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Tattoo Opéra
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Livre électronique257 pages3 heures

Tattoo Opéra

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À propos de ce livre électronique

À proximité de l’Université de Montréal, des femmes se réveillent dans des endroits insolites. Elles n’ont aucun souvenir de leur kidnapping. N’ayant subi aucune violence, elles se retrouvent uniquement parées d’un dessin sur leur peau. Qui donc prend ainsi un malin plaisir à les tatouer à des endroits qu’elles ne peuvent même pas voir elles-mêmes ? Les inspecteurs Caressa et Girard de la police de Montréal aidés de Sonia, géniale geek au parler coloré, devront déployer tout leur savoir-faire pour repérer des liens entre les victimes et leurs dessins apparemment sans logique.
Ils vont réaliser avec étonnement que les arts sont intimement liés au cheminement torturé du plan machiavélique de cet agresseur pour le moins original.
LangueFrançais
Date de sortie18 nov. 2021
ISBN9782312086965
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    Aperçu du livre

    Tattoo Opéra - Jean-Christophe Guelpa

    cover.jpg

    Tattoo Opéra

    Jean-Christophe Guelpa

    Tattoo Opéra

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2021

    ISBN : 978-2-312-08696-5

    Chapitre I

    Il déposa le dermographe{1} sur la tablette métallique proche de lui. Il était plutôt fier de son travail. Ce n’était certes pas le premier tatouage qu’il effectuait, mais c’était « son premier », le début de Son œuvre. Il regarda le dessin de plus près. Oui ! Tout était bien tracé avec des lignes noires pures et sans aucune bavure. Du beau boulot. Il se frotta les mains. La phase numéro un était lancée ! Il était enfin récompensé de toutes ces années d’apprentissages et ces coûteux voyages à l’étranger afin de se familiariser avec les différentes techniques et ainsi peaufiner son art. Combien d’années ? Cinq ! Que le temps avance vite lorsqu’on caresse un tel but. En réalité, cela faisait exactement cinq ans et deux mois. Et combien d’heures passées, avec en point de mire l’objectif ultime dont la première scène venait de prendre vie sur la peau blanche de Lisbeth ? Beaucoup. Peu importait, car maintenant elle était là, toute paisible, couchée sur le lit, dormant encore. Il l’avait assez droguée pour qu’elle ne bouge pas d’un pouce. Il voulait que son travail fût éblouissant comme l’était son projet.

    Charles serait fier de lui, c’est certain.

    Le cours de littérature française venait de se terminer au pavillon Lionel-Groux de l’Université de Montréal. Anaïs Tanaké rangeait ses affaires comme à son habitude, c’est-à-dire avec minutie, contrairement à Lisbeth, son amie et colocataire. Toutes deux se partageaient un appartement avec deux chambres et un petit salon sur la rue Édouard-Montpetit, proche de la faculté. Faire seulement quelques pas pour se rendre à leurs cours était vraiment une aubaine. Pas de métro ou d’autobus, encore moins d’automobile. La voiture était d’ailleurs pour Anaïs une aberration à Montréal. Lorsqu’elle était arrivée dans la métropole, décidée à obtenir un baccalauréat en littérature, elle avait gardé quelque temps son auto. Posséder un véhicule à Val-d’Or, sa ville natale, était une évidence et elle pensait donc que ce fut aussi le cas dans la grande ville… Quelle erreur ! Entre le prix des stationnements, les éternelles congestions et les cinq mois d’hiver avec son lot de neige et de verglas, sa Nissan Micra qu’elle appelait affectueusement son pot de yaourt étant donné sa taille était devenue une véritable source de soucis. Elle l’avait revendue avec regret, et repéra cet agréable logement près de l’université. Le coût des appartements étant assez élevé, elle décida de s’adjoindre une colocataire. Ainsi, durant les trois années de son baccalauréat, elle partagea son loyer avec Inge, une Allemande. Une sympathique fille arrivant tout droit de Munich, grande et musclée, qui s’exprimait dans un beau français métissé de son accent germanique. Inge était venue se perfectionner en langues. Parlant aussi le néerlandais elle désirait améliorer son anglais « américain » sans être obligée d’étudier aux États-Unis. En s’inscrivant au Canada et au Québec, elle peaufinait par la même occasion son français en découvrant les tournures spécifiques de cet îlot francophone. Pour une future traductrice, elle estimait que c’était un atout. Anaïs prit la décision de poursuivre sa formation et d’entamer une maîtrise, Inge de son côté retourna en Allemagne et Lisbeth Kuipers la remplaça. D’origine hollandaise, elle étudiait tout comme Anaïs la littérature, mais elle était plus jeune de deux ans. Pour cette raison, elles ne fréquentaient pas les mêmes cours, mais elles s’entendaient très bien. Lisbeth avait précédemment effectué une année de scolarité en France à Toulouse et était arrivée ici pour connaître les écrivains francophones d’Amérique du Nord. En effet, elle était tombée un jour par hasard sur une petite librairie toulousaine pleine de charme et avait trouvé un livre dont le titre « Pélagie-la-charrette » l’avait fait sourire, mais dont la lecture l’envoûta. Elle fut surprise de la « parlure » originale de ce coin de pays sous la plume vivante et colorée d’Antonine Maillet. Elle avait décidé de découvrir ce langage si riche. Avec Anaïs, elles devinrent rapidement de grandes amies, appréciant les mêmes lectures, les mêmes films et aussi les sympathiques restaurants. Une seule chose les différenciait : Anaïs avait un faible pour les jeunes hommes musclés alors que Lisbeth préférait les intellos plus matures donc sensiblement plus âgés. Cette dissemblance ne les empêchait nullement de sortir en couple. Anaïs étant d’origine amérindienne, sa peau mate et ses cheveux noirs tranchaient avec Lisbeth, blonde dont le teint pâle était éclairé par le vert intense de ses yeux. À côté d’elles, les « chums » du moment étaient tout aussi opposés. Un jeune athlète, étudiant en médecine, tenait la main d’Anaïs, alors que Lisbeth était accompagnée d’un maigrichon plus vieux de dix ans. Un quatuor qui faisait sensation par son éclectisme visuel !

    Mais aujourd’hui, tout en sortant de la salle de cours, Anaïs était inquiète, Lisbeth avait découché. Ce n’était certes pas la première fois, mais elle n’avait pas donné de nouvelles ni réapparu depuis vingt-quatre heures, ce qui n’était pas normal, car elle prévenait toujours. Anaïs avait téléphoné à Julien, l’actuel petit copain, qui répondit qu’il n’avait pas plus d’informations. Visiblement, il ne s’inquiétait guère du fait qu’elle n’était pas avec lui. De toute façon, Anaïs savait que leur relation battait de l’aile depuis quelque temps. D’après Lisbeth, il était certes très gentil, mais c’était le genre de gars à rester éternellement étudiant. Deux baccalauréats, un début de maîtrise, constamment aux premières loges de revendications syndicales dont il était le brillant porte-parole, mais totalement déconnecté de la réalité. Lisbeth peu motivée avait essayé sans grande conviction de mettre fin à cette relation. Elle avait confié à Anaïs que c’était confortable d’avoir une épaule sur laquelle s’appuyer de temps en temps. Elle était ainsi très différente d’Anaïs qui cumulait les conquêtes, toujours avide de nuits torrides, tout en étant généralement déçue les lendemains… Sa plus longue relation avait duré plusieurs semaines, véritable record qu’elles avaient fêté récemment. Anaïs était rentrée un soir avec une bouteille de champagne en précisant, toute fière, que c’était du vrai et pas du mousseux. Elle avait lancé :

    – Quatre mois avec Éric. On fête ça !

    Lisbeth avait alors répliqué :

    – On pourrait l’attendre.

    – Non ! Je souligne les cent-vingt jours et la fin en même temps.

    C’était du Anaïs tout craché.

    Elles s’étaient regardées et avaient éclaté de rire. Mais ce soir, Anaïs n’avait pas le cœur à rire, chaque heure ne faisant qu’augmenter son inquiétude. À vingt-deux heures, elle dut se rendre à l’évidence : Lisbeth ne reviendrait pas non plus cette nuit. Même si elle savait que sa colocataire n’était plus une enfant et qu’elle avait le droit de découcher, le fait de n’avoir aucune nouvelle ne la rassurait pas. Si Lisbeth était brouillonne dans sa façon de vivre, il suffisait de voir l’état assez pitoyable de sa chambre, elle était ponctuelle et responsable. Disparaître ainsi n’était pas dans son ADN. Malgré l’heure tardive, elle rappela Julien qui rétorqua sèchement qu’il ne savait rien et son ton ne laissait aucun doute : il se fichait complètement de l’endroit où pouvait être sa petite copine. En raccrochant, Anaïs pensa qu’il était déjà rendu au stade d’ex. En dépit de la situation, elle estima que c’était au moins une bonne nouvelle, elle avait toujours trouvé ce gars mou et insipide. Elle parvint toutefois à s’endormir en imaginant que son amie était enfin tombée dans les bras d’un homme plus mature et qu’elle en avait perdu toute notion du temps.

    Lorsque Lisbeth reprit vaguement ses esprits, elle n’avait aucune idée de l’endroit où elle se trouvait, encore embrumée par… Par quoi ? Elle ne savait pas, mais elle ressentait que ce n’était pas normal comme sensation. Elle tenta de se souvenir de ses derniers moments conscients. Elle avait été à ses cours et avait discuté ensuite avec son professeur. Lequel ? Oui ! Celui qui donnait le cours d’histoire de la littérature. Puis elle était sortie du pavillon. Il était tard, aux alentours de vingt-heures trente et il faisait nuit. Elle se souvint d’avoir entendu des bruits de pas derrière elle puis… plus rien… Elle se trouvait maintenant couchée, ligotée à un lit dans une pièce pas très grande, éclairée par une ampoule spaghetti. C’est ainsi qu’elle nommait ces éclairages tout en circonvolutions qui consommaient peu d’électricité. Elle fixa la lumière.

    – Pas spaghetti, plutôt bucatini. Bon sang ! Qu’est-ce que je raconte ? Je délire. Je suis où ?

    Luttant pour ne pas sombrer de nouveau dans le sommeil, elle ressentit une sorte de mélange inquiétant de chaleur et de froid à l’arrière de sa tête. Son cœur s’accéléra. Elle sentit la panique monter. Elle voulut lever son bras, mais, attaché, il retomba pesamment sur le matelas entraînant dans sa chute le peu de son énergie. Elle tenta de rester éveillée, mais ses paupières devinrent lourdes, terriblement lourdes et elle s’endormit après quelques soubresauts.

    En ce vendredi matin, il fallait se rendre à l’évidence, Lisbeth n’était toujours pas revenue. Anaïs se décida et appela le poste de police afin de savoir ce qu’elle pouvait faire. Un sympathique agent lui conseilla d’attendre, puisque le délai de quarante-huit heures n’était pas suffisant pour lancer une recherche d’une femme adulte, jeune de surcroît, qui pouvait avoir pris du bon temps… En raccrochant, elle n’était pas plus rassurée et même plutôt irritée, car elle connaissait bien son amie et ses rares absences n’avaient jamais dépassé une nuit. Qui plus est, Lisbeth était sérieuse dans sa formation et manquer des cours ne faisait aucunement partie de son plan de vie. OK ! Elle était brouillonne dans ses affaires, mais il y avait deux choses qu’elle privilégiait, l’amitié et les études. C’était surprenant qu’elle eût soudainement laissé tomber les deux ! Anaïs se résigna, dépitée de son impuissance, et se prépara pour se rendre à ses cours.

    Il était seize heures quand le grand amphithéâtre se mit à frémir telle une fourmilière frappée par un pied maladroit. C’était la fin des cours qui avait déclenché ce brouhaha et Anaïs, comme à son habitude, rangeait calmement ses affaires. Elle ne remarqua pas tout de suite la présence près d’elle du professeur qui s’était approché. Lorsque celui-ci l’aborda poliment, elle sursauta légèrement. Il s’excusa aussitôt, car cet enseignant était particulièrement poli.

    Dans cet environnement universitaire assez détendu, frôlant parfois le laisser-aller, ce Jean-Louis Duval faisait office d’original. Il ne portait pas le jean avec chemise à col ouvert, souvent froissée d’ailleurs comme bon nombre de ses collègues. Ses vêtements étaient en harmonie avec son élocution distinguée. Sans être ostentatoire, tout en lui respirait l’élégance et le style. Son choix des mots était aussi soigné que sa livrée. Il ne voulait pas paraître, il était ainsi. C’est ce côté un peu décalé par rapport à ses pairs qui le rendait malgré tout sympathique quand on arrivait toutefois à passer outre son apparence quelque peu désuète en ce début du XXIe siècle. Il enseignait au premier cycle, mais remplaçait comme aujourd’hui des collègues absents. Il brillait dans le domaine littéraire, c’était un véritable mordu des mots. Lisbeth avait dit un jour :

    – Il aime plus que les mots. Il chérit chaque lettre et les assemble avec adoration.

    C’était justement à propos de Lisbeth que Jean-Louis Duval venait d’apostropher Anaïs.

    – Votre amie Lisbeth Kuipers n’a pas assisté à son cours ce matin, elle qui est si passionnée par la littérature, serait-elle souffrante ?

    Constatant la surprise qu’un professeur connaisse le nom, la présence et plus encore les liens possibles entre ses étudiants, il précisa :

    – Nous avons il y a quelque temps analysé des textes de Montaigne et j’avais donné un travail à mes étudiants sur le concept de l’amitié. En félicitant personnellement mademoiselle Kuipers de son devoir bien argumenté et présenté d’une manière remarquable, elle me spécifia que votre amitié l’avait fortement inspirée.

    – Je n’ai pas vu Lisbeth depuis deux jours, monsieur Duval, et je vous avouerais même que cela m’inquiète.

    C’était le dernier enseignant que l’on vouvoyait et que l’on n’appelait pas par son prénom. Il n’était pourtant pas le plus âgé.

    – J’espère sincèrement qu’elle n’a pas de souci, votre amie est une si aimable étudiante, toujours ponctuelle et intéressée. Un véritable cadeau pour un pédagogue, souvent confronté à une cohorte passive et mollassonne. Mais, rassurez-vous mademoiselle Tanaké, vous n’en faites pas partie.

    Après un petit sourire soulignant ses derniers mots, il la salua d’un bref signe de tête et s’éloigna de son pas digne. En le voyant marcher ainsi, Anaïs prit conscience que cet homme au charme suranné n’était pourtant jamais moqué par ses congénères, probablement à cause de ce mélange de style unique et de la qualité sans pareille de ses cours. Les étudiants étaient nombreux à dire que les heures glissaient rapidement au son de ses paroles et de ses incroyables connaissances. Elle avait posé un jour la question suivante à Lisbeth :

    – Je me demande comment il fait pour rendre si vraies, si réelles des phrases écrites des années voire des siècles auparavant.

    – C’est simple. Il nous fait pénétrer dans un univers littéraire virtuel.

    – Virtuel ?

    – Oui. Sa façon de décrire, d’expliquer l’essence même d’un texte créent en nous une image, une réalité qui n’existe pas véritablement, mais qui s’imprime dans nos cerveaux.

    Lorsque Anaïs entra dans l’appartement, elle devina qu’il y avait quelque chose de changé. Rapidement, elle prit conscience que c’était une présence. Lisbeth ! Elle était rentrée ! Enfin ! Une lumière filtrait sous la porte de sa chambre. Elle frappa et voulut ouvrir, mais celle-ci était bloquée par le verrou.

    – Lisbeth, tu t’enfermes maintenant ? T’as honte de m’avoir laissée sans nouvelles ?

    – Désolée, mais je suis super fatiguée. On se parle demain, d’accord ?

    Anaïs resta interdite devant cette porte habituellement toujours ouverte pour elle. Qu’avait donc son amie ? Elle lui posa la question. La réponse fut nette et assez raide :

    – Laisse-moi, OK ?

    Anaïs, déçue et même plutôt fâchée, alla dans sa chambre et déposa ses affaires. Elle décida de prendre une douche, soupa et retourna étudier. La lumière sous la porte de Lisbeth était éteinte.

    Le jour se levait sur un samedi un peu frais de mars. Anaïs se résolut à sortir de son lit assez tôt, chose rare en fin de semaine, mais l’étrange attitude de Lisbeth avait perturbé son sommeil de marmotte. Cette incroyable faculté de dormir profondément avait toujours fasciné sa famille qui avait maintes fois essayé de découvrir les limites de sa tolérance. Sa mère avait même tenté un jour de passer l’aspirateur dans l’appartement sans parvenir à l’extirper des bras de Morphée ! Dès qu’Anaïs se sépara des draps chauds, elle frissonna et en conclut que le réchauffement climatique planétaire annoncé épargnait Montréal. Elle enfila une robe de chambre bien épaisse et se dirigea tranquillement vers la cuisine. Elle devait avaler un bon café noir afin de remettre ses idées en place tout en insufflant un peu de chaleur à son corps transi. Elle vit tout de suite la note sur la table :

    Bonjour, Naïs, excuse-moi pour hier soir. J’étais crevée. Je ne file pas bien. Je vais prendre un break et me ressourcer chez ma tante au Saguenay. Je te donne des nouvelles bientôt. Bye. Lisbeth XXX.

    Message laconique. Elle l’avait appelée de son habituel surnom, c’était un point positif, elle ne l’ignorait pas ou ne lui en voulait pas de quoi que ce soit. De toute façon, de quoi aurait-elle bien pu lui en vouloir ? Elle annonçait aller chez sa tante adorée ? C’était une bonne chose, mais pourquoi donc être partie sans lui avoir dit un mot ? Elle prit son téléphone et envoya un texto dont la réponse vint aussitôt :

    Ne t’inquiète pas, j’ai seulement besoin d’une pause.

    Elle avait ajouté un cœur en émoticône.

    Que faire de plus ? Ces brefs messages n’étaient pas spécialement plus rassurants, mais Anaïs ne pouvait rien faire pour l’instant. Sachant que la tante de Lisbeth allait prendre soin de sa nièce, elle se servit son café réveil matinal et appela une amie afin de prévoir une activité pour la soirée. Elle en avait besoin. Elle devait effacer cette inquiétude des derniers jours qui avait sapé son moral. Quelques cocktails colorés seraient parfaits et pourquoi ne pas se dénicher par la même occasion un joli mâle pour sa prochaine nuit ? Elle ressentait une réelle fringale de caresses, rien de sérieux, juste avoir du plaisir. Devant le miroir tout en arrangeant sa chevelure, elle tiqua en prenant conscience d’avoir déjà oublié le nom du dernier en date.

    – Faudrait peut-être que je me calme, lâcha-t-elle à son double. Oh ! Et puis zut. J’ai bien le droit de m’amuser.

    Lorsque le téléphone sonna, Anaïs était dans un brouillard total. Elle émergea, mais ne put répondre. L’abus d’alcool de la veille et la nuit débridée avaient dévoré ses neurones. Elle était nue et elle réalisa qu’un gars ronflait à côté d’elle. C’était qui déjà ? Derek ? Darren ? Euh ! Ça commençait par un D… tant pis ! Elle se dressa sur ses coudes, mais sa tête décida aussitôt de marteler un cha-cha-cha endiablé. Elle se recoucha, chancelante. Un peu trop d’abus. Impossible de se rappeler. Elle ferma les yeux, prit de bonnes respirations afin d’oxygéner son corps. Elle fixa de nouveau l’homme. Pas pire, se dit-elle. Jeunot, enfin plus qu’elle. Ses souvenirs refaisant lentement surface, elle se souvint vaguement qu’il avait été un amant correct. Il l’avait « préliminée » avec douceur, mais, comme tout mec début vingtaine, il était venu très vite en s’excusant. Oh ! Que ça l’énervait quand ils agissaient ainsi ! Qu’ils sont pathétiques ces jeunes étalons qui n’arrivent pas à se contrôler puis qui s’excusent, piteux, comme s’ils avaient fait une bêtise. Ne savent-ils pas que ces regrets gâchent immanquablement notre jouissance ? Regrets qui d’ailleurs ne sont pas si sincères, car ils ont quand même eu leur plaisir, eux ! L’avantage est qu’à cet âge, ils sont capables de récidiver, chose qu’il fit, mais là, ce fut plus long. Il mit trop de temps et elle avait commencé à sentir un échauffement au sexe, sans compter les grimaces trop proches de son visage. Pas super. En définitive, réflexion faite, ce ne fut pas une nuit si géniale que ça et la quantité d’alcool ingurgité rendait son réveil pénible. Elle le secoua et lui demanda de partir. Il ne s’offusqua pas, prenant rapidement ses affaires, tout en ayant la délicatesse de jeter lui-même les deux petits sacs de latex qui traînaient près du lit, il sortit. Une fois seule, elle vérifia qui avait bien pu appeler si tôt en ce dimanche matin et fut surprise de voir le nom de Charlène s’afficher sur l’écran. La tante de Lisbeth avait tenté de la joindre. Cette info la réveilla totalement et elle prit le combiné. La voix calme de Charlène raisonna :

    – Bonjour Anaïs. Je suis désolé de t’avoir peut-être sortie du lit.

    – Pas grave. Comment va-t-elle ?

    Elle réalisa qu’elle avait une voix d’outre-tombe et se racla la

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