Identités diasporiques et communication
Par Christian Agbobli, Oumar Kane et Gaby Hsab
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Identités diasporiques et communication - Christian Agbobli
Les interrogations autour des diasporas font partie d’un des axes de la programmation scientifique du Groupe d’études et de recherches axées sur la communication internationale et interculturelle (GERACII). En effet, si la notion de diaspora a été analysée en profondeur dans les recherches menées au sein de différentes disciplines telles que l’histoire, l’anthropologie, la sociologie, la science politique ou l’économie, son analyse reste encore parcellaire en communication.
Loin de prétendre apporter une réponse ferme et définitive relativement à l’étude des différentes formes du phénomène diasporique et aux contours des différentes diasporas, la communication – comme interdiscipline¹ – peut cependant contribuer à l’analyse en apportant une nouvelle perspective sur les enjeux de la diaspora. Cette perspective pourrait correspondre à une prise en compte des recherches effectuées dans les autres disciplines et à une intégration communicationnelle des processus physiques de circulation et symboliques de création de sens caractéristiques des diasporas. D’autre part, en s’intéressant aux différents médias et à leur rôle dans ce processus, les sciences de la communication pourront apporter leur contribution à l’analyse multidisciplinaire des diasporas. La largeur du spectre communicationnel, qui part de la communication intrapersonnelle pour aboutir à la mondialisation en passant par l’interpersonnel, l’organisationnel, le médiatique, l’interculturel, etc., fait écho à la diaspora, phénomène multiple, complexe et dont les déclinaisons historiques sont très variées.
La communication permet ainsi d’apporter un éclairage inédit à la compréhension des actions des individus et des collectifs humains en privilégiant la question de la construction conjointe de la distance et du lien tout en mobilisant les acquis des autres disciplines des sciences humaines et sociales.
Le présent ouvrage rassemble certaines des contributions issues du colloque Trajectoires diasporiques, processus communicationnels et construction identitaire : éléments d’articulation, organisé les 11 et 12 mai 2010 par le GERACII lors du 78e Congrès annuel de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS). Les auteurs s’interrogent sur la notion de diaspora tout en l’insérant dans les différentes figures du sujet diasporique, qu’il se situe dans une logique de mondialisation, de ghettoïsation ou de re-territorialisation.
L’ouvrage est divisé en trois parties : 1) la diaspora dans tous ses états ; 2) la diaspora et les productions médiatiques ; 3) la diaspora, entre consommation des médias et construction du lien social.
La première partie, « La diaspora dans tous ses états », porte sur une analyse épistémologique de la diaspora et comporte quatre chapitres.
Adoptant une posture résolument épistémologique, Gina Stoiciu propose de problématiser l’état des connaissances sur la diaspora en en dressant la carte et le territoire. Se basant sur les savoirs cartographiés, elle présente, dans un premier temps, une définition du terme et du concept (au singulier et au pluriel) et nous entraîne, par la suite, à travers son guide de voyage, vers une cartographie des études sur la diaspora en précisant les spécificités qu’y apportent les études communicationnelles.
Dans un continuum entre identité et communication, Oumar Kane, Gaby Hsab et Christian Agbobli tentent, dans le chapitre 2, d’établir une comparaison entre les diasporas togolaises et libanaises. Après avoir présenté quelques repères théoriques sur la notion de diaspora, les auteurs proposent de dépasser les dimensions classiques de cette notion pour établir une nouvelle articulation des transformations qui touchent les « figures du sujet diasporique » dans le champ de la communication.
Dans leur chapitre qui vise à interroger les enjeux psychosociaux des nouvelles pratiques communicationnelles des diasporas africaines dans la région bordelaise (France), Jean-Jacques Maomra Bogui, Myriam Montagut-Lobjoit et Olga Lodombé ciblent le Web 2.0 et les usages qui en découlent. Tout en décortiquant les notions de système et de « diaspora africaine », les auteurs analysent le lien social et les résultats de leur recherche sur les fonctions d’Internet telles que définies par leurs répondants : mise en relation, continuité, divertissement et surveillance de l’environnement.
Dans le quatrième chapitre, s’inspirant du mouvement social de 2009 dans les Antilles françaises, Olivier Pulvar interroge les identités collectives dans le contexte de la culture de masse. Procédant à une analyse pointilleuse de l’« objet culture », il étudie les rapports qu’entretiennent les Antillais de France avec leur territoire d’origine ainsi qu’avec la société d’accueil. Les formes politiques et communicationnelles des identités diasporiques sont décryptées à travers le rôle des TIC et des industries culturelles dans l’expérience vécue par les Antillais, acteurs de cette mondialisation.
La deuxième partie de l’ouvrage, « La diaspora et les productions médiatiques », comporte trois chapitres.
Fathallah Daghmi ouvre cette partie avec un chapitre sur les représentations des responsables des médias marocains sur leur politique d’offre médiatique à destination des publics marocains installés à l’étranger. Dans cette recherche empirique où il a interviewé les directeurs et rédacteurs en chef des principaux médias au Maroc, Daghmi procède à une articulation des concepts de représentations médiatiques, de diasporas et d’identités à partir du pays d’origine des membres de la diaspora.
C’est également par l’analyse de la production médiatique au Maghreb, mais cette fois en Tunisie, que Nozha Smati s’intéresse aux mutations technologiques qu’ont connues les radios tunisiennes. En étudiant le cas de radio Tataouine, l’auteure approfondit la compréhension des formes de relation au territoire et celle des représentations territoriales construites par la diaspora tunisienne en France.
Le septième chapitre rédigé par Farrah Bérubé est consacré au cas des pratiques professionnelles des journalistes issus de l’immigration au Québec. Partageant la définition que donnent les Cultural Studies de la diaspora, l’auteure prévient que sa recherche en communication s’inscrit dans le courant de la production médiatique faite par les immigrants. Sa recherche, de type qualitatif, a porté sur des entretiens avec dix journalistes issus de l’immigration au Québec qui posent un regard analytique sur l’influence de leurs origines dans leurs pratiques professionnelles.
La troisième partie de l’ouvrage porte sur « La diaspora, entre consommation des médias et construction du lien social ». Elle comporte trois chapitres.
Houssein Charmarkeh analyse les pratiques médiatiques employées par les membres de la diaspora somalienne au Canada pour maintenir les liens tissés avec le pays d’origine, ce qui restructure fondamentalement leur cadre identitaire. Dans cette recherche quantitative où la mondialisation est articulée autour des « médias ethniques », Charmarkeh analyse particulièrement le visionnage de vidéos de mariage dans le contexte du foyer.
Pour sa part, Delphine Regnauld nous transporte en Italie où elle analyse le quartier Esquilin à Rome. Dressant un portrait de l’Italie où « on s’identifie en premier lieu à une région, à une ville, voire à un quartier », elle explique que les immigrants partagent cette identification au territoire même si le rapport diasporique semble de prime abord en contrarier l’expression. Se basant sur un cadre conceptuel issu des études en géographie, Regnauld mobilise une méthodologie mixte pour décrire les rapports de force entre majorité et minorités.
Enfin, dans son analyse des associations de migrants en Suisse, Laurent Matthey évoque le « tiers espace d’une hybridité » où les associations jouent un rôle de médiation. L’auteur se penche sur la contribution des associations de migrants à la production d’activités transnationales susceptibles de générer un sentiment d’appartenance pour une communauté dispersée à travers le monde. Il s’interroge sur les différentes manifestations de ce qu’il identifie comme un syncrétisme.
Nous vous souhaitons une bonne lecture en vous proposant de naviguer sur cette carte du territoire diasporique au gré de votre humeur.
1 Nous sommes conscients que cette prise de position contribuera à alimenter la controverse sur le statut de la communication. En effet, le débat autour du statut de la communication comme discipline est récurrent, même en communication. Si Oumar Kane, dans le sillage de Lee Thayer, Luiz Martino ou Robert Craig, lui attribue le statut de « quasi-discipline », pour Gaby Hsab et Christian Agbobli, la communication connaît certes de vifs débats internes, mais cela ne l’empêche pas d’avoir le statut de discipline en raison 1) de son institutionnalisation dans le champ universitaire ; 2) des théories et épistémologies qui la composent. Nous sommes néanmoins convaincus de son caractère interdisciplinaire en raison 1) de ses influences disciplinaires ; 2) des références théoriques qui sont les siennes ; 3) des territoires qu’elle est amenée à couvrir.
Il n’existe pas de « science » de la diaspora. La diaspora est un thème de recherche qui fait appel à plusieurs types de lecture : géopolitique, historique, anthropologique, sociologique, communicationnelle. Il en résulte un champ de connaissances multidisciplinaires. Certains auteurs s’appliquent à faire des synthèses éclairées autour d’un angle choisi ; si Stéphane Dufoix (2003) propose une lecture de l’histoire du mot, Tristan Mattelart (2009) s’interroge sur les transformations de la diaspora à l’ère de la mondialisation et des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication). La multiplication des connaissances provenant d’horizons disciplinaires différents soulève la question de l’éclatement du domaine de recherche. L’objectif de cette réflexion est de problématiser l’état des connaissances sur la diaspora et de proposer un guide de voyage, une carte du territoire d’un champ de recherche multidisciplinaire.
Par problématisation, on entend non pas la construction d’un objet de recherche empirique, mais plutôt la construction d’un objet de la pensée. Notre réflexion épistémologique prend en compte autant un ensemble de « choses » qui évoluent sur le terrain des pratiques sociales, qu’un ensemble de « mots », de discours scientifiques concernant l’objet de la pensée. Les savoirs cartographiés (définitions, thématiques et traditions de recherche) seront considérés comme des points de rencontre, des points d’articulation, des points de suture entre les pratiques sociales et les pratiques discursives.
Une carte du territoire est un tissage autour d’une structure ; elle représente un certain territoire, mais « la carte n’est pas le territoire », tout comme le langage n’est pas la réalité. Le « guide » permet d’entrevoir l’étendue et le relief du territoire. Une bonne carte aura la structure la plus proche possible du territoire ; c’est ce que nous attendons de nos cartes routières. Sans doute, le travail de cartographe repose sur un certain nombre de « bonnes simplifications ». Une carte est statique alors que le territoire évolue sans cesse ; une carte ne peut couvrir tout le territoire.
Comment produit-on une carte du territoire ? Avant tout, on postule l’existence d’un monde objectif, indépendant de l’observateur, mais interprété par lui. La production d’une carte exige par la suite une mise en relation d’un observateur et d’un objet à l’aide d’une « structure opératoire ». Michel Saucet (1997) évoque cinq cas de mise en relation entre l’observateur et l’objet observé : la structure appartient au sujet (la position idéaliste) ; la structure appartient à l’objet (la position empiriste) ; la structure appartient à la fois au sujet et à l’objet (la position constructiviste) ; la structure est construite par un groupe (version « collective » du constructivisme) ; la structure appartient essentiellement à la relation entre l’objet et l’observateur (l’hypothèse structuraliste). La structure opératoire de notre carte appartient à la fois au sujet et à l’objet. Nous nous exprimons en concepts et propositions théoriques, tout en tenant compte des contextes d’émergence des différentes logiques académiques en présence.
1. LA CARTE DES DÉFINITIONS
1.1. DIASPORA : UN MOT DANS LES DICTIONNAIRES
L’étymologie du mot vient du verbe grec diaspeirein qui veut dire disséminer. Ce mot serait une traduction des termes hébreux galut (qui signifie à la fois exil et esclavage) et golah (qui désigne une communauté en exil). Si le mot est grec, il serait toutefois fidèle à son ancrage dans l’histoire du peuple juif, un peuple dispersé, soucieux de garder sa spécificité communautaire.
Au XIXe siècle, on utilise le mot Diaspora (au singulier et avec une majuscule), pour désigner la dispersion des Juifs hors de la Palestine, dispersion causée par des persécutions et suivie d’exodes successifs avec des lieux d’asile différents. La définition « classique » de la diaspora désigne un peuple dispersé, qui malgré son déracinement est capable de retenir sa spécificité communautaire.
À partir des années 1980, les dictionnaires commencent à intégrer des sens nouveaux qui émergent des changements sociaux (Dufoix, 2003). Utilisé au pluriel, le terme désigne autant les « diasporas classiques », que « les peuples migratoires », « les peuples-monde », dispersés dans plusieurs États (les Grecs, les Indiens, les Chinois, les Arméniens) et les « nouvelles diasporas » établies à l’étranger (le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et les États-Unis) apparaissent comme des sociétés issues des diasporas britanniques.
1.2. DIASPORA : UN TERME
Dans le sens commun, le terme diaspora renvoie aux nomades, à des communautés reconstituées à l’extérieur du pays d’origine. Il est souvent compris selon la bipolarité nomadisme/ sédentarisme ; les nomades sont ceux qui sont partis vivre ailleurs, les sédentaires, ceux qui sont restés dans leur pays.
1.3. DIASPORA : UN CONCEPT
Au départ, la réflexion sur le phénomène diasporique était intimement liée aux études sur l’exode du peuple juif. Dans les années 1970-1980, avec le renouveau des études des migrations intercontinentales, la réflexion se poursuit en lien avec le phénomène de mobilité des populations ; la diaspora renvoie alors aux peuples migrants, aux peuples-monde, aux populations migrantes ou aux communautés ethniques.
Depuis les années 1990, les diasporas sont étudiées dans les cultural studies sous l’angle de cultures métissées et d’identités hybrides. Avec les NTIC et la mondialisation, le terme est associé aux nomades connectés, communautés virtuelles, communautés numériques, peuples sans nation, communautés transnationales. La diaspora serait ainsi devenue une sorte de communauté non territoriale et transnationale, dont l’exemple extrême serait celui signalé par Dufoix (2003) sur l’état virtuel nommé Cyber Yougoslavie. Cet état revendique un territoire de zéro kilomètre ; il est situé sur Internet et il offre, à ceux qui le désirent, une nationalité et un passeport pour un État virtuel, qui vise sa reconnaissance par la simple installation de son serveur.
On retient dans cette carte quatre manières de définir la diaspora : les définitions fermées, les définitions ouvertes, les définitions catégorielles, les définitions archétypales.
Les définitions fermées abordent les diasporas comme des îlots étanches, des permanences ou des survivances du passé dans le présent. Selon cette démarche, seule l’expérience de la diaspora juive répondrait aux « véritables » critères de la définition de diaspora ; dans ce cas on prend en considération l’expérience de l’exode des Juifs à travers le monde, comme référence singulière et exclusive. Il s’agirait donc de persécution religieuse, exode dramatique et mémoire malheureuse de la catastrophe qui en sont à l’origine.
Les définitions ouvertes sont larges et inclusives. Les communautés diasporiques ne sont plus considérées comme immuables ; elles sont abordées selon les contextes et les interactions qu’elles engagent dans le milieu d’accueil. L’attachement à une mémoire collective du passé n’empêche en rien le processus d’acculturation des diasporas. Stuart Hall s’appuie sur l’exemple de la Caraïbe pour parler d’un processus de métissage culturel ; il se défait du modèle « classique » de la communauté centrée et s’appuie sur l’absence de cohésion communautaire du peuple antillais, afin de traduire une construction collective faite de traditions et de changements. La créolisation propre à la Caraïbe sert de modèle pour repenser la diaspora comme expérience d’hybridation, de métissage, de croisement, de mélange et de brassage. Ainsi l’identité diasporique devient un outil de réflexion sur les identités.
À l’heure de la mondialisation, la notion de diaspora prend aussi la forme de la famille transnationale, investie d’une dimension large, qui englobe, comme le constate Mattelart (2009), l’expérience de l’ensemble des populations migrantes : immigrés, expatriés, réfugiés, travailleurs immigrés, communautés à l’étranger ou encore communautés ethniques. Avec ce type de définition ouverte, la diaspora s’impose progressivement comme une notion clef pour comprendre les enjeux de la mondialisation. Selon Arjun Appadurai (1996), on aura une géographie des flux globaux qui circulent à travers cinq paysages : les ethnoscapes (les individus en mouvement, migrants, touristes, réfugiés, exilés, etc.), les technoscapes (configuration fluide des technologies, inégalement distribuées), les finanscapes (les marchés internationaux), les mediascapes (moyens électroniques de produire et de disséminer de l’information et des images) et les ideoscapes (idéologies d’État ou contre idéologies des organisations non gouvernementales). L’étude des diasporas s’inscrit alors dans une « science de l’imaginaire » qui étudie le Web diasporique.
Les définitions catégorielles. Ce type de définition s’aligne sur un certain nombre de caractéristiques qui permettraient d’identifier une « vraie » diaspora. La définition de Robert Cohen (1997) est considérée comme la définition catégorielle de référence. Devant la multiplication des diasporas, l’auteur propose de « se libérer » du sens consubstantiel à la diaspora juive, de traumatisme et conscience anxiogène, pour parler plutôt de structuration d’une communauté d’intérêts et de destin sur une terre étrangère.
Sa définition combinatoire propose neuf caractéristiques communes : 1) dispersion souvent traumatique ; 2) expansion territoriale dans un but de conquête, de travail ou de commerce ; 3) existence d’une mémoire collective du pays d’origine ; 4) idéalisation du pays natal et engagement collectif envers son maintien ou sa création ; 5) développement d’un mouvement de retour collectivement approuvé ; 6) forte conscience ethnique de groupe ; 7) rapport conflictuel avec les sociétés d’accueil ; 8) empathie et solidarité avec les membres du groupe ethnique installés sur d’autres territoires ; 9) possibilité de développer un sens créatif dans des pays tolérants. Par l’ajout d’un adjectif qualificatif, on obtient cinq types de diasporas : de victimes (juive, arménienne, africaine), laborieuses (indienne), impériales (britannique), commerciales (chinoise et libanaise) et culturelles (caribéenne).
Les définitions archétypales. Selon Stéphane Dufoix (2003), les définitions catégorielles souffriraient d’« illusions objectives » : l’illusion de l’essence (une substance qui répondrait au terme de diaspora), l’illusion de la communauté qui réclame une présence chiffrée de la diaspora et l’illusion de la continuité, qui ignore les transformations de toute diaspora. En revanche, Dufoix propose quatre types idéaux de modes d’organisation de l’expérience collective : le modèle centro-périphérique, le modèle de l’île, le modèle antagoniste et le modèle de l’archipel.
Le modèle centro-périphérique serait une sorte de transnation qui fédère les différentes associations et qui repose sur un lien formel avec la nationalité ; on peut prendre en exemple les Grecs établis au Canada et aux États-Unis, pour qui le centre reste toujours en Grèce. Le modèle de l’île serait celui de l’enclave ou du quartier ethnique, ayant un lien d’appartenance locale ; les Chinatown dans les différentes capitales du monde s’inscrivent dans ce modèle. Le modèle antagoniste serait une sorte d’espace
