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La CONTRE-CULTURE AU QUEBEC
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Livre électronique778 pages9 heures

La CONTRE-CULTURE AU QUEBEC

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À propos de ce livre électronique

Ce livre entend combler une lacune, celle de la méconnaissance de la contre-culture au Québec, un phénomène majeur qui, au cours d’une décennie particulièrement effervescente, a traîné dans son sillage des milliers de jeunes gens que l’extrême gauche ou le néonationalisme – des courants rivaux, si l’on peut dire – n’attiraient pas. Assez étrangement, peu d’études existent sur ce mouvement, sa sensibilité particulière et ses manifestations symboliques, d’où l’intérêt de cet ouvrage qui vise précisément à dresser le panorama de ses artistes et de leurs productions les plus marquantes, de l’Infonie au Jazz libre du Québec, en passant par Victor Lévy-Beaulieu, Josée Yvon, Mainmise ou le Front de libération homosexuel.
À partir de la contribution de spécialistes de divers domaines – musique, littérature, théâtre, cinéma, art visuel, sociologie –, le livre fait le point sur ce vent de contestation qui a balayé l’Amérique des années 1960 et 1970 et sur ce qu’il a semé dans un Québec « hors de la carte », selon les mots de Raôul Duguay, l’un des plus célèbres représentants de la mouvance québécoise.
LangueFrançais
Date de sortie25 janv. 2016
ISBN9782760635722
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    Aperçu du livre

    La CONTRE-CULTURE AU QUEBEC - Karim Larose

    INTRODUCTION

    Karim Larose et Frédéric Rondeau

    «Underground», «marge», «alternative», «contre-société», «nouvelle culture»: autant d’appellations pour désigner la multiplicité des phénomènes contre-culturels1. Dans un ouvrage collectif récent sur le sujet, Contre-cultures! 2, le pluriel du titre permet ainsi de recouvrir non seulement les manifestations sociales et culturelles des années 1960 et 1970, mais aussi ses héritiers punks et altermondialistes. Qu’on y accole ou non le pluriel, la contre-culture se caractérise en effet par sa polyvalence particulière et son refus de se laisser circonscrire sous la forme d’une définition trop arrêtée. C’est pourtant la tâche critique, fut-elle provisoire et toujours remise en question, qui nous attend et à laquelle cet ouvrage s’attelle. Dans les pages qui suivent, nous nous concentrerons sur une période historique restreinte et proposerons une conception plus spécifique, à visée heuristique, de ce que fut la contre-culture au Québec. S’il est difficile de définir ce cas de figure dans l’histoire récente des sociétés occidentales, c’est qu’on peut avoir tendance à y rassembler, parfois sur le mode de la nostalgie compensatoire3, tout ce qui s’oppose à l’ordre établi, toute forme de critique de la culture dite officielle4. Il nous semble important cependant de resserrer la compréhension qu’on peut s’en faire, sous peine de voir la notion se diluer et perdre alors toute portée critique. On le sait: la contre-culture au sens restreint et historique du terme est apparue aux États-Unis dans les années 1960 et a d’abord été théorisée par Theodore Roszak, dont la pensée a fortement influencé la réflexion ultérieure sur le sujet et les catégories qui en sont issues. Dans l’ouvrage The Making of a Counter Culture5 qu’il a fait paraître en 1969, Roszak avance que la contre-culture propose une conception du monde autre que celle, à dominante «technocratique», de la société occidentale depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

    Pour Roszak – et c’est là, croyons-nous, la singularité de son apport –, la technocratie n’est pas uniquement un pouvoir politique et économique, mais constitue une véritable puissance culturelle dont les médias de masse décuplent la force. Ainsi «[L]a technocratie n’est pas simplement une puissante machine exerçant une influence matérielle: elle est l’expression d’un grandiose impératif culturel, une véritable mystique largement soutenue par le peuple6.» La technocratie dénature et dépossède l’homme. Dans l’introduction de son ouvrage, Roszak ajoute qu’il est «incapable de voir, au bout de la route que nous suivons d’un bon pas, autre chose que les deux tristes clochards de Samuel Beckett, attendant sous un arbre que leur vie commence7». Selon lui, «la grande tâche à accomplir est la transformation de tout contexte culturel à l’intérieur duquel prend place notre politique quotidienne8».

    Roszak considère qu’en réaction à cet état des choses, la contre-culture réunit une collection d’attitudes, de tendances hétérogènes – qu’il s’agisse du «folklore indiano-américain», de «l’idéologie gauchiste», des «religions orientales», du «mal du siècle romantique», de la «doctrine anarchiste9» –, unies par un rejet partagé de la culture officielle. Frédéric Robert rappelle quant à lui qu’au moment de la publication de l’ouvrage de Roszak en 1969, tous les «efforts consentis par les diggers, les freaks, selon les appellations de l’époque, afin de donner une âme, une épaisseur, un certain relief, une visibilité, voire une légitimité à leur génération, avaient été réduits à néant10». Selon Robert, la contre-culture avait, en réalité, connu – sur le plan historique – une mort précoce: «[p]lusieurs facteurs [pouvaient] expliquer cette triste fin: une recrudescence des drogues […] allant de pair avec une exacerbation de la violence [à San Francisco notamment, haut lieu de la contre-culture à l’époque], mais aussi une répression forte et multiforme de la part des autorités, sans oublier la récupération du mouvement à des fins commerciales11». C’est en ce sens que l’on peut considérer que le Festival de Woodstock, en 1969, marque tout à la fois l’apogée et le déclin du mouvement originel, qui sera peu à peu récupéré dans les années 1970 par les médias de masse12. Il faut ainsi signaler que, dès les premières années, une contre-culture – avec ses premiers défenseurs, son impulsion propre et ses premières expérimentations – a cédé la place à une autre, qui se prolongera jusqu’à la fin des années 1970.

    Si la crise des valeurs et du politique des années 1960 au Québec – marquée par la montée du néonationalisme indépendantiste – diffère de celle qui affecte les États-Unis à la même époque, la contre-culture, elle, demeure un courant occidental dont on se réclame tant en Amérique du Nord qu’en Angleterre et en France. L’internationalisme du phénomène s’explique notamment par sa malléabilité et son caractère englobant, regroupant des discours et des pratiques diverses et parfois contradictoires. L’utopie communautaire, notamment, s’oppose en certains points à l’expérience d’une nouvelle urbanité; la «question nationale», liée au cadre restreint du Québec, peut sembler incompatible avec une perspective universalisante, etc. Ce syncrétisme était présent, par exemple, chez l’écrivain Louis Geoffroy, qui affirmait en 1975 dans un entretien accordé au magazine Hobo-Québec que «[l]a contre-culture se manifeste […] par des réactions antagonistes aux facteurs cul­turels apportés par les parents, la société, l’éducation, la politique et la standardisation fonctionnelle des technocrates. Elle engloberait ainsi les marxistes, les mystiques, les blousons noirs, les drop-outs, une bonne partie de la jeunesse13.»

    Dans Politique et contre-culture, paru en 1979, le politologue Gaétan Rochon évoque lui aussi le fait que la contre-culture ne constitue pas un mouvement social unifié. Il en décrit ainsi la configuration particulière:

    La contre-culture est l’expression contemporaine d’un refus critique apparu en même temps que la civilisation scientifique, technique, industrielle dont il nie l’un ou l’autre des fondements et qui, avec des périodes de pointe et de déclin, s’est maintenu jusqu’à nos jours. Aujourd’hui, ce refus s’affirme sous trois formes: culte égotiste de la personne (courant existentiel), désir de renversement immédiat du système (courant activiste), volonté d’épanouissement de sa culture dans des structures propres (courant nationalitaire)14.

    En dépit du schématisme évident d’un tel découpage, que discutent plusieurs des collaborateurs de ce collectif, il n’en reste pas moins que Rochon considère lui aussi que «ces groupes ont en commun […] une attitude similaire à l’égard de la vie et de la politique: élan vital, désir de l’expérience concrète, maintien de l’individualité en même temps que recherche des liens communautaires, refus du système, de ses valeurs officielles, de l’intégration culturelle ou ethnique qu’il propose15». Le point de vue de Rochon, qui entend notamment réfléchir au lien entre contre-culture et singularités nationalitaires, fait figure d’exception16. De fait, l’un des reproches les plus fréquents adressés aux acteurs de la contre-culture con­cerne précisément l’«apolitisme» du mouvement. Dès 1979, le sociologue Jules Duchastel écrivait:

    [L]es mouvements sociaux contre-culturels rejettent toute forme d’action politique. De la même manière, le discours contre-culturel s’exclut du terrain des luttes politiques telles qu’elles peuvent se définir traditionnellement ou à travers des modèles révolutionnaires. Cette idéologie est justement caractérisée par cette position qui consiste à remettre en question la pertinence de l’action politique pour les transformations sociales. À la limite, toute forme sociale est oppressive pour l’individu, si celui-ci ne retrouve pas sa propre autonomie17.

    Cet extrait entretient un malentendu tenace à propos de la contre-culture: il ne pourrait y avoir de politique de la contre-culture puisque ce phénomène n’est pas animé par un groupe ou une organisation homogènes, que des tendances diverses s’y font jour, qu’il ne compte pas de porte-parole et ne se fonde sur aucune théorisation homogène. Or, en un sens, c’est précisément de ces formes d’organi­sation hiérarchisée du savoir culturel et social que cherchent à s’éloigner les tenants de la contre-culture. Sur le plan politique, il faut plutôt lire le phénomène de la contre-culture à la lumière du mot de Gaston Bachelard: «L’utopie est à la vie ce que l’hypothèse est à la science18.» Il en va de même, croyons-nous, pour la contre-culture, qui pratique des formes très diverses de mise à distance des pouvoirs normatifs. Si l’on ne peut identifier d’énoncés programmatiques de la contre-culture, c’est qu’elle cherche d’une manière plus générale à se délivrer d’une aliénation généralisée, comme le soutient à juste titre Guillaume Leblanc19. On peut, en ce sens, établir des parallèles entre la contre-culture et Mai 68, ­qu’Edgar Morin décrivait comme une «révolution sans visage, une contestation généralisée du pouvoir, y compris dans les formes les plus dégradées ou les plus mineures de la revendication20». De même, le philosophe Jacques Rancière présentait la politique de Mai 68 d’une manière que nous pourrions appliquer à la contre-culture. En 2008, ce dernier écrivait en effet:

    [L]’esprit de 68, c’est qu’il faut être crétin pour vouloir devenir président de la République. C’est celui de la politique comme invention collective et non comme prise du pouvoir. C’est une période où on a presque oublié qu’il y avait des ministres et des députés21.

    En tant que phénomène social, la contre-culture apparaît comme une période d’émancipation, de quête de libertés nouvelles (utopies communautaires, expérimentation de drogues22, sexualité décomplexée, découverte des spiritualités orientales, etc.). Pourtant, sur le plan culturel, les auteurs, compositeurs et artistes associés au phénomène de la contre-culture semblent souvent habités par le doute et font preuve de méfiance envers l’avenir. Les chapitres de cet ouvrage en témoignent à leur façon, en s’intéressant à la dimension proprement culturelle et sociale de la contre-culture, celle-ci ne pouvant bien sûr être considérée comme une école ni même comme un mouvement unitaire. Il ne s’agit pas davantage d’une avant-garde, qui exigerait un manifeste et s’accompagnerait d’un discours spécifique et spécialisé.

    La contre-culture est un phénomène diffus, sans texte fondateur et, par conséquent, sans acte de naissance précis et assignable. Mais parmi les moments marquants qui l’ont constituée, notons celui de la création du groupe Fusion des arts en 1965. Regroupement d’artistes faisant l’usage de différents médiums, Fusion des arts joue un rôle d’initiateur au Québec en raison du caractère interdisciplinaire de sa démarche. À l’autre bout du spectre, l’essoufflement de cette expérience, au Québec du moins, commence à se confirmer lors de la tenue de la «Rencontre internationale de la contre-culture» qui eut lieu à Montréal en avril 1975. Si le texte de présentation de la Rencontre insiste sur l’importance accordée à la recherche tous azimuts, il n’en demeure pas moins que la dimension institutionnelle de l’événement – rencontre avec Allen Ginsberg et William Burroughs, organisation de la semaine en ateliers, collaboration de la Bibliothèque nationale du Québec, qui accueille l’événement – s’éloigne de l’esprit contestataire de la contre-culture.

    Comment traiter, dans un ouvrage savant, d’œuvres ayant, par définition, tenté d’évoluer en marge de l’institution culturelle? C’est le défi qu’ont accepté de relever les collaborateurs de ce livre. Les textes ici colligés témoignent d’une volonté de rendre compte des désirs ayant animé l’époque qui nous intéresse, de cerner les con­ditions d’émergence des productions contre-culturelles, de prendre la mesure de la singularité d’œuvres marquantes dans une histoire qui lui est spécifique et d’étudier leur dimension interdisciplinaire.

    Dans le texte d’introduction à la Rencontre internationale de la contre-culture, on peut lire:

    Le mouvement de la contre-culture, contrairement à ce que plusieurs tentent d’en faire, n’est pas un mouvement littéraire; c’est bien plus qu’un mouvement de révolte active contre toutes les mesquineries, les fanatismes, les mensonges, les fascismes des pouvoirs établis, qu’ils soient d’ordre politique, religieux, ou de savoir sacralisé. C’est une révolte de l’esprit et du corps, liés ensemble dans le jouir d’une nouvelle connaissance de tout temps interdite, le libre usage de sa vie, de sa pensée23.

    L’ambition des organisateurs de la Rencontre était de constituer «un moment de réflexion sur [leur] présence en terre américaine, le lieu de [leur] culture, ainsi que les pourquoi de l’impact de l’éclatement culturel sur le Québec en particulier, et sur le monde puisqu’il y eut universalité du phénomène24». Ce qui ressort notamment de cette introduction est l’importance qu’accordent les initiateurs de la rencontre au refus que leur discours soit récupéré, dénaturé, catégorisé.

    On imagine pourtant mal comment, sans réflexion sur les traces, documents et témoignages divers sur l’époque25, l’entreprise contre-culturelle pourrait conserver un sens dans la durée. La mémoire, pour se réfracter, passe par le récit de nature historique. De façon tout à fait paradoxale, la consignation de ses hauts faits et des positions de ses thuriféraires, du reste, a commencé à se faire très tôt. Dès 1973, sous la direction d’Yves Robillard, sont publiés trois tomes d’un important volume, intitulé Québec underground. L’ouvrage retrace plusieurs des manifestations artistiques éphémères ayant eu lieu entre 1962 et 1972. Il propose aussi une histoire de l’art dit «underground» dont il identifie certains des «pionniers26». La caractéristique commune aux différentes productions artistiques que l’on retrouve dans ces volumes peut se résumer par une volonté de «sortir résolument de un ou des médiums dans lesquels s’était traditionnellement cantonnée […] toute une forme d’art que l’on a voulu résolument populaire27». Elles rejoignent, pour l’essentiel et sous réserve de certaines nuances, l’histoire de la contre-culture au Québec.

    Dans Poésie des frontières, Clément Moisan insiste lui aussi sur la dimension expérimentale de la contre-culture spécifiquement littéraire: «[la] poésie nouvelle [est d’abord] une recherche d’écriture». Mais au sein d’une conception plus large de ce que signifie l’acte de création, l’écriture devient, du même fait, «une forme d’engagement politique: la forme poétique nouvelle crée sa propre dimension en contestant tout l’universel mental et intellectuel que les pouvoirs politiques ont toujours réussi à récupérer. […] La restructuration du langage poétique équivaut à une restructuration du monde28». Contrairement à ce qu’on a l’habitude de penser, la dimension «politique» de la contre-culture paraît ainsi évidente et, comme le mentionne Francine Couture, c’est souvent «en termes éthiques, de responsabilité et de devoir que les artistes [de la contre-culture] pensaient leur relation avec le public29».

    Animé par un souci de synthèse, La contre-culture au Québec vise à mettre en lumière la dynamique du phénomène contre-culturel, des années 1960 et 1970, et à en questionner plus avant les postulats et l’histoire, en rassemblant autour de ce projet des chercheurs d’horizons disciplinaires variés. Compte tenu de l’importance des transformations idéologiques, sociales et esthétiques auxquelles elle donne lieu, cette période d’à peine une dizaine d’années demeure, on le sait, relativement peu étudiée dans le champ des sciences sociales et des études sur l’art et la littérature, d’où l’intérêt de cet ouvrage de référence. L’interdisciplinarité presque systématique des pratiques contre-culturelles, exigeant un regard d’emblée pluriel, a toujours rendu difficile toute vue d’ensemble et a posé jusqu’à maintenant un défi tout à fait particulier à la recherche. Les archives de première main sont elles-mêmes relativement rares, difficiles d’accès ou notoirement dispersées; ce n’est pas le mérite le plus mince des contributions rassemblées dans les pages qui suivent que d’attirer l’attention sur des archives inédites ou largement méconnues sur la période qui nous intéresse.

    L’objectif de cet ouvrage est de renouveler la réflexion sur la contre-culture au Québec en croisant des analyses provenant de plusieurs disciplines et en diversifiant les objets d’étude afin de contribuer à mieux situer le phénomène sur le plan historique et dans la longue durée. Il s’agissait d’analyser des événements et des réseaux spécifiques ainsi que des œuvres déterminantes ou moins connues de la période, tout en remettant en question, à l’occasion, aussi bien les lieux communs que les idées générales sur les manifestations de l’idéologie contre-culturelle au Québec. Cela devait nous permettre, du même souffle, de mesurer les influences – manifestes, mais aussi plus subtiles, problématiques ou paradoxales – par lesquelles la contre-culture québécoise s’est construite dans le discours social; à comprendre les conditions de son émergence à la fin des années 1960; à tenter de mesurer son héritage dans les arts et les mouvements sociaux de l’époque, qui suivent parfois des orientations divergentes. Alternative globale à la culture de masse accompagnant l’ascension de la société industrielle, la contre-culture correspond aussi à un moment de «dépaysement» du Québec, à une sortie de la question nationale qui lui fait assumer une «américanité» non dénuée d’une originalité qu’il s’agissait dès lors de mieux cerner.

    Devant l’importance grandissante de la société «technocratique», la contre-culture entend se poser en tant que mouvement de résistance culturelle. À la spécialisation et aux abstractions d’un changement institutionnalisé et d’une certaine bureaucratie d’État, elle oppose le dialogue entre les arts et la primauté d’une subjectivité agissante. Elle défend ainsi l’idée que la transformation de la société doit d’abord passer par la révolution des consciences individuelles30. La valorisation d’un tel «sujet» s’inscrira autant dans les mouvements sociaux que dans le domaine artistique. C’est ce que montrent les diverses contributions réunies dans cet ouvrage.

    Particulièrement substantielle, la première partie reconstitue, en trois volets, l’histoire de la musique québécoise des années 1960 et 1970. Dans «Jazz libre et free jazz (1967-1975)», Eric Fillion, mettant entre parenthèses l’immense présence de l’héritage rock, tente de mesurer et de situer la place exacte de l’influence du jazz et plus particulièrement celle du free jazz dans les pratiques contre-culturelles des années 1960. Il s’appuie pour ce faire sur une étude des discours et des lieux artistiques associés à la «musique-action» du Quatuor de jazz libre du Québec et aux intellectuels les plus influents de l’époque, qui joueront dans cette évolution un rôle évident de passeur, Patrick Straram et Raôul Duguay en tête, dont nous retrouverons les figures à maintes reprises dans cet ouvrage.

    À sa suite et de façon tout à fait complémentaire, Jean-Pierre Sirois-Trahan cherche à explorer une autre facette de la sphère musicale québécoise en montrant que l’apparition et la diffusion de l’esthétique rock s’accompagne d’un changement de paradigme culturel qui passe par la mise en valeur d’un «devenir» multiple, notion théorisée par Gilles Deleuze et Félix Guattari. Sirois-Trahan en retient une conception de la contre-culture fondée sur le refus de la hiérarchie, de l’idéologie Ti-Pop au rock psychédélique ou «garage», en passant par Charlebois, Louise Forestier et le rock progressif.

    L’article de Marie-Thérèse Lefebvre explore quant à lui la cons­truction, dans l’histoire des idées musicales, des postulats de ce qu’on a appelé, à la fin des années 1970, la «musique actuelle». Lefebvre montre bien à quel point, contre l’esthétique «overground», la musique actuelle était portée par la vague d’improvisation issue des années 1960, par un goût pour l’interdisciplinarité qui était celui des expérimentations les plus novatrices et par un désir de sortir des cadres rigides de la formation musicale institutionnelle. Cet «espace de création multidisciplinaire, égalitaire et collectif» – notamment au Centre d’essai le Conventum – se distinguait cependant par un relatif apolitisme des expériences musicales qui le précédaient.

    Dans la mouvance de la contre-culture, le champ du cinéma n’est pas en reste. Néanmoins atypique, Le chat dans le sac (1964) demeure l’une des œuvres les plus souvent citées à cet égard; reviennent aussi les noms de Gilles Groulx, de Pierre Maheu et même de Denis Héroux. Dans «Sexe et cinéma contre-culturels: cruauté et grotesque dans l’utopie», Germain Lacasse et Sacha Lebel exposent le paradoxe par lequel la sexualité, à l’encontre des lieux communs habituels sur l’époque, est associée à un imaginaire de misère, de violence et de destruction intimes, notamment dans Bulldozer (1974) et Vie d’ange (1979), du réalisateur Pierre Harel, sans doute plus connu pour son implication dans le groupe rock Offenbach, qui signe cependant aussi des films d’une grande ambivalence, marqués au coin d’une pulsion de liberté dont le décor atteint parfois au grotesque.

    Dans une perspective davantage historique, Marc-André Robert analyse, à partir d’un angle très différent, un des documents visuels les plus riches de l’histoire de la contre-culture québécoise, Une semaine dans la vie de camarades (1976), film-collage tout autant que documentaire, réalisé par les prolifiques frères Jean et Serge Gagné, proposant une réflexion sur la vie quotidienne, la parole et ses pouvoirs. Robert s’intéresse aux conditions de production de cet objet cinématographique singulier tout autant qu’à sa réception et à sa constitution comme lieu de mémoire d’une période peu connue, misant plus que toute autre sur la possibilité de faire émerger des contre-discours pluriels face aux positions dominantes des institutions d’État et de toute instrumentalisation culturelle.

    S’intéressant aux représentations proprement littéraires de la contre-culture, Frédéric Rondeau aborde quant à lui les écrits de Jean Basile, Paul Chamberland, Victor-Lévy Beaulieu, Nicole Brossard, Louis Geoffroy, Gilbert Langevin, Patrick Straram et Denis Vanier, dans lesquels il repère des obsessions récurrentes. Son étude repose sur l’hypothèse suivante: si la contre-culture a souvent – et avec raison – été considérée comme partie prenante d’une période «lyrique», les productions littéraires qui y sont associées témoignent cependant d’une relation trouble avec leur époque. Les auteurs, en effet, manifestent peu de confiance en l’avenir et expriment un profond sentiment d’étrangeté face au monde qui les entoure, ainsi que l’impression de ne plus appartenir au présent.

    Valérie Mailhot, de son côté, porte son regard sur l’œuvre de la poète Josée Yvon, dont le travail est souvent associé à l’esprit de la contre-culture, même si elle ne publie son premier recueil qu’en 1976. Son œuvre, qui véhicule une irréductible part d’asocialité et de radicalisme, réfute un certain ordre du discours. C’est en ce sens que l’étudie Mailhot, dans la perspective d’une analyse de la représentation des sujets sexués et foncièrement subversifs ainsi que des rapports de pouvoir, analyse nourrie de la philosophie foucaldienne.

    Pour Simon-Pier Labelle-Hogue, la contre-culture est une «entre­prise protéiforme» dont la démarche comparatiste peut, plus que toute autre, rendre compte avec pertinence. Ainsi, son analyse s’arrête au rapport contrasté aux «traditions de l’extase31» et à la sexualité chez deux écrivains emblématiques et pourtant trop peu étudiés des années 1970: Patrick Straram, métagraphiste hors norme et «officiant» autoproclamé de la mouvance alternative, et Louis Geoffroy, poète resté en marge des histoires littéraires dont l’œuvre est imprégnée des obsessions du philosophe Georges Bataille. Labelle-Hogue réussit à faire voir à quel point drogue et sexualité tiennent lieu, à des degrés différents, d’une religiosité profane conduisant à une forme de ritualisation qui s’oppose à l’ordinaire sacralisation du spectacle politique.

    Revenant aux sources de la Révolution tranquille et des affirmations nationalitaires, Jean-Marc Larrue insiste quant à lui sur le profond désir d’égalité propre au mouvement contre-culturel, qui tente de résister à toute tentation de domination des minorités par la majorité. Analysant l’apparition du nouveau théâtre québécois et de la création collective à la fin des années 1960, Larrue insiste sur le fait, singulier, que la contre-culture «n’avait ni programme, ni hiérarchie, ni organisation centralisés» et que, pour cette raison même, il a toujours été difficile de passer outre sa volonté de s’inscrire «contre» et de la définir par ce qu’elle entend affirmer, sur le plan idéologique comme sur le plan esthétique.

    Dans «La fin du mythe de l’art underground: Le Crash (1967) de Jean-Paul Mousseau et le modèle de la démocratie culturelle», la critique Anithe de Carvalho s’appuie sur l’étude d’œuvres plus tardives d’un des promoteurs de l’avant-garde artistique au Québec, dès le moment de la parution du manifeste Refus global. Mettant en relation sa réflexion sur les «œuvres-lieux» avec la volonté institutionnelle du gouvernement du Québec d’établir une politique culturelle mieux définie, elle analyse les implications et le mode de fonctionnement d’un type d’œuvre d’art voulant s’inscrire dans une perspective profondément démocratique, tournée qu’elle est vers le public fréquentant la discothèque, qui sert de support et de pivot à l’œuvre entière.

    Toujours dans le domaine des arts visuels, le point de vue singulier que présente l’article de Camille St-Cerny Gosselin tient au fait que l’auteure propose ici l’une des premières études de fond sur la bande dessinée contre-culturelle, dans le journal Québec-Presse tout d’abord, puis dans diverses revues significatives pouvant être associées à une esthétique proche de la contre-culture. Ce tour d’horizon permet de prendre la mesure de la presse alternative et satirique dans le Québec de cette période, une presse dont l’espérance de vie s’avère alors souvent éphémère.

    Sébastien Dulude clôt cette section sur la dimension visuelle de la mouvance contre-culturelle. Portant sur l’œuvre du poète Denis Vanier, son étude met l’accent sur le caractère subversif de l’invention typographique, joignant mise en pages et photographie, dans les recueils de Vanier au fil des décennies. L’analyse des diverses versions d’un texte central, «La 303 suprême», permet à l’auteur de montrer la relation particulière qu’au sein de la poésie contre-culturelle la typographie du recueil permet d’établir entre le poète et son lecteur.

    «Mainmise: un almanach du village global», du sociologue Jean-Philippe Warren, s’arrête sur le contenu comme les conditions de production de Mainmise (1970-1978), revue phare de la contre-culture québécoise. L’article expose la vision éditoriale du périodique. Grâce à la présence et à l’expérience d’un journaliste comme Jean Basile, Mainmise réussit à s’imposer dans le paysage de la presse périodique de l’époque et à servir de lieu d’information privilégié pour qui voulait, dans les années 1970, se tenir au courant de l’information de première main sur la culture «freak». Dans une perspective féministe, Marie-Andrée Bergeron, autour du même objet, s’intéresse quant à elle à l’implicite des contenus défendus par Mainmise, qui véhicule, comme son article le montre bien, une conception tout à fait discutable des représentations des rapports féminin-masculin. Bergeron remarque en effet que la réflexion mise en œuvre par le féminisme de l’époque n’est pas prise en compte dans les schèmes de pensée de l’équipe éditoriale de la revue.

    Robert Schwartzwald, enfin, conclut l’ouvrage avec un chapitre sur le Livre de bord du Front de libération homosexuel (FLH), rédigé dans la première partie des années 1970. L’analyse de ce document inédit montre à l’envi les enjeux propres aux débats internes du FLH, tâchant d’échapper autant à la censure qu’à l’autocensure, à un moment où la contre-culture était, comme le Front lui-même, tendue entre positions militantes et positions plus individualistes, dégagées d’orientations politiques très définies.

    * * *

    Les études sur la contre-culture au Québec se heurtent à un double obstacle: le fait que des pans entiers de la scène socioculturelle de l’époque ne profitent pas encore d’une description adéquate, parce que les travaux spécialisés manquent; le fait qu’étant donné l’état lacunaire de cette description, la critique insiste, par défaut, davantage sur l’homogénéité des inspirations que sur les subtiles dissensions des artistes et intellectuels participant à cette aventure. Ce sont pourtant ces dissensions qui donnent à tout objet d’étude son relief véritable et sa complexité et qui, par le fait même, empê­chent de le laisser glisser dans la mythographie ou la simple célébration32 qui, à notre avis, ont pu nuire aux tentatives diverses et hétéroclites d’écrire une histoire culturelle des années 1960 et 1970 au Québec.

    1. Nous remercions le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSHC), le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ) de l’Université de Montréal, de même que le Canadian-American Center (University of Maine) pour le soutien financier accordé en vue de la publication de cet ouvrage. Nous tenons aussi à remercier Caroline Loranger pour son précieux et patient travail sur le manuscrit de ce livre.

    2. Christophe Bourseiller et Olivier Penot-Lacassagne (dir.), Contre-cultures!, Paris, CNRS Éditions, 2013, 314 p. Signalons aussi la publication d’un premier titre sur le contexte québécois: Jean-Philippe Warren et Andrée Fortin, Pratiques et discours de la contre-culture au Québec, Montréal, Septentrion, 2015.

    3. Voir à ce sujet Frédéric Robert, «Vers une contre-culture», Révoltes et utopies. La contre-culture américaine dans les années 1960, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 14.

    4. L’historien Steven Jezo-Vannier rapproche même surréalisme et contre-culture. Voir Contre-culture(s). Des Anonymous à Prométhée, Marseille, Le Mot et le Reste, coll. «Attitudes», 2013, 448 p.

    5. Theodore Roszak, The Making of a Counter Culture: Reflections on the Techno­cratic Society and its Youthful Opposition, New York, Anchor Books, 1969, 303 p.

    6. Theodore Roszak, Vers une contre-culture: réflexions sur la société technocratique et l’opposition de la jeunesse, trad. Claude Elsen, Paris, Stock, 1970, p. 12-13.

    7. Ibid., p. 13.

    8. Ibid., p. 18.

    9. Ibid., p. 11.

    10. Frédéric Robert, «Rock psychédélique et contre-culture: caractéristiques et groupes emblématiques du San Francisco Sound», op. cit., p. 309. Sur cette question, voir aussi T. Rozsak, op. cit., p. 192 passim ainsi que Gaétan Rochon, Politique et contre-culture. Essai d’analyse interprétative, Montréal, HMH, 1979, p. 18.

    11. Ibid., p. 309.

    12. En dépit du caractère très contestable – et même parfois caricatural – de maintes thèses de l’ouvrage relativement récent de Joseph Heath et Andrew Potter, Révolte consommée. Le mythe de la contre-culture (trad. Michel Saint-Germain et Élise de Bellefeuille, Outremont, Trécarré, 2005), on trouve dans ces pages quelques exemples convaincants du travail de récupération de l’«image de marque» de la contre-culture dans les habitus contemporains de consommation culturelle, voire purement commerciale.

    13. Louis Geoffroy, «Notes éparses sur la contre-culture», Hobo-Québec, no 25, septembre-décembre 1975, p. 12.

    14. Gaétan Rochon, op. cit., p. 24-25.

    15. Ibid., p. 22.

    16. Rochon met notamment l’accent sur l’activisme présent au sein du mouvement contre-culturel, entre autres par l’intermédiaire de l’influence du courant Yippie, prolongement critique du mouvement hippie (voir Gaétan Rochon, op. cit., p. 22-23).

    17. Jules Duchastel, «La contre-culture: une idéologie de l’apolitisme», La transformation du pouvoir au Québec. Actes du colloque de l’ACSALF (1979), Montréal, Éditions Albert Saint-Martin, 1980, p. 253-264. De ce point de vue, Heath et Potter s’inscrivent dans la lignée de ces premières critiques.

    18. Gaston Bachelard, cité dans Ronald Creagh, Utopies américaines. Expériences libertaires du XIXe siècle à nos jours, Marseille, Agone, 2009, p. 9. Cela dit, Creagh distingue bien de telles pratiques utopistes, axées sur des formes de subversion et d’émancipation réelles, de «niches identitaires» et des «groupes psycho-matriciels où la recherche affective est l’unique objectif» (p. 13). Toute communauté n’est évidemment pas synonyme d’utopie critique.

    19. Guillaume Leblanc, La philosophie comme contre-culture, Paris, Presses universitaires de France, 2014, 194 p.

    20. Edgar Morin, «Une révolution sans visage», Mai 1968: la Brèche. Premières réflexions sur les événements, Paris, Fayard, 1968, p. 76.

    21. Jacques Rancière, Libération, 24 et 25 mai 2008, p. VI, cité dans Christian Ruby, L’interruption. Jacques Rancière et la politique, Paris, Éditions La Fabrique, 2009, p. 105.

    22. On oublie cependant parfois que même Roszak a critiqué l’exploration de drogues hallucinogènes, qu’il ne considérait pas comme un fait central, ou particulièrement fécond, du phénomène contre-culturel (voir Vers une contre-culture, p. 184 passim).

    23. Rencontre internationale de la contre-culture présentée par l’Atelier d’expression multidisciplinaire (ATEM) en collaboration avec la Bibliothèque nationale, Montréal, Bibliothèque nationale du Québec, 1975, p. 2.

    24. Ibid.

    25. Le présent ouvrage recense d’ailleurs un nombre important de sources primaires sur la contre-culture, dans les fonds d’archives, dans les médias d’époque et par la collecte patiente et minutieuse d’entrevues et de témoignages directs; le lecteur intéressé par cette question pourra se reporter aux bibliographies de chaque chapitre publiées sur le site des PUM à www.pum.umontreal.ca/catalogue/la-contre-culture.

    26. Il s’agit de Robert Roussel, Armand Vaillancourt, Claude Gauvreau et Patrick Straram (Yves Robillard [dir.], Québec underground, t. II, Montréal, Médiart, 1973, p. 17).

    27. Yves Robillard (dir.), ibid., p. 5.

    28. Clément Moisan, Poésie des frontières. Étude comparée des poésies canadienne et québécoise, Montréal, Hurtubise-HMH, coll. «Constantes», 1979, p. 261.

    29. Francine Couture, «L’État et l’art contemporain», Possibles, vol. 18, no 3, été 1994, p. 8, http://classiques.uqac.ca/contemporains/couture_francine/Etat_art_contemporain/Etat_art_contemp.html.

    30. Pour une critique de cette révolution intérieure, voire «thérapeutique», voir Heath et Potter, op. cit., p. 80-81.

    31. Frédéric Monneyron, «L’imaginaire psychédélique: contre-culture et/ou nouvelle religion», dans Frédéric Robert, Révoltes et utopies. La contre-culture américaine dans les années 1960, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 202.

    32. C’est ce que suggère, parmi d’autres, Stuart Henderson dans son étude de la contre-culture torontoise – qui constitue l’un des ouvrages de référence sur le sujet – lorsqu’il signale l’impossibilité d’une extériorité absolue de la contre-culture par rapport à la culture dominante et l’importance d’un regard critique sur la période, qui tiendrait compte notamment d’une certaine généalogie de la nostalgie (voir Making the Scene. Yorkville and Hip Toronto in the 1960s, University of Toronto Press, 2012).

    IMPROVISATION:

    JAZZ, ROCK ET MUSIQUE ACTUELLE

    CHAPITRE 1

    Jazz libre et free jazz

    Eric Fillion

    Du 21 au 27 avril 1975, Montréal est le site d’importants débats publics sur les cultures marginales1. Cette semaine de la contre-culture rassemble des intervenants venus de partout dans le monde pour participer à des ateliers et assister à des performances de poésie et de musique. Le Jazz libre2, un groupe de free jazz qui connaît ses heures de gloire aux côtés de Robert Charlebois, prend part au concert de clôture qui a lieu au Palais du commerce3. La revue Mainmise, organe principal des tenants de la contre-culture au Québec, n’a jusqu’à ce moment accordé qu’une attention négligeable à ce collectif de musiciens. Yves Robillard et ses collègues de Québec underground avaient pourtant déjà insisté sur la portée des contributions du Jazz libre4. De l’Association espagnole à L’Amorce en passant par la Colonie artistique de Val-David et la commune Petit Québec libre5, ce groupe manifeste depuis 1967 son opposition à l’establishment. À l’instar du rock américain, le free jazz d’Yves Charbonneau et de ses acolytes6 sert de moteur à la contre-culture d’ici. La présence du Jazz libre sur la scène du Palais du commerce permet en quelque sorte d’éliminer tout soupçon en ce qui a trait à la pertinence de ce collectif sans égal au Québec à cette époque.

    Plutôt que de clore les débats, la rencontre en sol québécois du free jazz et de la contre-culture soulève de nombreuses questions concernant la place qu’occupe cette musique dans les élans d’opposition politico-culturelle qui traversent les décennies 1960 et 1970 aux États-Unis, au Québec et ailleurs dans le monde. Quel est l’apport du free jazz à ces mouvements de résistance au pouvoir? De quelle manière s’inscrit-il dans la contre-culture? Comment mesurer l’importance de ces sites où se côtoient musiciens de jazz, gauchistes et hippies?

    Apparu à la fin des années 1950, le free jazz ne laisse personne indifférent7. New thing, experimental jazz et anti-jazz sont quelques-uns des termes employés pour décrire cette musique qui émane en grande partie des quartiers afro-américains du nord-est des États-Unis. Ses ambassadeurs – Ornette Coleman, Albert Ayler et Archie Shepp, pour ne nommer que ceux-là – rejettent toute convention stylistique afin d’expérimenter librement avec la forme, l’instrumentation et les sons. Ils déploient un langage musical novateur fondé sur des improvisations collectives à l’intérieur desquelles tous, incluant les membres de la section rythmique, parviennent à s’affranchir. Ayant éliminé la dictature du tempo et celle de la progression harmonique, ces musiciens établissent de nouveaux rapports avec leur public, faisant fi des attentes des critiques et de celles de l’industrie du divertissement.

    Née au tournant des années 1960, cette nouvelle forme de jazz apparaît de prime abord comme le symbole sonore du Mouvement des droits civiques aux États-Unis. L’écrivain LeRoi Jones contribue à cette lecture du free jazz en soulignant qu’il est représentatif d’une radicalisation de la diaspora africaine au États-Unis8. Frank Kofsky, Jean-Louis Comolli et Philippe Carles poursuivent cette analyse et soutiennent que la posture combative de ces musiciens de jazz ne peut être dissociée du nationalisme noir ou du contexte global des luttes de décolonisation9. Leurs écrits suscitent de vives réactions chez les critiques et les théoriciens qui souhaitent analyser cette «pratique de l’art militant10» en termes strictement musicaux11. Cette polarisation des débats rend difficile toute tentative pour situer le free jazz vis-à-vis de la contre-culture.

    Theodore Roszak, auteur du livre phare The Making of a Counter Culture, ne fait guère mieux en ce qui concerne la possibilité de rattacher cette musique aux cultures marginales qui transforment l’Amérique à partir des années 1960. Partant d’un intérêt marqué pour la révolte hippie et celle de la Nouvelle gauche, il s’empresse de délimiter ces foyers de résistance et d’utopie qui donnent forme à la contre-culture12. Il néglige cependant d’inclure la jeunesse militante afro-américaine dans son schéma, et ce, même si elle partage les préoccupations des groupes ci-dessus: rejet des normes sociales aliénantes de l’après-guerre, opposition à la société capitaliste, dénonciation du technocratisme et refus d’être complice des violences perpétrées en sol américain et ailleurs. De nombreux ouvrages publiés depuis nuancent ce portrait, mais ils ne nous éclairent pas davantage sur la place occupée par le free jazz dans la production culturelle de cette période13. Le rock – Big Brother and the Holding Company, Jefferson Airplane et The Doors, entre autres – occupe toujours à lui seul tout l’espace sonore de la contre-culture.

    Il existe pourtant de nombreux points de rencontre entre ces deux pratiques musicales, comme l’illustre le cas de la France. Durant les années 1960, Sunny Murray, Alan Silva, Noah Howard, le Art Ensemble of Chicago et plusieurs autres musiciens de jazz afro-américains s’exilent à Paris. Certains d’entre eux se trouvent mêlés aux événements de Mai 6814. D’autres fréquentent des piliers du jazz expérimental français et des représentants de l’avant-garde culturelle parisienne. Ils montent aussi sur la scène du Festival d’Amougies auquel participent Pink Floyd, Frank Zappa et Captain Beefheart. Ces musiciens en exil occupent des lieux rattachés à la contre-culture – le Lucernaire et l’American Center – et ils bénéficient d’une visibilité considérable dans des revues souterraines telles qu’Actuel. «Le free jazz a donc aussi fricoté avec la contre-culture underground américaine», note pertinemment Jedediah Sklower15. Il ajoute: «Une étude plus approfondie de ces liens serait nécessaire pour voir comment toute une contre-culture naît en ces années, et comment le free jazz s’y rattache et s’en nourrit16.»

    Les pages qui suivent établissent cette filiation entre free jazz et contre-culture au Québec, et ce, à partir d’une analyse des discours et des pratiques du Jazz libre entre 1967 et 197517. Le présent travail s’inspire donc de l’aventure contre-culturelle de ce collectif afin de démontrer que le free jazz participe, au même titre que le rock, à l’articulation et au déploiement de «l’Alternative18», ce mode d’existence qui s’érige contre les dogmes – économiques, religieux, politiques et scientifiques – des sociétés modernes occidentales. Il est vrai que le free jazz au Québec n’est – dans sa forme la plus radicale – que l’affaire d’une poignée d’individus. Le parcours qu’empruntent Charbonneau et ses confrères offre néanmoins des balises inespérées pour quiconque s’intéresse au potentiel mobilisateur de cette musique.

    Ce projet d’un «Québec alternatif19» résulte des échanges entre une nouvelle génération d’indépendantistes, la jeune gauche québécoise et une jeunesse apolitique friande de rock20. Gaétan Rochon soutient que ces «trois courants potentiels d’opposition21» sont perméables les uns aux autres et qu’ils témoignent, chacun à leur façon, d’un «refus critique» de la «civilisation scientifique, technique [et] industrielle» qui déshumanise et aliène l’individu22. Il ajoute:

    Chez nous […] la contre-culture paraît plus répandue à tous les paliers, plus visible mais aussi plus atténuée qu’aux États-Unis. Chez certains individus, elle est en symbiose avec les aspirations québécoises et chez quelques-uns il y a même un début de synthèse des trois oppositions, sociale, nationalitaire [et] contre-culturelle qui font bon ménage23.

    Durant ses huit années d’existence, le Jazz libre se positionne là où ces courants se chevauchent. Refusant de s’inféoder aux idéologies dominantes de l’époque, il tente de réconcilier les différents pôles du Québec alternatif, canalisant du mieux qu’il peut les pulsions révolutionnaires qui animent la jeunesse québécoise.

    La première partie du présent travail jette une lumière sur la décennie qui précède la formation du Jazz libre afin de situer le groupe dans le parcours d’une avant-garde culturelle en voie de s’imposer dans le Québec post-duplessiste. Le cinéaste Gilles Groulx, l’écrivain et critique Patrick Straram, le poète Raôul Duguay et plusieurs autres artistes participent à l’élaboration d’une nouvelle donne culturelle au sein de laquelle ils inscrivent le jazz. Ils créent ainsi un contexte favorable à l’apparition d’un free jazz fait au Québec. Fondé en 1967, le Jazz libre comble leurs attentes et assure la continuité de leur projet qui prend de plus en plus la forme d’un Québec alternatif. Les membres du groupe ne tardent pas à tisser des liens étroits avec la gauche indépendantiste en appuyant par moment les discours de felquistes résolus et ceux de marxistes-léninistes endurcis24. Ce volet du parcours du Jazz libre est d’une pertinence indéniable, mais l’espace disponible ici ne permet qu’une analyse partielle des activités du collectif. La seconde partie porte donc exclusivement sur les efforts accomplis par Charbonneau et ses complices pour situer leur musique vis-à-vis du rock et de la pensée contre-culturelle d’une jeunesse apolitique et bohème.

    Prélude à un Québec alternatif:

    le jazz dans l’avant-garde culturelle

    À ses débuts, le Jazz libre souhaite remettre en question les carcans musicaux dans lesquels le Québec s’était enfermé. Ses membres fondateurs – Yves Charbonneau, Jean Préfontaine, Maurice Richard et Guy Thouin – partagent tous une passion pour la recherche musicale. Ce dernier se souvient: «Nous voulions sortir des cadres du jazz traditionnel et de la musique ambiante, c’est-à-dire la musique de chansonniers que nous entendions constamment à la radio, pour explorer de nouvelles façons de nous exprimer25.» C’est par le biais de 33 tours et des boîtes de jazz de la métropole qu’ils entendent du free jazz pour la première fois. Ils décident alors de laisser derrière eux les cabarets et les salles de danse où ils évoluent afin d’explorer ce type de musique. «Libre des structures musicales, des servitudes de l’harmonie, des exigences de la progression harmonique, affranchi[e] du thème emprisonnant, l[a] New Thing […] est l’expression artistique la plus déroutante de notre époque», explique Préfontaine26.

    Les membres du Jazz libre ne sont pas les seuls musiciens montréalais à être fascinés par le free jazz. Herbie Spanier, Sonny Greenwich, Paul Bley, René Thomas et Brian Barley dialoguent tous avec cette musique durant les années 196027. S’ajoute à cette liste le saxophoniste sorelois Walter Boudreau qui s’impose sur les scènes de l’Exposition universelle de 1967 (Expo 67). Motivé avant tout par la recherche musicale, il s’intéresse au free jazz «pour des raisons esthétiques et des raisons sentimentales28».

    La principale particularité du Jazz libre, et ce qui le distingue des artistes évoqués plus haut, se trouve dans son engagement et sa pensée politique. En effet, Charbonneau affirme: «Avant d’être musicien, je suis révolutionnaire. Au lieu d’avoir une mitraillette, j’ai une trompette. Aux autres, je prêche la liberté en disant: jouez libre, vous aussi29.» Préfontaine corrobore:

    Les Canadiens français, ces nègres blancs d’Amérique, sont certainement très doués pour le jazz. Ce que je veux communiquer en jouant, ce sont mes sentiments. La révolte, la joie, la douceur, l’angoisse de l’homme moderne humilié et traqué par les exigences d’une vie de plus en plus déshumanisante et frénétique30.

    Le Jazz libre déclare que sa musique est un instrument de contestation et de libération. Consciemment, il se positionne en marge de la scène jazz montréalaise et inscrit son projet en continuité avec celui d’une avant-garde qui s’affaire, depuis plusieurs années déjà, à remanier le paysage politico-culturel du Québec.

    C’est dans le cinéma de la Révolution tranquille que l’on décèle le plus facilement les traces d’une avant-garde culturelle animée par le jazz et dont les œuvres traduisent un désir de rupture avec l’ordre établi. Il y a évidemment Le chat dans le sac (Groulx, 1964), film fondateur du cinéma québécois et «témoignage d’un cinéaste sur l’inquiétude de certains milieux de jeunes31». Claude, le protagoniste principal de ce long métrage, s’interroge sur son avenir: «Révolté? Oui. Révolutionnaire? Je ne sais pas32.» Il écoute du jazz et lit Les damnés de la terre de Frantz Fanon ainsi que La révolte noire de Louis E. Lomax. Il consulte aussi la revue Parti pris afin de mieux cerner sa pensée révolutionnaire. Un enregistrement original du quartet de John Coltrane l’accompagne tout au long de ce processus33. La même année, L’homoman (Jean Pierre Lefebvre, 1964), un court métrage qui traite de l’errance et de l’identité (de l’ennui au retour à la terre en passant par l’espoir, le voyage, l’amour fou, la révolte et la guerre), nous laisse entendre une musique originale signée par Stéphane Venne (en trio avec Michel Donato et Buddy Hampton). Film poétique surréaliste, La femme image (Guy Borremans, 1960) et sa trame sonore (Thomas en quartet avec Bobby Jaspar, Freddy Mac Hughes et George Braxton) participent aussi à cette prise de position contre l’establishment politique et culturel. Beaucoup plus que des contrepoints stylistiques, les bandes sonores de ces films annoncent que le jazz peut jouer un rôle mobilisateur dans le Québec des années 1960. Œuvres marquantes, Le chat dans le sac, L’homoman et La femme image ne manquent pas d’inspirer Straram pour qui jazz et cultures alternatives vont de pair.

    Expatrié situationniste installé à Montréal depuis 1958, Straram affectionne tout particulièrement le bebop34 qu’il découvre dans les boîtes de nuit de Saint-Germain-des-Prés à Paris. Il s’affaire à théoriser le phénomène du jazz dès son arrivée au Québec: «Dans ce siècle qui subordonne l’homme au progrès scientifique et aux contingences de l’histoire, le jazz est une provocation35.» Dans Liberté et Parti pris, Straram propose une lecture foncièrement originale de cette musique. Il soutient que le jazz – d’abord le bebop puis le free jazz – représente pour «l’homme réel total» un moyen de résister à la dictature d’une technocratie déshumanisante36. Cette musique est «praxis révolutionnaire quotidienne» et révolte d’individus libres et résolus37. Straram affirme que les musiciens de jazz, les écrivains et les cinéastes de l’avant-garde n’ont d’autre choix que de se regrouper; «véritables insurgés», ces artistes existent ensemble contre le spectacle abrutissant d’une société soumise aux lois du capitalisme moderne38. Straram souligne les efforts de Groulx, de Lefebvre et de Borremans pour promouvoir «une conscience du jazz, une pratique du jazz, une solidarité avec le jazz, ici39». Il souhaite que cette musique prenne racine dans le Québec alternatif qui se dessine à l’horizon40.

    Straram ne se contente pas d’une lecture critique des cultures de masse et du technocratisme. Il s’appuie aussi sur les théories de la décolonisation afin de concrétiser un rapprochement entre Canadiens français – ces «nègres blancs d’Amérique41» – et Noirs américains42. Sean Mills soutient que la lecture d’œuvres post­coloniales – telle que celles de Claude dans Le chat dans le sac – offre à toute une génération d’intellectuels un moyen d’expliquer l’aliénation culturelle et économique dont elle se dit victime43. Convaincu de la portée révolutionnaire du bebop et du free jazz, Straram déclare qu’il faut prioriser «l’intégration au Québec du jazz – acte dans l’immédiat de contestation, de dénonciation d’une culture blanche et d’une civilisation capitaliste de la propriété privée44».

    Le même son de cloche est audible chez Duguay. Poète-philosophe, il participe activement à l’enracinement du jazz dans le paysage sonore du Québec post-duplessiste. Son intérêt pour cette musique est apparent dans sa poésie avec des titres comme «enjazzement des sangs» et «be bop des eaux intérieures»45. Il explique: «la poésie ne m’est point venue des poètes. [sic] mais en premier lieu. des musiciens de jazz. la poésie est née en moi avec la saisie du swing de l’être46». Au milieu des années 1960, Duguay improvise sur la musique de Miles Davis lors d’un récital de poésie à l’Université de Montréal47. Cette expérience est suivie d’autres explorations qui le mènent à Expo 67. Il y fait la rencontre de Boudreau qui travaille alors en trio avec Jacques Valois et Richard Provençal. Le pianiste Pierre Leduc se joint parfois à eux. Ensemble, ils participent aux rencontres «Jazzpo» qui ont lieu au pavillon de la Jeunesse. Cette fusion entre poésie libre et musique improvisée les entraîne vers la recherche de nouvelles formes d’expression.

    Duguay travaille aussi durant cette période à concrétiser ce rap­prochement – entre jazz et politique – tant souhaité par Straram:

    le cri du QUÉBEC est analogue à celui de la négritude. [sic] d’où cette accointance avec le jazz. le cri que je lance en public est jazzistique dans l’intention et dans le fait. il est la transe de mon être. il comporte une décantation des rythmes folkloriques. la gigue. le rigodon. par nostalgie du futur de la race. comme le jazz à l’origine. mon poème est un chant de révolte. un cri d’esclave. c’est le cri jaillissant du tréfonds de l’individu québécois aliéné48.

    Le 26 octobre 1967, Duguay monte sur scène avec le trio de Boudreau. L’œuvre présentée – «L’Amour suprême» – est dédiée à Coltrane49, à Che Guevara, au FNL vietnamien et aux artisans de la libération du Québec50. Le jazz semble paré pour jouer son rôle mobilisateur.

    Le free jazz dans un Québec alternatif

    La culture hippie qui s’introduit au Québec à partir de la fin des années 1960 ne s’érige pas contre l’œuvre des écrivains, des cinéastes et des musiciens dont il a été question plus haut. Au contraire, elle s’inscrit dans la continuité de l’avant-garde culturelle qui la précède. Elle prend ainsi sa place au sein d’un paysage sur le point d’être transformé par la rencontre des trois courants d’opposition identifiés par Rochon: existentiel, activiste et nationalitaire51.

    L’émergence d’une culture bohème apolitique et la politisation croissante du milieu des arts forcent plusieurs à clarifier leur démarche. De toute évidence, il faut choisir entre la révolution intérieure que propose le courant existentiel et la révolution politique que prône le courant activiste. La lutte qui oppose les revues Mainmise et Chroniques illustre les tensions qui existent entre les partisans de ces deux mouvances52. Duguay et Straram ont chacun leur parti pris, mais ils insistent pour le maintien d’un dialogue. Ils y travaillent – au même titre que Groulx, Lefebvre et de nombreux autres – tout au long de la décennie 1970. Les membres du Jazz libre les accompagnent dans ce processus, car ils doivent maintenant composer avec le rock qui s’impose peu après Expo 67.

    Le rock est au centre des manifestations contre-culturelles qui bouleversent les États-Unis à partir du milieu des années 1960. Il n’est donc pas surprenant qu’il figure avec prédominance dans les pages de revues montréalaises telles que Mainmise et Logos53. Le rock est une «musique internationale», «un engagement sensoriel complet» et «une esthétique de la découverte» sans borne qui «demande toujours la participation du public54». Irréductibles théoriciens du rock, les chroniqueurs de Mainmise lui accordent le statut de «moteur de la contre-culture55». La revue Logos fait elle aussi l’éloge de cette musique: «Rock is mysticism, revolution, communion, salvation, poetry, catharsis, eroticism, satori, total communication, the most vibrant art form in the world today56.» Cet enthousiasme reflète l’engouement de toute une génération pour les disques de groupes tels que The Mamas and the Papas, Big Brother and the Holding Company et Grateful Dead. Seul le rock semble capable de donner forme et force aux courants d’opposition que regroupe la contre-culture. Mainmise et Logos font très peu pour contester cette allégeance à une musique qui est en train d’être récupérée dès le tournant de la décennie 1970.

    La revue Mainmise

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