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L' ECLAIRAGE DE LA DEMOGRAPHIE: Mesurer pour mieux comprendre les enjeux sociaux
L' ECLAIRAGE DE LA DEMOGRAPHIE: Mesurer pour mieux comprendre les enjeux sociaux
L' ECLAIRAGE DE LA DEMOGRAPHIE: Mesurer pour mieux comprendre les enjeux sociaux
Livre électronique623 pages6 heures

L' ECLAIRAGE DE LA DEMOGRAPHIE: Mesurer pour mieux comprendre les enjeux sociaux

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À propos de ce livre électronique

Que ce soit de façon explicite ou implicite, la démographie est toujours présente dans les débats sociaux, au Québec et ailleurs. Les textes réunis dans cet ouvrage sont en droite ligne d’une longue tradition d’interventions de la part des démographes, pour lesquels la critique et l’analyse des données jouent un rôle central. La contribution de ces scientifiques est aujourd’hui malmenée, notamment à cause de certains médias sociaux, par l’émergence d’une forme d’incrédulité, voire de rejet, à l’égard des études statistiques, comme en témoigne l’apparition de nouveaux concepts tels la « post-vérité », les « faits alternatifs » et autres « dérèglements du marché de l’information ».

Pourtant, c’est en tenant compte de ce que dit la science que nous pouvons vraiment documenter les grands enjeux démographiques, les comprendre et parfois suggérer des pistes de solution. Les 37 spécialistes de la démographie, de la sociologie ou de l’histoire réunis ici abordent de façon claire, précise et concise, des questions souvent cruciales, voire incontournables. Des nombreuses transformations de l’institution familiale à la santé et la mortalité, l’immigration, la diversité, le vieillissement et ses répercussions sur la santé, en passant par l’éducation, l’environnement, le logement et enfin l’aide au développement, ce livre s’avérera inestimable pour une incursion de l’approche démographique. Au cœur de cette dernière, repose la question de la disponibilité des données probantes pour mener à bien des analyses approfondies capables de nourrir le discours démocratique sur les enjeux sociaux.
LangueFrançais
Date de sortie27 janv. 2022
ISBN9782760644854
L' ECLAIRAGE DE LA DEMOGRAPHIE: Mesurer pour mieux comprendre les enjeux sociaux
Auteur

Victor Piché

Yan Hamel est professeur de littérature à la TÉLUQ. Il est membre du Groupe d’études sartriennes (Paris) et de la North American Sartre Society, dont il a été le président. Il est aussi membre fondateur du Centre de recherche interuniversitaire en sociocritique des textes. Il a consacré de nombreux articles à l’oeuvre littéraire de Sartre et à la sociocritique qui ont été publiés notamment dans Études françaises, Études littéraires et Les Temps Modernes.

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    Aperçu du livre

    L' ECLAIRAGE DE LA DEMOGRAPHIE - Victor Piché

    Sous la direction

    de Victor Piché, Céline Le Bourdais,

    Richard Marcoux et Nadine Ouellette

    L’ÉCLAIRAGE

    DE LA DÉMOGRAPHIE

    Mesurer pour mieux

    comprendre les enjeux sociaux

    Les Presses de l’Université de Montréal

    L’utilisation du genre masculin comme un neutre est une pratique de la maison d’édition.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Titre: L’éclairage de la démographie: mesurer pour mieux comprendre les enjeux sociaux: / Victor Piché, Céline Le Bourdais, Nadine Ouellette, Richard Marcoux.

    Noms: Piché, Victor, 1946- auteur. | Le Bourdais, Céline, 1952- auteur. | Ouellette, Nadine, 1979- auteur. | Marcoux, Richard, 1960- auteur.

    Collections: PUM.

    Description: Mention de collection: PUM | Comprend des références bibliographiques.

    Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20210058889 | Canadiana (livre numérique) 20210058897 | ISBN 9782760644830 | ISBN 9782760644847 (PDF) | ISBN 9782760644854 (EPUB)

    Vedettes-matière: RVM: Québec (Province)—Population. | RVM: Démographie de la famille—Québec (Province) | RVM: Démographie sociale—Québec (Province) | RVM: Vieillissement de la population—Québec (Province)

    Classification: LCC HB3530.Q8 P53 2021 | CDD 304.609714—dc23

    Mise en pages: Folio infographie

    Dépôt légal: 1er trimestre 2022

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    © Les Presses de l’Université de Montréal, 2022

    www.pum.umontreal.ca

    Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

    Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC)

    Avant-propos

    Chaque ouvrage a sa petite histoire. Celle-ci a commencé au Salon du livre de Montréal en 2019, lorsque Nadine Tremblay, directrice de l’édition aux Presses de l’Université de Montréal, a proposé à l’un de nous de préparer un ouvrage sur l’apport de la démographie dans les débats sur les grands enjeux sociaux du Québec. Cette proposition s’est rapidement transformée en projet concret car, si une discipline a été au centre des débats sur l’évolution du Québec, c’est bien la démographie1.

    Il faut remonter à la création du Département de démographie dans les années 1960, un des seuls en Amérique du Nord, pour mieux comprendre l’intérêt pour cette discipline au Québec. Avec le temps, le Département a acquis une réputation internationale, liée à son approche sociale des phénomènes démographiques. Lors du 25e anniversaire du Département de démographie en 1990, feu notre collègue et ami Dieudonné Ouédraogo, alors chef de la Division Études et recherche au Centre d’études et de recherche sur la population pour le développement à Bamako, a largement fait écho à l’approche originale du Département. Il a loué le souci de «l’École de démographie de Montréal» de lier le qualitatif et le quantitatif, de tenir compte des niveaux micro et macro et de situer les phénomènes démographiques dans leurs contextes historiques, socioéconomiques et idéologiques2.

    Au bout du compte, le succès de notre projet est aussi – et surtout – le résultat de la réponse nombreuse (une trentaine d’auteurs et d’autrices) et enthousiaste des collègues qui ont rédigé les chapitres réunis dans le présent ouvrage. Malgré la pandémie, personne n’a jeté l’éponge et les auteurs ont mené à terme leur chapitre respectif dans le respect du calendrier et en accueillant avec ouverture nos demandes de révision.

    D’une certaine façon, l’ouvrage témoigne de l’ampleur de l’influence du Département de démographie de l’Université de Montréal. La plupart des auteurs ont ou ont entretenu un lien étroit avec le Département, que ce soit comme diplômés, comme professeurs et chercheurs, comme collaborateurs ou comme étudiants. En plus de l’Université de Montréal, ils travaillent ou ont travaillé dans la plupart des universités québécoises: Laval, McGill, Universités du Québec à Chicoutimi, à Trois-Rivières et à Montréal, Concordia et Institut national de la recherche scientifique. On les retrouve aussi dans plusieurs lieux de recherche et de pratique au Québec et au Canada (Statistique Canada, ministères de la Famille, des Transports, des Affaires autochtones, Centre de recherches pour le développement international) et dans des institutions internationales (Max Planck Institute et OCDE).

    Nous sommes particulièrement fiers de la composition multigénérationnelle des personnes qui ont contribué au projet dont il est ici question. Leurs années de diplomation couvrent un large éventail allant de 1969 à 2019, sans compter les quatre personnes actuellement aux études et futures diplômées. Seize d’entre elles qui ont collaboré au livre appartiennent aux générations 2000 et plus. Cette représentativité générationnelle et institutionnelle est garante de la diversité des préoccupations et des approches adoptées dans les débats qui ont marqué l’évolution de la société québécoise au cours des cinquante dernières années.

    Lors de la rédaction du livre Profession démographe3, une enquête conduite auprès des membres de l’Association des démographes du Québec a révélé que ce qui les avait amenés à la démographie, c’était l’attrait de l’analyse statistique appliquée aux questions sociales, l’importance des données pour la prise de décision et l’évaluation des politiques publiques ou encore la multidisciplinarité. Ces préoccupations, tout comme la passion qui les animait, transparaissent dans le présent ouvrage.

    Notre ouvrage sur les enjeux sociaux à la lumière de la démographie a pour objectif d’être un témoignage de la contribution des chercheurs, professeurs et étudiants qui ont généreusement répondu à notre appel.

    Victor Piché, Céline Le Bourdais,

    Richard Marcoux, Nadine Ouellette


    1. L’utilisation du genre masculin comme un neutre dans le présent ouvrage est une pratique de la maison d’édition.

    2. Dieudonné Ouédraogo, «Ouagadougou et Bamako. Points de rencontre avec des démographes québécois de Montréal», dans La démographie au cœur des questions sociales, Brochure commémorative du XXVe anniversaire du Département de démographie, Université de Montréal, juin 1990, p. 121-123.

    3. Victor Piché, Profession démographe, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2013.

    Introduction

    Victor Piché, Céline Le Bourdais,

    Richard Marcoux et Nadine Ouellette

    La démographie a toujours été présente dans les débats sociaux, au Québec et ailleurs. Les textes écrits pour le présent ouvrage sont dans la droite ligne d’une longue tradition d’interventions de la part des démographes, portant tout aussi bien sur les familles, l’immigration, la langue, la santé et l’éducation que sur l’évolution de la population en général. Cette tradition inscrite dans une approche qui accorde un rôle central à la critique et à l’analyse des données est aujourd’hui mise à mal par l’impact de certains médias sociaux et l’émergence d’un mouvement d’incrédulité, voire de rejet, face aux études statistiques. Depuis une dizaine d’années, l’apparition de nouvelles expressions telles que ère de post-vérité, bulle numérique, faits alternatifs, démocratie des incrédules et dérèglement du marché de l’information en témoigne abondamment.

    D’une certaine façon, le débat oppose connaissances et croyances. Plusieurs explications ont été suggérées pour tenter de comprendre cette résistance aux «faits». Nous en retenons quatre: l’ignorance ou la méconnaissance; la littératie défaillante; la désinformation et la manipulation politique; et les biais cognitifs à l’ère numérique4. Dans une perspective autocritique, on pourrait ajouter une cinquième explication, à savoir l’échec de la science sociale. Se plaindre du fait que les politiciens et le grand public font trop souvent fi des études scientifiques ne suffit pas; on doit se demander si la communication avec le public est réussie et, dans la négative, chercher à comprendre pourquoi. On reproche souvent une certaine «ghettoïsation» de la science, résultant de la tendance à favoriser à l’extrême et de façon exclusive la publication dans de «grandes» revues spécialisées, souvent loin de la société d’appartenance et des citoyens. Le but du présent ouvrage est donc d’apporter une réponse à ce type de critiques.

    Dans cette optique, nous avons d’abord repéré certains grands enjeux que les études démographiques peuvent documenter et pour lesquels elles peuvent suggérer des pistes d’action. Par la suite, nous avons sollicité des démographes reconnus pour leur expertise dans les domaines visés en contexte québécois. Notre consigne était claire: en peu de mots et dans un style abordable, présenter une synthèse personnelle qui soit utile à diverses catégories de lecteurs: les étudiants (du secondaire, des cégeps et du premier cycle universitaire), les professeurs qui abordent ces enjeux et, finalement, le grand public. Totale liberté leur a été laissée pour traiter à leur manière le thème qu’ils exploraient. Chaque auteur aborde ainsi une question démographique particulière en raison de sa compétence, selon sa sensibilité propre, et non selon un schéma préétabli. Étant donné la part de subjectivité liée à la définition même des enjeux sociaux, ceux-ci sont appréciés en fonction de la vision de la société qu’a chacun d’entre eux. Nous croyons que cette diversité des points de vue reflète bien la complexité des questions abordées et enrichit la portée de l’ouvrage.

    Les chapitres du livre sont organisés en cinq parties. La première regroupe ceux qui traitent d’enjeux liés aux nombreuses transformations de l’institution familiale. Dans une deuxième, ce sont les questions d’immigration et de diversité qui sont examinées, de même que les défis qu’elles supposent. La troisième partie, particulièrement stratégique en cette période de pandémie de la COVID-19, soulève la question du vieillissement et de ses répercussions sur la santé. Dans la quatrième partie, nous avons «ciblé» un ensemble de préoccupations liées à l’éducation, à l’environnement, au logement et, enfin, à l’aide au développement. La dernière partie touche au cœur de l’approche démographique, à savoir la disponibilité des données requises pour mener à bien des analyses approfondies.

    Saisir les réalités des familles

    S’il existe un domaine d’étude privilégié de la démographie, c’est bien celui de la famille. Cela n’est pas surprenant, car la famille est au cœur des phénomènes démographiques. Qu’il s’agisse de la mise au monde des enfants, de leur maintien en santé, des soins aux aînés, des stratégies migratoires ou de la constitution de réseaux d’entraide, l’organisation familiale demeure incontournable pour comprendre les différents aspects de l’évolution démographique d’une société.

    La fécondité est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre au Québec. Danielle Gauvreau s’attaque à une des idées reçues les plus tenaces dans l’historiographie, celle du caractère exceptionnel de la fécondité québécoise. Si l’image de la famille nombreuse représente une certaine réalité, elle occulte l’existence parallèle des familles moins nombreuses et le fait que, déjà dans les années 1920, cette image ne correspondait plus à la réalité en milieu urbain, alors que plusieurs citadines avaient moins d’enfants.

    L’histoire de la chute de la fécondité ainsi documentée est indissociable de la diffusion de l’usage des diverses méthodes contraceptives et du recours à l’avortement. Selon Évelyne Lapierre-Adamcyk, la révolution contraceptive touche principalement les couples (promotions de mariages) formés après 1960, alors que la pilule prend une place de plus en plus grande et remplace graduellement la continence périodique comme premier choix contraceptif. Même si on assiste à l’implantation d’un régime de contraception efficace, il demeure encore imparfait, comme en fait foi le recours à l’avortement qui demeure passablement élevé.

    Les changements dans les comportements en matière de fécondité et de conjugalité ont profondément bouleversé l’organisation de la famille, la rendant plus diversifiée et plus complexe. Quatre chapitres examinent les transformations importantes qui ont façonné les familles telles qu’on les connaît aujourd’hui. Alors que Philippe Pacaut propose un tour d’horizon des divers phénomènes qui ont modifié la vie des familles, Céline Le Bourdais documente l’impressionnante progression de l’union libre, au détriment du mariage, comme base de la vie conjugale et familiale au Québec. Cette analyse revêt une importance particulière alors que le gouvernement du Québec s’apprête à changer le droit de la famille et se demande s’il doit étendre les droits et obligations relatifs au patrimoine familial aux couples en union libre. Un autre changement important est l’augmentation des séparations parentales et l’épineuse question de la garde partagée des enfants analysée par David Pelletier. Enfin, comme le remarque Marianne Kempeneers, l’évolution des familles remet en question le concept même de famille tel que défini dans les statistiques officielles, lequel n’inclut que les parents et les enfants vivant sous un même toit.

    Mieux comprendre la diversité

    On parle beaucoup de diversité aujourd’hui, comme s’il s’agissait d’une réalité nouvelle qui résulterait essentiellement de l’immigration d’après-guerre. On oublie que la diversité a toujours été présente et surtout qu’elle n’est pas exclusivement liée à l’immigration.

    En cette période historique où différentes instances gouvernementales adoptent un discours et des mesures de reconnaissance et de réconciliation à l’égard des populations autochtones, Eric Guimond et Richard Marcoux se demandent: De qui parle-t-on exactement? Qui sont les membres des Premières Nations? À partir d’estimations fondées sur différents critères, ils documentent la progression fulgurante des personnes au Québec qui déclarent avoir des origines amérindiennes.

    Contrairement à la majorité des travaux en ce domaine, qui s’appuient généralement sur les données des recensements, Marc Tremblay et Hélène Vézina utilisent des données de démographie historique pour documenter la diversité des populations. La reconstruction de généalogies montre que, si la plus grande part des ancêtres des Québécois d’ascendance canadienne-française sont venus de France, on trouve aujourd’hui parmi eux des ancêtres de plusieurs autres origines: acadienne, américaine, anglaise, allemande, écossaise et irlandaise, et autochtone.

    La diversité ethnoculturelle est maintenant un fait et elle continue à croître, non seulement au Québec, mais dans la majorité des pays qui ont recours à l’immigration pour combler leurs besoins en matière de main-d’œuvre. Comme le signale Gérard Bouchard, elle pose la question du rapport entre majorité et minorités et sa gestion doit passer par une approche pluraliste. La notion de minorités fait généralement référence aux «autres», à ceux et celles qui sont différents du groupe majoritaire. Or, si au Québec les Canadiens français constituent la «majorité», ils ont aussi fait partie des «autres», comme l’illustre Marie-Ève Harton dans son analyse de l’émigration canadienne-française aux États-Unis au 19e siècle.

    Des enjeux importants liés à la diversité ethnoculturelle issue de l’immigration ont trait au marché du travail. L’approche statistique utilisée par Victor Piché permet de lever le voile sur la réalité de la discrimination en emploi. Il conclut que les immigrants font l’objet d’une discrimination systémique qui passe par des pratiques d’embauche et de promotion qui défavorisent certains groupes, et en particulier les minorités visibles.

    Les débats sur l’immigration (niveaux, critères de sélection) font presque toujours référence au volet «permanent» de la politique d’immigration. Pourtant, l’immigration temporaire est devenue, au fil des ans, une composante tout aussi importante de l’immigration économique au Québec. Selon Danièle Bélanger, ce type d’immigration n’a pas fait l’objet de débats publics, de sorte que l’on connaît peu de choses sur cette catégorie de travailleurs. Son chapitre a pour objectif de sortir ces travailleurs de l’ombre et illustre bien que, même s’ils sont essentiels dans plusieurs secteurs, leurs conditions de travail demeurent précaires.

    Une autre dimension centrale des débats sur l’immigration au Québec concerne la langue, et plus particulièrement la place du français. Le chapitre de Jean-Pierre Corbeil constitue un rappel historique de l’apport essentiel de la démographie dans l’élaboration des politiques linguistiques.

    Répondre aux défis de la santé et du vieillissement

    Au moment de concevoir notre projet de livre, le virus SRAS CoV-2 qui cause la maladie COVID-19 n’était pas encore apparu. Cette maladie a révélé à quel point les politiques à l’endroit des personnes âgées ne se sont pas ajustées aux réalités du vieillissement de la population, même si les démographes n’ont eu de cesse de sonner l’alarme.

    Deux chapitres scrutent l’impact de la COVID-19 sur les infections, les hospitalisations et les décès au Québec et un troisième texte traite plus globalement des liens entre pandémie et migration. Robert Choinière utilise la méthode du calcul de l’excès de mortalité, obtenu en comparant le nombre de décès survenus entre le 15 mars et le 31 mai 2020 et la moyenne des décès des années antérieures pour la même période. Ses résultats montrent que le niveau de couverture des décès occasionnés par la COVID-19 au Québec est excellent. Simona Bignami-Van Assche montre que la maladie a touché tous les groupes d’âge et que ce sont les individus en âge de travailler qui ont été proportionnellement les plus hospitalisés durant les débuts de la pandémie. De plus, elle dénombre plus de femmes que d’hommes parmi les cas confirmés de la COVID-19 en deçà de 60 ans. Enfin, le chapitre d’Alain Gagnon, Amy Rose Pitonak et Sandra Gagnon, qui propose une lecture historique du lien entre migration et contagion, remet en question le paradigme qui voit en l’immigrant la source de la contagion.

    L’éclairage historique, privilégié par Amélie Quesnel-Vallée, est également utile pour comprendre les liens entre les inégalités sociales de santé et les politiques sociales. Ainsi, c’est l’accumulation des travaux en épidémiologie sociale qui, à partir du milieu du 19e siècle, dénoncent les conditions de vie délétères, en particulier celles des travailleurs, qui va conduire à mettre en place des mesures faisant de la réduction des inégalités socioéconomiques en matière de santé un objectif primordial de la santé de la population. Le chapitre de Robert Bourbeau, quant à lui, est particulièrement intéressant en ce qu’il relate en quelque sorte un «success story» de la démographie. Il illustre comment l’analyse démographique a permis de mieux cibler les interventions en matière de sécurité routière. Les données montrent que les progrès ont été énormes grâce aux politiques publiques mises en place. De son côté, Enrique Acosta examine une réalité peu connue et surprenante: la surmortalité que connaissent les «baby-boomers». Après avoir documenté ce phénomène, il fait appel à deux concepts pour l’expliquer: celui de génération ou cohorte de naissance (le contexte sociohistorique favorable) et celui d’identité intergénérationnelle (conflits de générations).

    Il n’est plus possible de nos jours de parler de mortalité sans avoir recours à la notion bien connue d’espérance de vie, mais qui reste encore trop souvent mal comprise. Comme le souligne Nadine Ouellette, l’être humain n’a jamais vécu aussi longtemps qu’aujourd’hui, et si l’accroissement de l’espérance de vie se poursuit toujours, c’est bien grâce au surprenant recul marqué de la mortalité aux âges élevés. Pour que la longévité augmente de façon significative à l’avenir, il faudra attendre une nouvelle révolution dans la lutte contre ce que l’autrice appelle les maladies du vieillissement (maladies chroniques et dégénératives).

    Le texte de Dominic Gagnon est une réflexion critique sur les liens entre vieillissement, marché du travail et retraite. L’auteur se demande s’il est légitime de repousser l’âge donnant droit aux prestations de la sécurité de vieillesse sous la pression du vieillissement de la population. Il montre que ce report aurait peu d’effet sur la taille de la main-d’œuvre et suggère plutôt de tenter d’adapter le marché du travail à la structure par âge vieillissante de la population par l’adoption de mesures favorisant le maintien et l’embauche des individus qui veulent travailler. Enfin, le chapitre d’Yves Carrière remet en question la tendance à considérer le vieillissement comme un problème. Pour lui, vieillir ne veut pas automatiquement dire stagnation. Il n’y a aucune raison de croire qu’une population plus âgée, vieillie et appelée à vieillir davantage avec l’accroissement de la longévité ne pourra générer de la croissance économique, à condition que les décideurs cessent d’ignorer ce phénomène dans la mise en œuvre des politiques publiques.

    Relever les défis de l’éducation, du logement,

    de l’environnement et du droit en santé reproductive

    Naissances, mariages, décès, migrations sont les plus classiques des événements étudiés en démographie. Cependant, l’intérêt de la démographie ne s’arrête pas là puisqu’elle est au cœur des enjeux en matière d’éducation, de logement, d’environnement et de droit en matière de santé de la reproduction. Les études démographiques contribuent ainsi aux débats de société à l’échelle locale, nationale et internationale.

    Les auteurs de deux chapitres remettent en perspective l’évolution de l’éducation au Québec. D’abord, Benoît Laplante et Pierre Doray s’inscrivent en faux contre l’idée que le Québec échoue toujours à combler son retard en éducation et ils présentent de nouvelles données qui nuancent considérablement les perceptions négatives sur cet enjeu. L’analyse de la performance québécoise permet également de relativiser le discours alarmiste sur le décrochage scolaire des jeunes Québécois. Simon Normandeau constate que la situation est moins catastrophique qu’on le laisse souvent entendre, du moins sur le plan comparatif à l’échelle internationale.

    Charles-Olivier Simard tente d’expliquer la pénurie d’habitations qui sévit dans l’Inuit Nunangat. La «forte croissance démographique» ou encore le «profil démographique particulier» de la population inuite sont souvent évoqués pour expliquer cette pénurie, laissant ainsi dans l’ombre les facteurs historiques et politiques, comme la sédentarisation forcée, qui ont contribué à créer la crise du logement.

    Cette crainte de la croissance démographique se retrouve au cœur des débats entourant l’une des préoccupations planétaires de l’heure, à savoir le réchauffement climatique. Richard Marcoux aborde dans une perspective critique les pièges vers lesquels la doctrine néo-malthusienne a pu conduire à travers le temps, entre autres dans les débats sur l’environnement. Selon l’auteur, les études montrent notamment que les pays qui contribuent le plus aux dommages environnementaux sont ceux où la natalité est la plus basse.

    Le néo-malthusianisme a également été très présent dans les débats sur les liens entre la population et le développement. En examinant la question de la population à travers les politiques d’aide canadienne au développement, Anne E. Calvès montre comment la problématique démographique a considérablement évolué, passant d’une approche centrée sur la crainte de l’explosion démographique du Sud (1960-1990), qu’elle qualifie d’antinataliste, à une approche féministe, davantage axée sur les droits de la personne, en particulier les droits des femmes à la santé reproductive (au tournant des années 1990).

    Tirer profit de données abondantes, mais hétérogènes

    Une partie essentielle de la démographie s’appuie sur de larges bases de données, constituées à partir de renseignements provenant des recensements, de la statistique de l’état civil, des registres paroissiaux, des fichiers administratifs et des grandes enquêtes notamment. Une dernière partie traite ainsi de l’importance des données disponibles, des limites éprouvées et des avancées réalisées au fil du temps, ainsi que de nouvelles perspectives que laissent entrevoir les développements récents.

    Dans son chapitre, Jean Poirier insiste sur deux changements majeurs qui constituent, selon lui, une véritable révolution dans la production et la diffusion des données statistiques: la constitution de bases de données longitudinales et l’effort de démocratisation des données ayant pour but d’en faciliter l’accès. On doit également à la démographie québécoise d’avoir beaucoup investi dans la constitution d’importantes bases de données historiques. Pour Marilyn Amorevieta-Gentil et Lisa Dillon, les enjeux démographiques actuels trouvent souvent un écho dans le passé. Or, l’étude du passé nécessite la sauvegarde et la mise sur pied de bases de données qui permettent de reconstituer les grands phénomènes démographiques. Plusieurs des chapitres précédents illustrent d’ailleurs tout le potentiel analytique qu’offrent ces initiatives, particulièrement au Québec.

    L’approche longitudinale constitue un outil privilégié pour analyser les phénomènes démographiques. Le chapitre de Charles Fleury montre l’intérêt du concept de génération et de l’analyse générationnelle pour étudier le changement social: chaque génération a sa propre histoire dont il faut tenir compte, ayant été socialisée dans un contexte historique particulier.

    Les projections de population constituent un autre outil essentiel de la démographie. Bien qu’il soit complexe d’anticiper l’évolution des phénomènes à la base de l’évolution de la population (fécondité, mortalité, immigration, émigration), Laurent Martel signale que les projections demeurent indispensables à la planification efficace des programmes, des politiques et des services à la population, notamment dans les domaines de l’éducation, de la construction immobilière et de la santé.

    Comme en témoignent les chapitres précédents, la production et la diffusion des données ont constamment évolué, permettant ainsi de raffiner considérablement les analyses démographiques et statistiques. Une dernière contribution, celle de Ahmed Sarni, continue cette quête de nouvelles données en explorant le potentiel de celles que fournissent les réseaux sociaux. Ce texte représente le témoignage d’un étudiant en démographie qui a assisté, depuis son très jeune âge, à l’essor des réseaux sociaux dans la société et qui y voit une source de données inédites, ouvrant la porte à de nouvelles possibilités.

    ***

    Dans la conclusion de l’ouvrage La démographie québécoise. Enjeux du XXIe siècle, publié aux Presses de l’Université de Montréal en 2003, nous avions suggéré quatre enjeux démographiques que le Québec devrait affronter au cours du 21e siècle: la décroissance démographique; la remise en question des acquis sociaux dans le domaine des politiques de sécurité sociale; la gestion des nouvelles technologies de la reproduction; et une recrudescence des replis identitaires en matière de politiques d’immigration. D’une certaine façon, ces défis sont toujours présents. Par contre, notre appréciation du vieillissement semble aujourd’hui fort discutable. En effet, dans une note, nous écrivions: «On aurait pu rajouter un cinquième enjeu lié au vieillissement, mais cet enjeu […] est largement discuté dans la littérature et ne sera pas spécifique au XXIe siècle, quoiqu’il demeurera important […].» Près de vingt ans plus tard, force est de constater que, malgré les nombreuses prévisions des démographes en matière de besoins en soins de santé pour les personnes âgées, les politiques publiques sont allées en sens contraire des avertissements: coupes draconiennes dans les dépenses en santé publique et refus du virage vers les soins à domicile. La pandémie de COVID-19, qui a frappé de façon particulièrement meurtrière dans les milieux de vie des aînés durant l’année 2020 au Québec, est venue nous rappeler combien nous sommes loin encore d’avoir pris acte des nouvelles réalités démographiques liées au vieillissement inéluctable de la population.

    Après 32 chapitres traitant d’enjeux sociaux à la lumière de la démographie, peut-on se risquer encore une fois à «penser l’avenir»? Une chose est certaine: les tendances lourdes documentées ici persisteront encore longtemps. Il est clair, par exemple, que les transformations familiales en cours se poursuivront. Aussi, les politiques publiques doivent-elles s’ajuster à la diversification et à la complexité croissantes des arrangements familiaux, chercher à réduire l’impact négatif des séparations sur le bien-être physique et mental des enfants, poursuivre l’éducation sexuelle des jeunes pour éliminer les grossesses non désirées. Les changements démographiques enclenchés à partir du milieu du 20e siècle vont aussi continuer d’affecter le marché du travail et les besoins en matière de main-d’œuvre.

    L’immigration constituant le levier le plus important de la croissance démographique et du maintien de la population active depuis un bon nombre d’années déjà, il faudra cesser de la voir comme un problème ou une menace. La diversité croissante de la population nécessitera des mesures efficaces contre la discrimination en général et, plus particulièrement, contre la discrimination systémique en emploi. De plus, la reconnaissance des peuples autochtones et l’élimination des politiques discriminatoires à leur égard s’imposent de façon urgente. Quant aux défis en matière de santé, il importe de remettre en question la centralisation des services, de revoir l’efficacité de la privatisation, de cesser les coupes dans le domaine de la santé publique et de prendre le virage des soins à domicile, ainsi que de systématiser la collecte de données pertinentes et accessibles, lesquelles, on le verra, ont fait cruellement défaut lors de la pandémie. Enfin, les questions du décrochage scolaire, de l’environnement, du droit à la santé reproductive et de la réduction des inégalités socioéconomiques demeureront des défis importants.

    En terminant, il est évident que les débats publics sur les enjeux sociaux abordés dans notre ouvrage seraient sérieusement handicapés si on ne pouvait les asseoir sur de solides données empiriques. Dûment contrôlées sur le plan éthique et méthodologique, les multiples bases de données sur les populations du Québec servent à la fois de point d’appui et de garde-fou pour le travail des démographes, mais elles jouent aussi le même rôle dans le débat public. La démographie n’est pas une science d’opinion, encore moins un discours de tribune; elle s’appuie d’abord et toujours sur des faits, assortis d’un jeu d’hypothèses construites en toute clarté. Si ces faits peuvent donner lieu à des interprétations diverses, forcément provisoires et perfectibles, ils ne permettent pas, toutefois, d’avancer n’importe quoi. Quand les faits sont récurrents, bien établis, marqués par des tendances nettes, on ne peut plus les minimiser ni les ignorer, comme on le voit trop souvent dans le débat public. La communauté des démographes ne prétend pas trancher d’autorité les débats inhérents à une société démocratique, elle ne saurait conclure à la place des citoyens. Elle a mieux à faire: apporter des données et des analyses capables de nourrir la délibération démocratique. Et ce, quitte à défaire les idées reçues, quitte à déjouer les entreprises de désinformation. Si les démographes ne prétendent pas trancher le débat public, ils ont le devoir impérieux d’en relever le niveau. Telle est, du moins, l’ambition du présent ouvrage.

    Pour en savoir plus

    Légaré, J., «Vieillissement de la population. Des décisions s’imposent» et «Vieillissement de la population. Modifier nos façons de faire», Le Devoir, 4-5 septembre 2008.

    Piché, V. et Le Bourdais, C. (dir.), La démographie québécoise. Enjeux du XXIe siècle, Presses de l’Université de Montréal, 2003.


    4. Le biais de confirmation est le plus souvent cité: ce biais fait en sorte que les personnes ne lisent ou ne retiennent que ce qui conforte leurs propres opinions. Il est renforcé par l’effet «chambre à écho», c’est-à-dire le fait d’appartenir à des réseaux de personnes qui pensent comme nous, un phénomène qui s’est accentué à l’ère du numérique et qui est bien documenté dans les études récentes sur les réseaux sociaux.

    PARTIE I

    SAISIR LES RÉALITÉS

    DES FAMILLES

    CHAPITRE 1

    Le caractère exceptionnel

    de la fécondité québécoise

    Danielle Gauvreau

    Quand on parle de fécondité québécoise, l’image qui vient le plus souvent à l’esprit est celle de familles exceptionnellement nombreuses et d’une ribambelle d’enfants alignés par ordre de grandeur autour de leurs parents posant fièrement pour la postérité. Ancrée dans notre imaginaire collectif, cette représentation renvoie à un aspect bien réel de notre histoire, mais la réalité est plus complexe que ne le suggère cette image. D’abord, parce que toutes les familles ne ressemblaient pas dans le passé à cette image et, ensuite, parce que cette image fait fi des grandes tendances de la fécondité qui ont touché le Québec et tous les pays industrialisés à partir de la fin du 19e siècle: déclin de la fécondité, baby-boom de l’après Deuxième Guerre mondiale, plongée sous le seuil de remplacement des générations après 1970 (voir le graphique 1.1).

    Dans le présent texte, j’examine les comportements de fécondité des Québécoises depuis la fin du 19e siècle dans le but d’identifier non seulement les traits qui relèvent de l’expérience commune à tous les pays industrialisés, mais aussi les particularités qui marquent la fécondité des couples québécois. On verra dans la suite du texte que ces deux aspects sont bien présents dans l’évolution de la fécondité au Québec.

    Les familles nombreuses

    et la transition de la fécondité, 1870-1940

    Vers le milieu du 19e siècle, les familles québécoises comptent en moyenne sept enfants et les couples cherchent rarement à contrôler le nombre d’enfants qu’ils mettront au monde. Ce chiffre est élevé, ce qui s’explique par le fait que la population vit surtout en milieu rural – le nombre d’enfants est un atout dans une ferme – et que les possibilités d’expansion dans le Nouveau Monde n’imposent pas de freins importants à la taille des familles. Il est tout de même inférieur au maximum théorique que des chercheurs ont pu établir (près de 10 enfants), notamment parce que les jeunes femmes ne se marient pas dès leur puberté et que leur période de vie féconde peut être brusquement interrompue par le décès d’un des époux. D’autres facteurs comme la fréquence des rapports sexuels, dont on sait peu de choses, la durée de l’allaitement ou l’éloignement des conjoints à certaines périodes de l’année (chantiers) peuvent aussi influencer ce nombre.

    Durant la deuxième moitié du 19e siècle, la fécondité amorce un déclin dans la plupart des pays occidentaux. On lie le plus souvent cette évolution à la révolution industrielle, qui amène d’importantes migrations des campagnes vers les villes et transforme nombre de cultivateurs en travailleurs salariés. En ville, le nombre d’enfants ne constitue plus autant un atout, surtout quand il faut envoyer ses enfants à l’école et que l’éducation devient la meilleure garantie pour assurer leur avenir. Pour expliquer ce changement, certains ont dit que l’on avait troqué la quantité d’enfants pour une plus grande qualité de ceux-ci.

    Afin de limiter la taille de leur famille, les couples disposent, à l’époque, de moyens assez rudimentaires puisque la pilule anticonceptionnelle ne fait son apparition que dans les années 1960. Il y a le condom, populaire surtout parmi les soldats et dans le milieu de la prostitution, mais aussi le diaphragme (aussi appelé «pessaire»), la méthode du retrait et, plus radicalement, l’abstinence. C’est au cours des années 1920 seulement qu’on parvient à bien déterminer la période où les femmes sont fécondes au cours de leur cycle menstruel, ce qui est à l’origine de la méthode dite «du calendrier». Le recours à la contraception se répand parmi les classes supérieures et en milieu urbain d’abord, puis dans les autres groupes en ville, parmi les élites rurales et, finalement, chez les cultivateurs. Avec la baisse de la mortalité qui se produit à peu près à la même époque dans les pays industrialisés, on assiste alors à un revirement important en matière de reproduction démographique. L’être humain est maintenant en mesure d’exercer un contrôle sur la vie et sur la mort; d’une part, parce qu’il gagne progressivement la bataille contre les maladies infectieuses et, d’autre part, parce qu’il prend les moyens pour planifier la taille et le rythme de constitution des familles.

    Comme l’ont montré Gérard Bouchard et Richard Lalou, c’est à ce moment-là que l’évolution de la fécondité au Québec commence à s’écarter des tendances observées dans les sociétés voisines comme l’Ontario ou les États-Unis. En effet, la baisse de la fécondité au Québec est plus tardive et moins prononcée. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela: le caractère longtemps plus rural de la société canadienne-française, le statut socioéconomique plus faible de sa population, les taux élevés de mortalité (surtout chez les enfants), et l’influence marquée de la religion catholique, farouchement opposée à toute régulation des naissances. En 1901, on note déjà que la fécondité chez les anglophones protestants a diminué de près de 30% au Québec, en ville comme à la campagne. Chez les Irlandais catholiques, la baisse a eu lieu en ville seulement, alors qu’aucun mouvement n’est décelable chez les catholiques francophones du Québec.

    Les autorités religieuses catholiques durcissent toutefois le ton de leur discours sur la fécondité et la famille vers la fin des années 1910, exhortant leurs ouailles à résister à l’appel de la consommation et des autres occasions de perdition présentes en ville, ce qui laisse supposer que l’attrait de ces nouveaux comportements devient de plus en plus fort, même chez les catholiques francophones. En effet, même si un système centralisé d’enregistrement des naissances

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