« Trouver les mots »… C’est ici l’obsession de l’écrivain et aussi l’objet d’une partie de votre travail universitaire. Comment passe-t-on de l’un à l’autre, territoire plus intime sinon autobiographique ?
Ce livre tente d’explorer les chemins inattendus par lesquels le passé revient en mémoire. Il ressurgit soudain à l’occasion de situations parfois ordinaires, alors que vous ne vous y attendiez pas. Vous voilà reliés à une mémoire longue, à quelque chose que vous pensiez avoir oublié. Disons que je raconte des petits faits de la vie, parfois une phrase captée et retenue, un geste, le mouvement d’un animal, parfois et même souvent un souvenir douloureux, étreignant la poitrine, un souvenir qui vient de loin et qui d’une certaine façon perfore la mémoire quand il se présente. Cela veut dire que l’évènement existe toujours; il était simplement en hibernation.
Cette démarche est bien éloignée du mouvement de l’écriture universitaire qui demande une organisation raisonnée de la que vous voulez saisir, décrire, empêcher de fuir. Les récits qui forment ce recueil sont des « évènements de mémoire », pas à proprement parler une autobiographie car rien n’est raconté chronologiquement. Ce sont des instants captés, l’envie de s’attacher à une phrase entendue, une pensée, et de constituer comme des « biographèmes » au sens de Barthes. C’est l’imagination, le rêve, la recherche du souvenir enfoui qui sont convoqués, une autre partie de soi. Ce sont aussi des histoires qui sont racontées du point de vue de rôles féminins différents, rôles que chacune assume à sa manière : fille, mère, grand-mère, amoureuse, épouse.