Elvina
Par Natacha Condo
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À propos de ce livre électronique
Sortie du coma, une vieille dame se croit à une tout autre époque que la sienne. Y a-t-il une part de vérité dans celle qu'elle croit être ? Ce qui est sûr, c'est que sa vie est en danger.
Une vieille dame à la retraite croyait mener une existence paisible, quand un incident d’apparence anodin la conduit à l’hôpital et la propulse aux confins de sa mémoire. Au sortir de son coma, elle se réveillera à une époque qui mettra en lumière une malédiction qui touche sa famille depuis des générations. Pourquoi a-t-elle quitté le continent européen pour les États-Unis? Comment se fait-il qu’elle n’ait gardé aucun contact avec les membres de sa famille et qu’elle n’ait jamais parlé d’eux à sa fille?
Devenue la coqueluche des médecins en raison de cette situation complètement inusitée, arrivera-t-elle à retomber dans sa vie réelle avant qu’il ne soit trop tard? Partie seule en Écosse pour trouver des réponses, sa fille découvrira peut-être les dessous de cette histoire et l’origine de son vécu personnel marqué par les drames et les pertes.
Elvina nous plonge dans les mystères entourant le fonctionnement de la mémoire. À travers l’histoire et les pratiques ancestrales, c’est au gré d’anciens secrets familiaux que les héroïnes sont amenées à voyager dans le temps et de par le monde, confrontées aux limites de la réalité et de la fiction.
Natacha Condo
De psychoéducatrice à écrivaine. Passionnée de livres et de littérature depuis l’enfance, c’est à travers différents styles que Natacha Condo s’exprime par l’entremise de l’écriture: poésie, chansons, nouvelles. Psychoéducatrice depuis 1996, elle a publié un premier ouvrage en 2008 à titre de coauteure d’un essai qui se veut pour elle un outil de protection du public: Enquête sur Le Secret. Cette longue investigation relevait davantage de son travail en santé publique: recherches, lectures, entrevues avec des experts, faits, rigueur… Avec Elvina, c’est dans son monde imaginaire, qu’elle nous emmène, un récit inspirée de son passé, de ses voyages, et de son goût pour l’histoire, particulièrement celle des Celtes.
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Aperçu du livre
Elvina - Natacha Condo
Table des matières
Prologue 10
1 12
2 14
3 15
4 18
5 25
6 27
7 30
8 32
9 36
10 39
11 40
12 42
13 44
14 46
15 48
16 50
17 55
18 57
19 60
20 63
21 65
22 68
23 70
24 74
25 76
26 78
27 81
28 83
29 85
30 88
31 91
32 93
33 94
34 98
35 100
36 103
37 109
38 113
39 117
40 128
41 134
Elvina
Natacha Condo
img1.pngCatalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Elvina / Natacha Condo.
Noms : Condo-Dinucci, Natacha, 1972- auteur.
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20230058523 | Canadiana (livre numérique)
20230058531 | ISBN 9782925178941 (couverture souple) | ISBN 9782925178958 (PDF)
| ISBN 9782925178965 (EPUB)
Classification : LCC PS8605.O532 E48 2023 | CDD C843/.6—dc23
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) ainsi que celle de la SODEC pour nos activités d’édition.
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Conception graphique de la couverture : Séléna Dinucci
Photo : Ray Côté St-André @creationstylemontreal
Direction rédaction : Marie-Louise Legault
© Natacha Condo, 2023
Dépôt légal – 2023
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés. Toute reproduction d’un extrait de ce livre, par quelque procédé que ce soit, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
Imprimé et relié au Canada
1re impression, août 2023
Prologue
C’était un matin qui ressemblait à tous les autres de ces quinze dernières années au cours desquelles elle n’occupait plus le poste d’institutrice au village. Malgré ses 80 ans, Elvina McIntosh était toujours aussi pimpante qu’autonome. Dès le réveil, elle s’activait aux tâches de la maison : vaisselle, lavage, époussetage, pour ne s’arrêter, pensive, qu’une fois devant les nombreux cadres de portraits de famille. Ce jour-là, elle prit entre ses mains le portrait de Clarence, son mari décédé. Ce n’était pas de la tendresse ni de la peine qui émanaient de son visage, mais bien un soulagement ; c’était un souvenir classé. «Oui», se dit-elle, «que d’années perdues en énergie à le supporter, le ramasser et nettoyer derrière lui…» Le célibat n’avait été pour elle que libération et allègement. Elle déambulait dans sa coquette maison tout droit sortie d’un autre siècle où s’entassaient bibelots et cadres de famille posés sur de petits napperons tricotés à la main. Des meubles en bois jamais changés avaient traversé plusieurs décennies de sa vie. Pour sûr, certains jeunes auraient pu dire en entrant dans la maison que ça sentait le vieux.
Elvina reposa le cadre, poussière en moins, puis posa un regard attendri sur le portrait de sa petite Holly, sa seule enfant. C’est sûrement pour elle que ce fût le plus difficile de vivre sans son père, mais sincèrement, mieux valait qu’il parte avant de l’ennuyer elle aussi. L’aïeule passa ensuite inspecter son jardin, son éternel café à la main. S’arrêtant devant chaque arbre tout en caressant les fleurs, ce rituel du matin, elle ne l’échangerait pour rien au monde. C’était son moment de paix depuis si longtemps !
Oui, ce mercredi matin de mai en était un comme tous les autres. Comme toujours, à la suite de sa routine, Elvina partit panier à la main pour faire ses emplettes à l’épicerie du village. Elle n’avait qu’un petit kilomètre à franchir pour s’y rendre, un exercice qui à n’en point douter, contribuait à sa forme exceptionnelle.
—Bonjour, Patrick !
—Oh ! Elvina, comment ça va ?
—Ça va, ça va. Comme d’habitude, il n’y a pas de surprise. Holly est partie pour l’Écosse, hier. Elle avait envie de partir à la recherche de ses racines...
—Oui, c’est important, surtout quand la famille est peu nombreuse... enfin, j’imagine...
—Effectivement, elle aura au moins eu un enfant avec son dernier mari... C’est tout de même incroyable ; trois maris… tous décédés. Quelle malchance, une vraie malédiction !
Elvina s’avança et commença à tâter les fruits. Elle s’empara d’un sac et ramassa quelques poires soigneusement sélectionnées. Elle fit de même avec les pêches, puis le raisin. Elle sentit tout à coup une chaleur l’envahir, bien qu’en ce tôt matin de mai, il n’y avait aucune canicule. Après quoi, tout se mit à tournoyer autour d’elle. Son sac glissa doucement d’entre ses doigts et le bruit qu’il fit en tombant attira l’attention de Patrick O’Neill, même s’il était occupé à faire payer une cliente à la caisse :
—Elvina, tout va bien ? paniqua-t-il en se déplaçant vers elle.
C’est la dernière chose qu’Elvina entendit en ce beau mercredi matin de mai. Patrick n’a pas eu le temps de se rendre jusqu’à elle pour l’empêcher de s’effondrer au sol de tout son long. Vite, il la plaça sur le côté en lui parlant et hurla à la cliente de faire venir une ambulance. Il prit les signes vitaux de la vieille dame, pour constater que tout semblait normal, hormis la jambe droite qui commençait à bleuir en plus d’être légèrement enflée.
À l’arrivée de l’ambulance, Elvina n’avait toujours pas repris connaissance.
—Monsieur, vous êtes de la famille ?
—Non, je suis l’épicier, mais je la connais depuis toujours ; c’était mon institutrice !
Les ambulanciers installèrent délicatement la dame sur une civière avant de lui placer un masque à oxygène sur le visage.
—Pouvez-vous contacter quelqu’un de la famille pour prévenir qu’elle sera conduite à l’hôpital de Providence ?
—Sa fille est partie hier pour l’Écosse et je ne sais pas où la joindre. Par contre, sa petite-fille est à New York ; je devrais arriver à trouver son numéro de téléphone.
Les ambulanciers quittèrent rapidement l’établissement, toute sirène hurlante, en laissant Patrick O’Neill seul sur le seuil de son épicerie, avec un nœud dans l’estomac et les regards de la moitié des villageois posés sur lui. Madame Jones fut la première à l’interpeller.
—Patrick ! Je vais demander à Tiffany qu’elle téléphone à Phoebe, elles sont restées en contact.
—Oui, merci Helen. Qu’elle lui dise qu’Elvina est à l’hôpital de Providence.
—Bien sûr, je passerai te voir pour t’informer que ma fille l’a bien rejointe.
1
Lorsqu’elle ouvrit très lentement les paupières, Elvina avait une vue un peu embrouillée d’un environnement blanc et aseptisé. Aussi, une forte douleur l’élançait dans la jambe droite. Elle aurait voulu la bouger que ça lui aurait été impossible.
—Qu’est-ce qui s’est passé ? se demanda-t-elle.
Le seul fait d’essayer de se souvenir lui valut une terrible douleur à la tête. Un infirmier tout sourire entra dans la chambre et s’exclama :
—Wow ! Vous êtes là !
Il sortit la tête par l’ouverture de la porte et cria :
—Allez chercher le docteur ! La dame est réveillée !
Revenant vers la patiente, il nota que son regard était embrumé et qu’elle semblait apeurée.
—Tout va bien se passer, ma petite dame, le docteur va venir vous voir. Je crois bien que le plus dur est passé.
—J’ai très mal à la jambe, réussit à articuler Elvina.
—Ce ne sera pas long, madame McIntosh, le docteur s’en vient et va vous donner quelque chose pour vous soulager.
«Mme McIntosh ?» s’interrogea Elvina. «Jamais entendu parler. Pourquoi m’appelle-t-il comme ça ?»
—Excusez-moi, dit-elle. Qu’est-ce qui s’est passé ? Et je suis ici depuis quand ?
—Vous ne vous souvenez donc de rien ?
—Pas vraiment...
—Vous avez eu un malaise alors que vous faisiez vos courses. Vous êtes tombée, et vous vous êtes fait une vilaine fracture à la jambe, d’où la douleur.
—Ha ! Madame McIntosh ! Content de vous voir enfin. Je suis le Dr Bailey. Comment vous sentez-vous ?
—J’ai très mal à la jambe. Je suis ici depuis combien de temps ?
—Depuis trois jours déjà ! Votre petite-fille Phoebe a téléphoné plusieurs fois ; elle devrait être ici demain. Par contre, personne n’a pu joindre votre fille.
—Trois jours ? Qui est Phoebe ? Et pourquoi m’appelle-t-on madame McIntosh ?
—Madame McIntosh, je vais vous poser quelques questions pour voir où vous en êtes après cette longue sieste. Mais avant tout, je vais vous faire une petite injection pour soulager votre douleur.
Elvina fit une petite grimace lorsque l’aiguille s’enfonça dans son bras, mais ce n’était rien comparé à la douleur qui émanait de sa jambe.
—Alors, vous sentez-vous la force de répondre à quelques questions, ou préférez-vous que je repasse plus tard ? demanda le docteur.
—Non, allez-y.
—En quelle année sommes-nous ?
—En 1623, je crois.
À cette réponse, le docteur lança un regard en direction de l’infirmier.
—Je crois que je ne saurais pas dire le jour, par contre... ajouta Elvina.
—Ce n’est pas grave. Et où sommes-nous ?
—En fait, je ne sais pas où se trouve cet hôpital, mais j’étais à Perth, en Écosse.
Après un nouvel échange de regards avec son collègue, le docteur demanda :
—Et comment vous appelez-vous ?
—En fait, docteur, c’est ce qui m’inquiète le plus depuis tout à l’heure ; je ne comprends pas pourquoi tout le monde m’appelle madame McIntosh... Mon nom est Isobel Haldane.
—Bien sûr, bien sûr. Écoutez, tout va bien aller. Vous avez besoin de dormir et ce que je viens de vous donner va vous y aider. Je repasserai vous voir dans quelques heures.
—Docteur, cette Phoebe, il faudrait la rappeler pour éviter qu’elle se déplace inutilement et aussi, pour qu’elle arrête de s’inquiéter… Sa grand-mère va sûrement bien.
—Ça va aller, on s’occupe de tout.
Perplexe, le docteur Bailey sortit de la chambre, puis se dirigea vers le bureau d’accueil des infirmières, où l’une d’elles, une grosse femme bourrue, le regardait par-dessus ses demi-lunettes.
—Écoutez-moi, la prévint-il, la dame du 124 est complètement désorientée. Ne laissez personne entrer dans sa chambre, ça pourrait la traumatiser. En cas de visite, faites-moi appeler. Pour ma part, je vais rencontrer la famille pour leur expliquer la situation.
L’infirmière baissa la tête sans répondre et inscrivit une note sur la fiche 124.
2
Holly se trouvait au terminus d’autobus d’Édimbourg, après un transfert effectué à Londres, elle est fatiguée.
—Mais qu’est-ce que je suis venue faire ici ? Crise de la cinquantaine ? Peut-être... Ou peut-être qu’en vieillissant, ça devient important de savoir d’où on vient... Avant de repartir.
Cette pensée la fit frémir. Ayant été témoin de la mort de ses trois maris, on pouvait dire qu’elle l’avait vue de près ! Cette année sabbatique, Holly en rêvait depuis longtemps, elle qui se sentait un peu excédée de rentrer en classe chaque matin, avec les mêmes élèves, dans le même village... Toujours les mêmes visages. Depuis le début de son congé en janvier qu’elle préparait ce voyage. Remonter le plus loin possible dans son arbre généalogique et retrouver ses origines, tel était son objectif.
Selon ses recherches et ce que sa mère lui avait dit, elle devait se rendre à Perth, un petit village pittoresque... Encore ! Ils n’auraient pas pu s’installer dans une ville grouillante de touristes et d’activités ? pensa Holly. Malgré ses 50 ans et ses trois maris décédés, elle n’avait pas fait une croix sur l’amour. D’ailleurs, si on ne la connaissait pas, il était facile de se méprendre sur son âge. On lui aurait donné à peine 40 ans. Ses cheveux auburn qui tombaient sur ses épaules et ses yeux d’un vert profond amenaient plus d’un homme à se retourner sur son passage. «Ce n’est sûrement pas dans ce village que je ferais des rencontres palpitantes», se dit-elle.
—Bon, en prenant l’autobus 47, je devrais pouvoir me rendre sur St-Patrick’s Street pour trouver mon gîte.
Holly avait d’abord prévu passer environ deux semaines dans la capitale pour s’imprégner de la culture et visiter un peu, mais aussi, pour se rendre à la bibliothèque nationale et faire quelques recherches dans les archives, ce qui devrait guider ses pas par la suite.
Elle descendit de l’autobus et marcha jusqu’à l’adresse indiquée dans son guide. Une fois rendue, elle s’arrêta face à une charmante petite maison ancestrale et fleurie, et sonna. Une douce nanny lui ouvrit la porte. Avec ses 80 ans bien sonnés, ses cheveux retenus en chignon derrière la tête, ses petites lunettes classiques sur le bout du nez et sa robe fleurie flanquée d’un tablier de cuisinière, la femme semblait tout droit sortie d’un livre ! Elle accueillit chaleureusement sa nouvelle pensionnaire avec une tasse de thé, qu’elle lui servit dans un salon qui se voulait tout aussi classique qu’elle.
—Ainsi donc, commença-t-elle, vous êtes à la recherche de votre histoire ? Quelle merveilleuse aventure ! De nos jours, les jeunes n’ont plus rien à faire de leur histoire et de leurs racines ; c’est bien dommage...
—J’aimerais rester ici pour deux semaines, annonça Holly. Si vous avez une chambre de libre durant tout ce temps, bien sûr
—Oh ! Assurément. Vous savez, c’est la saison morte, mais dans quelques mois, ce sera bien différent.
—Et bien, là où je serai par la suite, c’est sûrement plus mort… Même pendant la saison haute, dit-elle avec regret.
3
Ce matin-là, partie très tôt de New York en autocar, Phoebe était inquiète. La tête appuyée contre la fenêtre, elle n’osait imaginer aucun scénario.
—Ils ont dit : l’état est stable. Allez, un peu de courage, il ne va rien arriver ; tout va bien aller... Pourvu que tout se passe bien… Avec maman qui est impossible à joindre, il ne faudrait surtout pas que...
La jeune femme descendit à deux coins de rue de l’hôpital, persuadée qu’un peu de marche à la fraîcheur calmerait ses angoisses. En entrant dans l’hôpital, elle se dirigea vers le comptoir d’information.
—On m’a avisée que ma grand-mère avait été transportée ici, dit-elle. Son nom est Elvina McIntosh.
—Oui, je vérifie tout de suite, lui indiqua la réceptionniste. Voilà, c’est la chambre 124. Vous prenez l’ascenseur, c’est au premier étage.
Phoebe ne savait pas vraiment ce qui était arrivé. Une jambe cassée, lui avait-on dit, mais l’état est stable. Tiffany, pour sa part, avait eu de la difficulté à se contenir quand elle l’avait contactée à New York. Arrivée sur l’étage, elle lut l’affiche sur le mur : 110 à 142, à gauche. Elle s’y rendit d’un pas sûr, jusqu’à ce qu’elle entende une forte voix l’interpeller.
—Mademoiselle ! Est-ce que je peux vous aider ?
—Non merci, on m’a transmis les informations en bas. Je viens voir ma grand-mère, qui est dans la chambre 124.
L’infirmière avait été mise au parfum du cas McIntosh par sa très peu joviale collègue.
—Désolée, madame, mais j’ai reçu des consignes claires du Dr Bailey. Vous devez attendre ici, car il veut d’abord vous parler. Il devrait arriver dans environ quinze minutes. Vous pouvez patienter ici ou aller chercher un café en bas.
Forte de ces nouvelles informations, Phoebe convint qu’un café et une bonne cigarette étaient de mise ! Dans une machine plus que suspecte, elle se prit un café qu’ils osaient qualifier de corsé. Tout en regardant le liquide bouillant d’un beige trop pâle remplir son verre en styromousse, elle se dit que la cigarette serait finalement plus satisfaisante. Elle sortit par l’entrée, son café fumant à la main, alluma sa cigarette et se plongea dans ses pensées... Pourquoi ne me laissent-ils pas la voir ? Le docteur doit d’abord me parler... Son état s’est-il détérioré ? s’interrogea-t-elle.
—Ah ! Ah ! Vous souhaitez devenir une cliente ?
Elle leva la tête sur un bel homme en sarrau blanc, beaucoup plus grand qu’elle. Il avait les cheveux bruns mi longs, les sourcils épais et de grands yeux noisette qui la fixaient. Et que dire du sourire radieux qu’il lui adressait ! Phoebe baissa les yeux sur son badge : Dr Bailey.
—Dr Bailey, je suis Phoebe McDonald, la petite-fille de madame McIntosh. On m’a interdit de me rendre à sa chambre, sous prétexte que je devais d’abord vous rencontrer.
—Oh ! Effectivement. Madame McDonald, venez avec moi, je vais vous expliquer.
Ils entrèrent dans un petit bureau trop éclairé par les néons et sans fenêtre. Après s’être assis, le Dr Bailey prit une profonde inspiration et observa la jeune femme en face de lui.
—Écoutez, madame McDonald, je vais d’abord vous dire que votre grand-mère va physiquement assez bien. Son état est stable et nous contrôlons assez bien la douleur avec la médication.
—Elle va bien, alors ?
—Oui. Comme je le disais, physiquement, elle va plutôt bien. Par contre, nous ne savons pas si c’est le choc, l’anesthésie ou le coma.... mais disons qu’elle semble amnésique.
—Qu’est-ce que vous voulez dire ? Elle ne se souvient plus de rien ?
—En fait, c’est ce qui est étrange. Elle semble se souvenir de beaucoup de choses, mais qui n’ont rien à voir avec sa vie. Est-ce que le nom d’Isobel Haldane vous dit quelque chose ?
—Non, pas du tout. Elle dit connaître cette femme ?
—Non, elle prétend être cette femme. Elle croit aussi que nous sommes en 1623...
—Voyons, docteur ! Je peux lui parler ? Tout ça ne fait pas de sens.
—Écoutez, je préférerais que nous attendions un peu, car ça pourrait la perturber plus qu’elle ne l’est déjà. D’ailleurs, quand nous lui avons dit que vous veniez, elle a dit ne pas vous connaître et a proposé que nous vous contactions pour vous expliquer que c’était une erreur.
—Docteur, je n’arrive pas à le croire… J’exige de la voir !
—Bon, d’accord, mais laissez-moi vous introduire. Si elle réagit mal, je vais vous demander de quitter la chambre.
Ils traversèrent le long couloir de l’aile C jusqu’à la chambre124. Dès qu’ils y furent, Phoebe se retira près de la réception et