Le secret de Mlle Angeline
Depuis plus de vingt ans que je suis infirmière au service de la maison de retraite des Trois-Tilleuls, vous vous doutez bien que j’ai acquis l’habitude des personnes âgées. Certaines d’entre elles souffrent physiquement d’arthrose ou des suites d’une opération, d’autres ont perdu leur lucidité, tandis que quelques privilégiées vieillissent paisiblement.
Mais toutes s’ennuient et regrettent de ne pas recevoir davantage de visites, même quand leurs enfants et leurs petits-enfants font l’effort de leur consacrer une partie de leur temps libre.
Aussi étais-je particulièrement émue du sort de Mlle Angeline Aubert qui, à 89 ans, ne recevait jamais personne. Son dossier mentionnait qu’elle était célibataire. J’en déduisais qu’il ne lui restait plus aucune famille.
Je ne pouvais avoir aucune certitude. La pauvre Mlle Angeline n’arrivait presque plus à s’exprimer. Le docteur Vasseur lui prescrivait un traitement très lourd, que je devais lui faire avaler matin et soir et qui la laissait somnolente la plupart du temps.
Et même lorsqu’elle restait éveillée, elle regardait la télévision d’un œil absent.
Bien sûr, j’avais demandé au docteur Vasseur s’il ne pouvait pas alléger son traitement, mais il m’avait répondu que Mlle Angeline en avait impérativement besoin, pour ne pas redevenir dangereuse : – Surtout ne vous fiez pas à son sourire paisible, m’avait-il ordonné. Sans ses cachets, croyez-moi, elle pourrait aller jusqu’au crime ! Bien sûr, j’avais essayé d’en apprendre davantage sur ce qu’elle avait fait avant d’être hospitalisée, mais le docteur Vasseur m’avait opposé le secret professionnel :
– Je sais bien que vous êtes infirmière, et pleine de bonne volonté, mais si vous saviez de quoi elle s’est rendue coupable, vous en seriez perturbée et vous ne pourriez pas vous retenir de le répéter à vos collègues. Ce qui aurait de graves répercussions sur l’état de Mlle Angeline, car cette femme, qui est surtout à plaindre, ressentirait votre méfiance. Les vieilles dames
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