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La remontrance du tigre: Histoires excentriques du pavillon de jade
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La remontrance du tigre: Histoires excentriques du pavillon de jade
Livre électronique285 pages3 heures

La remontrance du tigre: Histoires excentriques du pavillon de jade

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À propos de ce livre électronique

Partez à la découverte de la Corée du XVIIIe siècle !

Maquignons, mendiants, moines, poètes, courtisans… Le lecteur part à la découverte de la Corée médiévale. Dans ces courts récits, l’auteur coréen classique Park Ji-won met en scène, à travers quelques anecdotes, la vie de gens issus du peuple auxquels il prête des qualités dont semblent dépourvus les gens de la bonne société. En nous faisant découvrir de nombreux aspects de la vie quotidienne en Corée au XVIIIe siècle, l’auteur, en digne moraliste de son temps, décrit les travers d’une société ancienne peut-être pas si éloignée de la nôtre.

Park Ji-won (1737-1805), grand auteur classique, ne fut publié en Corée qu’à partir de 1900 : son irrévérence déplaisait au roi et aux élites dirigeantes. Ses récits d’un ton acerbe ont valu à leur auteur une place dans le panthéon culturel de son pays. Déjà traduite en anglais et en allemand, son œuvre est publiée pour la première fois en langue française.
- Prix Daesan de la traduction 2018 -

Plongez-vous dans les travers de la Corée de l'époque avec ces nouvelles de l'auteur classique Park Ji-won, traduits pour la première fois en français.

EXTRAIT

Face à Maître du Mur Nord, le tigre fit une grimace pour vomir aussitôt sur le sol. Il se couvrit le museau et tourna sa tête vers la gauche. Lâchant un long soupir, il déclara :
« Confucianiste, comme tu empestes ! »
Maître du Mur Nord fit force courbettes et rampa jusqu’au tigre. Il se prosterna à trois reprises avant de prendre la position agenouillée. Relevant finalement la face, il s’adressa au tigre : « Grande est la vertu du tigre ! L’homme supérieur prend pour modèle la façon dont le tigre répond aux défis. L’empereur étudie sa démarche. Les enfants imitent sa piété filiale. Les généraux et commandants s’inspirent de son esprit féroce. Le nom même du tigre est mentionné aux côtés de celui du dragon sacré. Les nuages suivent le dragon tandis que le vent suit le tigre. Comment donc un modeste serviteur de rustique origine tel que moi ose se présenter sous votre vent ? »
Nulle surprise à ce que le tigre lui fit cette remontrance :
« Ne songe pas à t’approcher ! On dit que les confucianistes sont des flatteurs et des tartufes. Il semble que l’on n’est pas loin de la vérité. D’habitude, vous rassemblez les pires noms sous le ciel et imprudemment nous en affublez, nous autres tigres. Et maintenant que te voilà dans l’ordure jusqu’au cou, tu cherches à me cajoler avec de douces paroles. Qui voudrait vous faire confiance ?

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Si je devais choisir une nouvelle, je ne pense pas que je saurais en choisir une tant elles apportent toutes un regard sur la Corée du Sud qu'il soit politique, économique, social ou simplement humain. - Blog Les sortilèges des mots

À PROPOS DE L'AUTEUR

Park Ji-won, également connu sous son nom de plume Yeonam, est un philosophe et romancier de la fin de la période Joseon. C’est l’un des plus grands auteurs classiques de Corée mais qui ne fut publié que tardivement à cause de la teneur de ses écrits. Partisan du mouvement du Silhak, celui-ci se refusait à suivre les normes d’écriture classique et produisait des œuvres très critiques et considérablement éloignées des standards soignés de son époque. Ses voyages en Chine et en Corée lui ont permis de découvrir multiples aspects de la société dont il a dressé des peintures dans ses œuvres, utilisant une langue populaire pour raconter la vie quotidienne du peuple et ses déboires. Cela lui valut une censure de la part des gouvernements en place.
LangueFrançais
ÉditeurDecrescenzo
Date de sortie26 juil. 2019
ISBN9782367270838
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    Aperçu du livre

    La remontrance du tigre - Park Ji-won

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    PARK Ji-won

    LA REMONTRANCE

    DU TIGRE

    Histoires excentriques du Pavillon du jade

    Microfictions

    Traduit du coréen par CHO Eun-ra et Stéphane BOIS

    Collection Microfictions

    Dirigée par Julien PAOLUCCI

    Ouvrage traduit et publié avec le concours

    de la Fondation Daesan, Séoul.

    Titre original : Banggyeong-gak oejeon

    © Decrescenzo Éditeurs, 2017

    pour la traduction française.

    ISBN 978-2-36727-057-9

    Si vous souhaitez être informé de nos parutions,

    n’hésitez pas à consulter notre site.

    www.decrescenzo-editeurs.com

    La couverture de

    La Remontrance du tigre. Histoires excentriques du Pavillon du jade

    a été dessinée par Thomas GILLANT.

    Présentation

    Park Ji-won, alias Yeonam (1737-1805), est le principal auteur coréen classique présent dans Great Literature of the Eastern World (Ian P. Mc Greal ed., Harper Collins, 1996). Il n’existe à notre connaissance aucune traduction en français de ses écrits, quand plusieurs ont été proposées aux lecteurs anglophones ou germanophones.

    Il n’a été publié en Corée qu’à partir de 1900. La chose peut surprendre si l’on sait qu’il fut en son temps lu et renommé – controversé aussi, si l’on connaît son statut actuel de « héros culturel » dans son pays et si l’on se rappelle que l’imprimerie à caractères mobiles a existé en Corée bien avant Gutenberg. Cela tient notamment au fait qu’une part importante de son œuvre, écrite en chinois classique (hanmun), déplut au roi et aux élites dirigeantes. Park Ji-won n’était guère d’humeur courtisane et passer comme ses pairs de la noblesse (yangban*) les concours mandarinaux, véritable clef de voûte du régime bureaucratique et capital marchepied vers le pouvoir, les honneurs et la richesse, ne fut pas le premier de ses soucis. Ses écrits souvent satiriques n’hésitent pas, dans une langue guère fleurie où le recours au registre familier n’est pas rare, à dénoncer les travers de ces soi-disant élites pourtant volontiers pontifiantes, ni à mettre en scène les gens dits de peu à qui il prête des vertus toutes confucéennes dont semblent dépourvus maints représentants des classes dominantes. D’autres recueils apparentés suivront au cours du XIXe siècle, œuvres souvent de « gens du milieu » (jungin) tels Jo Hui-ryong, Jo Su-sam, Yu Jae-geon, Yun Jeong-yeon..., principalement dédiées à des personnages historiques appartenant aux classes inférieures et estimés remarquables en quelque manière.

    Si les récits du monde sont innombrables, fort nombreux sont en Corée – tous, hormis un, dans notre recueil – ceux dont le titre se termine par jeon (傳, zhuan, en chinois), qualification générique bien souvent précédée d’un seul nom propre ou d’une fonction¹. Le terme jeon est habituellement rendu par vie, biographie ou bien histoire, aventure lorsqu’une part de fiction plus nette semble insinuée. Ici, « L’histoire du poète U-sang », manifestement au plus près de la réalité historique (et qui s’inscrit dans une longue lignée de personnages dont le siècle, entendons le pouvoir, n’a pas su reconnaître ni récompenser le talent), aurait pu être intitulée « Vie du poète U-sang », quand « L’histoire de Heo-saeng » se mâtine plus clairement de fiction. Le jeon désignait un récit relativement court en prose dépourvu de descriptions sinon sommaires, écrit dans l’intention de transmettre, sous certaines restrictions idéologiques, de manière plutôt linéaire et à travers quelques anecdotes seulement, jugées significatives, l’histoire de la vie d’un individu considéré exemplaire à quelque titre, et ce dans une optique didactique sinon édifiante. Le texte se terminait généralement sur un commentaire final nettement démarqué et haut lieu d’intertextualité, où l’auteur donnait relatif libre cours à ses vues et sentiments. Avec Park Ji-won, on se trouve dans une manière d’« édification antinomique », tant les beaux types d’humanité qu’il propose, proches de la Voie confucianiste* tant quêtée, n’appartiennent pas à la bonne ou haute société. La « formule » est en outre chez lui sujette à variations, le jeon pouvant revêtir la forme du dialogue philosophique comme dans les deux premiers ici présentés. La satire mordante et les bouffées de fiction traversant ses jeon inscrits dans le monde réel, dans la vie de l’auteur même, tempèrent largement l’aspect didactique, encore incontournable dans la société rigidement néo-confucéenne de son époque si l’on voulait être lu, plus encore entendu – de même qu’il fallait recourir à la langue prestigieuse des élites lettrées qu’était le chinois classique et ainsi ignorer l’alphabet national créé en 1446, le hangeul, laissé au peuple et aux femmes².

    Méprisée durant des siècles en Corée – comme en Chine, où elle a cependant pu se frayer une place plus tôt au sein des Lettres, la fiction, « menu propos » (soseol), fantaisie dérouteuse de morale, égarant la Voie, n’ayant la dignité ni de l’Histoire ni de la poésie, a dû ainsi longtemps s’abriter derrière l’autorité et le prestige d’une caution générique antique remontant aux Mémoires historiques (Shiji*) de l’historien Sima Qian³. L’influence de ce dernier sur la littérature et la fiction chinoises fut considérable, lui qui n’hésita pas non plus à mettre en avant des êtres que la doxa confucianiste taxait de « marginaux », indignes de mention moins encore de représentation. En Corée, c’est principalement à travers les formes relativement courtes du jeon – ainsi que des yadam ou yasa (« histoires non officielles⁴ ») –, voguant à l’estime entre anecdote historique et fiction, que s’est peu à peu opéré le passage des « Lettres (mun), soumises au diktat moral et politique du confucianisme, à la littérature (munhak) » (P. Maurus). Dans un champ littéraire contraint et codifié, ces histoires ou anecdotes officieuses⁵ ont constitué un mode d’expression décalé, un rare espace scriptural, reconnu et ouvert, où aborder et explorer ce qui ne pouvait pas vraiment se dire ailleurs ; « tribune » où porter sur le plan symbolique et sur la « place publique » une relative conflictualité que les bornes étroites de la société néo-confucéenne sinocentrée et un pouvoir politique autoritaire sinon répressif n’autorisaient pas à énoncer au sein d’un débat ouvert de type agoratique. Poindra ensuite l’idée selon laquelle la fiction peut être d’une criante authenticité, s’ancrer dans le réel et restituer avec un réalisme inégalé une parfaite image de la vie et du monde dans toutes ses bigarrures – et injustices, comme l’avançait au XVIe siècle l’iconoclaste auteur chinois, Li Zhi ; qu’elle peut « signifier le monde avec autant de profondeur qu’un traité de philosophie », selon la formule de Merleau-Ponty.

    Et Park Ji-won a été l’un des ces grands amers sur cette lente et longue route.

    Aujourd’hui, « L’histoire du yangban* lettré », celle de Heo Saeng où pointent les grands thèmes du courant de pensée réformiste silhak*, « La remontrance du tigre » sont devenus des classiques en Corée, déclinés aussi en versions illustrées pour la jeunesse.

    Ses textes ne sont parvenus jusqu’à nous que sous forme manuscrite, dont très peu de versions sont autographes. On s’en doute, ces copies peuvent présenter quelques différences, au fil de l’inattention, des velléités créatrices ou censoriales des « copistes » particuliers. La traduction s’inscrit dans cette longue lignée de variations textuelles.

    S. B.

    Note liminaire

    Le texte

    Pour la première traduction en français de cet auteur, nous nous sommes principalement appuyés sur les versions coréennes faisant autorité, en particulier celles du Yijo hanmun danpyeonjip (Anthologie de récits cours en chinois classique de la période Joseon), par Yi Yu-seong et Im Hyeong-taek (Éditions Iljogak, 3 vol., 1973-78 – réédition prévue). Cette édition bilingue, coréen-chinois, a aussi été la source textuelle de la traduction donnée par Emanuel Pastreich : The Novels of Park Jiwon. Translation of Overlooked Worlds (Seoul National University Press, 2011), version anglaise qui nous a été plus que précieuse.

    Ont été aussi consultées les Œuvres de Yeonam (Yeonam jip) en trois volumes, éditées par les éminents « yeonamiens », Sin Ho-yeol et Kim Myeong-ho (Séoul, Dolbegae, 2007-2008 ; 3e vol. spécialement).

    Appareil critique

    Si les notes ne sont pas nécessaires à la lecture, il n’y a pas non plus lieu d’y déplorer de « regrettables impedimenta au plaisir du texte » (A. Lévy). Plus qu’elles ne l’entravent, considérons plutôt qu’elles enrichissent, approfondissent, ouvrent la lecture, et le texte. Elles sont d’autant plus bienvenues que l’écart spatio-temporel entre les langues-cultures source et cible est considérable ; qu’en outre, nous sommes en présence d’une culture de la citation et de l’allusion par excellence, à l’instar de la culture chinoise qui a longtemps été son unique et révéré référent.

    Nous avons suivi en partie les notes proposées dans les éditions susmentionnées, tout en souhaitant donc aussi les augmenter. Le lecteur francophone du xxie siècle devrait ainsi être mieux à même d’apprécier la richesse de ces jeon, courtes histoires à dominante biographique, et d’appréhender le contexte historique et socioculturel de cette Corée du Joseon des xviie et xviiie siècles, quelque peu confite en son néo-confucianisme misonéiste et éprouvant bien des difficultés à accepter la disparition de la dynastie Ming et à souffrir la nouvelle suzeraineté des Qing mandchous établie en 1644.

    Afin de ne pas surcharger le texte outre mesure, ces annotations apparaissent sur trois niveaux :

    – insérées entre crochets dans le texte même, quand elles sont très brèves – suivant en cela une pratique éditoriale coréenne ;

    – infrapaginales lorsque, relatives à des termes n’apparaissant bien souvent qu’en l’occurrence, ils requièrent certain développement ;

    – signalées par un astérisque et présentées un peu plus en détail en fin d’ouvrage dans un Répertoire, quand il s’agit de données revenant plus ou moins fréquemment au cours des textes ou rendant compte de certains traits et généralités de la civilisation coréenne – et chinoise.

    Systèmes de transcription

    Nous recourons au système de romanisation adopté en 2000 par le ministère de la Culture et du Tourisme sud-coréen pour la transcription du hangeul. Signalons notamment que ae = « è » en français, e = « é », eo = o ouvert de « porte », u = « ou » (pas de son « u » en coréen) ; que ch et j correspondent à « tch » et « dj » et que la nasalisation en finale syllabique est rendue par -ng...

    Pour le chinois, nous avons recours au pinyin, transcription officielle en République populaire de Chine et devenue norme internationale.

    Histoire des maquignons de chevaux

    마장전 | 馬駔傳

    Lorsqu’au cours de leurs négociations les maquignons de chevaux ou les intermédiaires immobiliers se tapent dans les mains, se lancent dans des comparaisons, se livrent à des gesticulations, que Guan Zhong et Su Qin⁶ prêtent serment en buvant du sang d’animaux, il s’agit d’avérer leur sincérité⁷. Si une femme vient à entendre le mot « séparation », elle jette à terre son bracelet, déchire son écharpe et, tournant le dos à la lampe, se tient tête basse dans un silence éploré pour preuve de sa sincérité⁸. Si un homme épanche ses sentiments et jure sur son cœur, la main de son interlocuteur dans la sienne, c’est la marque d’un ami sincère.

    Au contraire, il y a ceux qui dissimulent leur nez derrière un éventail et lancent en clignant des yeux des regards furtifs de gauche et de droite. Telle est la ruse des maquignons de chevaux. Ils usent de mots durs pour intimider et persuader, ou expriment de délicats sentiments pour s’insinuer dans des affaires sensibles et privées. Parfois, ils menacent les forts et subjuguent les faibles. Ce n’est pas tout : ils sèment la discorde parmi ceux qui sont unis et rapprochent ceux qui ne le sont pas. Voilà les artifices auxquels s’adonnent les grands vainqueurs ou les maîtres orateurs, selon les circonstances.

    Il y avait une fois un homme qui souffrait d’une maladie cardiaque. Son épouse devait infuser pour lui des herbes médicinales. Mais elle se trompait toujours dans la quantité, elle en préparait soit trop, soit trop peu. Il en conçut de la fureur et demanda plutôt à sa concubine de s’occuper pour lui du médicament. À chaque fois, celle-ci parvenait au bon dosage. Il n’avait pas de mots pour dire la satisfaction que lui procurait l’ouvrage de la concubine. Un jour, jetant un coup d’œil à travers une fente dans le papier de la fenêtre, il observa sa technique de préparation du remède. Quand elle mettait trop de celui-ci dans le récipient, elle en vidait tout bonnement une partie sur le sol ; si la quantité était insuffisante, elle y ajoutait tout bonnement de l’eau. Telle était la façon grâce à laquelle elle parvenait toujours au dosage requis⁹.

    Ainsi, approcher l’oreille de son interlocuteur et y murmurer doucement signale l’insincérité de la parole. Avertir que ce qui est dit ne saurait être révélé à d’autres signale la superficialité de la relation. Discuter de la force des sentiments de l’autre est la marque d’une amitié peu solide.

    Song Uk, Jo Tap-ta et Jang Deok-hong se tenaient sur le pont Gwangtong¹⁰ à disputer des relations humaines.

    Tap-ta disait : « Dans la matinée, je suis allé mendier en frappant ma gourde. Lorsque je suis entré dans Pomokjeon, le marché aux étoffes, j’ai vu un homme qui procédait à un achat, à l’étage d’une boutique. Il appliquait sa langue sur de la toile de chanvre, l’exposait ensuite à la lumière du soleil pour en choisir une de qualité. Le vendeur et le client ont commencé à négocier le prix : chacun a tout d’abord voulu inciter l’autre à faire la première offre. Mais après un certain temps, tous deux ont complètement oublié l’étoffe en question. Le marchand a soudain levé son regard et fixé au-dehors les montagnes au loin. Inspiré par les nuages flottant devant elles, il a entonné un chant. Le client, les mains repliées derrière son dos, allait de long en large et regardait une peinture suspendue au mur. »

    Song Uk prit la parole : « Tu n’as cerné que le comportement des hommes lorsqu’ils nouent une relation. Mais pour ce qui est de la véritable voie du commerce humain, tu n’y es pas encore. » 

    Deok-hong parla ensuite : « On suspend toujours un rideau au-dessus des marionnettes lors d’une représentation afin de dissimuler les fils utilisés pour leur manipulation. »

    Song Uk reprit la parole : « Tu n’as saisi que la surface des relations humaines, tu n’as toutefois pas encore trouvé la véritable voie. Pour un homme de bien, il existe trois approches dans les relations humaines et cinq moyens par lesquels s’engager en de telles relations. Pour ma part, je n’en maîtrise encore aucun. C’est pour cette raison que je n’ai toujours pas un seul véritable ami quoique j’aie atteint la trentaine. Néanmoins, j’ai réussi à apprendre quelque chose au sujet de la vraie voie des relations humaines. Je sais que l’on ne doit pas tendre son bras vers l’extérieur pour soulever une coupe de vin. »

    Deok-hong repartit : « C’est tout à fait juste. Il y a un poème ancien qui évoque succinctement la question :

    "La grue pousse un cri dans l’obscurité ;

    ses petits répondent en écho.

    Je possède une excellente coupe ;

    Vidons-la généreusement ensemble¹¹."

    Ce poème renvoie précisément à une semblable situation. »

    Et Song Uk de reprendre la parole : « Tu fais preuve d’une habileté remarquable pour conduire avec adresse une conversation entre amis. Je n’ai parlé que des prémisses d’une question et tu savais déjà ce qui allait suivre. Ce à quoi nous aspirons dans notre société est ce qui nous procure des avantages. Nous nous entendons les uns les autres pour obtenir une position sociale et des bénéfices matériels. Pourtant la bouche ne conspire pas avec la coupe de vin pour boire ; le bras se plie naturellement pour les rapprocher. Voilà un avantage qui s’ensuit inéluctablement du cours des événements. L’accord entre les cris des grues dans le poème ne correspond-il pas à une façon d’accéder à un plus haut rang ? L’excellente coupe évoquée renvoie au profit. S’ils sont nombreux à lutter pour le profit, cet avantage doit alors être divisé. S’ils sont nombreux à conspirer en quête d’une position sociale et d’un bénéfice matériel, leur part s’en trouvera réduite ou ils s’en verront privés. Aussi l’homme de bien évite-t-il de parler des trois approches dans les relations humaines. Je m’efforce de les révéler pour toi à l’aide de mes analogies et tu vas les comprendre bientôt.

    « Pour ce qui est des relations avec les gens, en premier lieu, si tu les loues pour le bien qu’ils ont accompli plutôt que pour leur bonté, la lassitude leur viendra et l’inspiration leur fera défaut. Ensuite, tu ne devras pas non plus les alerter à propos de questions qu’ils n’ont pas encore maîtrisées. Peut-être sont-ils sur le point d’y parvenir, et si leurs insuffisances sont portées à leur attention, ils s’en trouveront dépités et perdront le désir de poursuivre leur effort. Enfin, si tu entres en relation avec une foule, ne désigne aucune personne comme étant la meilleure. Si tu parles de l’excellence de quelqu’un, il n’aura rien de plus à accomplir. Le reste de l’assemblée sera découragé et frustré. Il existe donc cinq compétences à maîtriser dans l’art du commerce humain :

    « Quoique ton premier mouvement fût de louer quelqu’un, il est préférable en apparence de lui adresser des reproches.

    « Quoique ton premier mouvement fût de manifester ton vif plaisir, il est préférable de te fâcher et d’user de cette colère pour révéler tes vrais sentiments.

    « Quoique ton premier mouvement fût de souhaiter devenir l’intime de quelqu’un, il est préférable d’affecter une timidité extrême.

    « Si tu veux que quelqu’un t’accorde sa confiance, tu devras laisser sans réponse les détails te concernant et attendre que les gens s’y intéressent.

    « La plupart des hommes de bien ont une existence tragique, la plupart des femmes admirables ont à verser bien des larmes. Le héros s’accoutume à pleurer pour émouvoir autrui.

    « Ces cinq habiletés représentent la subtile faculté d’adaptation de l’homme de bien. Elles constituent une façon universelle de prendre part à la sphère publique. »

    « Deok-hong, l’explication de Maître Song Uk renferme trop de points obscurs et d’énigmes. Je n’ai rien compris à ce qu’il a dit », fit Tap-ta.

    Deok-hong répondit : « Comment pourrais-tu comprendre de telles paroles ? Il suggère que l’on reconnaisse la bonté qu’il y a en chacun, mais qu’on le fasse en trouvant à blâmer. Il dit que nous

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