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La parole du personnage absent dans un corpus de textes d'Alex Métayer
La parole du personnage absent dans un corpus de textes d'Alex Métayer
La parole du personnage absent dans un corpus de textes d'Alex Métayer
Livre électronique288 pages3 heures

La parole du personnage absent dans un corpus de textes d'Alex Métayer

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À propos de ce livre électronique

Il n’y a pas de travail d’analyse de discours qui ne vise la rencontre avec un autre, qui ne cherche un interlocuteur. Il n’y a pas d’écriture de recherche qui ne pose le problème de la place de l’autre dans le texte.
Le one man show, variante théâtralisée est basée sur la production d’un discours sketch, énoncé sur scène par un seul et même acteur physiquement présent. Se définissant comme un sous-genre théâtral de l’immédiat, de proximité avec le public par le biais d’une parole mise en spectacle, on pourrait penser que le one man show n’est autre qu’une activité monologique et monologale ; une activité qui lie un personnage et un public. Or, nous posons comme hypothèse la présence d’un « autre », une image / instance supposée énonçante, programmée, sortant de l’imagination créative de l’auteur, et sensée lui donner la réplique.
Le one man show est un outil médiatique manipulatoire. En conséquence, il sera question, dans cette analyse d’un corpus de sketches d’Alex Métayer, de montrer comment, un seul personnage peut simuler un échange avec des interlocuteurs dits «absents». La parole énoncée en public et les textes transcrits selon l’analyse des conversations, nous montrera un fait linguistique pertinent : voir qu’une même parole peut générer deux personnages ; engendrer deux visions sur le monde et la réalité des échanges en société.
LangueFrançais
Date de sortie28 avr. 2016
ISBN9782312048772
La parole du personnage absent dans un corpus de textes d'Alex Métayer

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    La parole du personnage absent dans un corpus de textes d'Alex Métayer - Philippe Laguerre

    cover.jpg

    La parole du personnage absent dans un corpus de textes

    d’Alex Métayer

    Philippe Laguerre

    La parole du personnage absent

    dans un corpus de textes

    d’Alex Métayer

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2016

    ISBN : 978-2-312-04877-2

    Avant-propos

    Avant même de chercher à analyser le texte « sketch » sous l’aspect interactionnel, qu’il soit axé sur les situations comiques dans lesquelles sont impliqués les personnages, ou sur les répliques comiques qu’il engendre, il est judicieux de poser l’hypothèse que cette forme d’écrit n’est pas facile à appréhender.

    Polymorphe, il peut varier d’aspects, de degrés, de procédés, de thèmes.

    En outre, le sketch comique est souvent subtil, diffus, volatil. Il s’infiltre, il détourne et insinue, sans que l’on soit sûr du réel but à atteindre.

    Il peut se focaliser sur un jeu de mots ou un gag, comme il peut contaminer subversivement l’ensemble d’une conversation jouée, d’une scène de ménage, donner une tonalité particulière.

    Tirés de leurs contextes et figés dans leurs mouvements, les mots, l’anecdote, les discours comiques joués sur scène sont privés d’une large part de leur signification, quand on les soumet à l’examen. On répète à ce propos le mot de Voltaire : « toute plaisanterie expliquée cesse d’être plaisante ». Le propre du rire qui découle du texte est de se soustraire au contrôle (social, rationnel, personnel). Plus grave : l’effet, c’est à dire le rire, qui nous a permis de reconnaître le comique d’une situation en spectacle, quand il survient, a tendance à effacer sa cause, c’est à dire le risible d’une situation langagière mimée en public.

    Si nous empruntons le comique des sketches comme support, notre but restera de recadrer le texte vers une orientation atypique. Visée principale sur les mécanismes de productions de sens et d’instances au sein du one man show.

    La problématique de l’analyse du discours comique

    La problématique qui préoccupe le plus les spécialistes du langage que nous sommes, est celle de la crédibilité du phénomène, à quelques titres que ce soit.

    Le comique touche le matériau linguistique sous toutes formes. L’hypothèse qu’il représente, un langage à part entière, comporte au moins des éléments linguistiques qui n’apparaîtraient que dans ce discours.

    En admettant les différentes fonctions et les différentes articulations que la linguistique nous a donné depuis Saussure{1}, il est possible de déterminer où précisément, intervient le comique, sur quels éléments ou à quels niveaux d’articulations il porte (infra linguistique).

    Quand bien même on parviendrait au cours de cette analyse à le localiser et à le définir (au moins provisoirement) au travers de la manipulation du discours sur scène, il reste à analyser conversationnellement le comique retranscrit. De nouvelles difficultés surgissent.

    Le comique n’existe nulle part à l’état pur, élémentaire, mais apparaît toujours en composition avec de multiples facteurs dont on ne peut le dissocier.

    Si l’approche du spectacle seul en scène comme vecteur du comique doit être pluridisciplinaire, ou au moins sensible aux différents paramètres qui conditionnent le rire, cette exigence ne doit pas décourager les spécialistes, notamment ceux du langage, de prendre leurs responsabilités.

    En effet, par cette œuvre, nous entendons appliquer les théories de la linguistique interactionnelle, de l’ethnométhodologie, de la cognition, afin de faire surgir la parole d’un « autre » dans le « même ». Un personnage principal exposant un texte sketch en situation de one man show, un ou des personnages absents, présents dans le discours du comique, destiné(s) eux-mêmes, à lui donner la réplique. En quelque sorte, recréer sur scène une situation d’interlocution de type « ordinaire ».

    Le corpus

    Notre corpus a été constitué à partir d’enregistrements en vidéo de spectacles appartenant à Alex Métayer. L’œuvre abondante et largement disponible permettait la constitution d’un corpus transcrit varié en genres et typologies de discours.

    À partir de ce recueil de sketches, nous avons transcrit selon les méthodes de l’analyse conversationnelle :

    Afin de mener à bien cette étude, nous utiliserons les conventions de transcriptions empruntées à la thèse de Jeanne-Marie Barbéris (1995). Voici le système numérologique que nous retrouverons dans cette œuvre :

    (1) voix rieuse.

    (2) voix forte, insistance.

    (3) voix faible.

    (4) contrefaçon de voix.

    (5) paroles chantées.

    (6) intonation réticente, sceptique.

    Les silences et les pauses pleines sont tout aussi pertinents et nécessaires dans la mesure où ils marquent la valeur illocutoire implicite que le personnage exprime lors de l’énonciation. En ce sens, les pauses silencieuses sont marquées selon trois icônes : « » (pause courte) ; « // » (pause moyenne) ; « /// » (pause longue). Les pauses pleines, quant à elles, seront notées selon cette convention : ( :: :: : :).

    Les résumés situés en amont de chaque sketch cité dans le corpus transcrit, dresserons un inventaire non exhaustif de la position du personnage, son rôle au début du sketch, et les caractéristiques physiques ou comportementales à l’égard de son absent vis à vis de la thématique abordée.

    « La Parole du personnage absent dans un corpus de textes d’Alex Métayer » exposera les cadres de l’étude, propres à étudier ces moments où, le personnage principal se dévoile et dévoile aussi les éléments informatifs qui justifient l’entrée en interaction avec « l’autre ». Nous verrons la mécanique des deux sphères de communications (emboîtante / VS / emboîtée), participantes dans l’élucidation du rapport intime entre le personnage principal et le(s) personnage(s) absent(s) dans l’événement seul en scène. L’importance des savoirs que le personnage transmet aux spectateurs, et leurs réactions face à cette transmission.

    Notions sur l’interaction

    Selon Kerbrat-Orecchioni « parler c’est communiquer et communiquer, c’est interagir ». Cette définition est perspicace, car elle met l’accent sur le phénomène à la fois de communication, sans quoi l’homme n’incarnerait qu’une position végétative et, surtout, sur le phénomène d’action en tant que moteur de l’exécution humaine, syndrome du désir d’aller de l’avant et donc, d’entretenir des changements d’états de choses au point de vouloir en permanence la modification de ces choses. Engagé dans ce concept de communication, de transmission de message, l’homme est soumis à des règles et des normes qui recadrent et délimitent ses possibilités d’agir en fonction de ses moyens d’émettre. Il est clair que le choix du langage verbal, ou de toute forme servant à communiquer, a été depuis fort longtemps rattaché à des concepts linguistiques dits traditionnels auxquels la communication, et un peu plus tard (après les années 60) l’interaction, ne pouvaient prendre en considération. La linguistique réduisait alors son champ d’action à l’étude du « langage pour le langage », à la production d’une théorisation basée sur l’analyse des codes à travers des domaines comme la phonologie, la morphologie. Le seul souci ne fut que la recherche entre combinaisons de formes dans la production de sens.

    La réintroduction de la dimension sociale en linguistique permettait d’étoffer les démarches d’analyses : Jakobson éveillait la réflexion sur l’homme et son appréhension en tant qu’être expressif, sémiologique. Ses fonctions du langage, ainsi que ses travaux issus de l’anthropologie, apportent une observation fine et multicanale des cultures et de leurs divers moyens de gérer les réseaux de communications.

    D’une façon empirique, la linguistique, même en affichant un de ses principes fondateurs, à savoir la dichotomie langue / parole, ne perd pas l’opportunité de légitimer le social. Il serait d’ailleurs bien pernicieux de constater un acte individuel de production, sans prendre en compte l’objet social de cette même production. Avec l’apparition de la sociolinguistique, cet « à l’encontre de la linguistique », ces lacunes, sont rectifiées par la mise en place des recherches interdisciplinaires et l’introduction donc du terme « interdisciplinaire » : « La sociolinguistique (…), c’est d’abord la linguistique, toute la linguistique »{2}.

    Le refus d’accepter le changement fut la mort de la linguistique traditionnelle de Saussure{3}, prônant les vertus du langage comme salvatrices face à l’état « amorphe et indistinct » de la pensée. L’évolution donna raison à l’aspect social de la communication, et tout particulièrement à l’une de ses formes de transmission, la notion d’interaction. Son champ d’étude doit être appréhendé de façon extérieure. Et si l’interaction verbale constitue l’une de ses composantes, il ne faut pas, toutefois, exclure toute autre forme de réalisation de la communication (non verbale, paraverbale). C’est en ce sens qu’évoluera ce travail. Notre analyse s’élargira à la notion d’analyse conversationnelle basée sur les principes d’interactionnisme symbolique, de l’ethnométhodologie comme concrétisation d’une étude sur les procédés relatifs à la formulation. Le sujet du langage de Charaudeau (1993) nous servira de guide théorique pour la compréhension du sujet en tant que producteur d’une énonciation dans un contexte de face-à-face. Le propre à cette forme d’interaction s’effectue par la conversation, une co-énonciation soumise au phénomène d’interprétation de la production des énoncés.

    Nous reviendrons par la suite à l’analyse conversationnelle comme analyse d’une interaction verbale spécifique : la conversation dans la prise en compte des aspects non-verbaux de la communication (distance / gestes), du respect des structures d’échanges dans l’observation du facteur « négociation ».

    Enfin, nous évoluerons au cœur de notre thématique, à la mise en corrélation des concepts de l’analyse des interactions verbales, et ce, avec le dialogue théâtral et l’étude d’un corpus de sketches d’Alex Métayer. Nous dégagerons à l’aide de supports d’investigations conversationnelles et de l’utilisation des enregistrements vidéo, les principaux facteurs de la mise en dialogue simulée « spectacle Alex Métayer ». Nous verrons comment deviennent-ils diffusables, comment regroupent-ils leurs activités verbales de façon à ce qu’elles soient interprétées par un analyste ?

    Comment remplissent-ils des tâches d’une constitution commune en utilisant des formes de négociations ou d’adaptations mutuelles, pour amener à une sorte d’interaction ordonnée dans un contexte extraordinaire, un contexte théâtral.

    En guise de conclusion, grâce à ces éléments d’ordre descriptif, nous tenterons de définir le spectacle comique d’Alex Métayer comme source d’informativité spécifique et technique, mêlé du concept de simple divertissement.

    Lorsque l’on aborde une telle notion, nous avons immédiatement à l’esprit la notion d’action. Celle-ci provoque un changement d’état de choses, du monde ou des relations sociales créées par les communications verbales. Dans le cas présent, nous allons appréhender l’interaction dans sa dimension sociale, mais aussi d’action verbale.

    Interagir, c’est en quelque sorte se placer en tant que pièce maîtresse d’un événement de communication.

    Si l’on considère que le terme action tient une place prépondérante dans l’interaction, on peut envisager qu’elle est dirigée à l’encontre d’un interlocuteur certain. Dire interlocution suppose l’interprétation des représentations des situations de communication qui peuvent être différentes, selon que l’on se place du côté de l’émetteur ou du récepteur, d’une situation discursive spécifique.

    Sur le plan formel, la notion d’interaction verbale représente l’ensemble mêlant à la fois, nos moyens d’expressions, mais aussi les échanges communicatifs de tout ordre : interviews, transactions commerciales, entretiens, entre autres. Elle regroupe aussi tout type de matériel, qu’il soit de nature verbal : où les supports signifiants assurent la réalisation d’un énoncé explicite (phonologie, lexique, syntaxe). Non verbal avec lequel s’enchevêtre le verbal qui en l’absence de ce dernier, se substitue à lui pour effectuer des actes de communications. Paraverbal dont les traits prosodiques accompagnent et modulent la réalisation intonative du verbal.

    De ces trois caractéristiques outils dont elle dispose, la verbalisation d’actes langagiers reste le domaine premier en matière d’observation et de description du domaine interactionnel.

    Afin de clarifier ces propos, revenons donc à l’ensemble que constitue l’unité verbale. « Compte tenu de la richesse que nous procure le langage, le locuteur quel qu’il soit aura la possibilité, au niveau des items lexicaux du lexique, de choisir entre les substantifs et les expressions dont nous avons besoin en vue de les agencer, de leur donner forme en fonction de la situation de communication verbale donnée » (Kerbrat-Orecchioni, 1977){4}.

    En ce sens, « tous les mots de la langue fonctionnent, dans l’ensemble, comme des praxèmes connotant à degrés divers, les différents thèmes de la société humaine qui les manipule. Certains pronoms personnels, vous ou tu par exemple, peuvent servir, selon la situation, de marqueur d’intention dans l’acte verbal comme le désir de proximité (familiarité ou politesse) avec notre prochain. Le verbal tient une grande place dans la communication. Négliger le non verbal, le paraverbal serait dommageable sur l’apport informatif, mélodique, intonatif (variations de hauteurs dans l’articulation des sons au cours de l’émission de la phrase) » (Kerbrat-Orecchioni, ibid., p. 64). Le non verbal sous la forme de signes gestuels, faciaux, possède ses emblèmes de références : hocher la tête ou poser le doigt contre sa tempe pour désigner quelqu’un de fou, nous laisse entrevoir les diverses possibilités, non moins négligeables, dans l’utilisation de ces pratiques de substitutions, d’un mot par une forme non verbale ou une combinaison d’une caractéristique non verbale, paraverbale.

    La vie d’un individu peut se définir comme une suite de contacts dans la société. Notre intégration au sein d’une communauté linguistique, l’environnement linguistique pour lequel nous partageons non seulement la même langue, mais aussi les mêmes codes sociaux, relève du vécu interactionnel. Notre passé renferme bon nombre de face-à-face constituant notre patrimoine, notre historique. Goffman{5} reprit la notion d’histoire conversationnelle de Golopentya dans laquelle, chaque participant entre dans une situation sociale en portant une biographie déjà riche d’interactions passées avec les autres participants de même type. De ce fait, la notion de présuppositions culturelles partagées est un facteur déterminant dans la compréhension entre deux sujets. Le fait d’établir une datation de nos échanges communicatifs passés, nous permet en effet de mieux nous situer par rapport à la situation qui se présente à nous.

    Cette réactualisation d’interactions passées maintient le lien entre passé interactionnel, et la situation d’échange du moment. Ainsi, le fait d’attendre à un arrêt de bus et de se voir interpellé par un inconnu, rentre dans notre mémoire interactionnelle, qui l’enregistre par la suite comme la reproduction d’une situation similaire réutilisable lors d’une prochaine rencontre du même ordre.

    De cette vision simpliste d’une situation particulière, comme l’interpellation d’un « inconnu », il naît des rapports sociaux spécifiques où le caractère informel détermine une relation dans laquelle chacun des participants (si l’on s’engage à répondre) est dans une situation égalitaire. Le cadre interactif « arrêt de bus » institue une relation où les sujets au départ, n’ont aucun savoir respectif sur l’un ou l’autre. L’égalité apparaît lors de cette méconnaissance. L’interpellation convoque l’interpellé à une place d’informateur.

    L’acte banalisé de demander à quelle heure passe le prochain bus, n’oblige en rien l’interpellé à occuper la place d’informateur, vu la position sociale non reconnue de l’instigateur de l’échange. En soi, cette activité laisse le libre choix à une personne d’éviter ou d’accomplir l’échange. Si l’acceptation mutuelle survient, les participants à cet échange verbal construiront en toute coopération, une relation interactionnelle où lexiques et attitudes corporelles impliquent une activité spécifique. Il est sûr que l’usage que nous faisons de notre passé interactionnel, s’effectue en même temps que nous tirons partie de l’activité présente pour laquelle nous avons utilisé cette notion.

    Dans La mise en scène de la vie quotidienne, Goffman{6} évoque la présentation du sujet en situation d’interaction à l’image d’une catégorisation sociale. La mise en scène de participants inclue une définition conjointe du type de relation, ainsi que du type de comportement à adopter dans le cadre participatif auquel ils sont confrontés : quand une personne se présente aux autres, elle projette, en partie sciemment et en partie involontairement, une définition de la situation{7}.

    Comme le définit l’auteur (ibid.), cette présentation de l’individu, de son image sociale, de son « soi » comme fragment intègre qui le constitue, n’est valable que si le sujet passif adopte à son égard, une conduite déterminée. Nous assistons donc à une distribution de rôles corrélatifs greffés sur un modèle d’actions préétablies par la personne qui nous interpelle, nous officialisant ainsi dans notre fonction d’interlocuteur.

    De ce fait, la notion de co-énonciateur s’inscrit dans cette mise en scène interactionnelle où tout discours est une construction collective{8}. Les deux partenaires jouent alors un rôle actif : le co-énonciateur se met à sa place dans l’interaction influençant l’énonciateur dans son élocution par ses réactions.

    L’interaction, loin d’être un simple phénomène de production et d’interprétation, est un domaine de communication qui voit le jour lorsque les membres d’un ensemble donné de personnes sont en présences mutuelles continues. Les sujets produisent du social dès lors qu’ils participent à l’actualisation d’images et de représentations de la langue parlée. Ils créent un contexte d’énonciation particulier pour laquelle ils s’engagent respectivement.

    Les facteurs que l’on prend en compte dans le contexte dépendent de la problématique interactionnelle que l’on y développe. Le cadre spatio-temporel, qu’il soit institutionnel comme un tribunal, ou empirique comme un simple supermarché, prédétermine les buts et le genre du discours établis entre les membres participants d’une activité discursive. Le supermarché en est l’exemple simple : on va à l’encontre d’une vendeuse afin d’avoir un produit spécifique. Le but qui nous anime sera décrété « officiel », étant donné qu’il correspondra à une problématique commerciale dont le cadre spatio-temporel se trouve en correspondance directe, légitime.

    Si par contre, le déplacement vers le supermarché est dicté par une autre logique que celle de l’achat, le fait de faire la cour à une vendeuse, par exemple, paraîtrait incompréhensible. Le contexte d’énonciation est donc le produit d’une construction des interactants, non dissociable de la production langagière. La conversation que nous décrivons un peu plus tard est l’exemple type de l’informel. Elle est le produit de liens affectifs ou du moins, d’une reconnaissance au préalable de participants entre eux, brisant ainsi le caractère formel de la relation client potentiel / employé de supermarché.

    L’énonciation se définit selon Benveniste{9} comme une mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation. Elle est indépendante de l’énoncé, de son produit, bien que l’intention d’agir de façon interactionnelle semble être le point déclencheur de cette même production énonciative. Les participants à une interaction donnée, et plus précisément le locuteur qui instaure l’énonciation, fait acte de langage dans un souci d’utilisation de la langue. Pour que l’acte soit légitimement officialisé, il faut qu’il y ait une volonté de modifier l’ordre ou l’état des choses (Berrendonner, 1981){10}.

    Cette volonté résume en quelques sortes, le déterminisme humain qui pousse tout être à enclencher une énonciation (dans le sens illocutaire, ce que fait le sujet en parlant conformément selon la convention reconnue).

    Deux aspects pertinents, en rapport avec ce que nous venons d’expliciter, ont été abordés par le linguiste Austin (1970){11} : L’illocutoire et le perlocutoire, conformément à leurs définitions respectives, sont à la fois motivations d’énonciations et objets d’analyses des effets sous-tendant une certaine provocation chez l’allocutaire du message. En ce sens, le couple énonciation / énoncé, illocutoire / perlocutoire, coordonnent leurs efforts pour un respect des maximes conversationnelles (principe de qualité, cohérence, pertinence, clarté) dans les deux niveaux d’actions qu’elles déterminent. Illocutoire / perlocutoire agissent, sur un plan extralinguistique, sur le plan des conventions (poser une question), et de l’effet production / interprétation au niveau de la position des participants par rapport à l’échange verbal.

    D’après Austin, les deux actes restent indépendants l’un de l’autre, surtout au niveau de la notion de convention. Cette notion détermine des scénarios types dans lesquels le principe perlocutoire (acte) ne s’y reconnaît plus. Évidemment, ce dernier est soumis à l’interprétation de l’illocutoire et donc, à la construction évolutive d’une interaction spécifique.

    Mises respectivement en parallèles, l’énonciation et l’énoncé rentrent dans deux cadres différents, l’un marqueur social d’intention, l’autre produit d’une activité structurée (KERBRAT-ORECCHIONI, 1986){12}.

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