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Trévizac: Roman
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Livre électronique235 pages3 heures

Trévizac: Roman

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À propos de ce livre électronique

Parvenu à la soixantaine, Jean souhaite rendre hommage à sa grand-mère qui l'a élevé seule à Trévizac, un château délabré du limousin. Avec enthousiasme, il évoque la joie de vivre et la force de caractère qu'elle montrait en toutes circonstances et qui l'ont aidée à faire face avec ardeur aux nombreuses vicissitudes de son existence. Lui-même arrivé à l'aube de l'âge adulte, une succession d'événements imprévus vient tout bouleverser. C'est la fidélité à sa grand-mère qui le guidera, lui permettant ainsi d'orienter le cours de sa vie.


À PROPOS DE L'AUTEUR


À la suite d'une vie professionnelle itinérante , entre la banque et les collectivités locales, Xavier-Marie Garcette se consacre désormais à l'écriture. Trévizac, son deuxième ouvrage publié, propose à son lectorat un moment de tendresse et de bonheur, de même qu'une réflexion sur quelques sujets de société.
LangueFrançais
Date de sortie16 déc. 2021
ISBN9791037741011
Trévizac: Roman

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    Aperçu du livre

    Trévizac - Xavier-Marie Garcette

    Du même auteur

    À la mémoire

    de quelques délicieuses grands-mères que j’ai connues

    À Thibault B. qui m’a encouragé

    À Marie-Liesse P. qui m’a fait redécouvrir le Limousin

    I

    Pas une journée sans que je pense à elle. Souvent, une foule de souvenirs m’assaille, mais l’un d’eux revient plus spontanément : debout dans le grand salon, elle dispose des jonquilles dans un vase sur le piano à queue.

    Elle est habillée de gris et mauve – ses couleurs : une robe grise et un gilet mauve, ou une jupe grise, un « corsage », comme elle disait, blanc, et toujours un gilet mauve, ou encore un chemisier mauve et un gilet noir. Je ne me rappelle pas l’avoir jamais vu s’acheter un vêtement neuf. Ou bien elle était particulièrement soigneuse, ou bien ses habits étaient d’une très bonne maison – sans doute les deux.

    Je la revois, mais je l’entends aussi. Elle chantonne bien entendu, car elle chantait ou fredonnait en permanence. Par exemple, « Le fiacre », en roulant les r comme Yvette Guilbert.

    Soudain, elle s’interrompt et se tourne vers moi, avec un sourire malicieux :

    « Quand j’étais jeune, j’adorais cette chanson : je la trouvais si drôle ! Mais un jour, j’avais peut-être dix-huit ans, je me suis mise à la chanter devant mes parents. Ils furent scandalisés, et m’ont vertement réprimandée ! De leur vivant, je ne l’ai plus jamais chantée… »

    Car elle parlait ainsi : bien entendu, elle ne se serait jamais fait « engueuler » (connaissait-elle seulement le mot ?), ni même simplement « gronder ». Non, elle se faisait « vertement réprimander » : ce genre de vocabulaire était pour elle du langage courant.

    Ma délicieuse grand-mère. Je l’adorais…

    Grand-Mère avait une propension incroyable à la gaîté. Elle n’avait pas eu la vie facile, mais le rire semblait spontané chez elle. Elle trouvait toujours le cocasse d’une situation, ou sinon affectait de rire de ses soucis, par délicatesse et par bonne éducation, pour ne pas ennuyer autrui avec ses propres tracas.

    Elle adorait aussi me faire rire – et j’étais bon public. Comme elle chantait sans cesse, elle avait toujours une chanson en accord avec les circonstances. Un jour que nous mangions une entrecôte, cadeau d’un fermier voisin, elle entonna la chanson éponyme, « L’entrecôte ». Dans le couplet final, elle se mit à prendre des airs grandiloquents de Sarah Bernhardt pour déclamer en roulant des yeux :

    « N’écoutez pas, fillettes, cet exemple maudit

    Vous seriez pour le monde un objet de mépris »

    Et voir soudain ma grand-mère transformée en tragédienne au milieu de la cuisine me faisait partir dans un fou rire qui la gagnait aussitôt.

    Elle avait conservé au salon un vieux phonographe, et m’apprenait à danser. Elle déplorait de ne plus se sentir assez en forme pour danser le charleston qu’elle avait tant aimé dans sa jeunesse, mais connaissait quantité d’autres danses de salon. Comme sa taille était modeste et que je suis vite monté en graine, dès l’âge de neuf ans, je pouvais faire office de cavalier presque présentable. C’est ainsi que j’appris la polka, la valse, mais aussi le tango, le paso doble ou le foxtrot. La mise en scène était invariablement la même : elle avait retrouvé dans ses affaires un carnet de bal, sans doute hérité de sa propre mère, et qui revêtait la forme d’un petit éventail en ivoire. Sur chaque lame de l’éventail, elle était censée inscrire au crayon les prochaines danses et le nom des cavaliers à qui elles étaient réservées. J’étais donc prié de m’approcher d’elle pour savoir si elle voulait bien m’accorder cette danse : elle prenait alors une moue préoccupée en soupirant : « c’est que… mon carnet est déjà bien plein… Mais vous avez de la chance, jeune homme, je n’ai justement personne d’inscrit pour la prochaine ! »

    Un jour, elle se mit en tête de m’apprendre le Lambeth Walk. Je ne sais pourquoi, les pas étaient pourtant simples, mais je m’emberlificotais tant et si bien que Grand-Mère et moi finîmes par trébucher et nous affaler de conserve sur le canapé Louis-Philippe, dont les ressorts se mirent à couiner comme des souris pour protester contre cette subite agression. Nous avions déjà commencé à rire au moment où nous perdions l’équilibre, et la complainte du canapé ne fit que renforcer notre hilarité.

    Quelques années plus tard, je fus bien surpris d’entendre à la radio Dalida qui reprenait « le Lambeth Walk » et en fit un tube pendant quelques semaines : c’est comme si la chanteuse avait voulu brusquement pénétrer l’intimité de notre vie à deux à Trévizac. En tout cas, je dois bien être aujourd’hui le seul Français du XXIe siècle à savoir danser le Lambeth Walk – ou du moins assurément le Lambeth Walk façon Trévizac, car je ne saurais garantir que les pas enseignés par ma grand-mère étaient bien conformes à la chorégraphie d’origine !

    Dès qu’une pluie importante commençait, il fallait monter au grenier vérifier que les bassines étaient bien placées, pour récupérer l’eau tombant des fuites du toit. Une après-midi où nous nous consacrions à cette tâche, elle attrapa un vieux pot de chambre en porcelaine qui traînait et, se le mettant sur la tête, me demanda : « Ne suis-je pas jolie, coiffée ainsi ? Lorsque j’étais jeune, nous portions toutes des chapeaux qui ressemblaient exactement à ça ! ».

    Bien évidemment, ma grand-mère ainsi coiffée d’un pot de chambre au milieu du grenier avec des mines de midinette me fit immédiatement partir dans des gloussements qui ne tardèrent pas à se transformer en pleurs de rire.

    Une année elle m’emmena pour mon anniversaire voir Mary Poppins au cinéma. Le film me ravit, mais je pensai en sortant que je n’avais quant à moi aucun besoin d’une Mary Poppins : ma grand-mère était là pour enchanter le quotidien – avec autant de savoir-faire que la nounou de Walt Disney.

    Elle était un rayon de soleil permanent. C’est son sens de l’humour, son détachement et sa force de caractère qui ont permis à l’enfant dont elle avait hérité, mélancolique et émotif, un peu renfermé et volontiers ironique, de devenir un homme.

    II

    Il y avait beau temps que la vie mondaine de Grand-Mère s’était réduite à bien peu de choses. Elle était, si j’ose dire, partagée en deux : il y avait les personnes reçues à la cuisine et celles reçues au salon. Grand-Mère ne procédait à cette discrimination que par délicatesse, sachant très bien que certaines personnes à qui elle ouvrait sa porte se sentaient bien plus à l’aise autour de la grande table de cuisine, plutôt que les fesses posées sur les tapisseries au petit point des bergères du salon.

    Parler d’ailleurs de vie mondaine est bien impropre pour les personnes de la cuisine. Néanmoins, elle recevait toujours avec cordialité et, je pense, avec plaisir ses deux voisines qui étaient aussi ses deux fermières, Mme Mazeyrat et Mme Dupleix. C’était une étrange relation qui s’était nouée avec ces deux femmes, mais comme Grand-Mère avait un don certain pour l’écoute, les fermières venaient régulièrement, sous prétexte de venir lui offrir un cageot de pommes ou un pot de crème fraîche, se confier à mon aïeule sur les petites misères de leur existence. Nul n’ignorait les épreuves que Grand-Mère avait traversées, et combien celles-ci avaient nourri son empathie naturelle. Et avec ses voisines, elle savait s’y prendre aussi bien qu’avec moi, et trouvait toujours le moyen au moins de leur arracher un sourire, voire de les faire éclater d’un bon rire qui les ragaillardissait. Heureusement pour Grand-Mère, sa cuisine n’était pas qu’un bureau des pleurs : si l’une ou l’autre apprenait une bonne nouvelle, une réussite à un examen ou la naissance d’un petit-enfant, elle s’empressait de courir au château pour partager l’événement avec Mme Dussoubs.

    L’affection sincère que portait Grand-Mère à ses fermières n’était évidemment pas du tout de la même nature que celle qui la liait à son amie d’enfance, Françoise de Viéville, qu’elle considérait comme sa sœur et que d’ailleurs j’appelais Tante Françoise.

    Comme tout le monde, Françoise de Viéville n’avait pas approuvé le choix de son amie lorsque celle-ci s’était mariée. Elle lui avait pourtant gardé toute son affection, et plus encore après la mort de mon grand-père, au moment où la veuve se retrouva ruinée et où tout le monde se détournait d’elle. Au début des années 60, Tante Françoise perdit son mari à son tour, celui-ci ayant été emporté en deux mois par un cancer fulgurant. Après ce décès, elle fit une dépression très profonde, et affirmait volontiers qu’elle ne s’en était sortie que grâce à l’attention et au soutien indéfectibles que Grand-Mère lui avait apportés.

    Rituellement, Grand-Mère se levait à six heures du matin, et jusque dix heures, elle « faisait ses petites affaires » comme elle disait. Puis à dix heures, elle s’arrêtait, prenait une tasse de café, et attendait l’appel de Tante Françoise. Elles bavardaient ensemble de petits riens, manifestement heureuses de ce moment d’intimité, qui pouvait durer pendant une heure. Lorsqu’il nous arrivait quelque chose de cocasse, ou que nous piquions ensemble un fou rire, immanquablement elle concluait : « il faudra que je raconte cela à Françoise demain matin ! »

    Par transitivité, si j’ose dire, je ne pouvais qu’aimer Tante Françoise et réciproquement. Celle-ci avait la chance de se retrouver à la tête d’une honnête fortune, et multipliait les astuces pour nous faire profiter de son aisance sans gêner son amie. C’est à elle que je dois d’avoir vu la mer pour la première fois, à l’occasion d’un week-end de Pentecôte où elle déboula à l’improviste le samedi matin et nous enjoignit de préparer en vitesse nos bagages afin de partir séance tenante à Royan. Mon éblouissement fut accru par le caractère si inattendu de ce voyage qui venait bousculer notre routine : je riais tout seul de surprise dans la voiture alors que nous n’avions pas encore atteint Confolens. Lorsque des années plus tard je lus que Bergson affirmait en substance que la surprise est la cause du rire, je repensai à notre escapade charentaise.

    Je ne suis pas musicologue mais je crois pouvoir affirmer que Tante Françoise était une pianiste tout à fait remarquable, une interprète d’une grande sensibilité. Chaque année, entre Pâques et le 1er mai, Grand-Mère « rouvrait » le grand salon, que par économie de chauffage nous n’utilisions quasiment pas à la mauvaise saison. À cette occasion, Tante Françoise tenait absolument à faire venir à ses frais un accordeur pour le piano à queue (un magnifique Érard de 1877, qui faisait partie des quelques beaux restes de la maison), au motif que ce superbe instrument avait une bien plus belle sonorité que celui qu’elle possédait, et que donc c’était pour son propre plaisir d’interprète qu’elle le faisait accorder. Il est vrai que Grand-Mère pour sa part était bien moins musicienne, et se contentait à l’occasion de jouer le premier prélude de Bach, ou encore une petite ritournelle attribuée à Mozart.

    Quand Tante Françoise se mettait au piano, le monde pouvait s’effondrer. Je m’asseyais par terre sous l’instrument et me laissais envoûter. Tante Françoise excellait dans l’interprétation de Beethoven, et je connais par cœur grâce à elle, l’Appassionata, la Pathétique et la sonate au Clair de Lune. Chaque fois qu’elle attaquait l’une de ces sonates, je fermais les yeux et des paysages mirifiques naissaient devant moi, dans lesquels je me perdais avec ravissement. J’ai eu depuis bien des fois l’occasion d’entendre l’une ou l’autre de ces sonates en concert (bien qu’elles soient passées de mode pendant de longues années) mais, quel que soit l’interprète, je n’ai pas retrouvé la magie que Tante Françoise faisait naître sous ses doigts.

    Avec deux autres dames des environs, auxquelles nous étions vaguement apparentés et que par commodité j’étais prié d’appeler Ma Tante, Grand-Mère et Tante Françoise jouaient au bridge une fois par semaine, alternativement chez chacune. Ainsi une fois par mois Grand-Mère recevait son bridge, et en hiver elle accueillait alors mes « tantes » dans la bibliothèque, moins difficile à réchauffer que le grand salon. Néanmoins, nous allumions au moins une heure à l’avance un grand feu dans la cheminée « pour décrudir l’atmosphère », disait Grand-Mère (j’ai été bien surpris le jour où j’ai découvert que ce verbe n’existe pas…), puis elle apportait une espèce de radiateur à gaz sur roulettes, un machin terriblement dangereux qui crachait une grande flamme lorsqu’on le mettait en route et qui faillit plus d’une fois mettre le feu aux rideaux.

    Grand-Mère adorait la crème chantilly, et la réussissait mieux que personne. Elle disait que c’était « le champagne de la pâtisserie ». De ce fait, son grand dessert était le saint-honoré, qu’elle servait une fois sur deux à son bridge pour la plus grande satisfaction de ses invitées, et qu’elle agrémentait de quelques fraises au printemps. En toute saison, elle trouvait dans le parc des fleurs ou à défaut des branchages qu’elle agençait en bouquets élégants et originaux, et servait son gâteau et son thé dans les plus beaux spécimens historiques de la porcelaine Legay, dont les armoires étaient pleines. Elle avait ainsi le don de transformer la moindre réception en une fête raffinée, qui faisait oublier à ses hôtes l’inconfort du chauffage et les rideaux défraîchis.

    Mais en dehors de sa famille et de ses amies bridgeuses, elle ne recevait guère que M. le curé, usuellement le premier dimanche du mois. J’avoue que ce n’était pas mon repas préféré. M. le curé était un prêtre très âgé, qui ne semblait pas vraiment connaître l’usage du savon et portait à longueur d’année une soutane élimée et constellée de taches douteuses. Les conversations ne m’amusaient guère. En général, Grand-Mère trouvait pour commencer quelques amabilités un peu convenues au sujet du sermon du jour, que pour ma part je n’avais écouté que d’une oreille – et encore. Puis on échangeait des nouvelles de personnes du village, mais la conversation devenait vite cryptée, dès lors qu’on évoquait cette pauvre madame X, qui avait bien du souci avec son mari, ou madame Y, dont la fille n’avait pas su profiter de la bonne éducation reçue, de telle sorte que je ne puisse pas comprendre grand-chose à ce qui s’échangeait. Mais si d’aventure je tentais d’émettre quelques réserves sur notre hôte du dimanche, Grand-Mère me faisait les gros yeux en affirmant qu’en toute circonstance il convenait de respecter un homme de Dieu.

    Les déjeuners dominicaux avec le curé prirent fin en 1972, lorsque celui-ci prit sa retraite. Il ne fut pas remplacé, et notre village fut rattaché au secteur paroissial d’Aixe-sur-Vienne. La première fois que nous y allâmes à la messe, le prêtre accueillait ses ouailles en gros pull, sans aube. En guise de chant d’entrée, on nous fit entonner « Le premier qui dit la vérité » de Guy Béart. On nous fit ensuite crier « Jésus t’aime » en levant les bras, puis une dame lut un texte d’évangile. Nous fûmes alors invités à tourner nos chaises pour en discuter avec nos voisins, à l’issue de quoi on tirerait au hasard la personne qui ferait le sermon du jour. Grand-Mère trouva la situation tellement grotesque qu’elle sentit monter en elle un inextinguible fou rire ; elle se hâta de sortir de l’église, et je lui emboîtai le pas. Devant le porche, nous pûmes laisser libre cours à notre hilarité, et nous ne remîmes jamais les pieds à Aixe-sur-Vienne. Désormais le dimanche, nous irions dans la vieille 2CV de Grand-Mère jusque Limoges pour assister à la messe à Saint-Michel-des-Lions : le rituel plus classique ne donnerait pas à Grand-Mère de ces crises de fou rire dont elle avait un peu honte après coup.

    III

    « Grand-Mère, racontez-moi mes parents ! »

    Combien de fois ai-je présenté cette demande, et Grand-Mère s’exécutait toujours de bonne grâce.

    « Ton pauvre papa n’a pas eu une enfance très heureuse, je le crains. Orphelin de père presque à sa naissance, il a grandi avec deux frères sensiblement plus âgés qui se suffisaient l’un à l’autre et ne s’occupaient guère de lui. Il avait dix ans lorsque la guerre a éclaté, et un an plus tard, il partait comme pensionnaire au lycée Saint-Jean à Limoges, où je ne suis pas sûre qu’il ait toujours eu à manger à sa faim pendant l’Occupation.

    Alain a toujours été un peu une énigme pour moi. Il était très gentil, docile et serviable, mais c’était un taiseux, et je ne suis jamais vraiment arrivée à savoir ce qu’il pensait au fond de lui.

    Il avait des goûts simples et ne semblait pas du tout attiré par la brillante vie parisienne de ses aînés, même si Paul a tout fait pour le convaincre de venir le rejoindre. Il a préféré, après son bachot, faire son droit à Limoges. Une fois sa licence en poche, en 1950, il est parti faire son service militaire, juste au moment où celui-ci est passé de douze à dix-huit mois. Il a été envoyé en Allemagne où, m’a-t-il raconté, il n’a jamais eu aussi froid de sa vie ! Enfin, du moins a-t-il échappé à l’Algérie qu’ont connue ceux qui étaient un peu plus jeunes que lui.

    À la fin de son service, il est revenu en Limousin, et s’est fait embaucher comme clerc de notaire dans l’étude de Maître Vacher, à Ambazac. Il s’est installé dans un deux-pièces à Limoges, comme par hasard près de la place Denis Dussoubs ! Nous avons vite établi des rituels : une fois par mois, il venait passer le week-end ici, et une fois par mois il m’emmenait au restaurant pour déjeuner. Cela faisait au moins deux dimanches par mois où il m’accompagnait à la messe, et le reste du temps je me demandais où il en était de sa pratique et de sa foi. Un jour, je notai

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