Je jetai un dernier coup d’œil à Caroline avant de sortir. Des tressaillements nerveux l’agitaient dans son sommeil. Elle semblait fébrile. La pauvre, elle dormait si mal depuis quelque temps ! Je posai ma main sur sa tête, comme je l’avais toujours fait, pour la calmer, et les tressaillements cessèrent immédiatement. Je la regardai un moment, ému de la voir si vulnérable, avant de sortir de la tente, en faisant le moins de bruit possible pour ne pas la réveiller. Les derniers mois avaient été difficiles et ma pauvre Caroline avait besoin de récupérer. À l’extérieur, le vacarme de la ville m’assaillit violemment. En temps normal, j’essayais de m’en protéger, mais ma situation actuelle ne m’en laissait plus vraiment l’occasion.
Cela faisait six mois déjà que je vivais à la rue, après avoir tout perdu. Tout avait commencé quatre ans auparavant, lorsque Françoise, mon épouse bien-aimée, la mère de mes deux filles, était brusquement décédée d’une crise cardiaque. Personne n’aurait pu prévoir ce drame, et rien ne m’avait préparé à connaître un jour un tel chagrin. On dit souvent que le mariage est un voyage où cohabitent les bonheurs et les peines, mais avant ce jour fatal, je vous assure qu’entre Françoise et moi, il n’y avait jamais eu ni disputes ni même ces petites fâcheries souvent ridicules que connaissent tous les couples. Nous étions faits l’un pour l’autre comme on dit, et avions eu la chance de nous rencontrer jeunes, partageant au fil des années toutes les étapes de notre vie.
Son départ amorça la fin de mes années d’insouciance, à un âge où certains ont déjà rencontré tant d’épreuves. Je dois bien vous avouer que de ce côté-là, j’avais été préservé.