés par terre un bon moment. Bodom bodom, c’est comme ça que Moaï a découvert le sofa. En allant pisser derrière le tas de bois. Tu fais quoi ? Comme il ne semblait pas avoir l’intention de revenir je suis allé le trouver, la manière dont il était assis donnait le sentiment qu’il était enseveli. Poum, je me suis effondré à ses côtés. C’était un sofa deux places, et je ne sais pas comment c’était possible mais juste en face il y avait une table de ping-pong.

    Cette scène reste encore aujourd’hui gravée dans ma mémoire.

    La table de ping-pong se trouvait là, et elle semblait être l’essence même du terrain vague et de la planète. C’était un ciel clair d’après la saison des pluies, et c’était le calme avant la tempête. C’est pour cela que les rackets d’un rouge vif et les balles blanches qui traînaient à côté ont attiré notre regard. Et puis, il n’y avait personne.

    Tu veux jouer ?

    C’était la première fois

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1