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Les Eaux Sombres — Livre Élémentaire I
Les Eaux Sombres — Livre Élémentaire I
Les Eaux Sombres — Livre Élémentaire I
Livre électronique330 pages4 heures

Les Eaux Sombres — Livre Élémentaire I

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À propos de ce livre électronique

Devon Sanders, un détective privé réputé pour son efficacité et sa discrétion, a toujours préféré se tenir à l’écart de la communauté paranormale. Malheureusement pour lui, cette dernière semble s’intéresser de près à lui… Ou du moins, à son secret. En effet, Devon excelle dans son métier grâce à un don étrange : son intuition hors pair.

Quand Devon découvre la scène d’un meurtre sauvage, il comprend immédiatement qu’il ne s’agit pas d’un crime naturel. Pour résoudre l’affaire et démasquer le tueur, il va devoir infiltrer l’université paranormale de Quintessence, où il découvrira rapidement que son talent est bien plus étroitement lié aux forces surnaturelles qu’il ne le pensait.

Plongez avec lui au cœur de la magie élémentaire.

LangueFrançais
ÉditeurBadPress
Date de sortie29 oct. 2015
ISBN9781507124369
Les Eaux Sombres — Livre Élémentaire I

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    Aperçu du livre

    Les Eaux Sombres — Livre Élémentaire I - Rain Oxford

    Chapitre 1

    — Pour quelle raison voulez-vous devenir un sorcier ?

    Cette question ne me surprit nullement. Si l’on en croyait les recherches poussées que j’avais menées sur cette université aussi prestigieuse que mystérieuse, elle faisait partie du protocole d’admission et de remise de diplôme. Je la trouvais néanmoins ridicule.

    — Pour pouvoir aider les autres, répondis-je comme je m’y étais entraîné.

    Le directeur et son adjointe échangèrent un regard manifestement chargé de soupçons. Je restai cependant confiant, même lorsque Logan Hunt, le directeur, joignit ses mains en travers du classeur bleu foncé qui était posé devant lui et se pencha en avant.

    Douze professeurs ainsi que le directeur étaient alignés derrière une longue table, assis sur des chaises à haut dossier. Le bruit courait qu’ils étaient tous diplômés à l’exception du directeur, ce que je trouvais difficilement crédible étant donné qu’une des quatre femmes n’avait pas l’air d’avoir plus de seize ans. Du moins si l’on partait du principe qu’elle était humaine. Ils portaient tous des robes noires par-dessus leurs habits, plus probablement pour se protéger de la température glaciale que pour coller à de quelconques stéréotypes.

    La salle du conseil était éclairée par cinq torches disposées autour de nous formant les cinq angles d’un pentagramme. Un énorme foyer dominait le mur nord, derrière les professeurs, tandis qu’une bibliothèque remplissait le mur est du sol au plafond. Une petite table pliante en métal ainsi qu’une chaise très inconfortable de la même matière me séparaient des membres du comité. Sur la table étaient disposés divers objets destinés à tester mes capacités mentales ainsi que mon talent naturel pour la magie.

    Parmi eux figurait une bougie que l’on posa devant moi en m’ordonnant de l’allumer. Les membres du conseil semblèrent peu impressionnés lorsque je sortis mon briquet et m’exécutai. L’objet suivant était une pierre qu’ils me demandèrent de déplacer sans la toucher. J’inclinai donc la table jusqu’à ce qu’elle roule et tombe, à nouveau sans parvenir à susciter leur admiration. Lorsqu’ils me sommèrent de produire de l’eau à partir de l’air, je saisis le miroir, que je n’avais pas encore utilisé, et soufflai sur sa surface réfléchissante jusqu’à ce qu’elle soit couverte de buée.

    La femme à l’air jeune sourit d’un air suffisant et l’homme assis à sa gauche me lança un regard noir. Ses cheveux brun foncé lui arrivaient aux épaules et il arborait une barbe naissante. La lueur perceptible dans ses yeux couleur ambre me mit mal à l’aise. Cette sensation m’était familière ; les changeurs me donnaient toujours la chair de poule. Ce n’était pas sa capacité à se transformer en un puissant prédateur ou à grogner tel le loup qui sommeillait en lui qui me dérangeait. Le simple fait qu’un animal et un homme soient réunis pour former une seule et même personne me paraissait contre nature. Je pensais que la partie humaine du changeur devait posséder un côté particulièrement sauvage, et sa partie animale une intelligence hors normes. Je savais qu’une grande majorité de changeurs se transformaient en prédateurs, et c’est certainement pour cette raison que je n’en avais jamais rencontré un seul qui se transformait en lapin.

    Le dernier test élémentaire à m’être imposé fut de conjurer un vent tempétueux. Je réfléchis à la tâche pendant quelques instants. La pièce ne comportait pas de fenêtres ni de ventilateur et après quelques minutes, je soupirai :

    — Je ne sais pas comment faire.

    — Avez-vous seulement pensé à utiliser la magie ? me demanda une des femmes.

    Âgée d’environ vingt-cinq ans, elle avait un corps fin, harmonieux et athlétique. Ses longs cheveux châtains étaient attachés en queue de cheval simple, mais ce qui ressortait le plus était ses yeux dont les iris d’un vert très clair au centre étaient entourés d’un cercle vert foncé. Sa peau était lisse et naturellement bronzée, ce qui me parut étrange en raison de son léger accent européen. Elle était de loin la plus belle femme que j’avais vue depuis qu’on m’avait largué brusquement et sans formalités dans le monde paranormal.

    — Non. Je ne serais pas ici si je savais déjà me servir de la magie. Je suis venu pour apprendre.

    Ma réponse était parfaitement plausible, complètement indéniable et impeccablement articulée.

    C’était sans doute mon esprit vif que Hunt tentait de cerner lorsque son regard croisa le mien. Il ne voyait pas cela souvent. Je savais que mon air impassible et mon sourire innocent relevaient plus du talent naturel que de l’entraînement.

    La femme aux yeux verts n’était manifestement pas impressionnée. Comme elle était assise à la gauche de Hunt, j’en avais déduit qu’il s’agissait de Remington Hunt, la fille du directeur. Sa réputation avait peut-être également joué un rôle dans ma déduction, car j’avais entendu parler de sa beauté. On m’avait également raconté qu’elle possédait un tempérament fougueux et qu’elle avait la gâchette facile, ce qui semblait se référer autant à son pistolet qu’à son caractère.

    Logan Hunt devait avoir au moins cinquante ans, mais il en paraissait seulement quarante. Ses cheveux étaient brun foncé, presque noirs, et ses yeux gris. Bien que sa carrure soit égale à la mienne, l’aura menaçante qui émanait de lui donnait l’impression qu’il était prêt à affronter des épreuves bien plus redoutables que toutes celles qu’il avait déjà traversées. J’allais devoir faire attention à ne pas le bousculer.

    — Les cours commencent à huit heures du matin, Monsieur Sanders, déclara Hunt toujours en m’observant attentivement.

    Nous savions tous les deux qu’il m’admettrait quoi que je dise. Remington, qui n’était manifestement pas au courant de la situation, se tourna bouche bée vers son père. Par chance, elle n’osa pas le remettre en question face à des témoins.

    — Je vais vous expliquer les règles une fois seulement et vous recevrez un guide dans la matinée, commença Hunt. Si vous avez des questions, gardez-les pour vous. Notre politique ne ressemble pas à celle des universités publiques, Monsieur Sanders. Nous ne vous retiendrons pas. Quinze crédits sont nécessaires à la réussite de votre premier cycle, puis dix-huit pour les quatre suivants. Si vous ne parvenez pas à obtenir les crédits nécessaires à la remise du diplôme, vous ne reviendrez pas ici.

    Je n’avais pas prévu de revenir.

    — On vous attribuera un élément et un cercle. Chaque sorcier aborde en premier l’élément pour lequel nous pensons qu’il présente le plus d’aptitudes, puis progresse à partir de là. Votre cercle correspond à votre rang, ou année d’études. Par exemple, si on vous attribue l’élément feu, vous serez un C-Un Feu. Si vous rencontrez un C-Trois Feu, cela voudra dire que cette personne maîtrise déjà deux éléments et étudie actuellement le feu. Nous vous recommandons de devenir son ami.

    Peu probable.

    — Pendant le semestre, vous suivrez non seulement des cours, mais vous assisterez également à des séances avec un entraîneur de l’élément qu’on vous aura attribué. La première chose que vous ferez demain matin sera de rencontrer votre maître élémentaire. Si vous ne maîtrisez pas votre élément dans un délai de seize semaines, vous redoublerez votre semestre. Trois chances vous seront données. Si vous ne maîtrisez toujours pas votre élément une fois vos chances épuisées, vous serez renvoyé.

    Il avait prononcé ce discours sans vraiment y mettre du sien, car il savait que ce n’était qu’une façade. Les autres personnes présentes dans la pièce devaient être persuadées que j’étais un étudiant ordinaire.

    — Nos professeurs bénéficient d’un excellent entraînement dans l’art de l’éducation. Ils choisissent eux-mêmes leur façon d’enseigner. Chaque professeur a le droit de vous recaler à son cours pour n’importe quelle raison. Ils ont également le droit de vous discipliner s’ils l’estiment nécessaire. Par exemple, si vous arrivez en retard, vous pourrez être puni. Si vous refusez votre punition, vos professeurs peuvent décider de vous faire échouer dans leur matière. Certains professeurs pourront vous demander de vous soumettre à des exercices discutables. Si leurs pratiques vont à l’encontre de vos convictions morales, ne venez pas vous en plaindre auprès de nous.

    — Nous vous conseillons vivement de vous soumettre aux demandes de vos professeurs, qu’elles soient raisonnables ou non, déclara la directrice adjointe, une femme d’âge moyen bien habillée, aux cheveux blond vénitien rassemblés dans une tresse.

    De toutes les personnes assises à la table, elle semblait être la plus facile à aborder.

    — Sauf en ce qui concerne le professeur Langril, ajouta rapidement la femme à l’air jeune. Il est complètement fou. Nous essayons de ne pas mettre d’étudiants de C-Un dans son cours, car ils ont tendance à disparaître.

    Elle avait des cheveux courts orange avec des mèches jaunes et des yeux d’un bleu glacial.

    Humaine ou non, je savais que j’allais avoir du mal à la prendre au sérieux, car je m’attendais en permanence à ce qu’elle se mette à parler manucure et garçons. Elle n’avait vraiment pas l’air d’avoir plus de seize ans.

    Hunt hocha la tête pensivement.

    — Merci April. Comme vous le savez sûrement déjà, les communications avec le monde extérieur sont limitées afin d’assurer la sécurité de nos étudiants. En outre, la magie interfère souvent avec l’électricité. L’utilisation d’appareils électroniques est donc strictement interdite.

    Ça va me compliquer la tâche. Je ne pus résister à la tentation de consulter ma montre analogique. Je la portai à mon oreille et entendis le cliquètement des aiguilles.

    — Les montres sont autorisées, mais elles ne durent pas très longtemps ici, continua Hunt. Sortir du périmètre de l’école sans la supervision d’un professeur ou une autorisation écrite de moi-même ou de Mrs Ashcraft sera sanctionné par votre renvoi.

    — Seulement si vous vous faites attraper, ajouta la femme aux cheveux orange.

    — Oui, merci April. Les combats en dehors de la salle d’entraînement sont déconseillés, mais tant que vous ne dérangez pas les professeurs et que vous ne causez pas de dommages matériels, la manière dont vous réglez vos problèmes avec vos camarades de classe ne regarde que vous. Si vous causez des dégâts, attendez-vous à devoir les réparer.

    — Si vous vous en sortez vivant, ajouta April gentiment.

    — Oui, merci April.

    — Combien de non-humains l’école accueille-t-elle ? Je croyais que les sorciers étaient plutôt regardants en ce qui concerne leurs fréquentations.

    Hunt posa une main en travers du classeur, ce que je pris pour un mauvais signe.

    — Monsieur Sanders, nous tenons chacun responsable de ses actes. Nous n’entretenons aucun préjugé en matière de genre ou de race. Les sorciers représentent la majorité de notre effectif, mais les fæ et les changeurs sont également les bienvenus chez nous.

    — Mais pas les vampires.

    C’était une déclaration et non une question.

    Hunt plissa légèrement les yeux.

    — Afin de garantir la sécurité de nos étudiants, nous n’acceptons pas les vampires dans notre école.

    — Bien, répondis-je. Je n’ai rien contre les fæ ou les changeurs, mais les vampires me donnent des frissons dans la nuque.

    April rit, mais Hunt ne parut pas amusé.

    — En tant que défenseur de l’égalité entre les êtres paranormaux, je trouve que votre humour est de très mauvais goût, répondit-il.

    April rit de plus belle.

    — Le professeur Nightshade va vous conduire à votre chambre.

    April cessa de rire.

    Elle se leva, le visage figé dans une expression solennelle, et contourna lentement la table pour s’approcher de moi.

    — Suivez-moi.

    Elle paraissait plutôt sympathique, bien que le fait qu’elle siégeait au comité laisse penser qu’elle était une puissante sorcière. Puissante, sans aucun doute, mais est-ce vraiment une sorcière ? Je la suivis hors de la salle du comité le long d’un couloir faiblement éclairé.

    Des murs de pierre se dressaient de part et d’autre et le sol en parquet ciré grinçait sous nos pas.

    — Je parie que les couloirs deviennent bruyants la journée, déclarai-je.

    — Cette école a été conçue par un psychopathe. Je ne me rappelle plus son nom, seulement qu’il était allemand. Certains disent qu’il a construit ce bâtiment afin d’y installer sa famille pour la rendre folle, avant de la massacrer puis de se suicider. D’autres racontent que sa femme a tué leurs enfants et qu’il l’a ensuite tuée à son tour. Il avait tellement peur que l’esprit de son épouse cherche à se venger qu’il a construit cet endroit afin qu’il s’y perde. Vous trouverez des escaliers qui débouchent sur des murs ainsi que des portes qui ne s’ouvrent sur rien. Une pièce au troisième étage a été construite de travers, avec une fenêtre au sol qui donne sur une salle de classe.

    — C’est vraiment bizarre.

    Cette réflexion n’était ni la première ni la deuxième à me venir à l’esprit, mais c’était la moins vulgaire.

    — Heureusement, vous n’aurez pas à vous aventurer souvent dans cette partie du campus. Vous pouvez vous procurer une carte, au cas où vous vous perdriez. Bien sûr, elles sont souvent fausses.

    — À cause des rénovations ?

    — Non, parce que les pièces se déplacent, expliqua-t-elle.

    Les résidences se trouvaient dans un autre bâtiment plus petit, qui se situait à l’ouest de l’école et dont les quatre coins comportaient une petite tour d’observation.

    — Et les enseignants, où vivent-ils ?

    — Dans les résidences. L’intégralité de l’étage supérieur nous appartient. Je dois également vous avertir que vous devrez vous adresser à nous précisément de la manière dont on vous le demande. Le professeur Rosin Flagstone est le seul changeur loup de l’équipe. Il se charge donc de veiller au bon comportement des autres changeurs loups. Si vous rencontrez un problème avec l’un d’entre eux, adressez-vous à lui. Quoi qu’il en soit, tout le monde l’appelle « Alpha Flagstone ».

    — Et vous, qu’enseignez-vous ? demandai-je

    — L’histoire de la magie. Votre horaire vous sera remis par votre maître élémentaire demain matin.

    — Nous ne pouvons pas choisir nos cours ?

    — Durant le premier semestre, c’est nous qui choisissons les cours que vous suivez. Ensuite, vous gagnerez en influence chaque année.

    Nous avions rejoint les résidences et April n’avait rien à ajouter. Elle me conduisit à travers des couloirs sombres dotés d’une moquette grise unie et de murs blancs. Les portes étaient proches les unes des autres, comme dans un hôtel, ce qui n’annonçait rien de bon quant à la taille des chambres. Au moins, l’endroit était propre.

    Ma chambre était située au fond du couloir au quatrième étage. Sans prendre la peine de frapper, April tourna la poignée et ouvrit la porte. La pièce mesurait environ quatre mètres sur quatre et contenait trois lits simples surélevés. Sous chacun d’entre eux se trouvait un bureau doté d’une petite bibliothèque à gauche et d’une commode à droite. Deux des lits étaient installés contre le mur nord, et le dernier contre le mur ouest, sous une grande fenêtre offrant une vue sur le lac. La seule autre porte visible s’ouvrait dans le mur sud, probablement sur une armoire. Les murs en placo-plâtre blanc contrastaient avec la moquette bleu foncé qui recouvrait le sol. En raison de l’absence d’électricité, la lumière provenait de trois lampes à gaz accrochées au-dessus des bureaux.

    Deux des lits étaient pourvus de couvertures et d’oreillers et, en dessous, leurs bureaux comportaient des livres, du papier et des effets personnels. Mes deux valises noires étaient posées sur le bureau sous le lit du mur ouest, encore libre.

    Tout ça pour le boulot…

    — Pardon ? demanda April.

    Merde. Ma tâche était déjà suffisamment difficile sans qu’on lise dans mes pensées.

    — Je n’ai rien dit.

    Cela suffit à la rembarrer. Je m’approchai de mes valises et entrepris de les défaire. Lorsqu’elle ferma la porte, me laissant seul, je gravis les marches de mon lit et m’allongeai avec précaution. J’étais trop vieux pour un lit superposé.

    Alors que j’essayais de me convaincre que mon matelas était plutôt confortable, je repensai à ma situation de la semaine précédente.

    *      *      *

    J’étais un détective privé tout ce qu’il y avait de plus normal. J’effectuais mon travail avec discrétion et bien que mon numéro de téléphone soit difficile à trouver, je ne manquais pas de clients. On m’engageait généralement dans le but de percer à jour des fraudes au sein de grosses entreprises ou d’espionner les maris de femmes riches et gâtées. Ce boulot ne m’amusait guère et me permettait rarement d’annoncer de bonnes nouvelles à mes clients, mais c’était un travail auquel je n’avais plus besoin de penser une fois rentré chez moi.

    Comme j’arrivais à payer mes factures et à remplir mon réfrigérateur, je considérais que je me débrouillais plutôt bien. En fait, je pouvais même me permettre de choisir les affaires dont je souhaitais m’occuper. J’avais déjà entendu parler de la communauté paranormale, mais je ne m’en mêlais pas. Je me concentrais sur les affaires humaines, avec une nette préférence pour les cas les plus banals. Ils avaient l’avantage d’être prévisibles et je n’avais pas à me méfier de clients potentiellement capables de me transformer en crapaud ou de me dévorer.

    Ce n’est que grâce à ma capacité à surprendre des conversations que j’avais entendu parler de l’université de Logan Hunt. Grâce à mon instinct inné et à mon naturel inquisiteur, je me trouvais toujours au bon endroit au bon moment. Même quand j’enquêtais sur des affaires ordinaires, j’avais tendance à entendre par hasard des voix étouffées alors que je traînais dans des endroits improbables, tels que des entrepôts abandonnés.

    La plupart des gens – ou la plupart des humains – ne connaissaient rien des êtres paranormaux qui partageaient leur monde. Je savais qu’il existait quatre groupes de paranormaux : les sorciers, les vampires, les fæ et les changeurs. Je savais également qu’ils accordaient une importance primordiale à la confidentialité, ce qui signifiait que tout humain qui était au courant de leur existence était soit une menace, soit un pion. Comme aucune de ces options ne me plaisait plus que l’autre, je gardais ce secret pour moi.

    Comment m’étais-je donc, alors que j’étais humain, retrouvé dans une université paranormale ?

    Au début, ce n’était qu’une sensation fébrile. J’avais toujours fait confiance à mon instinct et là, il me disait de foutre le camp de cette ville. Comme j’étais en plein dans une affaire, j’avais décidé d’ignorer cet avertissement. Apparemment, coincer un hacker d’un niveau digne d’un CM1 avait plus d’importance que ma propre vie.

    J’avais ensuite commencé à me réveiller au milieu de la nuit, le corps rempli d’adrénaline, comme si je venais de sprinter ou qu’un danger imminent me guettait. Je me sentais observé quand j’étais seul. Après trois jours passés dans cet état, j’en eus assez. Je me rendis dans mon bureau, plaçai un panneau marqué fermé sur la porte avant de la verrouiller, et je me préparai à éteindre mon ordinateur. Le billet d’avion pour Hawaï que je gardais dans ma poche était un aller simple.

    La porte s’ouvrit, faisant retentir la clochette. Surpris, je levai les yeux de mon écran, pourtant sûr d’avoir tout verrouillé. Un homme grand, sombre, mince et à l’allure menaçante entra. Il s’avança dans mon bureau sans regarder autour de lui et déposa mille dollars en billets de vingt devant moi.

    — Vous allez m’aider à retrouver ma fille.

    S’il m’avait demandé autre chose que de récupérer un enfant disparu, j’aurais prétexté ne pas être disponible. Je ne demandais jamais comment mes clients m’avaient trouvé, car je savais qu’ils tenaient à leur discrétion. De la manière dont je voyais les choses, si quelqu’un me trouvait, c’était parce qu’il avait besoin de la personne la plus compétente dans le domaine et qu’il était prêt à y mettre le prix. Je ne me mêlais pas des affaires louches, mais mes clients étaient en général gênés par la raison qui les avait amenés dans mon bureau.

    — Quel âge a-t-elle ?

    Je m’étais emparé de mon carnet de notes, prêt à l’écouter me parler de sa fille de dix-sept ans qui s’était enfuie avec son petit-ami. On me confiait ce genre d’affaires plus souvent que je ne l’aurais souhaité, mais si l’enfant en question était majeur, je ne pouvais rien faire pour les parents. Ces derniers ne le prenaient pas toujours très bien et cet homme me paraissait autoritaire, têtu et déraisonnable.

    — Elle a six ans.

    Je levai les yeux de mon carnet. Autoritaire, oui, mais il n’avait pas l’air d’un mafieux. Il portait un pantalon noir ainsi qu’une chemise de la même couleur à col haut, rentrée dans son pantalon. Aucun signe d’une arme à feu, aucune indication d’un gang, aucun tatouage visible. Ses cheveux noirs et courts étaient propres et démêlés. Ses yeux brun foncé, profondément enfoncés dans leurs orbites, révélaient un regard froid que j’avais attribué à la situation. Ses pommettes étaient saillantes, sa peau claire, son front marqué par des rides d’expression, et une cicatrice en forme de croissant courait du coin droit de sa bouche jusqu’à l’extrémité de son menton.

    Mon instinct me poussa à agir prudemment.

    — Vous devriez aller voir la police. Si elle a été enlevée ou s’est perdue, ils auront plus de chances que moi de la récupérer. Ils disposent de davantage de personnel et de ressources.

    — Il s’agit d’une affaire familiale, Monsieur Sanders. Je ne veux pas que les médias soient impliqués.

    — Un membre de votre famille vous l’a prise ?

    Je me tenais toujours à l’écart des affaires de litiges pour la garde des enfants. Pour moi, ces derniers en étaient toujours les victimes, quel que soit le dénouement, et je refusais donc de m’en mêler. Si la vie d’un enfant était en danger, c’était un tout autre sujet, mais ce n’était jamais le cas.

    — Non, elle a été enlevée. Je vous paierai le double de votre tarif habituel, plus les frais, et ceci, avait-il répondu en poussant la liasse de billets de vingt vers moi, est un bonus afin que vous traitiez mon cas en priorité.

    Je faillis lui révéler que je ne m’occupais d’aucune affaire à ce moment, mais je me ravisai, en calculant que le bonus seul couvrirait la somme perdue dans l’achat du billet d’avion. Je voulais refuser l’affaire, mais quelque chose me disait qu’il n’irait pas voir la police, quel que soit le degré de danger auquel son enfant était exposé.

    — Comment vous appelez-vous et comment puis-je vous contacter ?

    — Je m’appelle John Cross. Ma fille Reagan Cross a été vue pour la dernière fois à l’école. Je vous contacterai quand vous l’aurez trouvée.

    Sur ces mots, il tourna les talons et sortit de mon bureau.

    Je soupirai. Il aurait tout aussi bien pu me donner une tomate et me demander d’en faire de la limonade. Je ne savais pas comment il pouvait s’attendre à ce que je retrouve sa fille sans même me donner le nom de son école. Mais il avait une bonne raison de bien me payer ; je faisais un excellent travail.

    Reagan Cross n’était pas un nom courant et je savais qu’elle était soit en maternelle, soit en CP. Notre situation géographique ne m’indiquait rien ; John avait très bien pu parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour me voir. Je commençai par chercher John sur Google, mais ne trouvai rien. Pas même une page Facebook. Les résultats me dirigèrent vers d’autres personnes du même nom, mais aucune page ne contenait de photos de lui.

    Je tapai donc « Reagan Cross », puis « Honneurs ». Comment une élève de maternelle pouvait-elle figurer sur le tableau d’honneur, je n’en avais pas la moindre idée, mais c’était le cas. J’obtins ainsi le nom de son école. Comme j’avais laissé ma voiture à mon ex-femme, j’empruntai celle d’un ami et parcourus les trois heures qui me séparaient de la petite ville dans laquelle se trouvait l’établissement. Ne connaissant pas encore la durée de mon séjour, je commençai par prendre une chambre dans un motel. Le meilleur endroit pour obtenir le genre d’informations que je cherchais était le diner local. Je suivis donc la rue principale à pied jusqu’à l’école et en trouvai un, pile en face.

    La ville était excessivement pittoresque. C’était le genre d’endroit où un jeune couple dont la voiture est tombée en panne se trouve forcé de s’arrêter et disparaît à tout jamais. Le genre de ville où les gens s’installent pour y cacher leurs secrets les plus sombres.

    La serveuse m’adressa un sourire dès que j’eus franchi la porte et me demanda si je souhaitais m’asseoir à une table ou à un box. Lorsque j’optai pour le box, elle jeta un coup d’œil derrière moi et me demanda si j’étais seul.

    — Oui, répondis-je gaiement.

    Être seul me convenait parfaitement. Couverts et menu à la main, elle me guida à travers la salle à manger exiguë. Nous allions dépasser un box vide lorsque mon instinct me dicta que j’allais

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