Amour et brigands
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À propos de ce livre électronique
Au début du printemps 2017, Cristiano Parafioriti, le Sicilien de quarante ans, avec la résidence en Lombardie depuis déjà vingt ans pour les raisons professionnelles, atterrit sur son île pour une brève période de repos auprès de sa famille d’origine, à Galati Mamertino, un petit bourg sur les monts de Nébrodes dans la province de Messine. Il est marié, père d’un fils, et avec une fabuleuse passion littéraire ; ayant déjà publié deux recueils de récits se référant à sa terre natale. Dans l’après-midi de son arrivée, il rencontre Calogero Bau, surnommé ‘’Bau’’, employé dans les archives municipales du village, qui l’invite à jeter un coup d’œil sur un étrange document, transcription ancienne de l’État civil, sauvegardée dans son bureau. Intrigué par ces paroles, Cristiano accepte, et, le lendemain, après un bon café matinal, se rend aux archives. Après la première recherche infructueuse, lors d’une autre inspection de l’après-midi, il tombe par chance sur une découverte inespérée. À l’intérieur de cet immeuble délabré, il a découvert, en fait, dissimulé à l’intérieur d’un autre livre ecclésiastique du huitième siècle, le journal du brigand sicilien (Giovanni Darco), rédigé à cheval sur 1864 et 1865. La curiosité d’en savoir davantage sur son auteur et ses aventures inouïes, émergées à la lumière du jour, plongera Cristiano dans une semaine frénétique d’un authentique pathos émotionnel. Ces pages secrètes ne sont pas, en fait, une simple chronique des histoires de lutte entre une bande de rebelles et de nouveaux patrons, mais témoignent dans leur essence, avec la conviction et la vivacité, du merveilleux amour clandestin entre le brigand Giovanni Darco et la femme aristocrate Eufemia Celesti, épouse délaissée de Gepi Montes, aristocrate prétentieux de Nicosia et le rival le plus redoutable du brigand.
Les histoires teintées de sang et d’amour s’entrelacent, parsemées par les batailles furibondes d’armes et de passion, qui mèneront inexorablement tous les protagonistes de ces pages vétustes à un règlement de comptes inéluctable et cruel.
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Aperçu du livre
Amour et brigands - Cristiano Parafioriti
Traduit par Sanja Audar
––––––––
ROMAN
‘’Je les veux tous morts ! Ils sont tous paysans, brigands et ennemis de la Savoie, ennemis du Piémont, des bersagliers et du monde. Mort aux abrutis, mort à ces rustres fils de pute, je ne veux pas de témoins, nous dirons qu’ils ont tous été des brigands’’
(Colonel Pier Eleonoro Negri, sous les ordres du général Enrico Cialdini, Lieutenant du roi Vittorio Emanuele II, août 1861).
LA NOTE DE L’AUTEUR
Ceci est une œuvre de fiction. Personnages, trames et situations sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou, si réels, utilisés dans le contexte de la narration. Pour le reste, toute référence aux faits empiriques et aux personnes réelles devrait être considérée comme aléatoire.
Ou presque.
CHAQUE MAUDIT MATIN
––––––––
À Galati Mamertino, en Sicile, Calogero Emanuele, surnommé ‘’Bau’’ se lève de bonne heure et sait qu’il doit commencer une autre journée de travail dans la mairie. Comme autant de pères siciliens, il a des fils éparpillés dans chaque coin de l’Italie pour les raisons professionnelles, et évidemment cette distance ne le rend qu’encore plus triste dès le réveil.
Chaque maudit matin.
Le printemps à peine arrivé, et ici, sur les monts de Nébrodes, le soleil se fait toujours discret. À l’aube il surgit du mont de Rafa et jette quelques rayons chauds sur le carrelage rugueux de la place centrale de ce village perdu, mais ne parvient toujours pas à réchauffer le vent cinglant et les corps engourdis de ceux qui se réveillent.
Calogero Bau savoure son café au bar Ciccio, en fumant sa deuxième cigarette, fixant le regard distrait sur les passants peu nombreux et l’église majestueuse Matrice. Et justement à cet instant-là, son cœur s’assombrit. Il pense à don Pepe Emanuele, surnommé’’ Malupilo’’, son père, mort seulement quelques années auparavant, qui était un pilier de cette église, toujours engagé dans les préparatifs matériels et organisationnels des fêtes, processions et messes, prêt à se mettre au service inconditionnel de Dieu ou du clergé. Il semblait parfois un peu maussade, en fait, il était des anciens, dans le sens positif du terme, l’homme qui dit peu, mais fait beaucoup. Lorsque ses démarches devinrent de plus en plus rares, c’était comme si une nef de cette église se fût écroulée, et pour son fils Calogero c’était encore pire, puisqu’il avait appuyé sur cet homme sa propre existence.
Calogero Bau a une épouse, trois jeunes fils, une maman âgée, et une sœur ‘’ vieille fille’’, qui habite toujours à Galati. Il a un poste à la mairie (une exclusivité de nos jours) et pousse vers l’avant comme il peut. Il prend un café, fume quelques cigarettes, et puis, à bord de sa Fiat Punto bleue, se rend aux archives municipales, à la sortie du village, sur le chemin vers Tortorici.
Chaque maudit matin.
FUITE À TRUNGALI
––––––––
C’était un après-midi froid et sombre. Je me trouvais avec mes amis du quartier Pilieri dans le bosquet près de Trungali. C’était un endroit un peu inquiétant à cause de la présence de l’église en ruine, sur laquelle circulaient les histoires effrayantes. Ture S., qui était notre chef, avait décidé pour autant d’y construire une cabane, juste à proximité, à côté du petit fleuve. Cela, selon lui, devait être une preuve de courage. Nous y avions ramené quelques planches de bois, un écheveau de fil de fer, volé sur un chantier, et autres outils nécessaires à cet objectif. Nous y mîmes plus de deux heures de boulot, jusqu'à ce que notre refuge fût terminé. Nous étions les enfants, et construire une cabane dans la forêt était une mission importante. Nous avions des épées en bois, des cordes avec les ficelles et les ennemis imaginaires : nous devions être, à notre façon, intrépides. Après avoir croqué deux noisettes et quelques châtaignes amères à l’intérieur de cette planque, nous nous aperçûmes que du ciel assombri il commença à bruiner. Puis il se mit à pleuvoir à verse, et le toit de brindilles ne put pas nous abriter tous. Nous nous enfuîmes à la débandade, les uns s’acheminant vers le bosquet, les autres descendirent vers la vallée, je me cachai au-dessous de l’arcade d’entrée de l’église en ruine de Trungali. Aux tremblements provoqués par le froid, se joignirent les frissons de la trouille qui peu à peu commencèrent à m’envahir. Les restes de ce temple me protégeaient de la pluie, mais non de la peur. Bien au contraire.
La rumeur circulait qu’une jeune fille, à proximité de l’église, quelques siècles auparavant, avait péri. Essayant de s’échapper aux attaques du baron de Galate, donc propriétaire de cette terre, qui était censé vouloir la posséder, la jeune fille était tombée désastreusement sur le tronc pointu d’un noyer vert, coupé antérieurement, et s’était mortellement piquée. Le baron n’avait pas du tout été aperçu dans cette tentative de violence, et la mort était considérée comme une fatale malchance. Bien qu’impuni aux yeux des humains, l’aristocrate avait été persécuté par les remords et en essayant de se disculper l’âme, il avait décidé de construire, justement à l’endroit du méfait, cette église. Quoique la décision se fût révélée malsaine dès le début, suivie par les présages maléfiques et la malchance funeste. Finalement, pendant une nuit estivale, un incendie ravageur s’était produit, se dégageant mystérieusement de l’intérieur de l’église, et avait détruit tout le bosquet aux alentours. Après trois jours de lutte acharnée contre les flammes, qui semblaient être alimentées par une force mystérieuse, le brasier s’était calmé, les dernières flammes avaient été éteintes, révélant à quelques paysans le corps déjà carbonisé du baron. La vengeance de la jeune fille, s’était, d’une certaine façon, réalisée entièrement.
Alors que j’étais en train de ressasser cette histoire troublante, une puanteur bizarre envahit mes narines. Je retournai le regard vers l’intérieur de l’église, et depuis les buissons d’orties et de la mauvaise herbe, se fit entendre le grognement menaçant d’un sanglier noir. Il ne reculait pas devant mes cris, ne bougeait pas d’un pouce, bien au contraire, me ciblait d’un air déterminé. Et l’effroi m’immobilisa lorsque se manifesta ce qui, à peine quelques moments auparavant ne semblait qu’une sensation menaçante. La portée du sanglier noir était là, au-dehors, à mes côtés. Je me rendis compte d’être dans une position encore pire : entre la mère et ses petits. Tout à coup j’essayai de me carapater par le chemin qui me semblait le plus sûr, à cela près qu’un de ces petits porcs sauvages décida de se mettre à courir devant moi d’une telle façon qu’il semblait que je courusse après lui. On pouvait imaginer la mère furieuse, qui, après avoir vérifié la sécurité de ses autres petits, se lança dans la défense du petit en fuite. D’un coup la scène sembla paradoxale. Je cherchai à contourner le sentier principal, je sentais mes bras déchirés par les rameaux et mes jambes se couvrant de brûlures des orties que j’étais en train de faucher compulsivement dans la tentative de me sauver. Les gémissements stridents du bébé étaient mêlés aux hurlements furibonds de sa mère, noire de peau et de rage, et aucune autre voie ne sembla sûre pour moi. Déjà au bout de forces, je trébuchai contre un amas de feuilles, visqueux à cause de la pluie, et après m’être tourné, je compris que je n’avais plus d’échappatoire. J’eus seulement le temps de m’apercevoir du coup dur et sourd qui s’abattait sur moi.
* * *
C’était un contrecoup de l’atterrissage.
Les roues du chariot avaient touché la terre, m’éveillant de ce cauchemar bizarre. Je regardai l’horloge : il était 08.40. L’avion avait été assez ponctuel.
Je me levai encore perturbé par le rêve angoissant, tirai la valise à roulettes du compartiment à bagages, et allumai le téléphone portable. Les autres passagers firent la même chose, et depuis les téléphones remis en état normal, s’éleva, ennuyant, un concert de sonneries, vibrations, cliquetis. Lorsque le portillon s’ouvrit, la lumière de Palerme pénétra à l’intérieur de la carlingue. À peine descendu de l’avion, avant même d’emprunter la rampe de descente, l’air de ma terre me remplit les poumons et le cœur.
Pendant que je me rendais in pullman de l’aéroport à la gare, j’effleurai rapidement du regard le monument en mémoire de l’attentat à l’explosif de Capaci.
Quelle tristesse infinie ! Une plaque triste hissée en mémoire d’une douleur inconsolable, d’une tache ensanglantée dans l’histoire d’une île rongée par la mafia.
Après un long voyage en train, le long des côtes de la Tyrrhénienne, en direction de la Messine, je descendis à la station de Sant’Agata di Militello, où mes parents m’attendaient. Et ainsi nous empruntâmes une de tant de routes qui menaient vers les Nébrodes.
Je jetai un coup d’œil fatigué sur mon village suspendu à la montagne, et, après un repas rapide, je m’endormis, cette fois plus sereinement, bercé par l’air de ce printemps encore frêle, qui repoussait encore le moment de se libérer dans l’air, là-bas, à Galati Mamertino, en Sicile.
Isolements
À cinq heures de l’après-midi ma mère brusqua les délais, me secoua de mon sommeil en m’offrant un bon café chaud. Elle était au courant de mon désir de voir la place centrale du village, et les vieux amis, après tant de mois passés à plus de mille sept cents kilomètres de là. J’ai quarante ans, dont vingt passées au Nord, la moitié d’une vie, la moitié qui paraît effectivement, une vie entière.
La caféine me remit en forme subitement. À six heures pile j’empruntai la rue qui menait vers la place principale. Marchant à travers mon vieux quartier, j’eus la sensation douce-amère de feuilleter un album de souvenirs, et je ressentis ma poitrine se serrer tout autour de mon cœur. Tout est déjà passé. Là-bas, dans la rue Pilieri, restent debout seulement les maisons en pierre, alors que dans mon cœur sont éternisés les rochers pesants de la mémoire.
Calogero Bau fut le premier paysan que je croisai. Je ne pouvais pas refuser de boire encore un café avec lui dans le bar Ciccio. Il me raconta sur ses enfants, notamment au sujet d’Ilenia, l’aînée, qui avait révélé au père d’avoir été très touchée après avoir lu mes récits. Puis il se mit à me parler de son travail dans les archives municipales, et comment, avec le temps, il prit l’engouement à lire les actes anciens de naissance et de décès, de certains fichiers avec les faits réels, de noms de famille désormais disparus, ou mieux, comme dit-il,’’ des choses antiques’’.
Je n’aurai jamais cru que Calogero Bau puisse m’inspirer autant de curiosité. Un brave homme, indubitablement, humble, sympathique, mais effectivement, il ne m’a jamais semblé comme quelqu’un avec qui on puisse aborder les sujets si spécifiques et particuliers. Et pourtant, il parvint à m’intriguer incroyablement. J’acceptai même de respirer la fumée passive de sa énième cigarette, et dès la sortie du bar, nous arpentâmes la place San Giacomo. Tout d’un coup j’aperçus mon père assis dans le Cercle des Maîtres Artisans, s’apprêtant à lire la Gazette du Sud. À cet instant-là, je me sentis vraiment chez moi. Calogero Bau me parla encore des archives. En fait, il ne put pas m’en dire davantage, mais mon désir ardent et curieux de consulter les papiers dont il m’avait parlé resta intact. Au crépuscule, je récupérai mon père de ses dernières activités de soirée, et nous prîmes le chemin vers la maison. Quoique presque arrivés à la maison, je fus envahi, avec la complicité du ciel clair, de l’irrépressible