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Enseignement supérieur et inégalités sociales: Entre politiques publiques et parcours éducatifs
Enseignement supérieur et inégalités sociales: Entre politiques publiques et parcours éducatifs
Enseignement supérieur et inégalités sociales: Entre politiques publiques et parcours éducatifs
Livre électronique584 pages6 heures

Enseignement supérieur et inégalités sociales: Entre politiques publiques et parcours éducatifs

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Le Québec, comme l’ensemble des provinces canadiennes, a fortement investi dans l’enseignement postsecondaire depuis le début des années 1960. Les cheminements scolaires et la structure du système éducatif en ont été profondément transformés. De nombreuses personnes, en provenance de différentes fractions sociales et d’âges variés, ont davantage investi l’école, particulièrement au niveau des études supérieures. Les progrès en matière de démocratisation réalisés à ce jour sont indéniables. Cependant, des processus de reproduction sociale persistent et produisent toujours des inégalités sociales. Si, depuis le milieu des années 1980, les politiques éducatives ont donné lieu à de nouvelles réformes davantage axées sur sa néolibéralisation, la question des inégalités revient aussi à l’ordre du jour.

Les contributions réunies dans cet ouvrage visent à mieux comprendre la situation récente des inégalités scolaires et de l’expérience étudiante. Le point commun tient dans l’approche longitudinale, permettant d’analyser les liens entre les changements historiques et les parcours éducatifs. Cette approche jette un éclairage inédit sur le développement de l’enseignement supérieur, les choix politiques et leurs effets sur les inégalités et la diversité des expériences scolaires. En ce sens, tous les acteurs et actrices de l’enseignement supérieur sont interpelés ; la lecture des contributions éclairera leur expérience étudiante, enseignante ou gestionnaire.
LangueFrançais
Date de sortie1 nov. 2023
ISBN9782760558649
Enseignement supérieur et inégalités sociales: Entre politiques publiques et parcours éducatifs

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    Aperçu du livre

    Enseignement supérieur et inégalités sociales - Pierre Doray

    Introduction¹

    Au cours des 70 dernières années, le Québec, comme l’ensemble des provinces canadiennes, a fortement investi dans l’enseignement postsecondaire. En effet, au tournant des années 1960, un consensus s’est fait jour pour démocratiser cet enseignement, qui était en fait composé de plusieurs types d’établissements, souvent indépendants les uns des autres. Un premier type, le plus connu, était les universités, composé de trois universités anglophones et de trois universités francophones. Les autres établissements étaient composés d’écoles spécialisées (écoles normales, École des beaux-arts, Polytechnique et HEC) et des écoles techniques présentes dans plusieurs villes de la province.

    Les réformes ont conduit à la création des collèges d’enseignement général et professionnel (cégeps) par l’intégration du cours collégial des collèges classiques et des écoles techniques, à la fondation du réseau de l’Université du Québec, avec des constituantes dans les principales villes du Québec, et à la fusion de plusieurs écoles spécialisées au sein des universités. Cette démocratisation se voulait régionale ou géographique, sociale (accès accru pour toutes les catégories sociales) et culturelle (démocratisation des savoirs). Cette réforme visait aussi à doter le Québec d’une main-d’œuvre apte à participer aux progrès de l’économie de services et, par la suite, de l’économie du savoir. Pour atteindre ces objectifs et faire face à l’entrée dans l’université des « baby-boomers », les investissements publics ont accru l’offre des études, particulièrement par la multiplication des établissements, par leur croissance et par la diversification des programmes d’enseignement.

    Les progrès en matière de démocratisation réalisés à ce jour sont indéniables. Nous avons assisté à une massification de l’enseignement postsecondaire (Merle, 2000 ; Kamanzi et Doray, 2015). Comme l’indique l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (2009), le Canada fait partie des pays où le taux de participation aux études postsecondaires est le plus élevé. En 2009, 56 % des jeunes adultes canadiens âgés de 25 à 34 ans avaient un diplôme d’études postsecondaires, contre une moyenne globale de 34 % pour les pays de l’OCDE. Malgré tout, des inégalités persistent, tant sur le plan de l’accès que sur celui de la persévérance et de la diplomation.

    Le présent ouvrage cherche à mieux comprendre ces deux faces du développement de l’enseignement postsecondaire analysé dans une perspective longitudinale, en étant attentif aux parcours éducatifs des acteurs sociaux, aux trajectoires des politiques et, plus largement, à l’action éducative et aux repères historiques, soulignant les changements tant au sein du système éducatif qu’au sein des sociétés.

    Dans la première partie, nous proposons un cadrage théorique autour des concepts de parcours éducatifs et d’inégalités en éducation. Ce cadrage inclut aussi une analyse des changements institutionnels et des mutations récentes de l’enseignement postsecondaire (EPS). La deuxième partie porte plus explicitement sur le concept de parcours scolaires, définis comme étant les parcours éducatifs poursuivis dans le cadre de la formation formelle dans les différents ordres d’enseignement. Les contributions examinent la diversification des parcours scolaires dans un effort de mieux saisir leur morphologie. Elles portent aussi sur des moments particuliers de ces parcours, comme l’accès à l’enseignement postsecondaire ou l’obtention des diplômes. La troisième partie regroupe des contributions aux liens étroits avec l’action publique en éducation. Certaines font référence aux actions au sein des établissements comme les cégeps ou les universités, d’autres ont une portée macrosociale.

    Partie 1. Cadrage théorique

    La première partie du livre reprend des éléments de cadrage théorique autour de deux concepts incontournables pour nos analyses : les parcours éducatifs et les inégalités scolaires et sociales. Nous avons adopté le concept de parcours (chapitre 1) après avoir confronté différentes approches théoriques à « teneur longitudinale » et les concepts utilisés. Nous avons produit notre propre synthèse autour du concept de parcours éducatif, considéré comme une suite de décisions, de situations et d’événements relatifs à l’éducation. Ce concept comporte deux grandes dimensions. La morphologie consiste à tenir compte de la forme que les séquences peuvent prendre. Cet aspect n’est théoriquement pas anodin. Les formes que les parcours prennent peuvent révéler des stratégies d’études des étudiants, leur autonomie face aux prescriptions scolaires ou leurs rapports à l’orientation et à l’emploi. En même temps, ces formes peuvent aussi révéler des évolutions sociales comme l’individualisation (Martucelli et de Singly, 2008 ; Lebart, 2008), définie comme une conception de l’acteur social considéré comme un individu autonome et responsable et comme une plus grande indépendance par rapport aux institutions sociales et à leurs préconisations.

    La seconde dimension reprend les différents principes analytiques servant à distinguer les parcours en tenant compte du contexte social, des conjonctures et des expériences sociales plus larges que les expériences scolaires. Quatre principes sont mis de l’avant : les articulations entre acteurs sociaux, rapports institutionnels et rapports sociaux, les articulations entre les événements qui jalonnent les parcours et leur signification subjective, les transactions entre l’expérience scolaire et l’expérience extrascolaire (relations sociales en dehors de l’école et conditions de vie) et la prise en compte des temporalités plus larges (effet d’héritage et effet des anticipations sur l’expérience en cours).

    Le chapitre 2 porte sur les inégalités scolaires ou les inégalités sociales observées dans le champ éducatif. Si la lutte contre ces inégalités constitue un objectif central des réformes éducatives, cela ne signifie pas que ces dernières réussissent à les éliminer. Les auteurs soulignent le fait que la réforme de l’éducation des années 1960 avait comme objectif l’égalisation des chances pour des raisons sociales et économiques. Les deux faces de la massification de l’éducation sont présentées : s’il y a bien mobilité scolaire ascendante à la suite de la réforme, les processus de reproduction sociale sont aussi présents. C’est pourquoi il ne faut pas confondre massification et démocratisation de l’éducation.

    Au-delà de ce constat, le chapitre présente une synthèse des études sur les inégalités sociales réalisées au Québec en rappelant les perspectives analytiques qui y sont mobilisées. Les premiers travaux, produits dans le cadre de la recherche ASOPE (Aspirations scolaires et orientations professionnelles des étudiants), font des aspirations, et donc des processus d’orientation scolaire et professionnelle, l’une des sources d’inégalités, et ce, dès le secondaire. L’éventail des facteurs d’inégalité est élargi avec l’introduction des théories de la reproduction pour rendre compte des inégalités avec les travaux de Dandurand (1986, 1990, 1991 ; Dandurand, Fournier et Bernier, 1980) ou d’Escande (1973). Dandurand précise que la reproduction scolaire suit les rapports de force dans une société et qu’elle est imputable à l’appartenance de classe, aux rapports de genre et aux rapports interculturels. Des recherches plus récentes mettent l’accent sur les dynamiques de développement du système éducatif, elles-mêmes associées aux conjonctures sociales et politiques, dont la montée de la nouvelle gestion publique et de la gestion axée sur les résultats. Il est aussi possible de dégager les effets de la coexistence de marchés scolaires différents sur l’accès aux études postsecondaires.

    À l’instar de nombreuses sociétés, le Québec a connu deux conversions des politiques éducatives au cours des 60 dernières années (chapitre 3). Une première a conduit à la mise en œuvre de politiques providentialistes au cours des années 1960, qui a constitué une importante bifurcation de la trajectoire des politiques éducatives et de l’organisation du système d’éducation.

    Le Québec connaît alors une réforme en profondeur de son système éducatif avec la création d’établissements nouveaux, les cégeps. Cette réforme s’inspire des politiques providentialistes en faisant la promotion de la lutte contre les inégalités scolaires afin de favoriser l’accès aux études postsecondaires. Cela s’est traduit par un accès géographique élargi par la création des cégeps et d’une nouvelle université, l’Université du Québec, dans différentes villes et régions. La lutte aux inégalités a aussi conduit à agir sur les inégalités sociales et culturelles afin de favoriser l’accès des francophones (les Canadiens français), des femmes et des adultes aux études postsecondaires. L’éducation devient un outil de protection sociale contre le chômage, qui ouvre aussi sur une possible mobilité sociale dans un contexte de changements sociaux et économiques.

    La seconde conversion se fait sentir au milieu des années 1980, avec les politiques fondées sur la nouvelle gestion publique et le rapprochement entre éducation et économie. Le chapitre 3 reprend cette évolution et souligne certaines conséquences en matière de conception des inégalités scolaires. L’un des enjeux majeurs de cette conversion a été l’augmentation des frais de scolarité. L’opposition étudiante, qui s’est manifestée par la grève du printemps 2012, nommée « printemps érable », s’est largement réalisée autour de cet enjeu. Quatre thèmes sont abordés dans le texte : la concurrence accrue entre les établissements, la gestion axée sur les résultats, l’effet des coupes budgétaires et la transformation de la conception des inégalités scolaires. Les politiques de lutte contre le décrochage et celles axées sur la persévérance introduisent une autre dimension, soit les inégalités dans l’éducation avec les inégalités de réussite et de diplomation.

    Partie 2. Les parcours scolaires : entre description et compréhension

    Les contributions de cette partie explorent différentes dimensions de la notion de parcours scolaires. En s’intéressant à la morphologie, soit à la structure des séquences dont la somme constitue des parcours, les auteurs souhaitent mieux comprendre si les parcours se sont diversifiés au cours des années ou si une catégorie précise d’étudiants – les jeunes issus de l’immigration – emprunte certains parcours et en délaisse d’autres.

    Moins d’étudiants poursuivraient leurs études de manière continue et linéaire, leurs parcours seraient davantage discontinus, les interruptions et les retours aux études plus fréquents, etc. Cette tendance serait liée aux processus d’individualisation sociale et à la diminution du poids des institutions sur les destinées des individus. Elle amène à penser que la morphologie des parcours se diversifie avec la présence d’interruptions des études, une durée variable des interruptions et des retours aux études et la continuité du cheminement disciplinaire (changements de programme, changements d’orientation, etc.).

    Le chapitre 4 compare les parcours scolaires de deux cohortes d’élèves entrés au secondaire en septembre 1994 et en septembre 2002. Un premier constat est celui de la grande variabilité des parcours, ce qui tend à soutenir la thèse d’un effet de l’individualisation. Toutefois, l’analyse dégage une forte concentration des parcours qui suivent les cheminements prescrits par le système. En plus, la situation a peu changé entre 1994 et 2002. Par ailleurs, l’extension de la période d’observation (de 10 ans à 18 ans) des parcours des étudiants de la cohorte de 1994 indique que la proportion des parcours non linéaires augmente davantage (autour de 10 points de pourcentage). Nous assistons à des retours aux études qui réduisent la part des personnes qui ont terminé leurs études au secondaire, alors que le nombre de celles qui reviennent en formation professionnelle, au cégep ou à l’université augmente. Ce mouvement est plus fort chez les filles que chez les garçons.

    Une autre approche de l’analyse typologique des parcours est proposée par Kamanzi, Magnan et Pilote (chapitre 5) pour repérer les parcours scolaires empruntés par les jeunes issus de famille immigrante. Plutôt que de démarrer l’analyse en utilisant une classification automatique des séquences constitutives des différents parcours, les trois auteurs définissent cinq parcours types qui tiennent compte de la transition entre l’enseignement secondaire, les études collégiales et la poursuite des études à l’université. Les auteurs insistent sur le caractère linéaire ou non linéaire des parcours et sur le cycle de fin d’études. Par la suite, l’analyse consiste à saisir l’effet de l’origine géographique des parents sur le choix des parcours empruntés, tout en tenant compte d’un ensemble de facteurs sociaux et scolaires.

    L’analyse descriptive indique une différenciation selon l’origine géographique. L’analyse multivariée corrobore et précise ce premier constat. Ainsi, la probabilité de suivre un parcours linéaire est variable selon cette origine et elle est, dans tous les cas, plus élevée que chez les jeunes provenant de familles dont les deux parents sont nés au Canada. Cette différenciation est particulièrement importante dans le cas des parcours qui conduisent à l’université. Nous pouvons aussi noter que les jeunes des familles provenant de l’Amérique latine et des Caraïbes se différencient sur deux aspects : la probabilité de réaliser un parcours linéaire et celle d’aller à l’université sont négatives.

    Il faut retenir que l’individualisation serait une tendance significative à moyen et à long terme. À court terme, les écarts sont faibles. La majorité des parcours sont toujours encadrés par l’organisation du système scolaire. Il existe une tendance significative des retours aux études, même après plusieurs années. L’analyse des parcours des jeunes issus de l’immigration souligne un effet d’ancrage social.

    Les deux chapitres suivants (6 et 7) analysent l’effet de la segmentation de l’enseignement secondaire en différentes filières, sur l’accès aux études postsecondaires, soit l’accès au cégep pour Kamanzi, Laplante et Doray et aussi l’accès à l’université pour Prats, Laplante et Doray. Les deux chapitres se différencient par les méthodes statistiques utilisées.

    La segmentation actuelle du secondaire trouve ses sources dans la consolidation de l’enseignement privé en 1968 par le gouvernement de l’Union nationale, qui a accordé le droit de sélectionner les élèves et a octroyé des subventions de fonctionnement. Par la suite, au cours des années 1980, des politiques favorisant la création de cheminements particuliers au sein de l’école publique, afin de contrer l’influence de plus en plus grande des écoles privées, ont créé un système à trois vitesses.

    L’analyse proposée des modes d’accès au cégep recourt à des systèmes d’équations structurelles qui permettent de différencier les effets directs de l’origine sociale et les effets indirects, c’est-à-dire leurs effets sur l’accès aux différentes filières du secondaire. Les constats conduisent à conclure à une influence significative des effets directs de l’origine sociale et de la segmentation scolaire. Ces processus affectent les garçons comme les filles, mais ils sont plus importants pour ces dernières.

    Le chapitre 7 reprend cette question en élargissant le champ d’observation à l’université et en recourant à d’autres outils statistiques, les régressions logistiques et l’analyse de survie. Dans une perspective longitudinale, les auteurs insistent sur une caractéristique du système scolaire québécois, c’est-à-dire l’existence d’une double transition afin d’entrer à l’université, soit l’accès au cégep, et, par la suite, l’accès à l’université. Dans l’ensemble, l’accès aux cinq filières enrichies – les écoles publiques dans des programmes enrichis et dans des programmes d’éducation internationale (PEI), ainsi que les écoles privées dans les mêmes programmes – est influencé positivement par l’origine sociale et, en partie, par le genre. Par contre, le même accès est diminué si l’on connaît des difficultés scolaires ou si les élèves ont commencé le secondaire avec un retard.

    L’analyse de survie souligne que la probabilité d’entrer au cégep baisse selon le nombre d’années écoulées depuis l’obtention du diplôme, tant en formation préuniversitaire que dans l’enseignement technique. L’accès à la première augmente selon le statut socioéconomique de la famille et le fait que l’on a suivi le secondaire dans l’une des filières enrichies, alors que l’accès à la formation technique diminue selon le statut socioéconomique et les études dans les filières enrichies.

    Les auteurs ont distingué l’accès à l’université selon la voie de formation au cégep (préuniversitaire/technique), car les diplômés de l’enseignement technique sont de plus en plus nombreux à poursuivre leurs études à l’université. Le constat le plus intéressant tient dans le fait que le statut socioéconomique et le passage dans les filières enrichies du secondaire ont un effet significatif sur cet accès des diplômés du technique à l’université. Faut-il penser que même si les diplômés des filières enrichies vont proportionnellement moins vers l’enseignement technique, ceux qui s’y orientent sont proportionnellement plus nombreux à poursuivre leurs études dans des programmes universitaires ? Faut-il y voir un effet de rappel des dispositions scolaires acquises dans les filières enrichies au moment de choisir d’intégrer le marché du travail ou de poursuivre ses études ?

    Un autre moment des parcours est étudié dans les chapitres 8 et 9, soit la réussite scolaire et l’obtention d’un diplôme. Moulin et Gingras explorent ce qu’ils appellent le double effet du capital culturel sur la réussite scolaire : celui relatif à la culture familiale, et donc aux dispositions culturelles des parents, et celui de la composition sociale des classes, avec la proportion variable des pairs qui ont des parents avec des diplômes d’études supérieures. Les résultats soutiennent effectivement l’hypothèse du double effet. Cela conduit les auteurs à s’interroger sur la pertinence des mesures de défavorisation afin de distinguer les écoles, car elles sont construites avec des variables qui ont peu à voir avec les dispositions culturelles, et à souligner que les inégalités sociales de réussite scolaire seraient moins élevées dans les écoles mixtes.

    L’analyse de Moulin porte sur la différenciation de la réussite des garçons et des filles. Son intérêt tient dans l’objectif de « tester » trois ensembles de facteurs qui ont été dégagés dans les écrits antérieurs : les aspirations scolaires variées selon le genre, les attitudes face à l’école, ce qui renvoie au métier d’étudiant (Coulon, 1997) et au respect de la discipline scolaire, dont la régularité du travail scolaire. Les sources de données qui permettent d’explorer les trois ensembles de facteurs sont rares. Au Canada, la dernière enquête le permettant est l’Enquête auprès des jeunes en transition (EJET) qu’utilise Moulin. Il s’agit d’une enquête longitudinale qui permet de mesurer le poids des aspirations à 15 ans sur l’obtention d’un diplôme universitaire 10 ans plus tard.

    Son analyse permet de conclure que l’ensemble des facteurs retenus contribue à l’explication des différences genrées en matière de réussite scolaire (la probabilité d’avoir obtenu un diplôme universitaire à 25 ans). Toutefois, ce ne sont pas les mêmes facteurs qui sont les plus explicatifs selon le genre. Chez les garçons, ce sont les aspirations ; chez les filles, le capital scolaire de la mère et les aspirations. Il conclut que la différenciation des aspirations à 15 ans semble constituer le facteur le plus robuste de l’écart de réussite à 25 ans.

    Partie 3. La pertinence politique de l’analyse des parcours

    Cette troisième partie du livre regroupe des analyses qui évoquent les enjeux éducatifs actuels : l’orientation scolaire et professionnelle par une analyse de la situation des jeunes immigrants, les études des francophones qui choisissent d’étudier dans un cégep anglophone, la situation des autochtones à l’université et la question des droits de scolarité et de leurs effets sur l’accès à l’université.

    Le chapitre 10 analyse l’expérience scolaire des jeunes immigrants par une analyse croisée des récits d’élèves issus de l’immigration et des récits de professionnels autour d’un enjeu central de la scolarisation, l’orientation scolaire qui est souvent considérée comme éprouvante. Cette expérience de « choix » de programme d’études et de carrière professionnelle met en scène des élèves qui doivent préciser un choix entre différentes possibilités et des professionnels qui ont pour mission de les soutenir. L’analyse proposée, qui repose sur les travaux de Dubet (1994a) et de Martucelli (1996 et 1998), s’intéresse aux situations éprouvantes soit pour les élèves, soit pour les professionnels, soit pour les deux. Les auteurs soulignent les formes de domination sociale qui forgent l’épreuve du choix des élèves, qu’elles proviennent de la famille, du sentiment d’isolement et d’absence de droits ou de l’institution scolaire (obligation institutionnelle de choisir alors qu’ils vivent un sentiment d’indécision vocationnelle). Pour les conseillers d’orientation (CO), l’épreuve se manifeste dans une absence de connaissances de la culture des élèves immigrants, dans l’intériorisation des épreuves exprimées par les jeunes et dans l’absence de soutien dans la transition entre ordres d’enseignement.

    L’analyse cherche aussi à comprendre comment les épreuves sont surmontées. Une première façon déployée par les CO consiste, dans une logique stratégique, à rencontrer les parents afin d’élargir leur point de vue face au choix de leur enfant. Une seconde voie consiste à mieux connaître les élèves et leur culture. Pour leur part, ces derniers peuvent se soumettre aux choix parentaux, s’orienter en fonction de leurs préférences ou chercher à relier leurs études à des emplois. Mais cela ne signifie pas que les modes de résolution de l’épreuve seront permanents. L’expérience de la désillusion ou du désenchantement est toujours présente.

    Le chapitre 11 s’intéresse à l’expérience scolaire des étudiants francophones qui ont étudié dans un cégep anglophone. Cette situation est au cœur d’une controverse publique portant sur l’application de la loi 101 dans le cadre des études collégiales. Doit-on ou non étendre la régulation linguistique de l’accès aux écoles aux cégeps ? Reprenant le cadre théorique de la sociologie de l’expérience (Dubet, 1994a ; Dubet et Martuccelli, 1996, 1998), les autrices dégagent cinq types d’expérience qui, dans les faits, s’apparentent fortement à des parcours scolaires. Chaque type se distingue par la connaissance et l’aisance de l’anglais, des connaissances scolaires, le degré d’intégration sociale (participation active à isolement). Ils articulent d’une manière ou d’une autre les dimensions éducatives et les dimensions extrascolaires avec le rapport à l’intégration sociale.

    Le chapitre 12 porte aussi sur la lutte contre les inégalités scolaires, en posant également un regard sur les capacités d’action des établissements scolaires. Les autrices soulèvent la question des conditions permettant la mise en œuvre d’actions et d’interventions de soutien aux femmes autochtones au cours de leur parcours scolaire et de la réponse de ces dernières aux initiatives institutionnelles. Deux concepts sont mobilisés afin de réaliser une comparaison entre deux universités : les facteurs de conversion repris de la théorie des capabilités (Sen, 2000a ; 2000b) et l’intersectionnalité. Le premier aide à comprendre le passage entre l’équité formelle et l’équité réelle en permettant aux usagères d’utiliser les interventions pour soutenir leur parcours scolaire et d’élargir leur capacité d’agir. Le second fournit une grille de lecture des parcours scolaires et d’évaluation des interventions en insistant sur les interactions présentes entre différents traits identitaires et conditions de vie et d’études.

    Un premier constat ressort : l’augmentation de l’équité réelle dépend largement de la conversion des ressources et des interventions institutionnelles en capacité d’agir des étudiantes. Une condition favorable à cette conversion est le rapprochement qui guide la planification et la réalisation des interventions vers la culture des groupes sociaux ségrégés. Cet effort conduit à une réponse positive des personnes visées et, donc, à un soutien significatif dans le déroulement de leur parcours. Le second constat dégagé est l’importance d’examiner les actions et les interventions institutionnelles d’un point de vue intersectionnel. Il s’agit alors de les considérer, voire de les évaluer, en regard des interactions existantes entre les différents facteurs de production des inégalités et des conditions d’élargissement des capacités d’agir des usagères.

    Dans les deux derniers chapitres, l’objet est quelque peu différent, car il s’agit moins d’examiner la situation de catégories sociales particulières que de s’intéresser aux conditions de vie par le biais de l’enjeu des droits de scolarité et de leurs effets sur l’accès aux études universitaires. Cet enjeu a été au cœur de revendications des acteurs universitaires au cours des 30 dernières années : demandes d’augmentation des droits de la part d’une grande partie des directions universitaires afin d’assurer la croissance des universités dans un contexte de coupes budgétaires et demandes des associations étudiantes de réduction, ou de diminution, des mêmes droits au nom de la démocratisation des études.

    Le chapitre 13 démontre qu’au Québec, comme en Ontario, la probabilité d’entreprendre des études universitaires a varié, dans la seconde moitié du XXe siècle, en fonction du niveau des droits de scolarité. Leur augmentation a contribué à réduire l’accès global aux études universitaires, malgré leur massification. À ce fait déjà connu, trois autres conclusions le sont moins. D’abord, l’effet d’une hausse des droits n’est pas le même pour tous. En moyenne, augmenter les droits réduit l’accès des francophones et des jeunes dont les parents n’ont pas fréquenté l’université, mais n’influence pas l’accès des anglophones. Ensuite, l’effet d’une hausse des droits varie selon l’âge et pas tout à fait de la même manière dans tous les groupes sociaux. Plus intéressant, on voit qu’augmenter les droits de scolarité accroît la probabilité d’entreprendre des études universitaires pour les jeunes dont les parents ont fréquenté l’université. Ainsi, lorsque la formation universitaire est chère, elle devient un investissement dans un bien rare, et ceux qui l’acquièrent espèrent qu’il leur donnera un net avantage sur ceux qui ne l’ont pas.

    L’originalité de la démarche réside dans les choix méthodologiques retenus afin de contrôler l’effet de la massification des études universitaires. Ces résultats soulignent clairement l’effet des droits de scolarité sur l’accès aux études, ce qui permet de comprendre la baisse des inscriptions dans les universités observée au cours des années 1990. Les partisans des augmentations ne peuvent donc plus dire que les droits de scolarité n’ont pas d’effet sur l’accès à l’université, car les inscriptions ne font qu’augmenter.

    Le chapitre 14 expose justement une réflexion autour des liens entre justice distributive et considérations économiques associées aux études, en rappelant le lien étroit entre l’endettement étudiant et les droits de scolarité. Il s’agit d’une synthèse des travaux de recherche et de propositions de modifications du financement des universités québécoises en tenant compte de l’accessibilité aux études supérieures et de l’endettement étudiant. Ces questions ne sont pas anodines pour le développement de l’enseignement universitaire si l’on tient compte des coupes des budgets étatiques, de la contestation de l’augmentation des droits de scolarité, de l’appauvrissement des étudiants, des effets de la pandémie (avec la fermeture presque complète de l’économie et des emplois occupés par les étudiants) et de l’inflation. Le texte présente d’autres propositions face à la situation actuelle et souligne les enjeux de justice sociale (les effets inégaux des droits de scolarité et de leur augmentation selon les catégories d’étudiants) et économiques (les modes de financement des universités). Ce texte complète le chapitre précédent en renforçant les résultats obtenus et il ouvre sur une réflexion plus large, socialement et disciplinairement, en matière de politiques éducatives. Il est tout à fait dans l’esprit du transfert de connaissances en vue de l’action publique.

    1. La réalisation de ce livre a été rendue possible grâce à des subventions de recherche du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) et du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FQRSC). Les éditeurs et les auteurs de l’ouvrage tiennent à remercier vivement Edmond-Louis Dussault pour sa contribution à sa réalisation.

    De nombreux travaux de sociologie de l’éducation, en particulier ceux qui s’intéressent aux inégalités scolaires, ont une portée longitudinale dans la mesure où l’on cherche à expliquer, par exemple, un moment particulier du cheminement scolaire tel que l’accès aux études supérieures en recourant à des dimensions qui relèvent du passé des individus, comme l’origine sociale et l’expérience scolaire antérieure. Les analyses inspirées par les théories de la reproduction sont des exemples de cette perspective.

    On peut considérer cette approche comme le degré premier de l’analyse longitudinale. Il y a bien recherche d’articulation entre deux temporalités, le passé et le présent ; mais il ne s’agit pas de saisir le déroulement de la biographie, de comprendre les continuités et les ruptures ou de chercher à l’expliquer en recourant à différentes temporalités. Il n’est pas question de comprendre le trajet ou le cheminement des élèves comme séquence articulée de différents moments éducatifs ou scolaires ni de penser l’analyse en fonction d’une temporalité comme l’époque où se déroule la trajectoire ou l’âge des individus. Il ne s’agit pas non plus d’articuler les différentes temporalités de la biographie d’un individu pour en saisir les ressorts.

    Les analyses longitudinales sont donc bien présentes en éducation, mais elles n’y occupent pas une place prédominante. Les difficultés inhérentes à ce type de données et à la mise en œuvre de telles recherches expliquent en partie cet état de fait. Il reste que de nombreux pays ont investi dans de tels travaux au cours des dernières décennies². Ces travaux reposent largement sur une analyse des cheminements scolaires des élèves, reprenant en fait les étapes formelles des systèmes éducatifs de la société étudiée. On ne peut pas toujours parler d’un véritable effort systématique de théorisation de l’analyse longitudinale.

    Ce chapitre s’intéresse à cette question en comparant différents concepts utilisés dans une perspective longitudinale en sociologie de l’éducation dans un effort de clarification des différents usages et des diverses perspectives. Soulignons d’emblée un paradoxe : les concepts utilisés pour décrire des séquences d’événements biographiques sont à la fois marqués théoriquement et utilisés de manière interchangeable comme des synonymes. En fait foi l’exemple suivant : « les parcours de vie et les trajectoires biographiques des jeunes italiens sont de plus en plus flexibles et incertains » (Bory, 2009, p. 132), où l’on retrouve dans la même phrase les concepts de trajectoire, de biographie et de parcours de vie.

    Notre exploration théorique insiste sur les vertus de l’approche longitudinale. Nous avons donc cherché des points de repère dans la confrontation de quatre concepts principaux : les trajectoires éducatives, les carrières éducatives, les biographies éducatives et les parcours scolaires.

    Dans un premier temps, nous les décrirons en reprenant leur usage réel dans la sphère de l’éducation et en les inscrivant dans leur contexte théorique propre. Ensuite, nous présenterons la synthèse théorique. Nous retenons d’abord que le concept de parcours est le plus malléable ou le plus ouvert. Nous distinguons aussi deux dimensions constitutives : les enjeux de morphologie, ce qui oblige à penser aux différentes formes possibles des séquences examinées, et les principes analytiques, qui guident la manière de penser les parcours.

    1.La confrontation conceptuelle

    L’analyse des travaux sur l’accès, le décrochage scolaire ou la persévérance débouche sur un premier constat : ces dimensions de l’expérience scolaire sont influencées par plusieurs facteurs qui relèvent de différentes temporalités. Ainsi, plusieurs études ont dégagé les multiples voies par lesquelles l’expérience scolaire antérieure a un effet sur l’accès aux études postsecondaires ou sur la persévérance (p. ex. Murtaugh, Burns et Schuster, 1999 ; Horn, Nuñez et Bobbitt, 2000 ; Bourdieu et Passeron, 1970 ; Duru-Bellat, 2002 ; Ball et al., 2001, 2002 ; Swail, Cabrera et Lee, 2004 ; Duggan, 2004 ; Rodriguez, 2003 ; Warburton, Bugarin et Nuñez, 2001a, 2001b). D’autres insistent plutôt sur les facteurs relevant de l’expérience en cours. Les recherches soulignent combien la transition entre le secondaire et le postsecondaire, comme l’intégration sociale et intellectuelle dans le nouvel établissement scolaire, est un facteur incontournable de la persévérance ou des départs (Coulon, 1997 ; Tinto, 1993). D’autres recherches, enfin, insistent sur le rôle des anticipations et des projets comme facteur de modulation de l’expérience scolaire (Montmarquette, Mahseredjian et Houle, 2001 ; Béret, 1986, 2002 ; Felouzis et Sembel, 1997). Une conciliation raisonnée des différentes perspectives sur l’accès et la persévérance scolaires invite à dépasser une approche « multifactorielle » pour penser de manière longitudinale les questions d’accès, de persévérance et de poursuite des études et, plus globalement, d’accès aux diplômes. Mais une fois cela dit, quelles approches adopter ? Quels concepts peuvent nous guider ?

    1.1Les trajectoires éducatives

    La notion de « trajectoire » est particulièrement présente chez Bourdieu (1979a), qui la définit comme la succession de positions qu’un individu occupe au cours de sa vie au sein des rapports de classe, mais aussi dans les différents champs sociaux où il évolue. Il existe des trajectoires d’auteurs, de scientifiques, d’artistes. Les trajectoires individuelles sont très largement déterminées par l’origine sociale, qui contribue à les orienter en fixant la pente et les destinations possibles. Elles sont elles-mêmes inscrites dans la trajectoire familiale, qui peut être ascendante ou descendante, selon l’évolution intergénérationnelle dans les rapports de classes et la conjoncture. Comme les trajectoires se déroulent dans des champs spécifiques, les « règles du jeu » qui y prévalent contribuent aussi à leur construction. Les trajectoires scolaires renvoient à la succession des positions occupées dans le champ éducatif, et en particulier dans le système scolaire.

    Ce sont bien ces caractéristiques qui fondent le concept de trajectoires d’apprentissage (learning trajectories) proposé par Gorard, Rees et Fevre (1999). Celles-ci sont constituées de l’ensemble des activités de formation réalisées par un individu. Sur le plan théorique, les auteurs indiquent que l’idée de « trajectory […] may be summarised as a quasi-determinist view of an individual’s participation in formal education and training after initial schooling, based on the idea that the autonomy of the individual is bounded to a large extent by external structural and social constraints mediated by an internalised view of the value and availability of opportunities » (Gorard, Rees et Fevre, 1997, p. 3). Bien que les auteurs reconnaissent la marge d’action des individus, l’usage de la notion de trajectoire plutôt que celle de parcours (educational pathways) permet d’insister sur les aspects structurels, dont l’origine de classe, qui en fixent le déroulement.

    1.2Les carrières éducatives

    Ce deuxième concept vise, en général, à mieux comprendre l’intégration des individus dans un groupe social ou une institution. Trois traits génériques le caractérisent. Les carrières sont considérées comme une suite d’étapes. Pour entrer dans un groupe déviant, il faut d’abord commettre des gestes déviants et être publiquement reconnu comme tel. Il est alors possible de se reconnaître comme déviant. Les carrières ne recouvrent pas uniquement les événements, les situations, les incidents et les objectifs, mais elles articulent ces derniers avec la signification, comme la transformation de l’identité, qu’ils prennent aux yeux des acteurs. Finalement, les carrières articulent le formel et l’informel.

    Ces traits sont repris par Bloomer et Hodkinson (2000, p. 590), qui ont proposé le concept de carrière d’apprentissage (learning careers), défini comme

    une suite d’événements, d’activités et de significations qui sont façonnés et modifiés au gré de tels événements et activités. Les carrières tiennent aussi compte des relations sociales et de leurs modifications au cours de la période examinée. En outre, les relations entre la position des individus et leur disposition constituent une dimension du concept de carrière³ (traduction libre).

    Outre l’interactionnisme symbolique, deux autres sources inspirent ces auteurs. D’une part, ils mobilisent la théorie de l’habitus et soulignent ainsi comment les dispositions acquises dépendent de la position et de l’origine sociales. D’autre part, ils indiquent que ces dispositions sont malléables et réversibles, de telle sorte que le rapport à l’éducation peut changer au cours d’une vie. Ils s’appuient largement sur les travaux sur l’apprentissage situé qui soulignent que les changements d’attitude des individus face à la formation sont la conséquence de l’exposition à de nouvelles influences. Cette dernière source théorique conduit Bloomer et Hodkinson (2000) à réduire le caractère linéaire des carrières par la présence de possibles bifurcations dans le déroulement de celles-ci.

    Les concepts de trajectoire et de carrière d’apprentissage peuvent être rapprochés, bien qu’ils expriment des nuances différentes. Gorard et ses collaborateurs (1997) revendiquent une posture structurelle, quasi déterministe pour reprendre leur expression, insistant sur les ancrages sociaux comme facteurs de modulation des cheminements éducatifs. Bloomer et Hodkinson (2000) reconnaissent aussi l’importance de la socialisation et de l’origine sociale en reprenant la théorie des habitus, mais, en même temps, ils insistent davantage sur la signification que peuvent prendre les diverses expériences éducatives et sur les changements qui peuvent se produire à la suite de différentes expériences éducatives. À cet égard, leur perspective est largement inspirée par les approches interactionnistes des carrières. Deux traits caractérisent les carrières. Elles sont construites dans une relation entre les institutions sociales et scolaires, d’une part, et les individus, d’autre part. Les carrières sont une suite ordonnée d’événements ou d’étapes, construite en tenant compte du sens que ceux-ci prennent aux yeux des acteurs. Les carrières sont façonnées par le passé, mais aussi par les événements en cours. En ce sens, elles peuvent articuler différentes temporalités.

    1.3Les biographies éducatives

    L’approche biographique, dont l’étude de Thomas et Znaniecki (1918) est considérée comme un travail fondateur, repose sur l’usage de sources d’information qui permettent de constituer ou de reconstituer les biographies, incluant les autobiographies. Cette approche est plurielle et comprend la méthode biographique (Peneff, 1990), les récits de vie (Bertaux, 2010) ou les biographies éducatives (Delory-Momberger, 2003 ; Dominicé, 1999 ; Pineau, 1983). Elle vise d’abord à

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