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La gouvernance scolaire au Québec: Histoire et tendances, enjeux et défis
La gouvernance scolaire au Québec: Histoire et tendances, enjeux et défis
La gouvernance scolaire au Québec: Histoire et tendances, enjeux et défis
Livre électronique310 pages3 heures

La gouvernance scolaire au Québec: Histoire et tendances, enjeux et défis

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Le Projet de loi no 40 sur l’organisation et la gouvernance scolaires au Québec fait couler beaucoup d’encre depuis son dépôt à l’Assemblée nationale le 1er octobre 2019. Adoptée sous bâillon le 8 février 2020, sanctionnée le même jour et mise en œuvre ensuite, cette loi modifie de façon substantielle les rôles et les responsabilités des instances centrales, intermédiaires et locales en matière de gouvernance scolaire.

La gouvernance scolaire au Québec : histoire et ten­dances, enjeux et défis présente et interprète ces changements en les inscrivant dans une perspective historique, scientifique, politique et administrative. Pour ce faire, l’ouvrage propose d’abord une synthèse historique de la gouvernance scolaire au Québec depuis les premières institutions jusqu’à l’adoption en 2016 du projet de loi no 105 du ministre libéral de l’Éducation. Dans un deuxième temps, l’ouvrage offre une interpré­tation politique du projet de loi no 40 du gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) et de ses effets potentiels. Dans un dernier temps, l’ouvrage présente et interprète les principes et les modalités de cette nouvelle gouvernance scolaire « ici et maintenant » en s’intéressant aux trois instances administratives – centrales, intermédiaires et locales – et à leurs unités constitutives.

Le présent ouvrage s’adresse aux acteurs concernés et aux autres personnes intéressées par cette nouvelle gouvernance, particulièrement les cadres et les directions d’établissement, ainsi que les membres des conseils d’administration des centres de services scolaires. Les personnes œuvrant dans le domaine de l’éducation et celles en formation ainsi que les chercheurs liés aux sciences de l’éducation y trouveront aussi des informations susceptibles de rendre compréhensibles les modalités politiques et administratives qui conditionnent leur travail.
LangueFrançais
Date de sortie23 nov. 2022
ISBN9782760557871
La gouvernance scolaire au Québec: Histoire et tendances, enjeux et défis
Auteur

Olivier Lemieux

Olivier Lemieux est professeur en administration et politiques de l’éducation à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). En recherche, ses champs d’intérêt s’inscrivent principalement dans l’analyse politique de l’éducation et dans l’histoire de l’éducation au Québec. Il est notamment membre du réseau PÉRISCOPE et du Groupe de recherche interrégional sur l’organisation du travail des directions d’établissement d’enseignement du Québec (GRIDE).

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    Aperçu du livre

    La gouvernance scolaire au Québec - Olivier Lemieux

    Introduction

    Depuis l’élection de la Coalition avenir Québec (CAQ) le 1er octobre 2018, les changements législatifs, réglementaires et curriculaires imposent de nombreux défis aux acteurs scolaires¹. À ce titre, il est possible d’évoquer l’adoption au printemps 2019 de la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21) ; l’ajout d’un règlement sur les deux périodes de détente obligatoires (récréations) au Régime pédagogique de l’éducation préscolaire, de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire ; les modifications opérées à l’été 2019 au Règlement sur les autorisations d’enseigner ; l’adoption à l’automne 2019 de la Loi modifiant la Loi sur l’instruction publique et d’autres dispositions à l’égard des services de l’éducation préscolaire destinés aux élèves âgés de 4 ans (loi 5) ; l’adoption à l’hiver 2020 de la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires (loi 40) ; la publication en 2020 d’un nouveau référentiel de compétences de la profession enseignante ou encore la refonte du programme d’Éthique et culture religieuse et son remplacement par celui de Culture et citoyenneté québécoise.

    Ces modifications changent les rôles et les responsabilités de nombreux acteurs scolaires. Elles exigent également la compréhension des changements à implanter et des motivations derrière ces changements. Elles nécessitent enfin une appropriation de la part de tous les acteurs scolaires, une appropriation d’autant plus complexe qu’elle s’actualise dans un contexte instable et incertain de crise pandémique.

    Déposé le 1er octobre 2019 par le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Jean-François Roberge, puis adopté et sanctionné le 8 février 2020, le projet de loi no 40 modifie surtout la Loi sur l’instruction publique (Lip) et la Loi sur les élections scolaires. Selon les notes explicatives servant de préambule :

    Cette loi vise principalement à revoir l’organisation et la gouvernance des commissions scolaires, qui deviennent des centres de services scolaires administrés par un conseil d’administration, composé de parents, de représentants de la communauté et de membres de leur personnel.

    La loi établit des processus distincts pour la désignation ou l’élection des membres parents d’un élève et des membres représentants de la communauté au conseil d’administration, selon que le centre de services scolaire soit francophone ou anglophone. […]

    La loi modifie certaines fonctions du conseil d’établissement, prévoit la création du comité d’engagement pour la réussite des élèves et révise certaines fonctions du comité de parents et du comité de répartition des ressources.

    La loi impose aux membres des conseils d’administration et des conseils d’établissement l’obligation de suivre une formation élaborée par le ministre.

    […] Les normes d’éthique et de déontologie applicables aux membres des conseils d’administration […] sont déterminées dans un règlement du ministre. La loi permet notamment au ministre d’imposer des regroupements de services et de déterminer des objectifs ou des cibles portant sur l’administration, l’organisation ou le fonctionnement d’un ou de l’ensemble des centres de services scolaires, d’obtenir plus aisément les résultats des élèves aux épreuves qu’il impose au primaire et au secondaire et de communiquer avec les employés des centres de services scolaires et les parents du réseau scolaire.

    La loi contient également diverses mesures dont […] le retrait de certaines mentions dans la Loi sur l’instruction publique liées au cheminement spirituel, l’obligation pour un centre de services scolaire d’obtenir l’autorisation du ministre pour acquérir un immeuble, une obligation pour les municipalités de céder à titre gratuit des terrains aux centres de services scolaires, un pouvoir octroyé aux centres de services scolaires de suspendre le paiement de taxes en cas de sinistre et une simplification des démarches d’inscription des élèves dans un autre centre de services scolaire que celui du territoire de résidence […] (Assemblée nationale du Québec, 2020, p. 2-3).

    Si les changements opérés par le projet de loi n° 40 visent principalement une réorganisation de la gouvernance scolaire, certains éléments – comme l’imposition d’une formation continue obligatoire pour le personnel enseignant – sont indirectement liés à ce thème. Par « gouvernance scolaire », nous entendons dans le présent ouvrage un processus de coordination politico-administratif multiniveaux favorisant la participation de différents acteurs à la prise de décision à l’égard du milieu scolaire.

    Parmi les modifications prévues au projet de loi, les plus importantes concernent l’abolition du conseil des commissaires et son remplacement par un conseil d’administration (CA) composé de membres du personnel, de parents d’élèves et de représentants de la communauté de même que l’abolition des élections scolaires dans les commissions scolaires francophones. À ces changements s’ajoute une redistribution de certains pouvoirs des commissions scolaires, principalement vers le ministre.

    Ces modifications changent de façon importante les structures de l’organisation scolaire au Québec ainsi que les rôles et les responsabilités de ses acteurs. Ceux-ci doivent s’approprier ces changements et développer une meilleure compréhension des tendances et des enjeux qui en sont à l’origine et qui expliquent les résistances. Or, comme le soulignent Loi Zedda, Thibodeau et Forget (2017), qui se référent eux-mêmes à Levasseur (2006), si le changement fait partie intégrante de notre société, tout changement dans le domaine de l’éducation, qu’il soit curriculaire ou organisationnel, entraîne de la résistance de la part des acteurs. Ainsi, la résistance au changement serait inhérente au changement lui-même et elle agirait comme un système d’autodéfense de l’individu ou du groupe confronté à la transformation de son environnement. Si cette résistance peut comporter des effets positifs en conduisant à des améliorations ou à des ajustements des propositions de changement, elle entraîne souvent des conséquences négatives en augmentant la peur, le stress et les comportements agressifs (Bareil, 2008). Lorsque cette résistance est très importante, elle peut conduire à la diminution de l’efficacité d’une organisation ainsi qu’à l’échec de la mise en œuvre du changement proposé. C’est donc dans une perspective à la fois historique, politique et administrative que nous abordons les changements opérés par la loi 40, mais aussi ceux apportés par les différentes législations qui l’ont précédée.

    Pour ce faire, nous présenterons, dans un premier temps, une synthèse historique de l’administration et de la gouvernance scolaires au Québec depuis la création des premières institutions jusqu’aux changements effectués à la suite de l’adoption, en 2016, du projet de loi n° 105 du ministre de l’Éducation libéral Sébastien Proulx, lequel vient alors clore – jusqu’à l’élection de la CAQ en 2018 – les débats menés au sujet des commissions scolaires et de leur abolition. Cette synthèse vise principalement à dégager l’évolution du partage des rôles et des responsabilités entre les instances centrales, intermédiaires et locales ; les problèmes ou les irritants soulevés au fil du temps en lien avec la gouvernance scolaire ; les démarches de modifications législatives de la gouvernance scolaire ; les résistances manifestées par les groupes d’intérêt au fil du temps au regard des changements opérés à la gouvernance scolaire et les grandes tendances historiques en matière de gouvernance scolaire au Québec.

    Cette synthèse s’appuie exclusivement sur des études sur l’histoire de l’éducation au Québec ou sur ses principales composantes. Son originalité s’inscrit néanmoins, en comparaison avec les importants travaux conduits par les Louis-Philippe Audet, Andrée Dufour, Jean-Pierre Charland ou Jean-Pierre Proulx, dans une volonté de cibler les éléments de savoir spécifiques à l’histoire de la gouvernance scolaire. Par « gouvernance », nous adhérons à la vision d’une gestion efficace des ressources humaines, sociales et économiques de l’État (Lessard, 2006), mais nous faisons surtout référence au processus politique par lequel les décisions relatives au rôle de l’État et de ses institutions publiques sont prises et mises en œuvre (Conseil supérieur de l’éducation [Cse], 2001). Une telle vision de la gouvernance nous convie à nous intéresser à l’ensemble de l’exercice politique conduisant à la prise de décision et à ses effets. Par conséquent, une histoire de cette gouvernance exige d’écarter ce qui se situe à la périphérie du partage des rôles et des responsabilités des instances centrales, intermédiaires et locales à l’égard de la mission éducative ainsi que des enjeux et des défis qui entourent ce partage. En ce sens, certains événements trouvant d’ordinaire une place importante dans l’histoire de l’éducation au Québec seront abordés très brièvement dans la présente synthèse lorsque nous jugerons qu’ils ont peu d’effets sur ce partage des rôles et des responsabilités entre les instances et les acteurs.

    Une fois la synthèse historique présentée et les grandes tendances de la gouvernance scolaire au Québec dégagées, nous effectuerons, dans un deuxième temps, une interprétation de la loi 40 et des changements qu’elle opère sur le plan de la gouvernance scolaire. Dans ce deuxième chapitre, nous traiterons plus précisément des changements apportés par la loi 40 au modèle de gouvernance scolaire et de ses effets sur les rôles et les responsabilités des acteurs scolaires ; de la place de la démocratie représentative et de la démocratie participative au sein de la gouvernance scolaire, et du nouveau partage des rôles et des responsabilités entre les instances centrales, intermédiaires et locales au Québec.

    Cette interprétation se fera à la lumière des principaux constats identifiés lors de la synthèse historique, mais également des résultats des recherches menées dans le champ de l’administration et des politiques de l’éducation. L’originalité de ce chapitre se trouve donc dans la volonté d’interpréter la loi 40 et ses effets potentiels en l’inscrivant dans une perspective historique et en la mettant en relation avec les recherches scientifiques sur la gouvernance scolaire au Québec effectuées depuis le début des années 2000.

    Dans le troisième chapitre, nous nous concentrerons sur l’analyse politique. L’approche se veut à la fois descriptive et interprétative. Il s’agit de décrire les principes et les modalités de la gouvernance scolaire au Québec, ici et maintenant, mais aussi d’interpréter cette dernière grâce aux théories et aux méthodes associées au champ de l’analyse des politiques publiques. Plusieurs modèles sont pertinents pour l’analyse, mais nous privilégierons celui des « trois I » (Palier et Surel, 2005). Il invite à considérer de manière complémentaire trois dimensions de l’action publique : les intérêts, les idées et les institutions.

    La gouvernance scolaire au Québec s’exerce historiquement à travers trois niveaux d’instances : l’instance centrale, l’instance intermédiaire et l’instance locale (Lessard, 2006). Ici et maintenant, l’instance centrale se compose de l’Assemblée nationale, du gouvernement et de son ministre de l’Éducation, du ministère de l’Éducation et de quelques organismes de consultation. L’instance intermédiaire correspond aux centres de services scolaires (CSS), appelés « commissions scolaires » jusqu’en 2020². Ils sont gérés au quotidien par une direction générale qui compte plusieurs services et qui coordonne l’action de différents comités. La gouvernance prévoit aussi au sein des CSS un CA, un comité de parents et d’autres comités consultatifs. Il existe au Québec des établissements scolaires publics et des établissements scolaires privés. L’instance intermédiaire n’existe que pour le réseau des écoles publiques³. L’instance locale fait référence aux établissements scolaires, c’est-à-dire aux écoles préscolaires, primaires et secondaires, aux centres d’éducation des adultes et aux centres de formation professionnelle. Les établissements scolaires sont gérés par un conseil d’établissement et par une direction d’établissement. Il existe aussi au sein des établissements scolaires différents comités consultatifs.

    Nous proposerons dans ce troisième chapitre une mise en contexte politique du phénomène de l’État de droit et du concept de démocratie. Nous présenterons et interpréterons ensuite les rôles, les fonctions et les dynamiques d’action de chacune des trois instances.

    Enfin, le lecteur constatera au fil de la lecture que certains passages sont présentés à l’intérieur d’encadrés. Ces encadrés visent à mettre en exergue certains éléments contextuels ou théoriques qui ne sont pas essentiels à la compréhension générale de l’ouvrage, mais qui permettent d’apporter des compléments d’information.

    1. Par « acteur scolaire », nous entendons ce que Legendre nomme un « acteur du système éducatif », soit une « personne physique ou morale chargée institutionnellement de définir la politique éducative, d’élaborer les directives nécessaires à sa mise en œuvre, d’organiser, de gérer et d’animer le système éducatif […]. Peuvent être cités comme acteurs institutionnels du système éducatif : les assemblées élues […] ; le gouvernement ; les grandes administrations de l’État et leurs conseils spécialisés ; les administrations régionales [et locales] ; les enseignants et les autres personnels de l’éducation […], soit individuellement, soit par le canal de leurs délégués auprès de différentes instances consultatives ; les élèves par le canal de leurs délégués […] » (Commission ministérielle de terminologie de l’éducation (Fr.), 1992, cité dans Legendre, 2005, p. 10).

    2. Le terme « commission scolaire » ne disparaît pas puisque les commissions scolaires Crie et Kativik existent toujours. La transformation des commissions scolaires anglophones en centres de services scolaires a pour sa part été suspendue par la Cour supérieure du Québec le temps de rendre son jugement au sujet de la constitutionnalité de la loi 40.

    3. Il n’est question ici que du réseau des écoles publiques parce que les caractéristiques de la gouvernance scolaire sont très différentes dans le réseau des écoles privées.

    Chapitre 1

    Une brève histoire de la gouvernance scolaire au Québec

    L’histoire de la gouvernance scolaire au Québec est marquée par de constants et profonds changements. Bien que l’origine de ces changements soit variable, ceux-ci requièrent régulièrement des modifications législatives et réglementaires qui occasionnent des modifications de rôles et de responsabilités des instances centrales, intermédiaires et locales. Dans les prochaines lignes, nous présenterons les principaux épisodes historiques à l’origine des changements à la gouvernance scolaire au Québec. Ces épisodes sont aussi illustrés au moyen d’une ligne du temps faisant l’objet de la figure 1.1.

    Figure 1.1

    Ligne du temps de l’histoire de la gouvernance scolaire (1800-2022)

    1. Du laisser-faire aux tentatives d’élaboration d’un système scolaire public (1608-1840)

    Bien que le Régime français, période allant de la fondation de Québec en 1608 jusqu’au traité de Paris de 1763, ait légué un héritage éducatif au Québec, sa contribution à la gouvernance scolaire demeure timide. En effet, au cours de cette période, l’éducation est perçue comme une affaire privée relevant de la famille et, surtout, de l’Église. Au cours du Régime français, l’instance centrale, essentiellement composée du gouverneur (représentation du roi, relations extérieures), de l’intendant (administration de la colonie) et du Conseil souverain (plus haute cour de justice de la colonie), se borne à verser une aide financière irrégulière prenant surtout la forme d’octroi de seigneuries aux communautés religieuses (Conseil supérieur de l’éducation [Cse], 2001). L’instance intermédiaire est inexistante et l’instance locale demeure destinée à l’évangélisation des autochtones, à l’enseignement du catéchisme et à la formation du clergé (Charland, 2005).

    C’est au cours du Régime anglais, période s’amorçant avec la signature du traité de Paris de 1763 faisant suite à la conquête anglaise de la Nouvelle-France et se terminant avec l’Acte d’Union de 1840, que le réseau scolaire public prend progressivement de l’ampleur. Alors que la Province de Québec est créée en 1763 après que la France eut cédé la Nouvelle-France à la Grande-Bretagne, l’Acte constitutionnel de 1791, qui découle de la Révolution américaine (1775-1783) et de l’arrivée des loyalistes sur le territoire de la Province de Québec, conduit à la division de la colonie en un Haut-Canada et un Bas-Canada. Le Haut-Canada correspond environ à l’Ontario actuel et le Bas-Canada, au Québec actuel. Ces deux colonies sont toutefois à nouveau réunies à la suite des rébellions du Haut-Canada et du Bas-Canada (1837-1838) grâce à l’Acte d’Union de 1840. Elles forment alors le Canada-Uni, une colonie composée de deux provinces : le Canada-Ouest (ancien Haut-Canada) et le Canada-Est (ancien Bas-Canada) (Dickinson et Young, 2009).

    Durant le Régime anglais, le rôle de l’instance centrale s’affirme de plus en plus en matière d’éducation. À ce titre, l’Assemblée législative du Bas-Canada adopte, en 1801, la Loi de l’Institution royale pour l’avancement des sciences qui « autorise le gouvernement à nommer des commissaires ayant pour mandat de fonder et de gérer des écoles gratuites, d’engager et de payer des enseignants, d’organiser l’enseignement et de désigner des visiteurs, c’est-à-dire des notables aptes à évaluer le travail qui s’effectue dans les écoles » (Cse, 2001, p. 6). Moins d’une centaine d’écoles naissent de cette initiative, particulièrement chez les anglo-protestants. Les élites franco-catholiques se méfient pour leur part des écoles de l’Institution royale (encadré 1.1). Ces écoles poursuivent cependant leur œuvre et leur expansion au cours de cette période.

    Encadré 1.1

    Offensive de 1801

    Dans son ouvrage pionnier de l’histoire de l’éducation intitulé L’Enseignement français au Canada, le chanoine Lionel Groulx (1931, p. 77-78) qualifie la Loi de l’Institution royale pour l’avancement des sciences d’« offensive » des autorités britanniques, lesquelles auraient cherché à donner un pouvoir démesuré au gouverneur en matière d’éducation :

    dans l’intention de ses promoteurs, l’Institution royale devait être une sorte de commission permanente de l’éducation, un organisme directeur possédant autorité sur toutes les écoles de fondation officielle, chargée spécialement de la rédaction des règlements pour la gouverne de ces écoles et de leurs maîtres, investie, en outre, de la propriété de tous les biens scolaires, meubles et immeubles ; pour tout dire, institution omnipotente dont les extraordinaires prérogatives ne seraient égalées que par la toute-puissance du gouverneur sur elle-même. À lui, de par la loi, le soin de fonder et d’organiser l’Institution royale ; à lui la nomination des syndics, commissaires et autres membres, le choix du « président ou principal » ; à lui la sanction suprême de toutes les initiatives et de tous les règlements. […] Il y a lieu de se demander si monopole d’état plus vigoureusement organisé, mainmise plus absolue des autorités coloniales sur l’esprit des prochaines générations, pouvaient être imaginées.

    Plutôt que de lutter contre la loi, les élites politiques et religieuses franco-catholiques vont simplement amener leurs communautés à la bouder, voire à boycotter l’Institution royale et ses écoles, la conduisant ainsi graduellement vers une mort certaine en raison d’une baisse des crédits et d’une faillite imminente¹.

    Comme le souligne le Cse (2001), la Loi de l’Institution royale pour l’avancement des sciences marque considérablement l’histoire de la gouvernance scolaire au Québec, car elle confère à l’instance centrale – composée principalement du gouverneur, du Conseil législatif et de l’Assemblée législative – trois grands rôles en matière d’éducation : un rôle d’organisation du système scolaire ; un rôle de financement de l’école publique ; et un rôle de gouverne et d’orientation du projet national d’éducation. Le projet national d’éducation prend forme à travers le choix des contenus d’enseignement, le choix des critères servant à l’embauche du personnel enseignant, la sélection des manuels ainsi que le contrôle de la qualité de l’enseignement offert dans les écoles (Cse, 2019). De plus, cette loi instaure un phénomène qui s’accentue au cours des décennies suivantes, celui d’une dualisation religieuse et culturelle du système scolaire québécois, c’est-à-dire d’une coexistence sur le même territoire de deux réseaux scolaires publics définis d’abord en termes confessionnels, puis progressivement en termes linguistiques.

    Constatant l’insuccès de l’Institution royale et s’inquiétant de l’état de l’éducation des Canadiens français, particulièrement dans les campagnes, les élites canadiennes-françaises amorcent une lutte politique au cours des années 1810 et 1820 afin d’instaurer des écoles communes et démocratiques dans les communautés locales : « pendant les quatorze ans qui vont de 1814 à 1828, la Chambre d’assemblée aura débattu de pas moins de

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