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Québequeer: Le queer dans les productions littéraires, artistiques et médiatiques québécoises
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Québequeer: Le queer dans les productions littéraires, artistiques et médiatiques québécoises
Livre électronique783 pages10 heures

Québequeer: Le queer dans les productions littéraires, artistiques et médiatiques québécoises

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À propos de ce livre électronique

En plus d'offrir un portrait des productions culturelles queer au Québec tant francophones qu'anglophones, dont certaines autochtones, cet ouvrage s'attarde à révéler le caractère queer de celles qui ne le sont pas de facto. Il se présente comme un manuel de référence sur le sujet, avec des essais critiques - qui portent autant sur la littérature et le monde du spectacle que sur les arts médiatiques ou la presse gay - et des textes expérimentaux - fictions, dessins, récits autobiographiques.

Plus de 27 oeuvres de fiction publiées entre 1965 et 2017 y sont analysées sous différents aspects, avec des méthodologies diverses, mais toujours sous l'éclairage queer (un terme à la nature instable, paradoxale, que calque la forme éclatée de l'ouvrage). Du polyamour à l'inceste, en passant par le racisme, l'urbanité, le suicide, le non-désir d'enfant, l'alimentation ou les processus de production, le queer met en scène des personnages hétéros ou homosexuels, intersexués, cis, trans, travailleur.euse.s du sexe, gros et plusieurs autres... Cette juxtaposition d'états, de genres, de thèmes, de formes et de pratiques constitue l'une des forces de ce livre qui intéressera bien sûr un lectorat d'intellectuel.le.s et de personnes issues de communautés LGBTQIAS+, mais pas seulement. Il deviendra, sans nul doute, une ressource indispensable pour l'enseignement de nouvelles perspectives dans le cadre des sciences humaines et sociales.
LangueFrançais
Date de sortie29 avr. 2020
ISBN9782760640702
Québequeer: Le queer dans les productions littéraires, artistiques et médiatiques québécoises

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    Aperçu du livre

    Québequeer - Isabelle Boisclair

    Sous la direction de

    Isabelle Boisclair,
    Pierre-Luc Landry
    et Guillaume Poirier Girard

    QuébeQueer

    Le queer dans les productions littéraires,

    artistiques et médiatiques québécoises

    Les Presses de l’Université de Montréal

    Placée sous la responsabilité du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ), la collection Nouvelles études québécoises accueille des ouvrages individuels ou collectifs qui témoignent des nouvelles voies de la recherche en études québécoises, principalement dans le domaine littéraire: définition ou élection de nouveaux projets, relecture de classiques, élaboration de perspectives critiques et théoriques nouvelles, questionnement des postulats historiographiques et réaménagement des frontières disciplinaires y cohabitent librement.

    Directrice:

    Martine-Emmanuelle Lapointe, Université de Montréal

    Secrétaire:

    Hélène Hotton, Université de Montréal

    Comité éditorial:

    Marie-Andrée Bergeron, Université de Calgary

    Daniel Laforest, Université de l’Alberta

    Karim Larose, Université de Montréal

    Jonathan Livernois, Université Laval

    Nathalie Watteyne, Université de Sherbrooke

    Comité scientifique:

    Bernard Andrès, Université du Québec à Montréal

    Patrick Coleman, University of California

    Jean-Marie Klinkenberg, Université de Liège

    Lucie Robert, Université du Québec à Montréal

    Rainier Grutman, Université d’Ottawa

    François Dumont, Université Laval

    Rachel Killick, University of Leeds

    Hans Jürgen Lüsebrinck, Universität des Saarlandes (Saarbrücken)

    Michel Biron, Université McGill

    Mise en pages: Yolande Martel

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Titre: Québequeer / Isabelle Boisclair, Guillaume Poirier Girard, Pierre-Luc Landry.

    Noms: Boisclair, Isabelle, 1961- auteur. Poirier Girard, Guillaume, 1988- auteur. Landry, Pierre-Luc, 1984- auteur.

    Description: Comprend des références bibliographiques. Texte en français seulement.

    Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20190016159 Canadiana (livre numérique) 20190016167 ISBN 9782760640689 ISBN 9782760640696 (PDF) ISBN 9782760640702 (EPUB)

    Vedettes-matière: RVM: Théorie queer dans la littérature. RVM: Théorie queer dans l’art. RVM: Littérature québécoise—Histoire et critique. RVM: Arts québécois—Histoire et critique.

    Classification: LCC PS8101.G45 B64 2019 CDD C840.9/35266—dc23

    Dépôt légal: 1er trimestre 2020

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    © Les Presses de l’Université de Montréal, 2020

    www.pum.umontreal.ca

    Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

    Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

    AVANT-PROPOS

    La pensée queer

    Isabelle Boisclair, Pierre-Luc Landry et Guillaume Poirier Girard

    La pensée queer a des racines multiples. Attribuable dans ses fondements entre autres à Gloria Anzaldúa (1981)1, Gayle Rubin (1984), Judith Butler (1990), Eve Kosofsky Sedgwick (1990), Teresa De Lauretis (1991)2 et Monique Wittig (1992)3, elle a été actualisée par Sam Bourcier (1998) et Paul B. Preciado (2000). Selon Didier Eribon, qui situe son émergence au début des années 1990, elle trouve ses précurseurs dans les années 1970, notamment avec Guy Hocquenghem (1972), Gilles Deleuze et Félix Guattari (1972) ainsi que Michel Foucault (1976):

    […] s’il est souvent présenté comme un courant de pensée «nouveau» (ce que, en un sens, il est en effet), le queer peut également être perçu comme la redécouverte, et l’approfondissement théorique, de questionnements formulés antérieurement, notamment au début des années 1970, que ce soit aux États-Unis, en Angleterre ou en France, par les militants homosexuels radicaux, pour lesquels la lutte pour la subversion sexuelle ne se dissociait pas d’une lutte plus générale pour la transformation sociale (2003: 396).

    Les femmes sont absentes de ce palmarès dressé par Eribon: c’est que nombre d’entre elles étaient tenues éloignées de l’arène réflexive, souvent dominée par l’entre-soi masculin mais, surtout, que leurs voix passaient sous le radar; aussi pourrait-on y ajouter des écrivaines qui n’en ont pas moins formulé des critiques radicales des systèmes en place, telles Christiane Rochefort, Michèle Causse, Françoise D’Eaubonne ou, pour remonter plus loin, Virginia Woolf, et des théoriciennes et militantes américaines telles que Shulamith Firestone (1970), Kate Millett (1969), Ti-Grace Atkinson (1975), Gayle Rubin (1998 [1975]) et Audre Lorde (1983) ainsi que des théoriciennes et militantes italiennes comme Carla Lonzi (1978) et combien d’autres encore, de partout dans le monde, que les études décoloniales nous révéleront un jour. Voire, on pourrait y adjoindre Simone de Beauvoir, puisque refuser les essences, c’est bien un geste queer. Pour Preciado, «[l]a théorie queer s’est engouffrée dans une brèche ouverte par le féminisme tout en reconnaissant que le féminisme straight et blanc est partie intégrante de l’héritage de l’humanisme colonial européen» (2003a: 82).

    La filiation du queer coïncide en effet avec les mouvements de libération des femmes, dans lesquels il faut noter le mot libération; une des branches de ces mouvements, d’ancrage plus intellectuel que militant, a œuvré à déconstruire le système de sexe/genre (Rubin, 1998 [1975]) qui assigne à chacun·e sa place sur l’axe sexe/genre/désir (Butler, 1990), rejoignant ainsi les assignations concernant les gais et lesbiennes. Ainsi, si au départ le queer concerne davantage certaines identités soutenues et performées par des homosexuel·le·s, il enveloppe bientôt tout le système de sexe/genre à l’origine du sexage, notion proposée par Colette Guillaumin (1978) puis reprise par les féministes matérialistes (Causse, 2000; Wittig, 2001) et, partant, de l’hétérosexisme, cette «technologie bio-politique destinée à produire des corps straight» (Preciado, 2003b: 18). Le queer et le féminisme matérialiste se rejoignent ainsi dans leur critique du patriarcat4 – responsable du sexage comme de l’hétérosexisme –, ce qui inclut les dispositifs5 auxquels il a donné lieu: aussi bien les institutions que les outils. Ils ont en commun la déconstruction des identités, la critique des normes et visent l’éclatement du bicatégorisme, pour une reconnaissance de la diversité des potentialités identitaires et performatives de chacun·e, dans une optique d’autodétermination. Bientôt, aux mouvements gais et lesbiens et aux mouvements féministes se joignent les mouvements trans et intersexes. Tout en paraissant revendiquer des identités, ces mouvements appellent plutôt la simple et juste reconnaissance des identités minoritaires. Le queer est donc postidentitaire6. Il vise à se départir des étiquettes qui ne conviennent plus, désuètes et de surcroît oppressives: si elles satisfont les sujets qui s’y conforment, elles en font souffrir et en discriminent, stigmatisent, rejettent et excluent un grand nombre.

    Les mouvements et le militantisme donnent lieu à des réflexions, donc à des objets d’étude, puis à des théories. S’il s’agit en premier lieu, pour les théories queer, de découdre l’alignement cishétéronormatif de l’axe sexe/genre/désir, alors on doit reconnaître le travail des féministes, qui se sont attelées à dissocier sexe et genre (Delphy, 1991), de même que celui des homosexuel·le·s, qui se sont davantage intéressé·e·s à disjoindre ce que le sexe/genre a à voir avec le désir (Rubin, 1984). Car si le mot a été repris et resignifié par les homosexuel·le·s militant·e·s de Queer Nation («We’re here, we’re queer, get used to it»), ce qu’il cherche à déconstruire ne peut faire l’économie de la perspective féministe, qui a amorcé la déconstruction du dispositif destiné à fabriquer des mâles-masculins-hétéros et des femelles-féminines-hétéros. Par la suite, ce sont les personnes trans qui se sont attachées à découdre les identités «homme» et «femme» de l’équation sexe + genre = identité. Car on ne naît ni femme ni homme, en effet, on le devient – ou pas. Et si être femme signifie s’identifier à ce qui est désigné comme féminin (plutôt qu’à l’être femelle, qui ne recèle intrinsèquement rien de ce qu’il est convenu d’appeler la féminité), alors aussi bien mâles que femelles et personnes intersex(ué)es peuvent investir ce territoire symbolique et adopter les signes qui y sont rattachés; il en est de même pour ce qui, culturellement, a été construit comme masculin. On voit qu’un quatrième terme s’immisce dans l’axe: l’identité, qui, si elle était absente de la triade sexe/genre/désir, était présupposée, pensée comme le débouché naturel de chacune des propositions binaires: un homme est un mâle masculin qui doit désirer une femme, qui, quant à elle, est une femelle féminine qui doit désirer un homme. Voire: qui doit désirer être un objet-pour-un-homme – c’est en ce sens que Wittig écrit que «les lesbiennes ne sont pas des femmes», puisque la catégorie «femmes» est pensée relationnellement à celle des hommes, figurant son complément sexuel dans un cadre hétérosexiste: «la femme n’a de sens que dans les systèmes de pensée et les systèmes économiques hétérosexuels» (2001 [1992]: 76). Ce sont bien les injonctions serties dans chacun des maillons articulant ces termes entre eux qui sont décousues et désignées caduques. Le queer constitue la scène où quel que soit le sexe qui lui est assigné (et qui pourrait très bien ne pas l’être), mâle, femelle ou autre, le sujet se construit lui-même, en interaction avec le monde qui l’entoure, empruntant le chemin qu’il veut, selon le champ de possibilités qui s’offrent à lui, pour devenir homme, femme ou autre, et interagir avec les partenaires du sexe/genre avec qui il en a envie.

    Au-delà des identités produites, ce qui est mis en cause, en dernière instance, ce sont les dispositifs de subjectivation eux-mêmes, qui produisent des hommes et des femmes cishétéros, notamment le capitalisme et le gouvernement médical des corps, ou, comme le désigne Paul B. Preciado: le «capitalisme pharmacopornographique» (2011: 111). En fait, de nombreux dispositifs se croisent, de façon tantôt convergente tantôt divergente, mais toujours occupés à établir des normes: les classes de sexe, les classes sociales, les races – en tant qu’elles sont produites par les rapports de pouvoir –, les mesures de l’âge, etc.

    C’est donc à la déconstruction de ces dispositifs visant à produire des sujets normatifs que s’emploie la pensée queer. Pour l’heure, les dispositifs, comme tous les dispositifs, produisent aussi des «contre-sujets»: on trouvera, par exemple, des homosexuel·le·s tout à fait en règle avec les normes de la socioculture capitaliste (homonationalisme – Puar, 2007), tout comme on trouvera des personnes cishétéros les contestant. En ce sens, c’est bien la pensée straight, selon la formule de Wittig, qui est visée. La présence même d’un·e dominé·e qui ne se tait pas instaure le queer parce que sa voix est dissonante, son discours discordant dans le concert des dominant·e·s. Le queer est donc résolument anti-normatif.

    Au Québec, la pensée queer semble avoir eu relativement peu d’échos, tout comme elle paraît avoir peu nourri les créateurs et créatrices, du moins de façon explicite (à moins qu’il s’agisse d’un problème de lecture, et que le caractère queer des œuvres n’ait pas été saisi par les différents publics et par la critique7). Une de ses premières inscriptions explicites dans l’espace québécois est probablement dans la défunte revue Post consacrée aux études culturelles, dont le neuvième numéro, à l’automne 1995, livrait un dossier intitulé «Espace Queer Space». Depuis, certaines recherches intègrent le vocable de façon sporadique et discontinue, comme s’il était difficile de se l’approprier pour de bon. Parmi ces recherches en français, mentionnons les travaux de Diane Lamoureux (1998 et 2005), qui ont notamment fait place aux écrits de Tania Navarro Swain, de Robert Schwartzwald, de Ross Higgins et de Colette Saint-Hilaire et, plus récemment, en anglais et en français, les numéros spéciaux «Queer Québec» (2015 et 2016) de la revue Québec Studies, codirigés par Denis Provencher et Charles Batson. D’autres travaux sont également à souligner, comme ceux d’Irène Demczuk et Frank W. Remiggi, de Line Chamberland, de Viviane Namaste, de Thomas Waugh, de Chantal Nadeau, sans compter les travaux de personnes québécoises queer et racisées comme Alan Wong et Edward Ou Jin Lee. C’est à l’actualisation de la recherche sur l’expression du queer dans les productions littéraires, artistiques et médiatiques au Québec que cet ouvrage est consacré.

    Enfin, dans cette évocation des origines, il convient de rappeler le rôle de la pandémie du sida, qui n’a pas été sans effets sur le militantisme comme sur la production d’œuvres littéraires, artistiques et médiatiques – citons pour mémoire À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (Guibert, 1990), Angels in America de Tony Kushner (créée en 1991) et On sait que cela a été écrit avant et après la grande maladie d’André Roy (1992), parmi de très nombreuses œuvres dont les origines et le propos émergent de l’épidémie. Il faut reconnaître qu’en dehors de quelques œuvres phares, peu d’études se sont attardées au rapport de la pandémie avec les études, le militantisme et la culture queer8.

    Extension(s)

    Si, au départ, le queer s’attachait à l’orientation sexuelle, retournant l’injure adressée aux gais et aux lesbiennes, alors traité·e·s de queer dans le monde anglophone par des homophobes cherchant à les discréditer en soulignant leur prétendue bizarrerie, étrangeté, excentricité ou encore leur aspect tordu, de travers, force est de constater qu’aujourd’hui, le queer embrasse plus large. D’une certaine façon, il est l’antithèse de ce que Wittig appelait «la pensée straight», son contrepoids, sa contradiction profonde. Il s’institue contre tout ce que le patriarcocapitalisme a posé comme valeurs dominantes: le Patriarcat, le Capital, la Blanchité, l’Adulterie… En effet, à partir de sa mise en textes et de son autoproclamation en 1990, la pensée queer a sans cesse évolué, s’est diversifiée. Au commencement, le cœur de la théorie queer résidait dans une étude intersectionnelle des genres et des sexualités; il s’est aujourd’hui élargi. Considérant que les identités sexuelles et de genre sont le produit des dispositifs qui nous gouvernent, les études queer, en plus de continuer de s’intéresser à leur sujet premier, se sont bientôt tournées vers ceux-ci, remettant en question la race et la racialisation (hooks, 1992; Johnson et Henderson, 2005; McGlotten et Davis, 2012), les classes sociales et le classisme (Kadi, 1996), mais également le capitalisme et le néolibéralisme (Federici, 2004; Floyd, 2009; Preciado, 2008), l’âge et le temps (Edelman, 2004; Halberstam, 2005; Muñoz, 2009; Taylor, 2010 et 2012), l’espace (Gandy, 2015; Halberstam, 2005; Preciado, 2010), l’amour (Barker, 2012; Easton et Hardy, 2009), ou des objets comme les biotechnologies et les technosciences (Haraway, 1991; Preciado, 2008, 2019) en tant que dispositifs visant à façonner des sujets normatifs et à les catégoriser. Autrement dit, «la théorie et la politique queer n’ont eu de cesse de penser leurs relations avec les processus de racialisation, leur inscription dans les échelles nationales et internationales, leur assise dans les rapports de genre et leur dépendance vis-à-vis du mode de production capitaliste» (Cervulle et Quemener, 2016: 537). Tant et si bien que le queer s’applique désormais à tous les objets et à tous les médiums, en ce sens que tout peut être potentiellement queerisé, c’est-à-dire saisi depuis une pensée non binaire, non catégorielle et non normative. Il se pourrait bien, finalement, que ce soit la pensée naturalisante qui soit en cause, puisque les catégories, toutes construites qu’elles soient, prétendent toujours traduire un monde naturel alors qu’elles servent le plus souvent à classer, hiérarchiser, pour à terme disqualifier (Delphy, Haraway). Dans cette perspective, le queer, en pensant de façon axiologique plutôt que catégorielle, et en pensant la fluidité contre le fixisme, pourrait bien signifier une «révolution permanente» (Harvey, 2003) et ainsi constituer la clé d’un bouleversement conceptuel, épistémologique, apte à dépasser/déclasser le capitalisme patriarcal et les modes d’être ainsi que les institutions qu’il organise et les logiques de domination qu’il autorise. À penser, aussi, les sujets dans leur diversité plutôt que dans une fausse universalité: «nous faisons [désormais] appel à des productions de subjectivités capables de résister à [de] nouvelle[s] domination[s], très différentes de celles qui s’exerçaient naguère contre les disciplines» (Deleuze, 1989: 191).

    S’il est vrai que cette conceptualisation entraîne le risque de servir de fourre-tout et que la possibilité de dilution des problématiques sexuelles-identitaires est réelle, il se pourrait bien malgré tout que l’étendard queer, une fois déployé, réalise le projet politique d’inclusion des dominé·e·s et des exclu·e·s. Tout de même: c’est la question de la fabrication des identités, des subjectivités et des affects, ainsi que la critique des dispositifs qui les façonnent – notamment par le binarisme – qui en ressort. Cela dit, des théoricien·ne·s queer comme Berlant et Warner (1995), puis Halperin (2003), se montrent critiques quant à la tangence qu’a pris le queer. Quoi qu’il en soit, la domination masculine opère toujours malgré tout: il n’est pas rare que le queer soit réduit à l’homosexualité masculine, que ce soit de la façon dont il est brandi ou dans le contexte auquel il est appliqué. «Dans la culture pop au début des années 2000, queer devient un synonyme de gai. Des émissions comme Queer Eye for the Straight Guy et Queer as Folk sont diffusées sur les grandes chaînes», remarque Sophie Chartier (2017). Aussi, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer l’hégémonie de la parole blanche et gaie au sein du queer, forçant certain·e·s intervenant·e·s à revendiquer de nouveaux termes, comme «quare»9 (Johnson, 2005), pour rendre compte des réalités qui dérogent à la norme ou en débordent et qui sont occultées par le langage académique. Il convient de bien départager les choses, d’autant que si on parle de domination, les systèmes (classe, sexe, genre, race, âge) ne suffisent pas à déterminer l’individu; ce sont des dispositifs de subjectivation, appuyés sur des programmes, mais dont l’application, pour être systémique, n’est pas systématique pour autant; ainsi des subjectivités fortes, entendre sûres, peu vulnérables, peuvent émerger de dispositifs racistes classistes10 – sans que les systèmes s’en trouvent ébranlés. On le voit, le terme queer a une extension plus large que la simple sphère LGBTQ+, en même temps qu’il englobe ce déploiement identitaire anti-normatif et anti-assimilationniste.

    Le danger de cette extension conceptuelle du terme, pour certain·e·s, est de dissoudre et d’effacer les personnes gaies, lesbiennes et trans. Mais la reconnaissance de la diversité est peut-être à ce prix, tandis que le gain est clair: effacement des stigmates, dépassement des clivages de genre, et mise en pièces de tout l’appareil de hiérarchisation qui vient avec et qui ne touche pas seulement les personnes, mais aussi les systèmes de pensée séparant de façon binaire la nature et la culture, l’intellect et l’affect, l’esprit et le corps.

    Aussi, à l’heure de l’homonationalisme (Puar, 2007) et de la récupération par des lobbys de droite des discours «égalitaires» de certains groupes LGBT, le queer, qui convoque inévitablement le savoir-pouvoir, demeure un outil conceptuel puissant, à même de remettre en question les hégémonies – l’hétéronormativité, le patriarcat, le capitalisme, le néolibéralisme – ainsi que les systèmes qui leur sont rattachés – le sexisme, le classisme, le racisme, l’âgisme, le capacitisme, le «sanisme»11, etc. –, de façon à abolir les haines qui en découlent: la misogynie, l’homophobie, l’islamophobie, la grossophobie, etc., et surtout, peut-être, l’idée de pureté qui les sous-tend. La peur de la contamination n’est jamais loin. La politique queer peut ainsi être vue «comme une résistance contre les régimes de normalisation» (Cervulle et Quemeneur, 2016: 532).

    Rappelons par ailleurs que si les domaines d’application du queer se sont bel et bien multipliés, la dimension éthique du queer demeure centrale. Une conception réductrice du queer pourrait mener à l’assimiler à une simple transgression. Cela dit, si le queer n’a rien à voir avec la morale, il a tout à voir avec l’éthique. En ce sens, il implique certes souvent une forme de transgression, mais celle-ci doit avoir une portée éthique, c’est-à-dire qu’elle doit chercher à s’attaquer aux systèmes d’oppression et d’exclusion, et non à les renforcer. En somme, toute transgression, quelle qu’elle soit, ne saurait être queer. Comme le dit Bozon, résumant l’horizon épistémologique dessiné par les travaux de Foucault et de Gagnon et Simon en matière de sexualité, «la transgression éventuelle n’implique pas l’ignorance [des] […] cadres; elle révèle seulement une manière particulière d’en user» (Bozon, 2011: 5). Le queer est donc affaire de perspective et s’inscrit dans un projet subversif éthique.

    Intersections

    Cet élargissement conceptuel donne lieu à de multiples croisements. On l’a dit, le queer a d’abord servi à désigner l’homosexuel·le. Or, si l’homosexualité a ainsi retenu pendant un certain temps toute l’attention – et le sens – du queer, il faut bien voir qu’en somme, c’est dans sa dérogation aux normes, en tant que dérèglement devant l’appareil qui érige les règles, que celui-ci dérange. Non pas que le queer réside dans l’anarchie – sans qu’il s’y oppose nécessairement: simplement, il ne s’inscrit pas dans le même cadre de contestation. Le queer cherche à démanteler le monde de valeurs en place parce qu’il est fondamentalement injuste, et du fait qu’il résulte d’appareils de gestion normatifs qui, en hiérarchisant, instituent la valeur des êtres humains, survalorisant les un·e·s, disqualifiant les autres.

    C’est tout l’appareil de gestion qui y passe, donc. Le temps, l’espace, l’économie et le productivisme, l’alimentation… tout ce qui a été institué jusqu’ici, du fait même que tout ce qui a été institué l’a été en régime patriarcal-capitaliste, dans cet imaginaire qui constitue le fondement de nos sociétés, pour le dire avec Castoriadis (1975). Jusqu’à l’institution de l’usage des jours de la semaine, la journée du samedi ou du dimanche étant consacrée comme religieuse selon différentes confessions. Tout ce qui a été ritualisé l’a été par l’imaginaire hétérocapitaliste. Le queer, c’est la façon de faire tabula rasa pour réinstaurer un désordre organique, qui ne restreint pas mais qui prolifère, qui distingue mais ne distribue pas de valeurs. Il faut donc découdre, dégonfler, défaire, car c’est en passant par ce processus qu’on pourra ensuite reconstruire, mais cette fois-ci non pas dans une visée d’uniformisation normative et doxique (autant que toxique), mais en laissant l’imagination foisonnante des singularités accomplir ce qu’elles ont à accomplir pour elles-mêmes.

    C’est un peu ce que suggère Butler lorsqu’elle évoque «la vérité du genre»: «Si la vérité du genre est une fabrication et si l’idée qu’il y aurait un vrai genre est un fantasme construit et inscrit à la surface des corps, alors il me semble que les genres ne peuvent être ni vrai[s] ni faux, mais produits comme les effets de vérité d’un discours de l’identité première et stable» (2005 [1990]: 259). S’il n’y a pas de vérité du soi, il y a tout de même des vouloir-être qui, pour n’être fondés sur aucune vérité, n’en restent pas moins vrais et légitimes. «[I]l est beaucoup plus important d’être soi-même que quoi que ce soit d’autre», comme l’écrivait Virginia Woolf (1992 [1929]: 166).

    Le queer aime les «hors normes», donc; ceux et celles qui échouent aux tests des normes: les gais, les lesbiennes, les gros·ses, les dépressif·ve·s, les autistes, les anorexiques, les non-blanc·he·s, non-hétéros, etc. Encore: comme si on avait besoin d’un diagnostic, d’une étiquette pour légitimer notre droit de ne pas en être, du bonheur™ normatif… Chose certaine, la personne queer ne se pose pas en dominant·e.

    Écriture et représentation du queer:

    d’autres récits, d’autres histoires

    et d’autres formes de vies

    La création est bien une voie privilégiée pour exprimer la vérité de chacun·e. Mais les œuvres, aussi novatrices soient-elles, traînent toujours avec elles des «résidus culturels» (Rubin, 2002: 16): «Eve Sedgwick [suggère] que le caractère problématique des définitions figées de l’homo et de l’hétéro serait lui-même producteur de la culture et de l’histoire occidentales modernes dans leur ensemble» (Cusset, 2003: 13). Comment, à partir de l’hypotexte hégémonique de l’hétéronormativité, faire émerger d’autres récits, d’autres histoires, d’autres formes de vie qui ne soient pas attachées à leur point de départ? Est-ce possible? Quelle(s) histoire(s) pourrai(en)t émerger à partir d’un schéma queer? Et celui-ci serait-il irrémédiablement lié à son hypotexte straight, qu’il récuse? Est-ce possible d’évacuer les «préconceptions imposées de l’homo ou de la femme, leur rôle dans la formation du Sujet, dans le développement de tout individu, que vient subjectiver – selon Judith Butler – son assujettissement [sic] dès l’enfance à ces normes posées en vérités naturelles, et aux liens qu’il nouera lui-même, jusqu’à s’y enferrer, entre sexe, genre et sexualité» (Cusset, 2003: 13)? Est-ce possible de liquider la culture? Lorsqu’on pose la question de cette façon, la réponse est bien évidemment non. Alors? Inventer de nouvelles histoires, de nouvelles identités, dessiner d’autres subjectivités – et surtout: laisser libre cours aux proliférations que chacun·e inventera.

    Chose certaine, lorsque les personnes queer ouvrent leurs blessures et nous les montrent, en font récit, ce n’est pas pour faire spectacle; le pathos n’est pas invité à la monstration. Il s’agit plutôt de révéler la violence du monde et, par là, de s’émanciper de l’imaginaire hétéropatriarcal qui nous imprègne toustes, avec les ramifications capitalistes et racistes qui sont les siennes. Car ce sont les dispositifs patriarcocapitalistes qui font de certain·e·s d’entre nous des «straight». Alors soit il faut sortir de ces dispositifs, soit les déconstruire, et de toutes les façons; en cette matière, les productions culturelles sont certainement utiles, parce qu’elles se donnent le droit de percer les toiles des fictions qui nous recouvrent. S’il en est ainsi de la création, il en va de même pour la recherche et la critique: «S’il faut en résumer les objectifs, la recherche queer, qu’elle porte sur des œuvres d’art, des discours médiatiques, des terrains sociaux ou des concepts philosophiques, est sensible aux identités, aux sexualités, mais aussi aux corporéités et à leur articulation avec le social et le politique» (Plana, 2016: 120).

    Présentation de l’ouvrage

    Nous voulons, par ce collectif, donner un aperçu des manifestations de la pensée queer au Québec dans les œuvres littéraires, artistiques et médiatiques. Le Québec étant entendu ici comme espace socioculturel, les études rassemblées dans cet ouvrage portent sur des objets culturels provenant de personnes aussi bien franco- ou anglo-québécoises que «migrantes», inuites, métisses ou des Premières Nations; c’est donc dire que toutes les productions culturelles réalisées au Québec, peu importe l’origine ethnique, la religion, la langue, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de leur auteur·e, ont été dans la mire de nos collaboratrices et collaborateurs12. Comment les artistes au Québec se sont-illes emparé·e·s du queer? L’ont-illes interprété de façon particulière? Quelles œuvres littéraires, artistiques et médiatiques québécoises proposent une vision du monde queer et comment celle-ci se traduit-elle, quels procédés sont mis en œuvre pour la signifier, et quelles figures sont convoquées? Aussi, quels corps le queer permet-il de dessiner, quelles voix fait-il entendre, quels affects met-il en jeu? Bref, comment le queer se manifeste-t-il? Comporte-t-il toujours une charge radicale? Parvient-il à décoloniser l’imaginaire sexuel? Enfin, provoque-t-il encore une «panique sexuelle» (Rubin, dans Butler et Rubin, 2002)?

    Bien sûr, il ne suffit pas que des personnages homosexuels ou trans peuplent un roman pour que ce dernier soit queer. On peut très bien mettre en scène un personnage homo ou trans dans une perspective straight. Il est vrai toutefois qu’il serait étonnant qu’un roman ne figurant que des personnages cis et conformes soit queer, bien que cela puisse exister. Un roman queer est plutôt celui qui met en avant et valorise, tant par le fond que par la forme, la multitude, les singularités donc les différences, tout en récusant la pensée catégorielle et les hiérarchies qu’elle institue. Le système de valeurs en place va plutôt opposer le queer au straight – comme l’anticapitalisme à la vision capitaliste du futur productif. Nous nous intéressons donc, dans cet ouvrage, à ce type de réflexion sur les productions culturelles québécoises.

    Nous avons également voulu accueillir des textes qui queerisent les formes mêmes, inspirés par exemple des propositions formelles et épistémologiques des études en recherche-création. En ce sens, nous avons appelé des textes qui ne font pas que réfléchir au décloisonnement des discours, mais aussi qui le mettent en acte. Plus encore, en phase avec la perspective queer, qui remet en question les frontières disciplinaires, et donc les frontières art/science, études littéraires/création littéraire, pour faire émerger un corpus, une pratique, des mondes, des formes de vie, nous avons souhaité faire de la place, dans cet ensemble de textes critiques, à des propositions créatives (dessins et illustrations, nouvelles et poèmes, textes hybrides). Car la création littéraire et artistique véhicule elle aussi du savoir; l’art pense et, à ce titre, est apte à participer à un dialogue entre la recherche et la création, dialogue qui finalement queerise la recherche. Parce que le queer touche également à la forme, récusant la scientificité à tout prix, et l’appareillage de rigueur dont elle se pare pour se protéger des paroles sales («talk dirty to me!», écrit Bourcier, 2003), ce parement laissant à l’extérieur toute parole qui ne proviendrait pas d’un lieu institutionnel orthodoxe. Comme le dit Preciado, «[i]l faut queeriser l’université» (2003a)!

    La composition d’un tel ouvrage soulève plusieurs aspects liés à la problématique identitaire et aux questions de légitimité. Parce que le queer peut se trouver du côté de la représentation – les personnages queer –, du côté de l’écriture – l’écriture lesbienne –, et du côté des auteur·e·s. Si l’on s’aperçoit par exemple que parmi les propositions récoltées, il n’y a rien ou peu de chose sur le lesbianisme, cherchera-t-on une collaboratrice qui travaille sur les personnages lesbiens, peu importe le sexe des auteur·e·s qui les ont créés, une personne qui travaille sur l’écriture lesbienne, consacrée à ces auteures, peu importe son sexe et son orientation sexuelle, ou cherchera-t-on à solliciter une chercheuse lesbienne travaillant sur ces questions? Ces interrogations nous conduisent à penser que la meilleure avenue serait un recueil consacré à cette seule question et qui rassemblerait ces trois postures/trois volets. Mais dans le cas où, en l’occurrence, l’étendard est plus large, et puisqu’on ne peut certainement pas assurer que tous les champs soient systématiquement couverts, la question se pose: y a-t-il une personne plus autorisée qu’une autre? Au regard de la recherche, la sensibilité et l’expérience ne sont pas tout, même si elles peuvent être cruciales; elles ne suffisent pas à assurer la qualité d’un travail – sans bien sûr la mettre en doute, elles ne la garantissent pas. Mais comment résoudre cette question?

    Se dégage aussi de tous les textes recueillis ici, quelle que soit leur problématique croisée à celle du queer, la question de la parole et du silence. Il apparaît que le silence est le complice de l’ordre hégémonique, qu’il participe de son maintien et qu’à ce titre, une prise de parole hétérodoxe, qu’elle soit orale ou écrite, contribue à son effritement. En tout cas, les paroles rebelles, en inscrivant leur dissidence, révèlent les non-dits de l’hégémonie, qui cache son orthodoxie sous des discours positifs, escamotant leur violence.

    Par ailleurs, bien que nous ayons tenté de couvrir de nombreuses intersections avec le queer, nous sommes conscient·e·s de certaines absences. Nous déplorons par exemple notre incapacité à représenter, par les études recueillies, la véritable diversité raciale et culturelle du Québec que nous observons. Cette absence est assurément le reflet de la blanchité/blanchitude de l’institution, à tout le moins des études littéraires et culturelles au Québec – et de la nôtre en tant que directrice et directeurs de l’ouvrage collectif, nous en prenons acte. La pensée queer avec laquelle nous travaillons ici, que nous essayons de saisir, n’existe pas – ne nous préexiste pas. Comme l’affirme Muñoz, «la queeritude n’est pas encore tout à fait advenue; aussi devons-nous rester tournés vers le futur dans nos désirs et nos façons de penser»13 (2009: 185). Pour l’instant, le queer se définit surtout par la négative, à l’envers de l’hétéropatriarcocapitalisme – mot-valise fondant ceux qui ont désigné les gagnant·e·s jusqu’ici, leur octroyant tous les pouvoirs, y compris celui de dominer les autres, celleux qui ne sont pas du bon côté des choses, du bon droit. Cet ouvrage et les articles qui le composent ne sont pas exempts de failles, mais ils se veulent d’abord une contribution à avancer vers ailleurs, «un geste pour le futur et envers celui-ci», car la «[q]ueeritude concerne essentiellement le rejet d’un ici et maintenant, et une insistance sur la potentialité ou la possibilité concrète d’un autre monde»14 (Muñoz, 2009: 1).

    Au fil de la lecture des différents chapitres, on remarquera que quelques termes n’ont pas, à dessein, fait l’objet d’une uniformisation, ce qu’on pourrait aussi appeler une standardisation ou encore une homogénéisation, lesquelles auraient pour le moins mal correspondu avec la philosophie du queer. Il s’agit entre autres des mots queer, gai, queerness. En ce qui concerne le mot queer, comme il provient de l’anglais, il est parfois utilisé en italique dans un texte en français. Dans ce cas, conformément aux règles de la langue anglaise, employé comme adjectif, il ne s’accorde pas; employé comme substantif, il varie en nombre. Mais comme le mot circule plus ou moins largement en français depuis déjà au moins 2005 (date de la publication de la traduction de Gender Trouble), certain·e·s francophones se le sont approprié. Il est signifiant, il leur parle, même s’illes n’ont pas été personnellement traité·e·s de queers et qu’illes n’ont pas vécu la charge injurieuse de ce terme – c’est donc la théorie queer qui est mise en avant. Ce degré d’intégration pourrait expliquer l’absence d’italique. Dans ce cas-ci, le mot peut même fonctionner selon les règles du français et, conséquemment, faire partie intégrante du lexique. C’est pourquoi il peut varier en nombre s’il est un nom et un adjectif. Cela dit, on n’observe pas (encore) la variante queere, qui pourrait marquer le féminin, ce qui, à certains égards, viendrait à l’encontre des visées anti-binarité prônées par le queer. Qu’à cela ne tienne, on rencontrera, dans cet ouvrage, tantôt queer, queer et queers, qu’il s’agisse d’un nom ou d’un adjectif. Nous avons voulu laisser les auteur·e·s recourir à la graphie de leur choix; même chose pour l’acronyme LGBTQ+ et ses variantes. Nous avons toutefois veillé à préserver une cohérence au sein de chacun des chapitres. Quant aux mots gai ou gay, ici encore, notre objectif a été le même: laisser choisir les auteur·e·s. On lira donc gai, gay, gais, gays, gaie et gaies, selon le contexte linguistique. À propos de queerness, on verra aussi parfois queerité et queeritude. Quant à la forme verbale, queeriser, plutôt que queerer, est plus fréquent. L’adjectif queerisable est également usité. Enfin, il nous aurait été impensable de cautionner un ouvrage sur le queer sans féminisation, non pas pour rappeler et renforcer la bicatégorisation de genre, mais parce qu’il n’existe pas en français, à ce jour, de formulation neutre qui fasse consensus, du moins dans les communautés queer. Personne n’est dupe: le masculin générique, en dépit de ce que les règles du français prétendent, n’a rien de neutre, et nous le savons toustes. Nous avons opté pour le point médian, au lieu du trait d’union, du point, des parenthèses ou de la majuscule – ou pour des formules nouvelles et novatrices: illes, toustes, etc.

    * * *

    Le présent ouvrage collectif comporte 24 textes regroupés en six sections: «Corps et affects», «Modes de vie», «Espaces et temporalités», «Biopolitique», «Présenter/représenter», «Culture pop». Entre chaque section, une œuvre iconographique ou textuelle vient ponctuer l’ouvrage. MP Boisvert et Lora Zepam ont écrit un texte de création se rapprochant de la prose essayistique et poétique. Alex Noël, quant à lui, propose un ample poème. Sophie Labelle affiche une planche de sa bédé Assignée garçon puis Tiger Opal et Charline Bataille offrent des illustrations abrasives. En tout, 31 auteur·e·s, dont les trois codirecteur·rice·s, signent un texte ou une œuvre. Même si ce genre d’objectif est toujours à demi atteint, nous avons voulu être le plus inclusif·ve·s possible, notamment parce que nous avons pensé ce collectif comme un reader, à la manière des Lesbian and Gay Studies Reader et Routledge Queer Studies Reader. À la différence près que tous les textes, ici, hormis quelques courts segments, sont inédits. Il ne s’agit donc pas d’une anthologie qui aurait été constituée après coup, mais d’un regroupement de textes abordant le queer tel qu’il se pense et se fait actuellement au Québec, et ce, de la façon la plus diversifiée possible. Le présent collectif est donc riche à la fois de réflexions provenant de professeur·e·s-chercheur·se·s, d’étudiant·e·s à la maîtrise et au doctorat, de personnes hors de l’université, de militant·e·s, de créateur·rice·s, d’êtres humains qui s’engagent à critiquer les systèmes d’oppression et à penser des mondes plus inclusifs. Nous les remercions chaleureusement de leur précieuse contribution à ce collectif.

    Dans la première partie, intitulée «Corps et affects», nous avons voulu regrouper des textes qui font de la représentation des corps et des affects, souvent premiers lieux d’ancrage du devenir queer, l’enjeu de leur réflexion et de leur analyse15. Nicole Côté se penche sur L’enfant mascara (2016) de Simon Boulerice; Domenico A. Beneventi propose une étude de Mouthquake (2015) de Daniel Allen Cox; Marie Darsigny suggère une réflexion sur la dépression et Isabelle Boisclair analyse Mettre la hache (2015) de Pattie O’Green. La deuxième partie s’articule autour des «modes de vie». Elle cherche à rendre compte de la façon dont les subjectivités queer s’expriment en instaurant des manières de vivre novatrices, révélant du même coup les scléroses hétéronormatives des structures sociales. Loïc Bourdeau y analyse Queues (2017) de Nicholas Giguère; Étienne Bergeron offre une lecture d’auteurs québécois gais contemporains, notamment avec Ces regards amoureux de garçons altérés (2015) d’Éric Noël, et Nicholas Giguère étudie Le Virulent (1986-1989), journal du Comité Sida Aide Montréal. Quant à la troisième partie, elle fait des «espaces et des temporalités», ces dispositifs de subjectivation primordiaux, véritables machines à fabriquer du conforme, son thème central. Guillaume Poirier Girard présente une analyse de Les nuits de l’Underground (1978) de Marie-Claire Blais; Roxane Nadeau analyse Fierce Femmes and Notorious Liars (2016) de Kai Cheng Thom; Robert Schwartzwald aborde With Bated Breath (2010) de Bryden Macdonald et Faire des enfants (2011) d’Éric Noël; Zishad Lak traite d’Ourse bleue (2007) de Virginia Pésémapéo Bordeleau et Corrie Scott s’intéresse à Une saison dans la vie d’Emmanuel (1965) de Marie-Claire Blais, Folle (2004) de Nelly Arcan et Un enfant à ma porte (2008) de Ying Chen. Dans la quatrième partie, il est question de «biopolitique» – ce concept, formulé par Foucault, est un outil invitant à mettre en critique la gestion des formes de vie, telle qu’elle est orchestrée par les dominants pour préserver les normes qui assurent le maintien de l’ordre bourgeois hétéronormatif. Jorge Calderón analyse Hosanna (1984) de Michel Tremblay; Maude Lafleur se penche sur La mue de l’hermaphrodite (2001) de Karoline Georges, Une belle famille (2012) d’Annie Cloutier, ainsi que sur Annabel (2008), un roman canadien-anglais de Kathleen Winter; Pierre-Luc Landry propose une réflexion sur la grossophobie à l’aide de La maison mémoire (2007) de Sandra Rompré-Deschênes, Le Christ obèse (2012) de Larry Tremblay, La danse juive (1999) de Lise Tremblay et La danse des obèses (2014) de Patrick Isabelle, tandis qu’Alexandre Baril réfléchit au suicide avec Putain, Folle et Paradis clef en main de Nelly Arcan de même que les chroniques journalistiques de l’écrivaine. La cinquième partie articule les façons de «présenter» avec celles de «représenter»: la présentation est certes déjà une mise en scène, mais la représentation est, elle, toujours un discours: les deux sont concernées par le travail des normes. Marilou Craft critique le blackface dans Revue et corrigée 2014; Marie-Claude Garneau analyse (More) Propositions for the AIDS Museum et Youngnesse de projets hybris, et Sylvie Bérard alimente sa réflexion sur la science-fiction à partir d’une trentaine de romans et nouvelles. La sixième et dernière partie regroupe des textes abordant la «culture pop». Si le queer provient des marges, il contamine bientôt toute la sphère de représentations – perdant il est vrai parfois son pouvoir de contestation. Tara Chanady s’intéresse aux téléromans québécois et en particulier à la série Unité 9 (2012-2019) de Danielle Trottier; Joyce Baker se penche sur l’humour des femmes au Québec, notamment sur Mariana Mazza et Virginie Fortin; Stéphane Girard s’intéresse à Cœur de pirate, Tiga et Éric Lapointe; Thomas Leblanc fait de Céline Dion la figure centrale de sa réflexion et Florian Grandena ainsi que Pascal Gagné traitent de Xavier Dolan.

    Il convient de préciser que notre ouvrage, s’il souhaite dresser un panorama (bien qu’incomplet) des pratiques artistiques et discursives queer dans les objets culturels québécois étudiés, n’a pas comme objectif de les historiciser comme d’autres l’ont fait avant. Ainsi, plus de 27 œuvres de fiction (romans, récits, nouvelles, pièces de théâtre, journaux, téléséries, chansons, films) publiées au Québec principalement entre 1965 et 2017, croisant divers aspects avec le queer, du polyamour à l’intersectionnalité en passant par l’antiracisme, l’inceste, l’urbanité, le suicide, le non-désir d’enfant, l’alimentation ou les processus de production, l’humour, la chanson, le cinéma, et mettant en scène des personnages hétéros et homosexuels, intersexués, cis et trans, racisés, gros… sont analysées de front, et plus de 28 auteur·e·s sont abordé·e·s dans une perspective critique et analytique. Nous ne pouvions bien évidemment tout couvrir, nous savons que nous laissons vacant l’espace pour discuter des croisements entre queer et islam16, queer et écologie, queer et souillure, queer et nature, la prostitution, la traduction, la parentalité – la liste est sans fin, tant il est vrai que le queer a le potentiel d’influer sur, en les renversant, toutes les logiques sociales qui régissent nos fuckin vies.

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    1. Camille Back, qui rédige une thèse sur l’œuvre de Gloria Anzaldúa à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, soutient que la première occurrence du mot queer chez Anzaldúa remonte à 1981, dans son texte «La Prieta»: «Ce que ma mère voulait en échange de ma naissance et de mon éducation, c’est que je me soumette à elle sans rébellion. Était-ce une compétence de survie qu’elle essayait de m’apprendre? Elle ne s’opposait pas tant à ma désobéissance qu’à ma remise en question de son droit de me demander l’obéissance. À cette lutte pour le pouvoir se mêlait sa culpabilité d’avoir mis au monde une enfant qui

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