Profession sinologue
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À propos de ce livre électronique
Charles Le Blanc est professeur émérite de philosophie chinoise à l’Université de Montréal. Aux PUM, il dirige la collection « Sociétés et cultures de l’Asie », il a publié Le Wen zi (2000) et a traduit Confucius (2004) et La population chinoise (2006). Il a aussi publié, avec Rémi Mathieu, Philosophes taoïstes II : le Huainan zi (Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2003).
Le Blanc, Charles
Charles Le Blanc est professeur agrégé de l’École de traduction et d’interprétation de l’Université d’Ottawa. Il est auteur et traducteur de plusieurs ouvrages.
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Aperçu du livre
Profession sinologue - Le Blanc, Charles
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Introduction
The East is East and the West is West
And never the twain shall meet.
(L’Est est l’Est et l’Ouest est l’Ouest
Et jamais les deux ne se rencontreront.)
RUDYARD KIPLING
Orient und Occident
Sind nicht mehr zu trennen
(L’Orient et l’Occident
Ne sauraient désormais être tenus séparés)
JOHANN WOLFGANG VON GOETHE
L’écart Chine-Occident
La Chine est souvent perçue comme l’autre de l’Occident et du monde indo-européen. Sur des thèmes fondateurs de la société et de la culture, elle semble offrir un modèle diamétralement opposé à celui qui nous est familier et qui nous apparaît naturel et normal. Pratiquer une langue sans flexions, une écriture sans alphabet ? Adhérer à trois religions plutôt qu’à une seule ? Préférer les rites plutôt que les lois afin de régler les rapports sociaux ? Manger avec des baguettes plutôt qu’avec un couteau et une fourchette ? Faire du blanc plutôt que du noir la couleur du deuil ? Concevoir le changement comme fondement du réel plutôt que l’être, la substance et l’essence ? Expliquer le changement par la résonance plutôt que par la causalité ? Utiliser l’image et l’expérience et non l’idée générale comme nerf de la logique ? Penser en termes de simultanéité et de correspondance plutôt que de déduction linéaire ? On pourrait allonger indéfiniment la liste des exemples de contrastes, d’oppositions et même de contradictions dans les domaines de l’imaginaire, de la pensée, des pratiques sociales et des techniques. L’autre fascine et attire, oui, mais, en même temps, il désempare et il menace. La Chine, ayant formé une grande civilisation dans l’isolement presque total du monde indo-européen, a servi tantôt de repoussoir et de groupe témoin « en creux », tantôt de norme et de modèle de substitution, pour rehausser ou pour critiquer l’Occident. Même au XXe siècle, la Chine fut adulée comme le pays révolutionnaire de l’homme nouveau ou vilipendée comme un goulag totalitaire monstrueux. Elle laisse rarement indifférent, inclinant les uns à la sinophilie, les autres à la sinophobie. « Selon le versant où penche ton cœur… » disait Pascal.
L’objet de la sinologie
La sinologie n’est pourtant pas aussi mystérieuse qu’on pourrait le penser de prime abord. Le mot est plutôt récent, datant du xIxe siècle : « sino » vient de Sina, le nom latin de la Chine, modifié pour former des mots composés (sinologie, sinophilie, sinophobie, sinocentrisme, sino-japonais, etc.) ; « logie » vient du grec logos, « discours », « théorie », employé comme suffixe pour désigner plusieurs sciences et disciplines. Le mot sinologie signifie donc « discours théorique ou scientifique sur la Chine », comme le mot anthropologie signifie « discours théorique ou scientifique sur l’être humain ».
La sinologie fut une invention de l’Occident. L’approche des savants chinois sur leur culture et leur civilisation est très différente, car elle ne comporte pas de dimension comparative inhérente. Or l’étude de la Chine par les Occidentaux est toujours, au moins implicitement, comparative. Le point de départ du sinologue est toujours, consciemment ou inconsciemment, comparatif : un regard occidental posé sur une réalité chinoise. Ce regard n’est pas nécessairement subjectif ou biaisé ; il peut même révéler des aspects de l’expérience sociale, religieuse et intellectuelle que les Chinois n’ont jamais aperçus. Il peut tout autant mettre en lumière, par rétroaction, des côtés de l’expérience passés inaperçus chez les penseurs qui ont formulé et codifié la vision du monde et le système de valeurs du monde occidental. Si la Chine est pour nous l’Extrême-Orient, nous sommes, pour les Chinois, l’Extrême-Occident.
La sinologie ambitionne de relever deux défis : comprendre la Chine en elle-même et faire comprendre la Chine en Occident. Ce sont là deux démarches distinctes mais inséparables. On peut les rapprocher des concepts complémentaires émique/étique formulés par Kenneth Pike, Ward Goodenough et Robert Feleppa pour rendre compte de l’épistémologie anthropologique. L’anthropologue doit s’insérer profondément dans le groupe de ceux qu’il étudie, apprenant à comprendre et à justifier leur culture vivante dans le cadre de leur propre système de référence (approche émique). Dans un deuxième temps, il doit « traduire » la connaissance émique acquise dans un langage théorique compréhensible aux gens de sa propre culture ou profession, afin qu’elle serve à l’avancement de la science (approche étique).
Il y a bien chez le sinologue quelque chose de l’anthropologue. Il cherche à comprendre un groupe humain qui a créé, dans une durée très longue et un espace très étendu, une culture et une civilisation à nulle autre pareille. L’expérience de la société chinoise, basée sur la connaissance d’individus de cette société, semble être un préalable à une connaissance authentique de cette culture et de cette civilisation, même si de grands sinologues n’ont jamais foulé le sol chinois : l’exception confirme la règle. Le sinologue Yves Raguin a ainsi écrit : « Il faut, pour comprendre la Chine, savoir communier à l’âme secrète de ceux qui l’habitent. »
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