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Le Théâtre de One Man Show: Le Même et l'Autre en questions
Le Théâtre de One Man Show: Le Même et l'Autre en questions
Le Théâtre de One Man Show: Le Même et l'Autre en questions
Livre électronique355 pages5 heures

Le Théâtre de One Man Show: Le Même et l'Autre en questions

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À propos de ce livre électronique

"L’extrême évidence du rapport que nous entretenons avec notre propre langue est aussi ce qui nous la rend irreprésentable."
Laurent Jenny, professeur de Littérature, nous livre l’essentiel de notre problématique : Comment la langue et par-delà, ses utilisateurs, nous montre-t’elle la difficulté du positionnement dans le discours ?
Comment les acteurs théâtraux de « One Man Show » réussissent-t’ils à rendre crédibles ces altérités imaginaires dans une manipulation spectacularisée ?
Quels sont les ressorts d’écritures qui poussent l’auteur à accéder au mimétisme des scènes de vies triviales ?
Mon but dans cet ouvrage est de porter l’Autre sous les feux des projecteurs.
Le discours du personnage principal apparaît central pour tenter de dévoiler les fonctionnements de l’Autre supposé présent...
LangueFrançais
Date de sortie11 oct. 2016
ISBN9782312048765
Le Théâtre de One Man Show: Le Même et l'Autre en questions

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    Aperçu du livre

    Le Théâtre de One Man Show - Philippe Laguerre

    cover.jpg

    Le Théâtre de One Man Show

    Philippe Laguerre

    Le Théâtre de One Man Show

    Le Même et l’Autre en questions

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2016

    ISBN : 978-2-312-04876-5

    Avant-propos

    Cette étude voudrait avant tout témoigner d’une rencontre, celle d’une variante du théâtre traditionnel, le one man show, et de l’analyse conversationnelle ou plus généralement, de l’analyse de discours. Il n’y a pas de travail sur ce terrain qui ne vise la rencontre avec un autre, qui ne cherche un interlocuteur. Il n’y a pas non plus d’écriture de recherche en analyse de discours, qui ne pose le problème de la place de l’autre dans le texte.

    Le one man show, variante théâtralisée est basée sur la production d’un discours sketch, énoncé sur scène par un seul et même acteur physiquement présent. Mais pourquoi parler ici d’étude conversationnelle ?

    Se définissant comme un sous-genre de l’immédiat, de proximité avec le public qu’il vise, on pourrait penser que le one man show n’est autre qu’une activité monologique et monologale ; une activité qui ne posséderait en soi aucunes ressources co-énonciatives. Or, nous posons comme hypothèse la présence d’un « autre », une image / instance supposée énonçante, programmée, sortant de l’imagination créative de l’auteur, et sensée lui donner la réplique.

    Le one man show est un outil médiatique manipulatoire. En conséquence, il sera question, dans cette analyse d’un corpus de sketches d’Alex Métayer et de Coluche, de montrer comment, un seul personnage peut simuler un échange avec des interlocuteurs dits « absents ». Sachant que l’absent que le personnage principal convoque en lieu et place dans un sketch, partage avec lui le même corps physique. La parole énoncée en public et les textes transcrits selon l’analyse des conversations nous montreront un fait linguistique pertinent : voir qu’une même parole peut générer deux personnages ; engendrer deux visions sur le monde et la réalité des échanges en société.

    Le sketch désigne une petite scène, généralement gaie, jouée le plus souvent au théâtre. Il se caractérise par sa brièveté d’exécution, en situation de représentation par un auteur. De multiples genres artistiques tels que le cinéma ou le music-hall ont adapté concept du sketch dans leurs univers d’expression : Les films à sketches, par exemple, composés de courtes œuvres cinématographiques différentes, d’un ou de plusieurs auteurs. Dans ce cas de figure, le sous-genre filmique du court métrage a souvent été un lieu d’expression privilégié dans le domaine du cinéma. Le one man show adapte la notion de sketch dans sa version théâtrale : courte mise en spectacle de propos écrits, sous une forme textuelle, destinés à être joués sur scène par un seul acteur physiquement présent.

    La dichotomie acteur social / acteur théâtral est une vision élargie des perspectives qu’offre le travestissement, la possibilité qu’a un être d’endosser des statuts différents. Qu’est-ce qu’un auteur de one man show ? Pour répondre à cette question, il faut envisager l’auteur comique Coluche ou Alex Métayer, comme véhiculant une double fonction : une image médiatique que lui confère son statut institutionnel. Puis, une fonction d’acteur-interprète qui use de subterfuge pour faire croire à des dialogues avec un ou plusieurs personnages dont il mime la présence.

    Qu’en est-il de l’analyse des interactions verbales et quelle en est sa place au sein de cette étude ? Disons que, sans entrer dans une définition trop longue et mal appropriée dans cette présentation, l’analyse conversationnelle (dont nous nous prévalons) s’attache à décrire les fonctionnements de la communication orale en situation de face à face. À travers les grilles d’analyse de l’interaction verbale, il n’est pas possible de concevoir l’activité jouée one man show, comme un espace discursif dans lequel s’emboîteraient deux niveaux de communication. Une première communication dite emboîtante qui s’exprime à travers nos échanges dans leur réalité d’occurrence, dans la vie de tous les jours. Une communication dite emboîtée, plus spécifique à notre étude des sketches joués, et qui recouvre toutes les interactions verbales mimées entre un personnage principal et sa création interlocutrice : l’absent.

    Ce concept d’emboîtement entre un personnage physiquement présent et son (ou ses) absent(s) dans le phénomène du spectacle seul en scène nous amène à poser comme problématique : comment peut-on postuler à la présence de deux protagonistes alors qu’un seul est perçu visuellement sur scène ? Et surtout, comment peut-on en rendre compte, dans une étude qui pose sa légitimité sur le phénomène conversationnel ?

    La solution pourrait être d’attirer l’analyse conversationnelle sur le terrain du mimétisme, de la simulation. Pour ce faire, il faut concevoir l’auteur de one man show comme créateur d’un univers théâtralisé, dans lequel il sera à la fois responsable du dire et interprète. Une vision qui nous permet d’entrevoir Coluche ou Métayer comme inclus dans une dichotomie d’origine existentielle : l’acteur social, l’artiste qui compose et régit son spectacle (communication d’ordre emboîtant) ; l’acteur de théâtre faisant vivre un personnage, et simulant une interactivité d’échanges verbaux. Le sketch de one man show présente la particularité de mettre en scène une énonciation propre à un personnage, qui la distribue à des interlocuteurs absents.

    LE CORPUS

    Notre corpus a été constitué à partir d’enregistrements en vidéo de spectacles appartenant à deux auteurs de one man show, dont l’œuvre est abondante et largement disponible. Nous avons recueilli une quantité de sketches provenant de trois spectacles majeurs d’Alex Métayer : Alex Métayer en public (1980), Liberté chérie (1987), Moral d’acier (1989). En ce qui concerne l’œuvre référence de Coluche, deux vidéocassettes contenaient les extraits de sketches les plus pertinents : Coluche (Ni pour), (Ni contre) (2000).

    À partir de ce recueil de sketch nous avons transcrit selon les méthodes de l’analyse conversationnelle :

    Afin de mener à bien cette étude, nous utiliserons les conventions de transcription empruntées à la thèse de Jeanne-Marie Barbéris, professeur de linguistique interactionnelle de l’Université Paul Valéry (Montpellier 3), (1995). Voici le système numérologique que nous retrouverons dans cette thèse :

    (1) Voix rieuse

    (2) Voix forte, insistance

    (3) Voix faible

    (4) Contrefaçon de voix

    (5) Paroles chantées

    (6) Intonation réticente, sceptique

    Les silences et les pauses pleines sont tout aussi pertinents et nécessaires dans la mesure où ils marquent la valeur illocutoire implicite que le personnage, exprime lors de l’énonciation. En ce sens, les pauses silencieuses sont marquées selon trois symboles transcriptifs : « / » (pause courte) ; « // » (pause moyenne) ; « /// » (pause longue). Les pauses pleines, quant à elles, seront notifiées selon cette convention : (: , : : : : :).

    Les résumés situés en amont de chaque exemple cité (pour la plupart), dresserons un inventaire exhaustif de la position du personnage, son rôle au début du sketch, et les caractéristiques physiques ou comportementales à l’égard de son absent vis à vis de la thématique abordée.

    LES PERSPECTIVES DE RECHERCHES

    Le monde des interactions est un vivier de situations vécues, prétexte à emprunts thématiques de toutes sortes et de tous genres. Aussi, il n’est pas étonnant de retrouver dans notre corpus des sketches aux thèmes variés tel que le racisme (Mohamed apprend le français), les mœurs et traditions déviantes, parfois imaginaires (sociocul), les joies de l’évasion et des vacances (l’Auto-stoppeur, On n’a pas eu d’Bol). Autant de thématiques qui cantonne l’acteur dans des rôles de personnages préfabriqués et des typologies et genres de discours comme la consultation médicale (L’hôpital, le Cancer du bras droit), la retransmission télévisuelle (Le Match, Le Schmimblick), ou l’interrogatoire policier (J’suis pas Carlos, La politique) pour n’en citer que quelque uns. D’un strict point de vue logique, il fallait, à ce stade de l’étude, concevoir une problématique dans laquelle, nous pourrions retrouver non seulement la pertinence des échanges dits tronqués{1}, structurellement parlant, et la mise en place d’un dispositif destiné à faire croire à une relation interactive bilatérale ; tendant à individualiser l’instance absente donnant la réplique au personnage principal. En d’autres termes, notre travail consistera à décrire à travers le corpus transcrit, trois fonctions primaires dans le procès particulier propre au one man show : exprimer l’importance du soi et du moi de l’auteur, ses prises de positions révélées par ses interprétations au sein de la relation emboîtée : personnage / personnage simulé.

    L’ÉTUDE

    Pour ce faire, notre étude comprendra trois parties distinctes : La première partie s’attachera à exposer tous les éléments nécessaires à l’étude : mettant en relation les théories linguistiques et interactionnelles avec le sujet abordé. Nous nous efforcerons d’en démontrer la pertinence et l’efficacité. Nous verrons comment s’effectue toute la gestion des participants en situation d’interaction verbale dite ordinaire, tout en ayant soin de montrer la correspondance avec la dynamique des échanges au sein des sketches joués. La seconde partie abordera le rôle subjectif de l’auteur à mettant en jeu son moi dans la gestion des interventions avec l’autre. Les stratégies qui lui permettent de mettre en valeur l’absent, mais aussi son souci de se faire comprendre auprès du public, du réel destinataire du sketch. Nous observerons l’importance de ce que nous appellerons le même comme image discursive impliquée du personnage en relation avec un autre, dont la présence postulée ne doit sa vraisemblance qu’à la parole et au comportement du même.

    Une troisième partie se propose de montrer l’importance du domaine cognitif : la reconstruction de scénarios de la vie quotidienne par l’auditoire des sketches, grâce à la reconnaissance de l’événement qui lui est présenté. L’importance des représentations mentales, de la mémoire qui permet au spectateur de reconstruire la procédure programmée des sketches.

    Au terme de cette analyse, nous espérons que nous aurons parcouru le chemin nécessaire à la description du phénomène one man show, du dedans comme du dehors, des représentations socialement reconnues à la réalité de l’espace discursif géré, entre un personnage et une altérité mise en scène.

    Cadre de l’étude

    Cette étude aura pour but de montrer le fonctionnement d’une typologie fortement médiatisée dans le domaine de l’exhibition théâtrale d’ordre comique : le « one man show ».

    Aborder cette variante théâtrale au niveau de l’analyse de conversationnelle, à l’aide d’un corpus de textes transcrits, c’est légitimer le one man show comme un genre pertinent et qui mérite l’intérêt de la linguistique. Le one man show peut relever de l’analyse conversationnelle et plus généralement, de l’analyse de discours par sa nature interactive et informationnelle : un seul acteur sur scène, énonçant un texte{2} de nature comique, faisant réagir{3} un public différent chaque soir. Pourtant, il n’est pas aisé pour l’analyste que nous sommes, d’appréhender ce domaine en vue de le rapprocher de l’univers des sciences du langage et plus particulièrement, de la sociolinguistique et de l’analyse des interactions verbales. En effet, considérer une étude sur le one man show à l’image d’un recueil de données dans un milieu social défini (enquête en situation de travail, enquête en milieu urbain etc.) serait une erreur. Le caractère médiatique qui entoure ce phénomène, suppose que nous avons affaire à des supports et des participants différents de ce que l’analyse des interactions a l’habitude d’utiliser. Nous avons eu le soin de réaliser notre corpus, à partir de vidéos diverses, empruntées à ces deux artistes du genre : Coluche et Alex Métayer. Le corpus que nous en avons tiré pourra nous permettre de satisfaire aux attentes et aux buts que nous nous sommes fixés. Le one man show avant d’être une structure énonciative complexe, est un spectacle théâtral. Il possède les caractéristiques d’un échange re-créé, de situations énonciatives variées qui, mises bout à bout, redonnent à nos habitudes de langage et à nos comportements verbaux à l’égard d’autrui en société, son relief, et aussi son caractère cocasse et surprenant.

    Cette variante s’apparentant au théâtre traditionnel, elle contribue à une représentation de la réalité des discours comme mimésis{4} de nos habitudes discursives.

    La théâtralité dans le one man show réside dans l’exhibition d’un comédien, en l’occurrence l’acteur principal (Alex Métayer, Coluche), et d’un message tout d’abord, écrit, puis destiné à être joué, appelé « sketch ». Cette dénomination permet en soi au consommateur, de repérer parmi l’ensemble des supports de communication, la typologie d’écrit mentionnée. Si le théâtre traditionnel s’apprécie sous sa forme scripturale, le discours du sketch est avant tout un texte destiné à être joué. Il peut être perçu chez certains comme une performance d’acteur (nous le verrons dans la deuxième partie de notre étude au niveau de la création de personnages virtuels et de l’évolution de ceux-ci au cœur du spectacle d’Alex Métayer et de Coluche). Avant de démontrer l’importance capitale du fonctionnement du genre précité, nous devons traiter de la notion de contexte afin de mieux appréhender la nature du support d’étude.

    LA NOTION DE CONTEXTE

    Si l’on se réfère à la définition d’ordre sémiotique de Josette Rey Debove, le contexte{5} d’un signe est l’entourage linguistique de ce signe, la production signifiante où il apparaît. Le fonctionnement du sketch, diverge de l’appréhension du phénomène contextuel tel que les linguistes l’envisagent : les transcriptions effectuées sur les textes laissent entrevoir (nous le verrons), une dimension contextuelle différente pour chaque extrait. Le processus qui unit la parole dite et l’expérience intrinsèque du locuteur / personnage, sous-tendent un renouvellement systématique des informations nécessaires à la création de chaque contexte d’énonciation, chaque espace discursifs{6}. On parle d’une mise en contexte du spectateur par rapport à une mimésis créée de toutes pièces par le personnage principal. L’illusion de scènes de vies quotidiennes au sein des sketches d’Alex Métayer et de Coluche, se présentent comme l’effet à percevoir et surtout à concevoir, au travers de l’énoncé et de l’exécution scénique du personnage. Si l’illusion se définit au sens propre comme erreur de perception ou d’interprétation, faisant prendre d’une apparence de réalité pour une réalité{7}, elle fait oublier que le passage du réel à la scène implique toujours un discours préfabriqué sur le réel, qui n’est en soit qu’une reproduction d’un contexte institutionnel (cadre), associé à un genre de discours qui lui est dévolu. Pour exemple, prenons le cadre d’un supermarché à travers un sketch d’Alex Métayer du même nom. Un couple entre dans une grande surface, souffrant d’une variété rare d’indécision. La femme se rue sur les étalages, en se laissant aller à la recherche de nouvelles sensations gustatives :

    « / (2) on en prend pour les enfants (2) // d’acco : : : rd ! // (Devant la réticence de son mari à la suivre dans l’établissement alimentaire, elle insiste) // (6) viens viens viens (6) / (1) qu’est ce qui faut qu’on cherche (1) / (2) regarde (2) / Hebdo : : tine // Hebdo : : e // (2) civet de kangourou : : : ! (2) // ». Le supermarché

    Dans ce cas, il ne s’agit pas à proprement parler d’une description explicite du cadre institutionnalisé. La contextualisation de l’oral, dans le cadre du one man show, s’effectue au niveau de l’interprète, dans sa détermination à recréer sur scène ces indices (la relation acteur / public que nous décrirons par la suite) mais aussi, dans la relation acteur / énonciateur virtuel (nous le verrons aussi) en spectacle. Les indices de localisation{8} (argentine, Australie, Kangourou), guident le véritable allocutaire du message vers la compréhension de l’énoncé : les informations sont incluses dans le cotexte d’occurrence à l’écrit (données réel), puis se font jour à l’oral, lors de la prise de parole du personnage (un contexte imaginé, situationnel qui inclus le personnage dans un cadre participatif). Face à ce qui lui est présenté, le public :

    – Se doit d’interpréter ce qui lui est proposé. C’est un premier niveau d’interprétation par le seul fait qu’il s’avère difficile de rester insensible à un contenu verbalisé et joué. Cette partie intégrante de l’événement one man show doit être étudiée.

    – Quelle que soit l’interprétation émise par l’allocutaire du sketch, ces informations réel et leur repérage au sein du contenu verbalisé, sont nécessaires à la compréhension du discours sketch et détermine le degré d’intégration et de participation du public à l’événement : dans l’exemple ci-dessus, les termes lexicaux de localisation (Argentine, Australie) se présentent comme des liens logiques réel qui lui permet de suivre le déroulement du sketch, tout en repérant la manière dont le personnage les actualise, sa motivation à les placer dans ce contexte de situation précis. Certains marqueurs de nature orale facilitent l’intégration du public au données réel et contextuelles : Dans l’exemple ci-dessous, la transcription effectuée sur les éléments intonatifs de l’énoncé est progressive, établissant un lien entre l’état de chose statique de la concertation du début de sketch et la mise en contexte des personnages à l’intérieur du magasin :

    « (1) écoute / chérie écoute chérie (1) // mais moi je suis prêt à aller au supermarché // ». (Le supermarché)

    Par le passage d’un cadre spatio-temporel à un autre, l’intonation s’adapte au cadre et à la situation d’énonciation dans lequel s’actualise ce discours. Autrement dit, il y a un rapport distinct entre la faculté intrinsèque d’adaptabilité de l’intonation et les deux façons de s’exprimer dans deux lieux différents. L’intonation en analyse de discours est, elle-même, outil de contextualisation car elle renseigne sur les contraintes pragmatiques qui pèsent sur la création textuelle de l’auteur, à savoir :

    – Donner à l’intérieur d’un sketch le statut respectif des énonciateurs, les circonstances temporelles et locales de l’énonciation, le déroulement des actions des personnages, les thèmes abordés (en relation avec le cadre spatio-temporel).

    – Permettre d’accéder à la compréhension du contexte mis en scène, passe aussi par les éléments lexicaux hiérarchisés dont certains apparaissent comme plus chargés de sens que d’autres : « // (2) civet de kangourou : : : (2) // ». (Le supermarché)

    Il est bien évident que le plat cité ci-dessus n’a de viabilité dans un énoncé, qu’au travers de la citation de l’élément validant (référent) comme antécédent sélectionné, la mise en relation directe de l’objet inscrit dans le discours et son référent direct : l’Australie.

    CONTEXTE SITUATIONNEL ET COTEXTE

    Le contexte et le cotexte dans l’analyse des textes destinés à être joués, tiennent une grande place dans la réussite présupposée d’un sketch. Il faut clarifier dès à présent ce que nous entendons par contexte situationnel. Cet ingrédient propre à toutes situations d’interactions définit l’univers extralinguistique qui englobe un contexte linguistique, un cotexte.

    D’où la nécessité, avant même de commencer l’analyse minutieuse des données, d’établir un cadre aux sketches joués, une structure fiable qui permette de situer, de désigner les composantes qui régissent une situation énonciative particulière, en les occurrences, les scénarios montrés dans les sketches de one man show. Parmi les auteurs qui se sont intéressés à décrire les composantes d’une situation, il convient de mentionner Hymes{9}, et son fameux modèle speaking, sorte de calembour dans lequel chaque lettre désigne une composante nécessaire à toute interaction. Le premier des ingrédients du contexte se nomme le « setting ». Autrement dit, le cadre spatio-temporel de toute activité discursive. Aussi, il est utile de dégager, lorsque l’on se lance dans une analyse, une sorte de repérage du lieu d’interaction. Sous les aspects d’un cabinet médical (cadre) ou d’un magasin, il n’est pas difficile de repérer la référence aux acteurs sociaux qui occupent ce cadre, ni même leurs prises de distances, leurs rapprochements au cours d’un sketch. Ce « setting » s’applique sous différentes formes dans les sketches d’Alex Métayer et Coluche : l’environnement scolaire comme une classe de lycée (Mohamed apprend le Français : Alex Métayer), ou un bistrot de quartier (le C.R.S. arabe chez Coluche).

    Les « settings » conditionnent les acteurs qui les composent. De même que le cadre spatio-temporel{10} suppose, des participants à une interaction et des buts{11} qui leurs sont propres ; ces trois ingrédients réunis forment une unicité essentielle dans l’appréhension de la notion de contexte situationnel, et par conséquent, définissent l’univers extralinguistique qui englobe une réalité d’échange verbal.

    L’univers du one man show est un lieu de création de scénario, de personnages aux rôles variés. Lorsque Alex Métayer où Coluche se lance dans l’écriture d’un sketch, il leur faut penser aux ingrédients qui vont leur permettre d’élaborer des tranches de vies simulées. Essayons de décomposer le contexte linguistique et situationnel de deux extraits de sketches empruntés à Alex Métayer. Pour cela, nous allons nous concentrer essentiellement sur des débuts de textes transcrits :

    « papa : : / papa : : / j’peux sortir ? / faut qu’je vouaille (sic) un copain // Jean-Patrick / je t’en prie parle français (2) correctement ! (2) ». (Papa faut que je vouaille)

    Contexte situationnel et contexte linguistique sont définitivement liés, lorsqu’il s’agit de formater un sketch. L’analyste ou le lecteur des textes transcrits sont les seuls à pouvoir prendre un certain recul sur ce qui a été dit. En situation d’événement en direct, le spectateur est tout de suite soumis à la composante linguistique ; il doit s’ancrer à la situation pour laquelle il est convoqué chaque soir de représentation. La composante spatio-temporelle dans cet exemple ne nous renseigne pas précisément, sur le lieu où se déroule l’entrée en interaction entre le père et son fils. En ce sens, le cadre passe au second plan, au profit de la nommation des participants. Le but est pourtant très clairement énoncé : le fils est désireux de sortir.

    Ces trois ingrédients du contexte étant découverts, que penser du message linguistique ? Du cotexte ? Nous montrerons dans cette étude, la volonté de l’auteur (Métayer ou Coluche), de recréer des scénarios de vies. Tel que le rôle de l’enfant se présente, l’interpellation envers son père dénote un intérêt confirmé par la requête : « j’peux sortir ? ». L’insistance du fils à vouloir entre en communication avec lui, démontre la série d’actions qu’il met en œuvre pour parvenir à ses fins. En réponse dans le même segment, le père rectifie le langage du fils. Cette reformulation pose le débat, non sur la possibilité que l’enfant puisse sortir, mais sur la mauvaise utilisation de la langue Française. Autrement dit, ces deux interprétations de rôles, alternativement, par le même personnage principal (nous le verrons dans le chapitre portant sur l’alternance des tours), actualisent deux participants, deux buts déclarés, mais un seul cadre spatio-temporel. Cet exemple tend à prouver que lorsque le personnage principal entrant en scène, peut déclarer une interdépendance du contexte et du cotexte permettant la compréhension voulue par l’auteur. Dès l’ouverture du sketch, le personnage se pose dans son discours et, en conséquence, impose, participants, lieux et buts.

    Le contexte linguistique réaffirme l’intention de l’auteur de créer un lien analogique avec les interactions entre père / adolescent. Le positionnement de « j’peux sortir » nous renseigne sur l’âge du premier participant ; « je t’en prie parle Français », et la courte pause qui le précède annonce le rôle du paternel. Nous voyons que le cadre importe peu dans cet extrait. Observons à présent un extrait de sketch qui met l’accent sur cette variable du contexte :

    « (2) hein ? / qu’est-ce que tu dis chéri : : : e ? // ouvre la porte de la salle de bain j’entends pas très bien t’as changé de coiffure ? (2) / ». (La coiffure de Nicole)

    Dès le début du sketch, nous observons que le personnage principal endosse le rôle d’un homme, marié. Les éléments positionnés dans le texte transcrit sont délivrés au fur et à mesure du discours : « chéri : : : e ? », « salle de bain », « changé de coiffure ? ». L’ensemble du sketch dénote l’absence d’alternances des rôles assurés par le personnage. Contrairement à notre premier exemple, le rôle joué met l’accent sur le cadre de l’interaction. Il procède dès l’entrée en sketch à se positionner et positionner tout autant l’interlocuteur auquel il s’adresse. Le but quant à lui, ne se manifeste qu’à la fin du segment : l’importance donnée à la nouvelle coiffure de Nicole renforce le lien qui lie l’ingrédient contextuel « but », c’est à dire une discussion axée sur une caractéristique physique, et le cadre temporaire situationnel : la salle de bain. En effet, le comique de situation de cet exemple porte sur la conformité d’une discussion avec le cadre qui l’englobe. Nous pouvons considérer que discuter de la coiffure de notre femme sur le pas de notre salle de bain, ne constitue en aucun cas une faute de reconstruction du réel des échanges, dans le cadre d’une relation de couple.

    L’emplacement du but en fin d’extrait permet d’annoncer la thématique du sketch. Le but ponctuel qui le précède : « ouvrir la porte », s’efface au profit de l’entrée en interaction avec le participant absent, et par conséquent, le but réel du sketch se fait jour. L’échange qui suivra, portera sur le changement de coiffure de l’absent. On peut penser que le spectateur devra reconfigurer le cotexte de la parole du personnage, en s’appuyant sur sa connaissance du monde et en particulier, sur les connaissances reconnues, les habitudes d’un couple au sein du foyer. En refusant d’ouvrir la porte de la salle de bain, le spectateur se demande, quelle en est la cause ? Par l’intervention « t’as changé de coiffure », le personnage veut faire comprendre à l’auditoire que, lorsqu’une femme s’enferme dans une salle de bain, il préexiste forcément une bonne raison. Autrement dit que, sa femme est coutumière du fait. La parasitation explicite du message : « j’entends pas très bien », montre que le mari est sur le pas de la porte, que sa femme a un problème et qu’elle s’exprime sur un ton faible qui témoigne d’une certaine appréhension. Nous voyons très bien que contexte situationnel et linguistique sont liés. Le personnage principal étant le seul garant du bon déroulement d’un sketch ; on peut supposer qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir pour que son énoncé soit compris tel qu’il l’avait envisagé. Car le spectateur le jugera en fonction de sa performance d’acteur, mais aussi par sa production énonciative.

    TOUR D’HORIZON SUR L’ÉNONCIATION

    Considérons tout d’abord, l’énonciation par rapport aux théories qui lui ont permis de s’afficher comme un concept prépondérant dans les rituels de communications verbales.

    Elle se définit comme l’étude des relations existantes entre les signes et leurs utilisateurs. Elle s’exprime au travers du locuteur, imprimant sa marque à l’énoncé en tant qu’inscription personnelle dans le message. L’énonciation ne pouvant être relevée et étudiée qu’au travers des énoncés eux-mêmes, on a tendance à entrevoir l’énonciation par son produit, la production par son mécanisme.

    Autour de cette interprétation non moins formelle de l’énonciation regroupant notamment Catherine Kerbrat-Orecchioni{12} (1980), il y a une adhésion à la pensée de Benveniste dans le sens où, le mécanisme d’engendrement du texte dénote, à lui seul, « les théories qui sous-tendent son existence ». Pour Valéry{13} (1981 : 22) par contre, il n’y a pas de théorie de l’action dans l’énonciation, ou du moins inscrite dans l’énoncé. L’avantage d’une telle vision permet de concevoir la sémantique comme ordonnatrice du phénomène dit en « Y » (théorie qui prône la réunion de deux axes d’interprétations). L’énoncé fait sens par sa signification en tant que phrase, mais aussi parce qu’il est localisable dans le milieu où il apparaît. Le linguiste entrevoit le fait linguistique qui

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