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L' ODYSSEE DU MAITRE
L' ODYSSEE DU MAITRE
L' ODYSSEE DU MAITRE
Livre électronique396 pages5 heures

L' ODYSSEE DU MAITRE

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À propos de ce livre électronique

Découvrez un nouvel univers fantastique en suivant les tribulations d’un maître et de son disciple à travers une série d’aventures formidables. Ensemble, ils rencontreront de nouvelles races, survivront à des guerres et accompliront des quêtes qui dévoileront en partie ce qu’on peut faire quand il est possible de manipuler le mana, ou qu’on possède certains artefacts magiques.
Voyez comment Belan enseignera à Jeffren la musique, la science du combat et l’art de convaincre ceux qu’ils croiseront sur leur chemin. Pendant ce temps, le disciple découvrira plusieurs leçons de vie alors qu’il s’entraînera à narrer l’histoire d’un ancien héros légendaire.
Voici le premier volume de Chants et légendes d’Artiyan : L’odyssée du maître.
LangueFrançais
Date de sortie6 déc. 2022
ISBN9782897757090
L' ODYSSEE DU MAITRE
Auteur

Stéphane Jalbert

Auteur et conférencier, Stéphane Jalbert offre à ses clients une approche différente : celle d’accéder à leurs propres réponses à travers une voie qui unit spiritualité et psychologie. Il souhaite ainsi permettre au génie qui réside en chacun de nous de s’exprimer librement. Cette philosophie de vie, qu’il applique lui-même, est le fruit de plus de trente années d’études, d’observations et d’expérimentations.

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    Aperçu du livre

    L' ODYSSEE DU MAITRE - Stéphane Jalbert

    L’odyssée du maître

    Stephane Jalbert

    Conception de la page couverture : © Les Éditions de l’Apothéose

    Sauf à des fins de citation, toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur ou de l’éditeur.

    Distributeur : Distribulivre  

    www.distribulivre.com  

    Tél. : 1-450-887-2182

    Télécopieur : 1-450-915-2224

    © Les Éditions de l’Apothéose

    Lanoraie (Québec)  J0K 1E0

    Canada

    apotheose@bell.net

    www.leseditionsdelapotheose.com

    Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2022

    Dépôt légal — Bibliothèque et Archives Canada, 2022

    ISBN EPUB : 978-2-89775-709-0

    Imprimé au Canada

    L’odyssée du maître

    Avant-propos

    Nous avons octroyé à un groupe de moines de la région Sud-Ouest d’Artiyan la tâche de réunir, d’organiser et de publier un recueil de connaissances générales sur notre merveilleux continent. La tâche fut longue et ardue et, pendant leurs recherches, plusieurs d’entre eux ont disparu sans laisser de trace.

    Nous dédions cette œuvre à ceux qui sont tombés pendant leur périple.

    Artiyan

    Entouré par l’océan de tous les côtés, Artiyan est un continent isolé. Ceux et celles qui désirent le quitter doivent le faire par la mer malgré les risques qu’elle apporte avec son lot de pirates et de monstres marins.

    Au centre, un grand lac d’eau douce alimente le plus important cours d’eau de la masse continentale, le fleuve Nimass qui se jette dans la mer du sud.

    Races

    Bien que la plupart du continent soit habité par les humains d’autres races vivent sur Artiyan :

    Les nantals possèdent un intellect moins développé que celui de l’humain, mais sont pratiquement deux fois plus large d’épaules, et de trente à cinquante centimètres plus grands. Leur système politique est simple : le plus fort règne sur le groupe. Ce peuple occupe la partie sud-ouest du continent. La plupart d’entre eux habitent dans les grottes, bien que certains ont commencé à démontrer des comportements nomades.

    Les hrotons arrivent au nombril d’un humain moyen. Ils habitent les profondeurs du continent, sous les immenses montagnes où ils ont bâti d’extraordinaires cités. Ils sont si habitués à la pénombre que quand ils viennent à la surface pour commercer avec les autres races, ceux-ci doivent se couvrir les yeux avec des cristaux foncés afin de ne pas se voir aveuglés par la lumière.

    Les goggans font partie de la race la moins bien connue. Ils habitent les forêts millénaires. Il est rare de les rencontrer et de vivre pour pouvoir en parler.

    Les karkans sont des lézards dotés d’une intelligence comparable à celles des humains. Ils sont un peu plus grands que les hommes et pèsent pratiquement deux fois plus qu’eux. Leur puissante musculature ainsi que leur épaisse couche écailleuse font d’eux de dangereux ennemis qu’il est difficile de blesser. Ils se déplacent aussi rapidement sur le sol que les humains, et sont de formidables nageurs.

    Divinités

    Plusieurs dieux sont vénérés. Les plus connus sur Artiyan sont les suivants :

    Dalyan, le dieu de la paix et de l’harmonie.

    Azokk, le dieu de la destruction et du chaos.

    Dottan, créatrice de la vie.

    Parmi les moins connus se trouvent :

    Kektatek, dieu auquel sont offert de nombreux sacrifices.

    Velnia, maître des mondes souterrains.

    Eayins

    Pour terminer l’introduction de notre monde, nous devons parler des eayins, les manieurs de mana. Grâce à une particularité d’une petite glande située dans le cerveau, ils sont capables d’accéder à la dimension d’où leur pouvoir provient. Ils peuvent donc, selon leur personnalité propre, ainsi qu’un enseignement dirigé par un maître, créer des sorts qui sont aussi variés qu’il y a d’habitants sur Artiyan.

    Certains deviennent de puissants guérisseurs, tandis que d’autres sont de redoutables guerriers, ou apprennent à manipuler les éléments, ou à augmenter considérablement leur force physique, pour ne nommer que quelques-unes des aptitudes les plus répandues.

    Il est nécessaire à celui ou celle qui voudrait accroître sa puissance magique, ou acquérir cette aptitude à manier le mana, de fracasser la tête d’un eayin mort, de disséquer le cerveau et d’avaler la glande pendant qu’elle rayonne encore.

    Bien qu’ils ne forment qu’une infime partie des habitants, beaucoup d’eayins foulent le continent et appartiennent à toutes les races. Ils obtiennent habituellement les postes de commandement au sein de l’armée ou d’un gouvernement local. Plusieurs d’entre eux font partie de la caste des nobles.

    Extrait de l’Encyclopedia Artiyana

    Une image contenant texte, carte, dessin au trait Description générée automatiquement

    Vers la dernière rencontre

    Un jeune homme arrivait à l’orée d’un bois situé à une trentaine de minutes de la cité de Lieim, ville portuaire du nord-est du continent. Il était grand et avait de beaux cheveux bruns bien peignés. Il portait des bottes de cuir toutes neuves, un pantalon noir et une chemise bleu pâle ample qui dissimulaient un corps athlétique et souple sculpté par des années d’entraînement.

    Il avançait lentement, d’une démarche détendue. Il souriait par anticipation, car il se rendait à la rencontre de son maître qu’il n’avait pas vu depuis une semaine déjà. Le maître avait choisi cette journée pour cette réunion, car il s’agissait d’un jour important pour les deux.

    Le jeune homme entendit le son familier du luth de celui qui l’avait guidé pendant toutes ces années et se mit à accélérer le pas sans s’en rendre compte. Cela fait-il vraiment douze ans que nous nous connaissons ? se demanda-t-il.

    Jeffren se rappela sa première rencontre avec son maître. Il lui avait semblé que celui-ci n’était pas qu’un simple barde. Cet homme possédait la capacité de raconter une histoire et de vous la faire vivre comme si vous y étiez. Il était bien entendu un musicien hors pair, pouvant vous faire danser une gigue endiablée toute la soirée pour ensuite vous envoyer dormir à l’aide d’une ballade envoûtante. On pouvait trouver en lui un poète muni d’une voix aussi plaisante pour l’ouïe, que le vin l’était pour le palais. De plus, il était un fin négociateur capable de vous faire adhérer à n’importe quel point de vue de son choix. Et comme le disciple avait pu le constater à maintes reprises, le vieil homme possédait d’autres qualités étonnantes qu’il ne dévoilait que rarement à ceux qui ne le connaissaient pas de façon intime.

    La Gueule du Loup

    C’était la période de l’année où tous les fermiers célébraient après avoir terminé leurs récoltes. Bientôt, ils devraient reprendre l’interminable cycle depuis le début, et ils en profitaient tous pour s’offrir une détente plus que méritée.

    Le jeune Jeffren, âgé de dix ans, était garçon de table dans une brasserie d’un village situé à quelques jours de marche au sud du Grand Lac. L’établissement se trouvait à un croisement de routes, ce qui lui amenait son lot de voyageurs à la recherche d’un endroit pour manger, boire et dormir.

    De l’extérieur, on pouvait se demander comment il était possible que cette bâtisse tienne encore debout. On pouvait deviner qu’elle avait été, il y avait fort longtemps, presque coquette. Quelques restes de blanc paraissaient ici et là au travers du gris. Le fait que c’était la plus grosse construction des environs expliquait l’attrait que l’auberge possédait auprès des voyageurs trop malchanceux pour y arriver en fin de journée.

    L’affiche qui était suspendue par-dessus la porte semblait la seule chose qui avait reçu un peu d’attention. Elle montrait la tête d’un immense loup, grossièrement peinte sur un fond blanc avec le nom de l’établissement en haut. Comme il n’y avait aucune fenêtre, la seule façon de savoir ce qu’il s’y passait était d’y entrer.

    Une fois à l’intérieur, on découvrait une vaste salle meublée avec des tables de bois pouvant accueillir quatre personnes chacune. Les habitués formaient néanmoins des groupes de six ou de sept gaillards bien entassés qui riaient, agrippés à leur chope de bière.

    L’auberge pouvait ainsi étonnamment contenir un peu plus de quarante clients. Les effluves de nourriture, d’alcool et de sueur se mélangeaient plus ou moins agréablement, le tout dépendant de l’endroit où l’on se situait.

    Tout ce que le garçon connaissait de la vie était cette réalité dans laquelle il était devenu l’esclave d’un homme violent et abusif. Le patron de l’auberge l’avait pris sous son aile, car son père l’avait abandonné selon ce qu’il lui avait expliqué. Ce que cette brute ne lui avait jamais avoué, c’est qu’il l’avait servi à un narkan, immense lézard qu’il gardait enchaîné et affamé dans le sous-sol de sa grange. Il en avait profité pour offrir ce sacrifice en spectacle à quelques habitués en échange de quelques pièces d’argent.

    La brasserie, donc, était presque remplie au maximum de sa capacité. Il y avait les fermiers des environs et des voyageurs qu’on ne verrait là qu’une soirée ou deux.

    Parmi ces derniers, un homme seul, assis au fond de la salle, était appuyé au mur. Il mangeait en paix et buvait un verre de bière. Il avait pour bagage un sac et un luth… un barde ! réalisa le garçon. Celui-ci avait plus l’air d’un rôdeur mystérieux que d’un musicien. Il était vêtu d’une chemise qu’on devinait beige au début de son existence et avait un manteau de cuir brun.

    C’était loin des couleurs flamboyantes que les gens de ce métier portaient, si Jeffren se souvenait de quelques conversations entre visiteurs. Les longs cheveux bruns qui lui arrivaient aux épaules et peignés rapidement se mêlaient à la barbe où quelques poils gris trahissaient un âge déjà avancé. L’homme semblait, sans être aigri, ne pas être muni d’une humeur joviale, encore là, contrairement à l’image d’un musicien ambulant.

    L’enfant passait d’une table à l’autre, tantôt essuyant la bière éclaboussée sur le sol, tantôt prenant les pichets et assiettes maintenant vides. Il faisait de son mieux alors que le patron de l’établissement lui aboyait des ordres d’aller plus vite, cris souvent accompagnés par une baffe derrière la tête, sous le regard amusé des habitués.

    —JEFF ! Viens ici, petit bon à rien… JEFF ! Va porter ce plat à Arbard… JEFF ! … JEEFF !... JEEEEFF !…

    La fatigue et un stress immense se lisaient sur le visage blême du jeune garçon.

    Quand le barde eut fini son repas, Jeffren se rendit à la table et la nettoya aussi vite qu’il pouvait. Il lui demanda s’il voulait autre chose comme le lui avait enseigné l’aubergiste. L’homme répondit qu’il prendrait une chambre pour dormir. Jeffren lui indiqua qu’il devrait payer pour la nuit d’avance à son patron.

    La réponse du barde lui donna un teint encore plus pâle, presque maladif. Un autre voyageur disparaîtrait sans laisser de trace, craignait le garçon sans savoir que cet homme finirait dans la gueule d’un narkan. Le visiteur avait bien dit qu’il n’avait rien pour payer, même pas le repas ! Ceci offrirait une belle occasion à son employeur de servir une autre fessée à l’enfant.

    Pendant que le jeune allait voir le propriétaire, le barde prit son luth, se leva et commença à jouer une série d’accords rythmée pour accompagner un récit.

    Aussitôt que les premières notes émanèrent de l’instrument, tous les clients se turent, accompagnant de leur silence la narration qui remplissait maintenant l’auberge.

    Dès son tout jeune âge, peut-être avait-il quatre ou cinq ans à peine, Cerlann était devenu orphelin à la suite d’une sauvage attaque sur son village…

    La légende du grand général Cerlann continua pendant plusieurs minutes, puis sur un accord final, le barde replaça son instrument sur le siège à côté de lui.

    Jamais Jeffren n’aurait pu deviner la suite des événements. Le patron offrit un autre verre de bière au musicien en lui demandant de bien vouloir dormir gratuitement pour la nuit. L’homme au caractère exécrable semblait touché par le récit, la musique et la voix du voyageur. Le jeune garçon ne pouvait retenir ses larmes qui coulaient à flots sur ses joues. Un immense sentiment de paix venait de s’installer dans son être entier, et pour la première fois de sa courte vie, Jeffren se sentit ému, émotion dont il ne connaissait rien. S’il avait eu conscience de son environnement, il aurait remarqué que tous les hommes et femmes présents semblaient partager le même état d’esprit. La pièce était remplie d’un silence mélancolique.

    Sans savoir vraiment ce qui le poussait à agir de la sorte, le petit alla voir le voyageur, encore ébranlé par ce qu’il vivait intérieurement.

    — Maître, prenez-moi comme disciple s’il vous plaît ! demanda-t-il.

    — Laisse-moi tranquille. Je ne veux pas m’encombrer d’un fardeau, répondit sèchement le barde.

    — Je suis autonome, maître. Je ferai tout ce que vous voudrez ! insista Jeffren.

    — Jeune homme, je n’oserais jamais te dérober ainsi à ton père…

    — Ce n’est pas mon père. J’ai été… abandonné. Depuis ce jour, ce sale porc me traite en esclave, chuchota-t-il à l’étranger en pointant discrètement en direction de l’aubergiste.

    — As-tu au moins des connaissances musicales, sais-tu chanter ? As-tu une bonne mémoire ? demanda le voyageur.

    — Je ne connais rien à la musique, maître. Mais j’ai une excellente mémoire. S’il vous plaît, enseignez-moi, sortez-moi d’ici. Je ferai tout pour être un bon disciple ! plaida le garçon.

    Se pourrait-il qu’il soit un bon candidat ? se demanda le barde. Il fit signe à l’aubergiste de venir le voir pendant que le petit s’occupait des autres clients.

    — Dites-moi, patron. J’ai observé les allées et venues de ce jeune vaurien pendant la soirée. Quel fardeau ! Il ne sait faire que des bévues et il travaille lentement. Je me suis rendu à l’évidence : ce n’est qu’un petit paresseux ! annonça le barde.

    — Oui, c’est vrai ! répondit l’aubergiste.

    — De plus, je suppose qu’il vous coûte cher. Vous devez le nourrir, n’est-ce pas ? Même si ce ne sont que les restes de tables que vous lui donnez, je suis certain que vous aimeriez plutôt les offrir à la bête féroce que j’entends à l’arrière, est-ce que je me trompe ? ajouta le client.

    — Hmm. Vous avez raison, l’ami ! répondit le propriétaire qui réalisait que cet homme se voulait trop perspicace.

    L’étranger l’invita à se rapprocher, comme pour lui dire un secret.

    — J’ai peut-être une solution à vous offrir. Vous auriez probablement la meilleure part du marché, mais je vois que vous êtes un commerçant brave et honnête.

    — Je vous écoute, répondit l’aubergiste.

    — Alors voilà. Je me dirige dès demain vers l’ouest. Il s’agit d’un voyage de quelques jours. Rendu à ma destination, je dois rencontrer des personnages riches et importants. Je crois bien que je pourrais leur offrir ce jeune bon à rien et en tirer un bon prix. Ils tireraient profit de ses loyaux services, et vous n’auriez plus ce misérable fainéant dans les pattes. Je reviendrai par la suite vous rendre votre dû, suggéra le visiteur.

    — Et vous, qu’est-ce que vous avez à gagner dans tout ça ? répliqua le tavernier d’un ton sceptique.

    — Une petite commission pour le travail, ainsi que la satisfaction de savoir que la prochaine fois que je serai ici, vous me reconnaîtrez et m’offrirez encore une fois un gîte en échange d’une chanson ? répondit le barde.

    Le patron accepta. Du coup, il se débarrasserait de cette nuisance dont ce voyageur lui avait fait prendre conscience, de plus, il en tirerait un bon prix. Au pire, s’il n’était pas satisfait, il donnerait un spectacle rare aux habitués de la place. Celui d’un pauvre imbécile qui servirait de repas à un narkan affamé.

    Le lendemain matin, deux voyageurs prenaient la route vers l’est pour se rendre au fleuve. Là, ils poursuivraient leur chemin en suivant son cours vers le sud. Un barde et son nouvel apprenti commençaient un voyage qui les amènerait à des endroits insoupçonnés.

    — Excusez-moi, maître. Mais j’ai cru vous entendre dire hier soir que vous alliez vers l’ouest, demanda Jeffren.

    — En effet, jeune homme. Voici donc ta première leçon : il ne faut jamais annoncer ses véritables intentions à ceux que tu veux berner ! répondit le maître avec un sourire complice.

    L’idiot

    La brasserie La gueule du loup disparaissait lentement derrière le jeune garçon qui avait trouvé une façon inespérée de se libérer de son tortionnaire. Bien qu’il eût discrètement écouté la conversation entre son nouveau maître et l’aubergiste, Jeffren ne saisissait pas tout à fait comment il avait pu le convaincre avec autant de facilité.

    L’habitude de passer des soirées complètes à courir dans tous les sens à l’auberge fut une excellente préparation pour le garçon, car son nouveau compagnon ne lui facilitait pas la vie. En effet, le voyageur marchait à une allure si rapide, que le petit devait faire deux fois plus de pas que l’adulte afin de suivre la cadence.

    Le vieil homme et le garçon circulèrent sur la route pendant de longues heures dans un silence presque absolu. Habitué à un bruit constant qui venait des clients et des cris assourdissants de la part de son ancien employeur, Jeffren décida de briser la monotonie.

    — Maître, je n’avais jamais entendu l’histoire du général Cerlann comme vous l’avez racontée hier soir, dit-il.

    — C’est normal. Je ne te l’avais jamais narrée avant. Tout ce que tu connaissais d’elle était ce que tu avais entendu des autres. Et je m’appelle Belan, au fait, répondit l’adulte.

    — Maître, pouvez-vous me l’enseigner ? demanda Jeffren en ignorant la demande subtile du barde de l’appeler par son nom.

    — Attention à ce que tu demandes, jeune homme, répliqua Belan d’un ton sec.

    Le garçon était surpris et ne savait pas comment réagir face à cette réponse intrigante. Sans transition, le maître commença.

    Dès son tout jeune âge, peut-être avait-il quatre ou cinq ans à peine, Cerlann devint orphelin à la suite d’une sauvage attaque sur son village. Il était coutume pour certains eayins d’entreprendre de telles actions, poussés par leur immense désir de pouvoir. Celui qui menait l’offensive avait pour blason un poing taché de sang sur un fond blanc, ce qui avait pour but d’inspirer la peur chez ses victimes tout en représentant le dieu auquel il se dévouait.

    Les parents de l’enfant avaient été tués devant ses yeux alors qu’il avait réussi à se dissimuler dans l’ombre grâce à sa petite taille. Il attendit le soir avant de sortir afin de ne pas être capturé. L’enfant, affamé et effrayé, partit sans savoir où il allait.

    Le lendemain, par chance, des moines le trouvèrent en bordure d’un chemin. Ceux-ci se rendaient à un temple dans une montagne située à plusieurs jours de marche. Ils prirent donc le garçon et lui offrirent nourriture et eau. Le rescapé fut ainsi sauvé d’une fin certaine pour vivre avec le souvenir atroce de la destruction de son village et du massacre de ses proches.

    Quelques jours après leur arrivée au temple, et dès qu’on décida qu’il avait repris suffisamment de forces, les hôtes commencèrent à lui enseigner un type particulier de gymnastique connu d’eux seuls.

    Ils lui enseignèrent, pour commencer, la façon dont il devrait assimiler tous les nouveaux concepts qu’il recevrait pour le reste de sa vie.

    Premièrement, il devait apprendre les nouveaux mouvements lentement en unifiant la respiration et le geste. Ramener un bras ou une jambe vers son corps en inspirant, éloigner le membre en expirant. Tirer et inspirer, pousser et expirer.

    Il devait répéter ces gestes des centaines, voire des milliers de fois, afin que le corps enregistre parfaitement le mouvement tout en liant le bon rythme de respiration, c’est ce qu’on peut appeler la mémoire musculaire.

    Il devait ensuite ajouter de la vitesse, peu à peu, puis accélérer graduellement jusqu’à en arriver à un geste explosif. Toujours en gardant en tête l’unification de la respiration et du mouvement tout en conservant la fluidité dans l’exécution.

    Pendant tout son entraînement, l’enfant, bien que capable d’accomplir les enchaînements tout en discutant avec les autres, devait être totalement présent mentalement pour tout ce qu’il faisait. Si un instructeur réalisait que l’esprit du jeune homme n’était pas complètement présent, il le battait sans remords.

    Il ne le savait pas encore à ce moment, mais ces techniques d’unification de l’esprit, de la respiration et du corps allaient s’avérer primordiales pour la pratique des prochains exercices. Ceux-ci devenaient de plus en plus exigeants, tant pour le corps que pour le mental du garçon.

    On exigeait de lui en effet qu’il garde son équilibre sur les mains, la tête en bas. Ensuite, quand l’équilibre était satisfaisant, de faire des pompes dans cette posture en quantités toujours plus grandes. On demandait qu’il se tienne sur un pied, sur une planche située à plusieurs mètres de hauteur, les yeux bandés. Ou encore, de marcher, les yeux fermés, à travers un parcours rempli de pièges, qu’il devait apprendre à sentir et à éviter sans les voir !

    Rapidement, en quelques années à peine, il était devenu le meilleur, non seulement de sa classe, mais de toute l’école au sein du temple.

    La raison était très simple : là où les autres s’entraînaient quatre heures par jour, quatre jours sur sept, comme il leur était imposé, le jeune garçon, lui, pratiquait huit heures chaque jour, sept jours sur sept. Pour lui, c’était la seule façon de gérer l’immense colère qui le rongeait intérieurement. Il ne voulait pas l’effacer, au contraire ! Chaque nouvel exercice maîtrisé, chaque nouveau mouvement qu’on lui enseignait, chaque fois qu’il se faisait battre, tout ça lui donnait l’occasion de nourrir cette émotion qu’il ressentait. Un jour, il le savait, il exigerait rétribution à celui qui était responsable du massacre de sa famille et de tout son village. Cette rage meurtrière qui l’habitait serait le combustible qui alimenterait le feu de sa vengeance.

    C’est ainsi que, dix années plus tard, il avait accumulé dix à vingt fois plus d’heures d’entraînement que tous les élèves, même ceux plus avancés que lui. Ceci transforma ses amis les plus proches en ennemis envieux et jaloux de ses réalisations.

    Il était devenu plus fort, plus résistant, plus souple, meilleur dans les enchaînements qui lui étaient enseignés que tous les autres. Il possédait un sixième sens plus développé que celui de ses pairs.

    Voyant ce désir insatiable d’apprendre et son dévouement à se dépasser, les moines-instructeurs décidèrent de faire transférer le prodige à un endroit occulte de leur école, où on lui enseignerait des techniques secrètes. Bien peu de gens en connaissaient l’existence, si bien que ses compagnons de classe crurent qu’il était parti… ou mort !

    Le maître cessa sa narration et ordonna à son élève de répéter l’histoire depuis le début. Jeffren commença.

    — Cerlann était devenu… OUCH !

    Le maître interrompit le récit de son apprenti avec une gifle sur la joue qui l’envoya à quelques mètres derrière, faisant tomber le petit sur les fesses.

    — IDIOT ! Je t’ai demandé de répéter, pas de le dire de ta façon pitoyable ! ENCORE ! cria Belan, furieux.

    Le disciple se releva lentement. La peur s’éveilla soudainement chez le garçon qui se demandait s’il n’avait pas simplement changé de bourreau. C’est alors qu’il comprit le sens de l’avertissement que lui avait offert son maître avant le début de la leçon. Attention à ce que tu demandes, jeune homme.

    Jeffren reprit ses esprits et tenta de se rappeler les mots précis qu’il avait entendus quelques minutes auparavant.

    Une étrange conversation eut lieu entre un maître qui répétait encore et encore la même histoire mot pour mot, et un disciple qui tentait de reprendre chacun de ceux-ci avec le plus de précision possible. Chaque erreur de l’apprenti se voyait récompensée d’un cri : IDIOT ! Belan ne crut pas nécessaire de gifler l’étudiant à d’autres reprises, craignant de tuer le pauvre à force de lui infliger ces blâmes.

    L’apprenti barde

    Quelques jours à peine suffirent au jeune garçon pour comprendre comment agir, quoi faire et surtout, quoi ne pas dire.

    Les voyageurs étaient déjà arrivés à la berge du fleuve Nimass qui séparait le continent d’Artiyan en deux depuis le Grand Lac. On y trouvait tout ce qu’un pèlerin pourrait considérer comme un véritable trésor. Il y avait un terrain tapissé d’une herbe bien grasse qui poussait du bord du cours d’eau et un boisé, source d’ombre et de petits gibiers qu’ils pourraient chasser.

    Pendant ces quelques jours passés avec son nouveau maître, Jeffren avait appris la conséquence de se tromper, surtout quand on lui enseignait quelque chose qu’il avait lui-même demandé. La leçon de narration faisait partie du quotidien du garçon. Il pouvait répéter de plus en plus de lignes de la légende de Cerlann sans erreur, ce qui eut pour effet de réduire le nombre de fois qu’il se faisait traiter d’idiot.

    Dès la deuxième journée, Belan le barde avait mis le luth entre les mains de son apprenti, non sans lui donner un avertissement clair, net et précis.

    — Si tu échappes, si tu brises ou que tu égratignes cet instrument, je te ramène chez ton ancien patron sur-le-champ, dit-il.

    Le jeune élève savait que son maître mettrait sa menace à exécution. C’est donc avec grand soin que le garçon prit l’instrument et que, dès la première seconde, il apprit à en prendre soin comme si sa vie en dépendait. Le disciple ne le savait pas, car c’était la première fois qu’il prenait un instrument de musique dans ses mains, mais ce luth avait un manche plus long et était plus lourd que les autres instruments de ce type. Ceci permettait à quelqu’un qui le maîtrisait d’obtenir des sons plus riches qu’il était possible en jouant sur d’autres luths.

    Comme il ne savait rien de la musique, son premier exercice consista à prendre contact avec l’instrument. Il devait placer les doigts sur le manche du luth et gratter ou pincer les cordes sans se soucier du son qui émanait du pauvre instrument qui se lamentait du tourment qu’on lui infligeait.

    Après quelques heures, le professeur passa aux exercices de respiration et de vocalises afin d’enseigner au jeune homme à contrôler les sons que sa gorge pouvait produire. L’élève devait reproduire les voyelles a----- e----- i----- o----- ou------ é----- è-----, en faisant de son mieux pour imiter la hauteur émise par son maître. Il devait pratiquer cet exercice pendant quelques minutes au départ, pour le faire de plus en plus longtemps de jour en jour, ce qui augmentait graduellement son endurance.

    Le cycle se répétait donc ainsi chaque jour.

    Douze jours s’étaient écoulés depuis que Jeffren était embarqué dans sa nouvelle aventure. Lui qui avait connu depuis quelques années une vie de nuit à la brasserie était devenu un voyageur qui vivait de jour. Lui qui n’avait connu que le chaos et une ambiance de fête vivait maintenant dans le calme et la rigueur. Lui qui avait répété des tâches physiques ardues apprenait maintenant le chant, la musique et l’art de la narration. Ceci pendant toute la journée.

    Pour un changement, c’était complet !

    Assis près du feu, en train de manger, il réalisa qu’il n’avait vu personne d’autre que son compagnon de voyage depuis leur départ.

    — Maître, est-ce que la vie sur la route est toujours aussi calme ? Nous n’avons croisé personne ! remarqua-t-il.

    Belan ne répondit rien, mais avait observé la même chose depuis plusieurs journées. Sur une voie qui menait au fleuve, on devrait normalement trouver plus de voyageurs. De plus, il était certain qu’ils se dirigeaient vers une ville, ce qui causerait forcément un achalandage de plus en plus grand à mesure qu’on s’en rapprocherait. Il n’y avait donc personne aux alentours et aucune cité n’était en vue. Néanmoins, le calme de l’endroit n’était pas désagréable. Comme il se faisait déjà tard, les deux voyageurs décidèrent de ramasser d’autre bois pour alimenter le feu pour la nuit.

    Le maître et son apprenti avaient recueilli plusieurs branches de bois sec au sol et les avaient ajoutées au feu avant qu’il ne s’éteigne. De différentes essences utilisées se dégageaient une odeur qui apportait aux voyageurs un sentiment de bien-être. Aux couleurs orangé et jaune qui émanaient des flammes se mélangèrent du vert, du blanc et du bleu vif. Le spectacle visuel et olfactif offert par le bois en combustion était fascinant, presque hypnotique.

    Lentement, le sommeil s’empara du garçon d’abord, puis du vieil homme. Les yeux ne demandaient qu’à se fermer. De son souvenir, jamais le barde n’avait voulu dormir autant qu’à ce moment précis. Dormir… dormir… dorm…

    Dur réveil

    La nuit offrit un sommeil réparateur. Enfin, Jeffren s’était réveillé de lui-même, ce qui n’était pas arrivé depuis son départ de l’auberge.

    Heureux d’être pleinement reposé, il s’étira et se redressa pour voir où était son maître. À sa grande surprise, personne n’était à côté de lui.

    Comme il ne restait du feu de la veille qu’un fond de braise, le garçon remit quelques branches et souffla pour raviver les flammes. Quelques instants plus tard, il n’avait qu’à attendre le retour du vieil homme qui était probablement parti chasser.

    Les minutes s’accumulèrent pour finalement devenir une heure complète. Déjà inquiet depuis quelques moments, le garçon sentit soudainement une terrible douleur au ventre, accompagnée d’un serrement à la gorge et d’une sensation de brûlure aux yeux. Un torrent de larmes commença à couler sur son visage. Il reconnaissait bien là l’émotion qui l’habitait en ce moment. C’était l’énorme tristesse de se voir abandonné par quelqu’un en qui il avait mis toute sa confiance, quelqu’un sur qui il comptait pour rester en sécurité.

    Ce sentiment, il le connaissait bien, car c’était le

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