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La théorie des ours bleus ou l'atelier des paradoxes
La théorie des ours bleus ou l'atelier des paradoxes
La théorie des ours bleus ou l'atelier des paradoxes
Livre électronique270 pages3 heures

La théorie des ours bleus ou l'atelier des paradoxes

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À propos de ce livre électronique

Le présent ouvrage propose une modélisation du raisonnement naturel et offre, pour l’étude des paradoxes logiques, une approche nouvelle fondée sur l’exploitation du modèle ainsi développé. La première partie de l’ouvrage, qui est consacrée à l’identification des conditions d’apparition et de respect du sens, montre comment le principe de causalité, qui gouverne le monde concret tel que nous le percevons, étend implicitement son autorité à l’univers abstrait du langage. La deuxième partie explore tout d’abord la notion de vérité, démontre l’impossibilité de rendre adéquatement compte du monde concret au moyen des seules valeurs de vérité que constituent le vrai et le faux, expose ensuite, de façon sommaire et informelle, les modalités de construction d’un système logique naturel, dit « LNC », et fournit enfin une interprétation intuitive et immédiatement compréhensible des résultats de ce système. La troisième partie de l’ouvrage, la plus longue, illustre de manière détaillée l’application des résultats du système logique LNC, tels qu’ils ont été introduits et expliqués dans la deuxième partie, aux paradoxes et raisonnements paradoxaux les plus connus. Enfin, la quatrième partie, qui remplit la fonction d’une annexe technique dont la lecture est optionnelle pour la compréhension des développements qui la précèdent, expose de façon plus formelle les étapes de construction du système logique LNC, en explore les principales propriétés, et montre que ce système, qui est à la fois trivalué, modal, extensionnel, et respectueux des principes du tiers exclu et de non-contradiction, englobe la logique binaire classique.
LangueFrançais
Date de sortie15 avr. 2013
ISBN9782312009681
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    Aperçu du livre

    La théorie des ours bleus ou l'atelier des paradoxes - Jean-Paul Bentz

    978-2-312-00968-1

    Avant-Propos

    Toute activité intellectuelle, dès lors qu'elle présente une dimension sociale et qu'elle suppose une communication entre individus, fait toujours au moins implicitement appel à ce phénomène mystérieux, magique, mais essentiel, qu'est le sens.

    Quelle motivation, en effet, l'homme pourrait-il trouver à élaborer des théories philosophiques, physiques ou mathématiques, si celles-ci étaient décorrélées de toute réalité, réfractaires à toute interprétation, impropres à toute exploitation, et en définitive dépourvues de sens ?

    Ainsi, alors que toutes les formes d'expression artistique, même les plus extrêmes comme la peinture abstraite, peuvent toujours justifier leur finalité par les émotions qu'elles visent à susciter, indépendamment de ce qu'elles représentent ou manquent de représenter, une théorie ne saurait en revanche survivre à la disparition des raisons de sa naissance, que sont traditionnellement la quête de la vérité et la reconstitution d'un ordre caché, dont la maîtrise est, a priori, présumée source de progrès.

    Bien entendu, les innombrables questions qui se posent à l'égard du langage, des formes à valeur de représentation qui le constituent, et du sens que ces formes sont susceptibles de véhiculer, convergent naturellement vers la recherche des phénomènes en jeu, de leur domaine de validité, et de leurs limites.

    Dans la mesure cependant où toutes ces questions portent finalement sur le discours, forme indispensable de transmission du sens, elles s'évanouissent immédiatement dans une incontournable régression à l'infini, en raison de l'impossibilité d'y répondre autrement que par un discours, objet même du débat qu'il voudrait éclairer, du doute qu'il voudrait dissiper.

    Le caractère hermétique de cette relation du discours-outil au discours-objet qui, par repliement sur elle-même, interdit aussi bien l'évasion que l'effraction, peut être appréhendé de façon très concrète en imaginant les difficultés insurmontables que rencontrerait, pour apprendre le français par exemple, un non-francophone ne disposant que d'un dictionnaire français unilingue dépourvu de toute illustration.

    Aussi fondamental et familier soit-il, le sens semble ainsi fermer à l'homme toute possibilité de faire de lui un sujet d'étude objectif, par le double moyen d'un accès interdit et d'une distanciation impossible.

    Est-il possible, devant ce constat, d’espérer que les théories scientifiques, à défaut de pouvoir être justifiées de manière absolue, puissent au moins l'être de façon relative, et dans quelles conditions ?

    Peuvent-elles échapper aux paradoxes qui s’y sont révélés, et qui risquent toujours de les affecter silencieusement ?

    Quels mécanismes sont-ils en jeu dans le développement des situations paradoxales ?

    Telles sont, pour l'essentiel, les questions que le présent ouvrage tente d'aborder et d'approfondir par une réflexion ab initio, reposant essentiellement sur l’observation et l’intuition bien que conduite avec rigueur et intentionnellement exempte de tout fondement dogmatique.

    La première partie, qui est consacrée à l’identification des conditions d’apparition et de respect du sens, montre comment le principe de causalité, qui gouverne le monde concret tel que nous le percevons, étend implicitement son autorité à l’univers abstrait du langage.

    La deuxième partie explore tout d’abord la notion de vérité, démontre expérimentalement l’impossibilité de rendre adéquatement compte du monde concret au moyen des seules valeurs de vérité que constituent le vrai et le faux, expose ensuite, de façon sommaire et informelle, les modalités de construction d’un système logique naturel, dit « LNC », et fournit enfin une interprétation intuitive et immédiatement compréhensible des résultats de ce système.

    La troisième partie de l’ouvrage, la plus longue, illustre de manière détaillée l’application des résultats du système logique LNC, tels qu’ils ont été introduits et expliqués dans la deuxième partie, aux paradoxes et raisonnements paradoxaux les plus connus.

    Enfin, la quatrième partie, qui remplit la fonction d’une annexe technique dont la lecture est optionnelle pour la compréhension des développements qui la précèdent, expose de façon plus formelle les étapes de construction du système logique LNC, en explore les principales propriétés, et montre que ce système, qui est à la fois trivalué, modal, extensionnel, et respectueux des principes du tiers exclu et de non-contradiction, englobe la logique binaire classique.

    Première Partie

    Le sens

    Chapitre I

    Manifestations et caractères du sens

    1. Sens et apprentissage

    Le caractère réversible, à terme au moins, des difficultés de communication que rencontrent immanquablement des locuteurs de langues différentes mis en présence les uns des autres ne laisse planer aucun doute sur le rôle décisif que joue l'apprentissage dans l'élaboration du sens.

    Dans la mesure où l'apprentissage est par nature subjectif, propre à l'individu qui le construit, il n'est pas surprenant, en particulier, que la capacité de comprendre et d'interpréter une forme donnée à visée sémantique, c’est-à-dire intentionnellement porteuse de sens, ne soit pas instantanément transmissible à l'ensemble de tous les humains.

    Mais comment, par quels mécanismes, et dans quelles conditions l'homme peut-il apprendre ?

    L'étude approfondie de cette question, d'une rebutante complexité, doit sans aucun doute être laissée aux spécialistes des différentes disciplines qu'elle intéresse, notamment ceux de la neurophysiologie, de la psychopédagogie, et du génie cognitif.

    L'observation quotidienne et la réflexion permettent néanmoins de se persuader que l'apprentissage requiert au moins l'action simultanée des deux facultés essentielles que sont la perception et la mémorisation.

    Le caractère indispensable de la perception dans le processus d'apprentissage, et plus spécifiquement dans l'apparition du sens, est manifeste.

    Une personne privée dès sa naissance de toute capacité de perception des couleurs ne pourra jamais, par exemple, donner aux mots « bleu » et « rouge » le sens que leur attribuent sans effort les individus qui jouissent de cette faculté.

    Plus généralement, une forme porteuse de sens, quel qu'en soit le type, peut toujours être réduite, au plan concret, à un phénomène physique de modulation spatiale, temporelle et / ou énergétique, qu'il n'est donc pas possible de comprendre et d'interpréter sans l'avoir préalablement perçue.

    Par exemple, l'écrit utilise généralement une modulation de la surface d'une feuille de papier par des signes élémentaires, perceptibles pour l’œil grâce au contraste optique qu'ils présentent par rapport à la feuille, c'est-à-dire grâce à la modulation des fréquences électromagnétiques renvoyées par les différents points de cette feuille. Un message parlé prend la forme d'une modulation fréquentielle de la pression de l'air, perceptible pour l'oreille, se développant au cours du temps, et résultant de la vibration des cordes vocales du locuteur. L'écriture Braille se présente sous la forme d'une modulation spatiale d'une surface plane par des reliefs perceptibles au toucher, l'énergie nécessaire à l'acquisition de l'information venant alors de celui qui déchiffre le message. Etc.

    Parfois, la forme à visée sémantique présente des caractéristiques physiques telles qu'elle cesse d'être directement perceptible par l'homme. C'est par exemple le cas d'un message radio : s'il s'agit toujours bien d'une modulation, en l’occurrence une modulation en amplitude ou en fréquence d’ondes électromagnétiques, le sens de la forme ne peut plus alors être restitué que grâce à l'emploi d'un dispositif spécialement adapté à la nature de cette modulation, un récepteur radio dans cet exemple.

    Cette situation, dans laquelle l'homme a ainsi recours à des outils supplémentaires, par rapport à ceux que lui offre spontanément la nature, pour compenser les performances limitées de ses facultés de perception, se retrouve dans toute l'activité créatrice qu'il déploie pour comprendre le monde qui l'entoure.

    Comment, par exemple, pourrait-il efficacement observer les étoiles sans télescope ou les micro-organismes sans microscope ?

    La raison en est qu’en toute circonstance, l’homme cherche à attribuer un sens aux formes du réel qu’il observe, même si rien ne prouve a priori que ces formes soient intentionnellement porteuses de sens, comme reflétant par exemple le dessein d'un être suprême dont l'existence ne semble pouvoir être justifiée que par des convictions non rationnellement transmissibles.

    D'un certain point de vue, curieusement, le langage naturel, et a fortiori le formalisme mathématique, sont à ranger dans cette catégorie d'outils supplémentaires, en ce qu'ils visent à combler les défauts de perception immédiate de leurs objets, que ce défaut soit irrémédiable (telle que l'impossibilité de percevoir physiquement et directement la notion de nombre premier, par exemple) ou simplement circonstanciel (telle que l'impossibilité de contempler, dans le métro à l'heure de pointe, une plage ensoleillée bordée de cocotiers, que le langage permet néanmoins d'évoquer en développant, dans des conditions pourtant difficiles, un substitut aux sensations physiques qui seraient concrètement associées au spectacle de cette plage).

    Dans la mesure cependant où la perception n'est pas une faculté spécifique à l'homme, rien n'autorise à en restreindre la notion à une acception purement anthropocentrique.

    L'observation des animaux, en particulier des animaux supérieurs, révèle de façon convaincante que ces derniers font l'apprentissage de leur environnement et qu’ils adoptent des comportements qui seraient impossibles sans une perception physique appropriée du monde.

    Bien que beaucoup plus controversée encore, parce qu'inconciliable, au moins en apparence, avec une conception non matérialiste de la nature humaine, l’attribution à l'ordinateur d'une faculté de perception doit aussi prévaloir, ne serait-ce que pour des considérations purement physiques.

    Indépendamment du contenu sémantique a priori incertain de la question de savoir si l'ordinateur attribue du « sens » aux données qu'il traite, rien en effet ne permet d'opérer une distinction entre le clavier de cet ordinateur et un organe de perception quelconque, ce clavier étant précisément conçu pour recevoir et retransmettre les informations au moins intentionnellement porteuses de sens qui constituent le programme « émis » par l'homme, et que le clavier reçoit sous la forme d'une modulation séquentielle, sur deux niveaux (pressé et relâché), des états de ses différentes touches.

    De même que la perception, la mémorisation se révèle indispensable à l'apparition et au déroulement de tout processus d'apprentissage.

    Comment en effet l'enfant pourrait-il par exemple apprendre à lire, si, à chaque tentative que fait le maître pour lui enseigner une nouvelle lettre de l’alphabet, il a déjà totalement oublié la leçon relative à la lettre précédente ?

    La capacité des animaux à se familiariser avec leur environnement ne peut elle-même être expliquée que par la faculté qu'ont ces derniers de mémoriser leurs perceptions, et ce n'est pas non plus un hasard si les ordinateurs doivent être dotés de mémoire, notamment d'une mémoire tampon de clavier, pour pouvoir effectuer les tâches qui leur sont confiées.

    Plus généralement, l'organisation et l'évolution du monde, qu'il s'agisse du monde minéral, végétal ou animal, sont d'ailleurs fondamentalement régies par des phénomènes de mémoire, et en définitive, d'énergie.

    En particulier, les forces de cohésion au niveau atomique, moléculaire, intermoléculaire, cellulaire, social, politique, interplanétaire, assurent une rémanence des formes, des structures matérielles, des agencements fonctionnels, des individus, des espèces, des cultures, et de l'univers tout entier, par un contrôle permanent des échanges énergétiques sans lequel toute tentative de mémorisation serait à la merci d'incessants bouleversements.

    Deux modalités essentielles de mise en œuvre, dites de « discrimination » et de « structuration », sont nécessaires pour tirer parti des facultés de perception et de mémorisation, la discrimination étant plutôt, bien que non exclusivement, associée à la perception, tandis que la structuration caractérise surtout l'activité de mémorisation.

    La discrimination, telle qu'elle est ici conçue, désigne le processus essentiellement inconscient et organique, grâce auquel un sujet parvient à classifier les perceptions dont il fait l'expérience, et par là même celles qu'il mémorise, en fonction de leur présence, de leur absence, de leur nature, de leur intensité, et plus généralement de l'ensemble de leurs caractéristiques perceptibles.

    Bien sûr, l'enfant a besoin d'un apprentissage pour savoir ce que sont la lumière et le son, mais si un tel apprentissage est possible, c'est parce qu'avant même qu'il ne commence, les sensations que la lumière et le son induisent chez l'enfant sont différentes par nature.

    Autrement dit, les sensations visuelles, auditives, tactiles, etc. sont organiquement discriminées les unes des autres, notamment parce qu'elles ne font pas intervenir les mêmes « capteurs », et qu'elles ne transitent pas par les mêmes « canaux ».

    Cette discrimination, loin de se limiter à la faculté de séparer, par construction, des perceptions de types différents, se manifeste aussi par la capacité à séparer des perceptions élémentaires de même type.

    Si l'enfant apprend par exemple à distinguer le rouge du vert, y compris lorsque ces deux couleurs sont présentes dans une même image, c'est parce qu'indépendamment de tout apprentissage, ses sensations associées au rouge et au vert sont naturellement différentes, ce que démontre notamment le fait que l'enfant gravement daltonien reste à jamais incapable de faire cette distinction.

    La seconde modalité, à savoir la structuration, se manifeste par le fait que les éléments perçus sont mémorisés d'une manière qui tient compte de leur perception.

    En effet, le résultat d'une mémorisation déclenchée par une perception quelconque dépend non seulement, bien sûr, des éléments perçus eux-mêmes, tels qu'ils existent intrinsèquement, mais aussi de leur interaction physique avec le sujet, et encore de l'état de ce sujet au moment de la perception, cet état étant lui-même déterminé, notamment, par la somme des résultats de toutes les mémorisations antérieures de ce même sujet.

    Ce phénomène fait donc apparaître une boucle causale très complexe, qui comprend :

    (1) des interactions « primitives », de nature physico-chimique, entre le sujet et son environnement, qui peuvent ne requérir qu’un apport d’énergie externe au sujet ;

    (2) des perceptions « primaires » directement causées par ces interactions « primitives », et qui mettent nécessairement en œuvre une certaine quantité d’énergie interne au sujet ;

    (3) une mémorisation de ces nouvelles perceptions primaires ;

    (4) des interactions primaires, internes au sujet, entre les nouvelles perceptions primaires et la mémoire de perceptions primaires antérieures, ces interactions comprenant notamment des comparaisons des nouvelles perceptions avec les perceptions antérieures, et construisant une interprétation des nouvelles perceptions sur la base des perceptions antérieures ;

    (5) une mémorisation de ces interactions primaires ;

    (6) des interactions secondaires, internes au sujet, entre l’interprétation donnée aux nouvelles perceptions primaires et la mémoire des interprétations antérieurement données aux perceptions primaires plus anciennes ;

    (7) une mémorisation de ces interactions secondaires ; etc.,

    l'activité de mémorisation étant elle-même structurée de façon telle que les perceptions primaires, les interactions primaires, les interactions secondaires, et plus largement l’ensemble des éléments perceptibles qui définissent, pour le sujet, ces évènements externes et ces expériences internes, sont mémorisés non seulement dans leur contenu mais également avec le contexte de leur apparition, c’est-à-dire respectivement en tant que perceptions primaires, en tant qu’interactions primaires, en tant qu’interactions secondaires, etc., et font donc l’objet d’une discrimination relative mettant ces évènements et ces expériences en perspective.

    Cette boucle, en réalité, n'est autre que celle dont l'accès reste irrémédiablement interdit à tout homme qui serait tenté d'apprendre une langue étrangère inconnue en utilisant, comme unique source de connaissance, un dictionnaire unilingue écrit dans cette langue et dépourvu de toute illustration.

    C'est en effet par le parcours répété de cette boucle que l'homme parvient à faire l'apprentissage de sa propre existence et de l'environnement qui est le sien, y compris des conventions sémantiques de la langue de ses parents, de sorte que toute observation de cette boucle depuis l'extérieur est a priori interdite (ce dont résulte la manifestation d’un caractère subjectif du sens), de même, et pour la même raison, que toute distanciation de la part de celui qui a pu y accéder (ce dont résulte l'impossibilité de parler du langage sans le replier sur lui-même).

    C'est ainsi que la mémoire de l'homme ou de l'animal se développe et se structure d'une manière telle qu'elle finit par refléter les corrélations qu'ont historiquement présentées entre elles les innombrables interactions dont cet homme ou cet animal a fait l'expérience avec le monde extérieur depuis le début de sa vie, et dont les corrélations entre signifiants et signifiés ne représentent qu'un aspect parmi beaucoup d'autres.

    C'est ainsi, en particulier, que l'environnement sensible de l'homme prend un sens pour ce dernier, et que l'homme, également, prend conscience de cet environnement.

    C'est ainsi, enfin, que se construit le réseau de relations supra-linguistiques dont chacune fait correspondre, à un élément ou « référent » de la réalité perceptible, un ou plusieurs signes qui le représentent ou le désignent dans le langage.

    En conséquence, tout savoir explicite, aussi abstrait soit-il, résulte d'expériences fondamentalement concrètes, ce qui, en d'autres termes, revient à dire que le sens ne peut en aucune manière transcender l'expérience sensible qui lui a donné naissance.

    Sans doute convient-il de noter à cette occasion que si l'homme est effectivement capable, grâce à la structuration expérimentale de son savoir, de prévoir les effets des actions qu'il entreprend, au moins dans les situations qui lui sont familières, c'est aussi grâce à la relative constance du système biologique qu'il constitue lui-même, à celle du monde extérieur, et à celle, qui en résulte, des interactions entre l'homme et le monde, chacun de ces aspects constituant la manifestation du phénomène universel de mémoire et de limitation des échanges énergétiques, déjà évoqué précédemment.

    En toute hypothèse, l'émergence d'une capacité d'adaptation d'un sujet, qui découle de la faculté d'apprentissage de ce dernier, résulte fonctionnellement de la création, dans la mémoire structurée de ce sujet, d'une image des corrélations vécues par lui, que ces corrélations portent sur de simples perceptions ou qu'elles impliquent des interactions plus complexes, par exemple entre des perceptions et des souvenirs de perceptions antérieures.

    Apprendre la langue de ses parents c'est en effet, pour le petit enfant, apprendre par exemple que l'animal « doux au toucher », qui aime à boire un « liquide blanc » et qui fait « ronron » dans son panier est associé au son « sha » : c'est donc mémoriser, jusqu'à ce qu'elle devienne identifiable, évidente, inévitable, et donc réutilisable, la corrélation entre diverses perceptions visuelles, auditives, tactiles ou autres, liées à la présence du chat, et la perception auditive d'une forme particulière, à savoir le son « sha », généralement prononcé par le père ou la mère au moment où se manifestent les perceptions liées à la présence de cet animal (corrélation temporelle), et même plus probablement encore, au moment où le chat fait l'objet d'une attention toute particulière de la part de l'ensemble de la famille (corrélation multidimensionnelle).

    Apprendre à écrire, c'est entre autres, pour l'écolier, mémoriser en vue de sa réutilisation ultérieure la corrélation entre la perception visuelle d'un signe à trois jambages et le son « m ».

    De façon générale, l'apprentissage du sens se développe par la formation d'une structure mémorisée susceptible de rendre compte d'une corrélation, acquise par l'expérience, entre une forme porteuse de sens et l'élément du monde auquel elle renvoie, cette structure servant donc de référence.

    C'est parce qu'il n'a jamais eu et n'a toujours pas accès à ce type d'expérience de corrélation que l'autodidacte au dictionnaire unilingue n'a aucune chance d'attribuer un sens à quelque mot que ce soit de ce dictionnaire, au contraire par exemple du même personnage qui disposerait d'un dictionnaire illustré, le renvoi au monde sensible étant alors assuré par les illustrations, et la connexité spatiale de ces dernières et des mots correspondants permettant dans ce second cas que s'établissent les relations supra-linguistiques nécessaires à la formation du sens.

    De façon plus générale encore, tout apprentissage, quel qu'en soit l'objet, passe par la création d'une structure mémorisée, accessible d'une manière qui pourra permettre non seulement la mise en évidence de corrélations entre des perceptions ultérieures et cette structure, mais aussi l'utilisation de certaines au moins de ces corrélations en tant que guides pour des actions futures, dont l'efficacité s'en trouvera ainsi assurée ou renforcée.

    Si la mouette adulte peut par exemple, sans faire le moindre mouvement visible, se laisser porter de façon si spectaculaire par les courants ascendants à proximité des falaises, alors que le vol de la jeune mouette est encore très hésitant, c'est notamment parce que la première peut tirer parti des corrélations, qu'elle a mémorisées par l'expérience, entre

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