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Saint-Cyr (tome 1/2): et l'Ecole Spéciale Militaire en France
Saint-Cyr (tome 1/2): et l'Ecole Spéciale Militaire en France
Saint-Cyr (tome 1/2): et l'Ecole Spéciale Militaire en France
Livre électronique1 144 pages14 heures

Saint-Cyr (tome 1/2): et l'Ecole Spéciale Militaire en France

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À propos de ce livre électronique

"Le Titeux" est le livre de référence pour découvrir l'Ecole de Saint-Cyr des origines au 19ème siècle.

"Je dédie ce livre à l'armée, à mes chers camarades de Saint-Cyr, à tous les hommes de bonne volonté et de fermes croyances qui travaillent et qui luttent pour que la France reprenne, avec son prestige militaire, le cours interrompu de ses glorieuses destinées. Un ardent amour de mon pays, le culte exclusif de sa grandeur, m'ont poussé à rechercher la vérité, à la dire sans passion, avec l'unique préoccupation d'être utile."

Lt-Colonel E. Titeux.
LangueFrançais
Date de sortie23 juin 2021
ISBN9782322415083
Saint-Cyr (tome 1/2): et l'Ecole Spéciale Militaire en France
Auteur

Eugène Titeux

Le Lieutenant-Colonel Eugène Titeux, major de sa promotion à Saint-Cyr (1857/1859) est né en 1838 et décédé en 1904 à l'âge de 66 ans. Officier de la Légion d'Honneur, il rejoint le corps d'Etat-Major à sa sortie d'école avant de rejoindre l'arme du Génie.

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    Aperçu du livre

    Saint-Cyr (tome 1/2) - Eugène Titeux

    EUGENE TITEUX

    LIEUTENANT-COLONEL BREVETE DE L’EX-CORPS D’ETAT-MAJOR

    ANCIEN PROFESSEUR DE TOPOGRAPHIE ET DE

    GEODESIE A L’ECOLE SUPERIEURE DE GUERRE

    LAUREAT DE L’ACADEMIE FRANÇAISE

    SAINT-CYR

    ET

    L’ECOLE SPECIALE MILITAIRE

    EN FRANCE

    Tome 1/2

    FONTAINEBLEAU — SAINT-GERMAIN

    PREFACE PAR LE GENERAL DU BARAIL

    OUVRAGE ILLUSTRE DE 107 REPRODUCTIONS EN

    COULEURS, 264 GRAVURES EN NOIR ET 26 PLANS,

    D’APRES LES AQUARELLES ET DESSINS DE L’AUTEUR.

    3

    TABLE DES MATIERES

    INTRODUCTION

    PREFACE

    CHAPITRE PREMIER LES ECOLES MILITAIRES SOUS L’ANCIENNE MONARCHIE

    CHAPITRE II L’ECOLE SPECIALE MILITAIRE A FONTAINEBLEAU (1803-1808)

    CHAPITRE III LA MAISON ROYALE DE SAINT-CYR (1686-1793)

    CHAPITRE IV LE PRYTANEE FRANÇAIS — COLLÈGE DE SAINT-CYR — LEPRYTANEE MILITAIRE

    L’ECOLE IMPERIALE MILITAIRE A SAINT-CYR (1808-1815)

    CHAPITRE VI L’ECOLE DE CAVALERIE DE SAINT-GERMAIN (1809-1814)

    CHAPITRE VII L’ECOLE PREPARATOIRE DE SAINT-CYR (1815-1818). — L’ECOLE SPECIALE MILITAIRE SOUS LA RESTAURATION (1818-1830)

    CHAPITRE VIII SAINT-CYR SOUS LE RÈGNE DE LOUIS-PHILIPPE Ier (1830-1848)

    APPENDICES (1/2) (Chapitre XIII & XIV) L’ARGOT A SAINT-CYR

    LA MUSE DE SAINT-CYR

    www.editions-aojb.fr

    Photo de couverture : Q. J.

    INTRODUCTION

    Voici un livre admirable de sincérité et de bonne foi.

    Dans cette étude magistrale qui est le fruit et le résultat d’un labeur surhumain de plusieurs années, le colonel Titeux n’a été guidé que par la recherche passionnée de la vérité et par le patriotisme le plus ardent et le plus éclairé.

    Les critiques, parfois, pourront paraître sévères. Je ne les crois que justes et basées sur les témoignages les plus irrécusables. Elles sont inspirées par le sentiment profond des dangers que fait courir à une nation la confiance exagérée qu’elle met dans la solidité plus apparente que réelle de ses institutions militaires.

    C’est l’âme même de l’armée dont il est surtout question ici, puisqu’il s’agit de la bonne préparation des cadres supérieurs. Et qu’est-ce donc qu’une armée sans des cadres excellents qui en font la force et la valeur ? L’examen attentif de nos malheurs dans la dernière guerre nous apprend que c’est là qu’il faut aller chercher la principale cause des succès des armées allemandes. — A quoi nous servirait de nous dissimuler à nous-mêmes la réalité des choses ?

    Quelles que soient la perfection de son armement, l’habileté de ses combinaisons, l’intrépidité même de ses soldats, une armée sans cadres profondément instruits, longuement préparés, pénétrés du sentiment de leurs devoirs et de leur responsabilité, ne sera jamais assurée d’être à la hauteur du rôle sublime qui lui appartient de défendre l’honneur et l’indépendance de la Patrie. Le nombre même des soldats, si considérable qu’il puisse être, ne sera qu’un embarras de plus pour les généraux qui la commanderont : ceux-ci seront impuissants à empêcher l’armée, dans les moments de grandes crises, de devenir une foule confuse, toujours mise en péril par une armée beaucoup plus petite, mais mieux commandée et ayant des chefs capables de la pénétrer de ces résolutions viriles qui sont le salut dans les moments désespérés.

    C’est donc un axiome qui se passe de démonstration, de dire qu’une armée ne vaut que par la valeur de ses cadres, surtout aujourd’hui où les proportions démesurées des armées et les moyens de destruction dont elles disposent, portent au plus haut point les difficultés du grand art de la guerre. Rome a conquis le monde grâce à sa puissante et savante hiérarchie militaire, et l’Empire romain n’est tombé en dissolution que lorsque les cadres de l’armée, abandonnés par les hommes de haute valeur qui les peuplaient autrefois, n’ont plus été assez forts pour soutenir le poids de cet immense édifice.

    On en peut dire autant des rapides conquêtes d’Alexandre le Grand, dues à l’excel-lente organisation de sa merveilleuse petite armée ; et son vaste mais éphémère empire a disparu dès que ses successeurs n’ont plus su conserver dans leurs débiles mains les moyens par lesquels il l’avait créé.

    Les Barbares eux-mêmes n’auraient pas submergé le monde ancien sous le flot de leurs immenses émigrations, s’ils n’avaient eu pour les contenir et les diriger les cadres de leur société rudimentaire ?

    Et qu’est-ce donc que les titres de noblesse, encore existant aujourd’hui ? n’ont-ils pas pour origine les grades et fonctions militaires des armées d’autrefois ?

    Il est universellement reconnu aujourd’hui que la savante et habile préparation cadres de l’armée jusqu’au sommet de la hiérarchie doit être le point essentiel, le point capital de notre organisation militaire. C’est la clef de voûte de tout l’édifice. Mais quelle doit être cette préparation, j’entends celle capable de donner les résultats les meilleurs, de produire les effets les plus sûrs et les plus utiles ?

    C’est à cette étude si importante, c’est à cette étude vitale pour l’armée, que le colonel Titeux, avec une compétence indiscutable et une hauteur de vues supérieure, a consacré cinq années d’un travail ininterrompu.

    Le plan de cet ouvrage qui a pour titre le nom sous lequel est communément connue notre unique école militaire : « Saint-Cyr », est on ne peut mieux ordonné. — Après avoir étudié les moyens successivement employés autrefois pour doter l’armée des chefs qui lui étaient nécessaires, le colonel Titeux examine la situation de notre Ecole spéciale militaire actuelle, et il termine en établissant une comparaison d’un puissant intérêt entre ce qui se fait en France et ce qui se passe en Allemagne à cet égard.

    Ce dernier chapitre a tout le développement historique que mérite une question aussi sérieuse et aussi importante, et sur laquelle la discussion des faits jette la lumière la plus éclatante.

    Trois courtes épigraphes heureusement choisies et placées en tête de l’ouvrage indi--quent dans quel esprit il a été conçu : le seul souci de la vérité.

    En écrivant l’histoire de Saint-Cyr, le colonel Titeux s’est plu, tout d’abord, à rendre un juste hommage à l’illustre fondatrice de cette maison célèbre, que les auteurs les plus dignes de foi représentent comme une femme d’un mérite tout à fait exceptionnel. S’appuyant sur les témoignages les plus authentiques et les plus autorisés, il a voulu venger la mémoire de Madame de Maintenon des calomnies répandues sur son compte par le fielleux duc de Saint-Simon et aussi par Michelet, trop souvent disposé, en fait d’histoire, à n’écouter que la voix de la passion.

    Après ce début vraiment charmant, il rappelle que c’est le Seigneur de La Nouë, le vaillant compagnon de Henri IV, surnommé Bras-de-fer, à cause de ses prouesses, qui, le premier, eut l’idée de l’institution d’écoles spéciales pour l’éducation de la jeunesse se destinant au métier des armes. Depuis la création des Compagnies d’ordonnance sous Charles VII, les jeunes seigneurs faisaient leur apprentissage militaire comme Pages ou Archers dans la Gendarmerie ou dans la Maison du Roi. La Nouë, frappé des incon--vénients de toute nature que présentait un pareil état de choses, exposa ses vues dans des Discours politiques et militaires, véritable monument de sagesse et d’expérience ; il ne voyait, pour remédier à une situation aussi fâcheuse, qu’une forte et solide éducation à donner à la jeunesse. Dans ce but, il proposa, comme minimum de ce qu’il était indispen--sable de faire, la formation de quatre académies, à Paris, Lyon, Bordeaux et Angers, où les jeunes gens destinés à devenir officiers seraient élevés, instruits et formés à la discipline.

    Avec un heureux à propos, le colonel Titeux rappelle que le Sire de La Nouë combattait déjà ce préjugé que, pour être un bon militaire, il suffit d’avoir « de la hardiesse et de la générosité ». « A ceux qui en ont été pourvus, disait La Nouë, il en est revenu beaucoup de louanges ; mais enfin, à trop les exalter, on est tombé dans cette erreur de faire peu de cas de l’exercice des autres vertus. — Même, ajoute-t-il, courait ce proverbe que l’homme de guerre ne devait savoir qu’écrire son nom, comme si les sciences eussent été un empêchement à le rendre plus valeureux. »

    Il est curieux, après les malheurs de la dernière guerre, de trouver chez le Sire de La Nouë des préceptes qui semblent aujourd’hui devoir être adoptés comme la loi de salut dans les armées modernes.

    Néanmoins, l’éducation militaire continua à se faire dans les régiments, et il faut arriver à l’année 1636 pour trouver la première école militaire, fondée par le cardinal de Richelieu sous le nom d’Académie royale ; celle-ci fut bientôt suivie, en 1639, d’une seconde Académie pour les exercices de guerre. Mais ces deux établissements survécurent peu à leur fondateur.

    En réalité, ce fut Louvois qui apporta une réforme salutaire à un état de choses si contraire aux intérêts fondamentaux de l’armée. La création des premières écoles militaires n’ayant donné aucun résultat, les jeunes gens de bonne famille, sous le nom de Cadets, avaient continué à entrer au service comme volontaires ; ils étaient considérés comme élèves officiers, situation dans laquelle ils restaient très peu de temps. — Ils étaient disséminés dans les régiments sans avoir les moyens de perfectionner leur instruc--tion militaire.

    Louvois comprit tout le parti qu’on pouvait tirer, en la réglementant, d’une pareille institution, d’où, malgré ses imperfections, étaient sortis les plus grands généraux de l’époque. Le grand Condé, Vauban et bien d’autres encore, étaient entrés au service comme volontaires, et, grâce à leur génie ou à leurs talents supérieurs, ils s’étaient promptement élevés aux premiers rangs de l’armée.

    Louvois réunit tous les Cadets en compagnies spéciales, soumises à des règles et à un traitement particuliers. Il plaça ces compagnies dans les places frontières, afin que, plus près du théâtre de la guerre, elles en tirassent un plus grand enseignement.

    Mais pour qu’une institution pareille ait quelque durée, il faut qu’elle soit en concordance parfaite avec l’esprit du temps. Or, à l’époque dont je parle, les avantages de toutes sortes étaient plutôt accordés à la faveur et à la protection qu’au mérite et au savoir, et l’institution des Cadets disparut peu de temps après la mort du grand Ministre qui en avait fait son œuvre.

    « Dans la pensée de son illustre fondateur, dit le colonel Titeux, l’institution des Cadets avait pour but d’améliorer le recrutement des officiers subalternes. On la sup--prima au moment où allait s’ouvrir cette néfaste guerre de la succession d’Espagne, qui faillit conduire la France à sa ruine, et dont tous les désastres furent dus à la mauvaise qualité des officiers improvisés pour remplir les places nécessitées par la création de cent nouveaux régiments. On en revint au passé, et tandis que cette institution absolument française disparaissait de France, elle était florissante à l’étranger ; en Hollande où elle était transportée par le Prince d’Orange, et en Allemagne, par l’Electeur de Brandebourg. »

    Le colonel Titeux fait de l’état militaire de la France sous Louis XV, malgré les succès de la guerre de la succession d’Autriche, le tableau le plus navrant. Son cœur de soldat lui a inspiré une page d’histoire, admirable d’éloquence, de patriotisme et malheu--reusement de vérité. Je voudrais pouvoir la citer tout entière, je me borne à la recommander aux méditations des lecteurs.

    La Prusse alors n’était encore qu’un petit Etat, formé de la réunion fortuite de trois tronçons épars, désagrégés, sans affinité, sans contact, sans communauté de races : les duchés rhénans, le Brandebourg et la Prusse proprement dite ; mais elle était déjà une grande puissance militaire par la valeur de son armée, recrutée avec le plus grand soin, soumise à une discipline de fer, et commandée par des officiers instruits, exercés, ayant la passion de leur métier et possédant la confiance et le respect de leurs soldats.

    C’est au moment où Frédéric II préparait cette excellente armée avec laquelle il allait tenir tête aux trois plus grandes puissances militaires de l’Europe, la France, l’Autriche et la Russie, que le maréchal de Noailles se plaignait au Ministre de la guerre de l’indiscipline de la sienne, et que le maréchal de Saxe signalait l’ignorance professionnelle de beaucoup de ses officiers.

    Après le tableau le plus saisissant d’une pareille situation, le colonel Titeux termine ainsi cette douloureuse mais trop véridique étude : « Il est juste de dire que le soldat d’alors valait, comme à toutes les époques, ce que valait l’officier. Il avait toujours cette bravoure exceptionnelle qui émerveillait Villars, cet entrain à se précipiter sur l’ennemi, qui déroulait les plus habiles combinaisons et suffisait parfois à décider la victoire. Il ne demandait qu’à être guidé ; mais comment aurait-il pu l’être ? — Le favoritisme, ce grand dissolvant des années, auquel la France a dû tant de désastres et que les plus terribles revers n’ont pu extirper de nos mœurs, créait alors des colonels de quinze ans et même des colonels à bavette… Là était le mal. Il ne pouvait s’atténuer que par un changement radical dans l’éducation de la jeunesse. »

    Depuis longtemps, de bons esprits, frappés des résultats obtenus en Prusse, récla--maient la création d’une école militaire. Pâris-Duverney, cet opulent et tout puissant muni--tionnaire que le maréchal de Noailles se plaisait à appeler « le roi des farines », obtint enfin, en 1749, grâce à l’influence de madame de Pompadour, un Edit ordonnant la fonda--tion à Grenelle de ce magnifique établissement qui porte encore le nom d’« Ecole militaire », et qui avait pour terrain d’exercice le vaste emplacement du Champ de Mars, qui lui a été conservé jusqu’à ces temps derniers.

    Un règlement important, dû au maréchal de Belle-lsle, déterminait le fonction--nement de l’Ecole. Tout était réglé dans les moindres détails : la vie intérieure des élèves, leurs études, leurs exercices militaires. L’Ecole, dans le principe, devait contenir cinq cents élèves ; elle n’en reçut jamais plus de deux cent cinquante. — L’incertitude régnait alors dans toutes les branches de l’administration, et après quelques changements apportés dans son organisation primitive, l’Ecole fut supprimée en 1776 pour raison d’économie et les élèves furent répartis dans des collèges de province où ils devaient coûter moins cher : telle l’école de Brienne où fut élevé Napoléon.

    Pour l’éducation militaire, on en revint encore aux Cadets-Gentilshommes. Ils du--rèrent jusqu’à la Révolution, qui devait emporter toutes les institutions de l’ancien régime.

    Je me borne à indiquer la création de cette ridicule Ecole de Mars, destinée d’ailleurs à ne former que des soldats, tandis que les armées avaient besoin d’officiers. Il n’est pas toutefois sans intérêt de rappeler que l’ignorance dans l’armée, au commencement des guerres de la Révolution, avait fait de tels progrès, qu’un décret du 15 février 1794 stipulait que tout citoyen ne pourrait être promu à un emploi quelconque dans l’armée, depuis le grade de caporal jusqu’à celui de général en chef, « s’il ne savait lire et écrire ».

    C’était au profond génie de Napoléon qu’il appartenait de combler une lacune si regrettable dans nos institutions militaires. — Une des premières préoccupations du Premier Consul fut la réorganisation de l’instruction publique et la création d’une école spéciale militaire. Elle fut établie par une loi du 11 floréal an X (1er mai 1802) et elle prit le nom d’Ecole de Fontainebleau, en raison d’une partie des bâtiments de l’ancien château royal qui lui avait été attribuée.

    « Un règlement général, modèle de sens pratique et de clarté, élaboré évidemment sous l’inspiration du Premier Consul, vint arrêter dans tous ses détails le fonctionnement de l’Ecole. — Les élèves, divisés en boursiers et pensionnaires, étaient soumis à un régime sévère, propre surtout à développer en eux l’esprit militaire. — Ils avaient la nourriture et l’existence même du soldat, avec le travail intellectuel en plus. — L’instruction militaire était l’objet des plus grands soins. L’instruction générale ne portait que sur des matières utiles à l’officier. » C’est encore ainsi, à peu de chose près, que se comprend l’enseignement dans les écoles d’officiers, en Allemagne.

    Le Premier Consul s’était réservé les nominations à l’Ecole de Fontainebleau ; le concours n’y avait aucune part. L’instruction des jeunes gens admis était si faible qu’il fallait apprendre les éléments des mathématiques et du français à la moitié d’entre eux.

    A la Révolution, la Maison de Saint-Louis, l’œuvre de Madame de Maintenon avait été supprimée. Les religieuses avaient été dispersées et les jeunes filles renvoyées dans leurs familles. La maison, convertie d’abord en hôpital, puis en dépôt d’invalides, servait mainte--nant, sous le nom de Prytanée français, d’asile aux jeunes enfants que leurs parents destinaient au métier des armes : c’était en quelque sorte l’école préparatoire à celle de Fontainebleau, et dans laquelle l’Empereur, (quand il en avait besoin pour ses immenses armements, puisait des sous-officiers, qu’il faisait officiers après quelques mois de campagne.

    En somme, ce que l’Empereur prisait surtout chez les officiers, c’était une forte édu--cation militaire, qui trempe l’âme et fortifie le corps, bien plus que l’instruction générale, qui ne trouve son emploi vraiment utile que chez les chefs supérieurs.

    En 1808, Napoléon voulant se réserver la disposition de tous les bâtiments du château de Fontainebleau, transporta l’Ecole spéciale militaire à Saint-Cyr, dont les locaux étaient devenus vacants par suite de l’envoi du Prytanée à La Flèche ; et c’est là qu’existent, de nos jours encore, ces deux établissements, bien insuffisants si on en juge par la comparaison avec ce qui se passe en Allemagne.

    L’Ecole spéciale militaire, à son origine, devait, comme cela se pratique aujourd’hui, former indifféremment des officiers d’infanterie et de cavalerie. Mais ceux-ci n’ayant reçu à l’Ecole qu’une instruction technique très sommaire, n’arrivaient à leurs régiments qu’im--parfaitement préparés, et l’Empereur se décida à créer à Saint-Germain une école spéciale pour la cavalerie. Il espérait y attirer les jeunes gens des grandes familles restées hostiles à son gouvernement ou rebutées soit par le régime si dur de Saint-Cyr, soit par les difficultés d’admission à l’Ecole polytechnique.

    Le régime pour les élèves de Saint-Germain était le même que pour ceux de Saint-Cyr, c’est-à-dire la vie du soldat dans un régiment de cavalerie. Seulement, comme le prix de la pension était beaucoup plus élevé à Saint-Germain qu’à Saint-Cyr, la nourriture devait y être meilleure. La durée des cours avait été fixée à deux ans pour Saint-Cyr et à trois et même à quatre ans pour Saint-Germain. Mais les besoins de l’armée, par suite de la grande consommation de cadres causée par la guerre, ne permirent jamais d’atteindre cette limite ni même d’en approcher.

    L’Empereur visitait souvent lui-même les deux Ecoles militaires pour s’assurer que ses instructions étaient rigoureusement suivies, et il relevait fort sévèrement les imperfections qu’il remarquait. C’est qu’à juste titre il attachait une très grande importance au bon fonctionnement de ces deux établissements, dont il comptait faire une mine inépuisable de cadres jeunes, instruits, intelligents, ayant la passion des armes. Malheureusement l’esprit n’y était pas très bon, surtout à Saint-Germain. Les élèves se montraient turbulents, ennemis du travail et même peu disciplinés. Ils se voyaient à la veille d’être officiers et n’aspiraient qu’au moment où, versés dans leurs régiments, la guerre leur fournirait l’occasion de se bien battre, et ils s’imaginaient que le courage devait les dispenser de toutes les autres vertus militaires.

    C’est alors que les brimades faisaient fureur. Il ne faut pas s’en étonner, c’était l’esprit du temps. Mais elles avaient souvent un tel caractère qu’elles rendaient odieux aux « nouveaux » le séjour de l’Ecole. — Il n’en est pas ainsi en Allemagne, dans ses nom--breuses écoles de guerre : c’est un esprit tout contraire qui y règne, un sentiment de confraternité et de solidarité que les élèves apporteront ensuite dans les différentes armes auxquelles ils appartiendront à leur sortie de l’Ecole, et qui est, pour une armée, un des principaux éléments de force et de solidarité.

    L’Ecole de Saint-Germain vécut à peine cinq ans. Le 1er août 1814, elle fut versée dans celle de Saint-Cyr.

    La réorganisation de l’armée en 1815 avait laissé tant d’anciens officiers disponi--bles, qu’il eût été imprudent d’en créer de nouveaux au moyen d’une école. On n’aurait su qu’en faire, malgré le rétablissement de la Maison du Roi, qui, composée uniquement d’officiers, en absorbait un grand nombre. — A partir de 1815, Saint-Cyr ne fut plus momentanément qu’une école préparatoire comme la Flèche, destinée au recrutement d’une Ecole spéciale militaire, dont la réorganisation, annoncée comme prochaine, n’eut lieu qu’en 1818.

    Le chapitre consacré à l’étude de cette Ecole est un des plus intéressants du bel ouvrage du colonel Titeux. Il fourmille de faits importants, méconnus ou oubliés depuis longtemps. Mais j’ai lu avec grand plaisir l’hommage rendu par le colonel à la conduite tenue par l’Ecole de Saint-Cyr pendant les journées de juillet 1830. Bien que, dans les dernières années de la Restauration, l’esprit des jeunes gens eût été altéré sensiblement par les élèves provenant des écoles préparatoires de Versailles, où régnait un sentiment très hostile au Gouvernement d’alors, le Bataillon de Saint-Cyr, fidèle à son devoir, vint spontanément offrir ses services au Roi. Il arriva à Saint-Cloud avec ses armes et amenant ses canons, pour défendre contre l’émeute le Gouvernement légal du pays.

    La conduite des élèves de Saint-Cyr était d’autant plus digne de louanges, dans cette mémorable circonstance, qu’elle était absolument opposée à celle tenue, au même moment, par les élèves d’une école savante, qui acquirent une fâcheuse popularité en se mettant à la tête de l’émeute.

    Le régime de Saint-Cyr sous la Restauration, était fort sévère. Les jeunes gens y passaient deux années entières, sans vacances : elles n’étaient accordées qu’aux professeurs et aux officiers du cadre.

    Après 1830, d’assez nombreuses révoltes à l’intérieur de l’Ecole avaient rendu l’exercice du commandement souvent très pénible, et nécessité des mesures de répression d’une grande sévérité, à l’égard des fauteurs de désordres aussi éminemment regrettables. — Il est fort difficile, j’en conviens, de maintenir une discipline exacte chez tous ces jeunes gens à cœur chaud, à imagination ardente, et qui, un peu enorgueillis de leurs succès, ont encore toutes les illusions que la pratique de la vie ne tardera pas à calmer. Il se produit dans leur esprit, par leur réunion même, une sorte de fermentation que la moindre excitation peut porter à l’excès. Aussi le choix du commandant lui demande-t-il une attention et un soin tout particuliers. Il faut que le chef militaire chargé d’une pareille mission sache allier à beaucoup de tact une grande fermeté n’excluant toutefois pas la bienveillance.

    Le maréchal Gérard, au lendemain de la Révolution de Juillet, avait même proposé de prendre à l’égard de l’Ecole une mesure tout à fait radicale. D’après ses projets, elle ne devait plus être recrutée que parmi les jeunes soldats ayant passé deux ans sous les drapeaux. — La réforme était évidemment par trop exagérée ; mais il y avait peut-être quelque chose à emprunter au système allemand.

    En 1863, le maréchal de Saint-Arnaud reprit l’organisation primitive de l’Ecole, en établissant à Saint-Cyr une section de cavalerie, à laquelle les jeunes gens se destinant à cette arme étaient reçus après un examen portant exclusivement sur leur talent en équitation.

    C’est encore ce qui se pratique aujourd’hui ; à mon sens, c’est une erreur. C’est un privilège accordé à la fortune qui a permis à des jeunes gens, souvent sans grande vocation militaire, d’apprendre à monter à cheval dès leur enfance. Il vaudrait bien mieux n’accorder ce droit de choisir l’arme de ses préférences qu’au mérite constaté par le numéro de classement. A défaut de ce moyen, même absolument parlant, ne serait-il pas préférable de dédoubler Saint-Cyr, et de créer, de toutes pièces, une Ecole de cavalerie, comme elle avait été instituée en 1809 à Saint-Germain

    Il est un fait universellement reconnu, c’est que notre seule Ecole spéciale militaire est trop nombreuse pour le bon enseignement que les élèves doivent y recevoir. On pense généralement que leur instruction gagnerait beaucoup à être donnée en plusieurs éta--blissements. Ce serait déjà entrer dans cette voie que de créer une Ecole de cavalerie, dont l’utilité est suffisamment démontrée par la spécialité de l’instruction technique à donner aux jeunes gens qui y seraient admis.

    Et puis n’y aurait-il pas de grands avantages à créer, pour les besoins du 19ème corps, une Ecole militaire où les jeunes indigènes de l’Algérie se destinant à la carrière des armes, recevraient une instruction spéciale, utile au développement de leurs incontestables qualités militaires ?

    Mais le chapitre le plus intéressant et le plus important peut-être du très remarquable ouvrage du colonel Titeux, celui qui en est pour ainsi dire le couronnement superbe et qui appelle les plus graves méditations, est le chapitre où le colonel, avec une très grande hauteur de vues, développant les méthodes employées en Allemagne pour le meilleur recrutement possible du corps d’officiers, les met en regard de celles actuellement en usage en France pour le même objet. La conclusion peut en être résumée en deux mots : Comparez et Jugez.

    C’est l’histoire la plus exacte des agrandissements successifs de la Prusse depuis l’époque où, vassale de la Pologne, elle ne comptait en Europe que par l’excellence de son armée, disproportionnée avec le chiffre de sa population, jusqu’au moment où, toujours grâce à son armée, elle devint une des plus puissantes nations du monde.

    C’est donc son armée qu’il faut étudier dans ses moindres détails, et c’est ce qu’a fait le colonel Titeux, avec le plus rare talent et la plus grande précision. Il montre comment cette armée, préparée de longue main, s’est formée laborieusement, sûrement, avec une immuable constance, pour en arriver au point où elle est parvenue aujourd’hui.

    Sans aucun doute, les événements ont largement contribué au développement rapide et extraordinaire de la Prusse. Mais c’est l’honneur de ses hommes d’Etat et de ses grands patriotes d’avoir su profiter de toutes les circonstances, même des plus critiques, même de l’effondrement du pays en 1806, pour faire naître dans le cœur de tous un ardent désir d’indépendance, et, dans ce sentiment si élevé et si noble, d’avoir su militariser toute la nation. Il n’est, en effet, possible d’avoir une grande et puissante armée, que si le peuple tout entier est fortement imbu de l’esprit militaire, s’il se passionne pour tout ce qui regarde l’armée, et si les classes supérieures se portent vers la carrière des armes, qui doit être la profession la plus honorée et la plus considérée.

    Depuis la création de l’armée permanente en Prusse, chaque prince de la maison de Hohenzollern, en montant sur le trône, a apporté sa pierre à l’édifice militaire ; mais le véritable réformateur de l’armée, qui aujourd’hui sert de modèle à toute l’armée allemande, c’est l’empereur Guillaume Ier, avec la puissante collaboration du prince de Bismarck. Eclairé par les événements de 1818 et de 1850, il se rendit parfaitement compte des vices d’une organisation qui datait encore de 1815 et qui avait produit une armée lourde, pesante, se mobilisant lentement et difficilement. Il s’appliqua à y remédier, et, en lui donnant une plus grande puissance offensive, à faire une armée vive, alerte et toujours prête à entrer en campagne.

    Déjà depuis longtemps, l’Etat-Major prussien passait pour le plus instruit de l’Europe ; et, un fait bien digne de remarque et de profondes réflexions, c’est qu’au sein d’une paix profonde, des officiers formés dans les écoles de guerre et à l’Académie de Berlin aient pu acquérir, sans autre préparation que leurs études, la science nécessaire pour conduire des armées dans de grandes guerres, avec une rapidité, une décision et des succès dont on ne trouve d’exemples que sous Napoléon.

    La Prusse s’est attachée à former un corps d’officiers parfaitement homogène. — Deux principes dominent cette question si importante de la constitution des cadres : la communauté d’origine pour tous les officiers sans exception, et l’avancement à l’ancienneté, qui est même, autant que possible, respecté en campagne, où l’on réserve les distinctions honorifiques pour les officiers qui se distinguent par quelque trait de bravoure ou quelque action d’éclat.

    Nul ne peut être officier s’il ne sort d’une des onze écoles de guerre existant aujour--d’hui en Allemagne, et s’il n’a subi avec succès l’examen de sortie, dit examen d’officier. — Dans ces onze écoles de guerre, l’instruction est identique ; elle est la même pour tous les officiers de l’armée. Le nombre des élèves est réglé de telle sorte qu’un professeur n’en ait jamais plus de vingt-cinq à instruire. — En sortant de l’Ecole de guerre, qu’il ne faut pas confondre avec l’Académie de Berlin réservée à l’enseignement supérieur des officiers du grand Etat-Major et où les cours ont une durée de trois ans, en sortant, dis-je, de l’Ecole de guerre, les officiers qui se destinent aux armes spéciales, vont passer deux ans dans une école d’application et sont classés dans l’artillerie ou le génie, s’ils ont répondu avec succès aux examens de sortie. Dans le cas contraire, ils rentrent avec leur grade dans l’infanterie.

    Nul n’est admis à concourir pour l’Ecole de guerre s’il n’est passé par une école de cadets, où s’il n’a été accepté dans un régiment avec le titre d’« Avantageur ». Le sous-officier provenant du rang ne peut aspirer à l’épaulette. Le Cadet et l’Avantageur sont admis exactement dans les mêmes conditions aux examens de l’Ecole de guerre, après avoir également exercé pendant six mois les diverses fonctions d’« appointé », de caporal et de sous-officier. L’égalité en tout est donc absolue, et le mérite et l’instruction seuls décident du sort des jeunes gens.

    L’avancement à l’ancienneté est la porte hermétiquement fermée à la plaie mortelle du favoritisme. Elle empêche la masse des officiers de prétendre aux hauts grades de l’armée, réservés, en dehors des princes des maisons souveraines, aux officiers dont la haute valeur intellectuelle, le mérite transcendant et la science étendue, ont été maintes et maintes fois passés au crible et indiscutablement constatés.

    Un très grand nombre d’officiers ne dépassent pas le grade de major et se retirent satisfaits de leur sort, parce qu’ils trouvent une suffisante compensation dans la grande considération dont ils jouissent et dans les avantages qui leur sont accordés. — C’est ainsi qu’une nation jalouse de son indépendance et de sa sécurité, honore et respecte les hommes qui lui en garantissent le mieux la conservation.

    Comparons donc la simplicité et l’uniformité des méthodes d’enseignement militaire en usage en Prusse, avec le système compliqué adopté en France et impuissant à donner cette homogénéité et cette solidarité du corps d’officiers, considérées à juste titre comme un des principaux éléments de force de l’armée !

    Les écoles militaires allemandes comprennent quatre grandes classes bien distinctes :

    1° Les écoles de Cadets, au nombre de dix, dont une supérieure, sorte d’école prépa--ratoire où les jeunes gens se destinant à l’état militaire acquièrent l’instruction nécessaire pour être admis aux écoles d’officiers, dites écoles de guerre, et dont sont seuls dispensés les « Avantageurs » possédant déjà cette instruction indispensable.

    2° Les écoles de guerre, au nombre de onze, dont, sans aucune exception, sortent tous les officiers de l’armée, qui y reçoivent une instruction absolument semblable.

    3° L’école spéciale de Charlottenbourg, où les officiers se destinant à l’artillerie et au génie vont suivre un cours de deux ans.

    4° L’Académie de guerre de Berlin, qui est le couronnement de cette remarquable organisation d’instruction et d’éducation militaires. Les cours y ont une durée de trois ans. Le but de l’institution est de former et de diriger dans les branches les plus élevées des sciences militaires un certain nombre d’officiers de choix, d’une haute culture intellectuelle et possédant déjà l’instruction nécessaire et l’application désirable pour tirer un grand profit de cet enseignement supérieur.

    Le colonel Titeux dit excellemment bien : « Avec un pareil système, le corps d’offi--ciers prussien forme un tout homogène, compact, où le particularisme d’arme est tout à fait inconnu. Commun enseignement, communs principes, commun esprit cimenté par la camaraderie scolaire. »

    Voyons donc si l’éducation militaire, telle qu’elle est répartie en France, est suscep--tible de donner les mêmes résultats. — Il est d’abord un fait indiscutable, c’est que sous le rapport des établissements d’instruction nous sommes infiniment moins bien dotés que l’Allemagne.

    En vérité, quelles sont donc nos écoles militaires ? Me faut-il d’abord citer notre première, notre plus savante école, l’Ecole polytechnique ? L’instruction que les jeunes gens y acquièrent, sous l’enseignement des plus grands savants de France, est au-dessus de toute critique, c’est certain ; mais malgré le titre qu’elle porte, est-elle bien une véritable école militaire ? Est-ce bien une école militaire celle où notoirement règne un esprit antimilitaire encouragé par les professeurs eux-mêmes, dit-on, où les services de l’armée prennent rang après les emplois dans les tabacs ou la téléphonie, où les candidats n’entrent qu’avec le ferme désir d’en sortir dans les services civils, où enfin les officiers d’artillerie et du génie sont, en général, classés dans les deux derniers tiers de la promotion.

    Faut-il donc tant de sciences mathématiques pour tirer le canon sur un champ de bataille, ou faire un bon service de sapeur ou de mineur ? Sous l’Empire, les grands généraux de ces armes savantes, les Eblé, les Haxo, les Lariboisière, les Chasseloup-Laubat ne sortaient pas de l’Ecole polytechnique et ne s’en sont pas moins acquis un grand renom.

    J’aimerais mieux, je l’avoue, peut-être un peu moins de science, et des caractères plus façonnés à la discipline et à la subordination, et une vocation plus décidée.

    Notre seule Ecole purement militaire est l’Ecole de Saint-Cyr ; mais elle est bien nombreuse, et il est difficile d’admettre qu’un professeur qui s’adresse à trois ou quatre cents auditeurs, dont trop souvent l’esprit est parti ailleurs et l’attention distraite, soit écouté par tous, et son cours fructueusement suivi.

    En Allemagne, on pousse le souci de l’instruction et le scrupule jusqu’à diviser en trois ou quatre groupes de même valeur un auditoire de vingt-cinq élèves, afin que les plus intelligents et les plus capables ne soient pas retardés dans leurs études par des camarades moins bien partagés.

    Beaucoup de bons esprits pensent que l’instruction générale de l’armée gagnerait beaucoup à multiplier le nombre des écoles militaires, en attribuant chacune d’elles au recru--tement d’un certain nombre de corps d’armée.

    Après Saint-Cyr, il n’y a plus que des écoles de sous-officiers, d’une création relative-ment très récente : Saumur, pour la cavalerie ; Saint-Maixent, pour l’infanterie ; Versailles, pour l’artillerie et le génie. Sans doute, ces créations sont un progrès sur ce qui existait autrefois, puisque c’était le néant ; mais que d’observations il y aurait à faire encore ! D’abord il est évident que des officiers de provenance aussi différentes ne peuvent pas former un bloc aussi uni, aussi compact, aussi homogène que celui qui est la conséquence d’une communauté absolue d’origine, d’instruction et de sentiments, comme cela a lieu en Allemagne. Et puis, c’est entretenir sinon la rivalité entre les différentes armes, du moins leur particularisme.

    Ce sont toutes ces questions vitales pour l’armée que le colonel Titeux traite magis--tralement dans son magnifique ouvrage, dont je ne puis que recommander la lecture attentive à tous ceux qui s’intéressent à l’avenir de la France, si intimement lié à l’existence de son armée.

    Général DU BARAIL.

    LIEUTENANT-COLONEL EUGENE TITEUX

    MAJOR DE LA PROMOTION DE L’HINDOUSTAN (1857-1859)

    PREFACE

    « Je sais combien la loi que Cicéron impose aux historiens est respectable ;

    ils ne doivent oser rien dire de faux ; ils ne doivent rien cacher de vrai. »

    Voltaire : Siècle de Louis XIV.

    « Les institutions dans lesquelles l’erreur s’incarne vieillissent ; le vrai

    seul a le privilège de la jeunesse et de l’éternité. »

    Père Didon : Les Allemands.

    « Le héros de mon récit, celui que j’aime de toutes les forces de mon âme,

    celui que j’ai tâché de reproduire dans toute sa beauté, celui qui a été, est et sera

    toujours beau, — c’est le Vrai ! »

    Cte Léon Tolstoï : Souvenirs de Sébastopol.

    Je dédie ce livre à l’armée, à mes chers camarades de Saint-Cyr, à tous les hommes de bonne volonté et de fermes croyances qui travaillent et qui luttent pour que la France reprenne, avec son prestige militaire, le cours interrompu de ses glorieuses destinées. — Un ardent amour de mon pays, le culte exclusif de sa grandeur, m’ont seuls poussé à rechercher la vérité, à la dire sans passion, avec l’unique préoccupation d’être utile.

    Il est peu de noms qui évoquent d’aussi grands souvenirs que celui de Saint-Cyr. Il est impossible de le prononcer sans que l’esprit se reporte immédiatement à l’illustre fondatrice de l’Institut de Saint-Louis et à ses douces pensionnaires, au grand Roi, au théâtre pour lequel Racine écrivit Esther et Athalie, à Bossuet, à Fénelon, à cette époque enfin où Saint-Cyr était la maison la plus littéraire du royaume, et la France la plus glorieuse et la plus puissante des nations.

    Pendant les deux siècles écoulés depuis sa fondation, Saint-Cyr a été succès--sivement maison d’éducation pour les jeunes filles pauvres de la noblesse, puis Ecole spéciale militaire destinée à fournir des sous-lieutenants à l’armée. — La première phase de son existence est incomparablement la plus brillante, tant par la perfection d’une éducation, « chef-d’œuvre de la réflexion et de l’expérience », que par les talents supérieurs, le génie des personnages qui y ont été mêlés. Cette partie de l’histoire de Saint-Cyr, qui s’étend de 1686 à 1794, a fait l’objet d’un remarquable ouvrage, où Th. Lavallée, s’appuyant sur les documents les plus authentiques, expose avec une grande élévation d’idées, un sens droit et le culte passionné de la vérité, l’œuvre accomplie par Madame de Maintenon. L’éminent historien rend pleine justice aux admirables qualités de cette femme illustre, éducatrice et institutrice sans égale, écrivain de race, aimée et vénérée à Saint-Cyr comme une sainte, et dont la vie se dépensa à soulager toutes les misères et à venir en aide aux déshérités de ce monde.

    Dans la préface de son Histoire de la Maison royale de Saint-Cyr, l’auteur annonçait son intention de publier également l’histoire de l’Ecole spéciale militaire ; ce projet ne fut pas mis à exécution. — Pensant qu’un tel ouvrage pourrait présenter quelque intérêt et offrir aussi un enseignement, j’ai entrepris d’écrire l’histoire de cette Ecole où j’ai passé deux des belles années de ma jeunesse.

    Il ne m’a pas semblé possible de passer sous silence la période se rapportant à la maison d’éducation des Demoiselles. J’avais été frappé et attristé, en commençant ce long travail, de la prodigieuse injustice avec laquelle était traitée, à Saint-Cyr, la mémoire de Madame de Maintenon. Dans cette maison, fondée par elle, dont elle avait été pendant trente-trois ans, « la lumière et le charme », et où elle avait compté trouver sa retraite et son tombeau, ses ossements même n’avaient pas été respectés. Traînés en 1794 dans les rues du village, exhumés une seconde fois en 1805 et relégués dans un coffre exposé à toutes les profanations, les restes de Madame de Maintenon n’avaient trouvé enfin un modeste tombeau qu’en 1836 ; et Th. Lavallée les qualifiait d’ossements très incomplets et très douteux. L’examen qu’en ont fait, en ma présence, les deux médecins attachés à l’Ecole, démontre que ces ossements, très incomplets il est vrai, sont bien d’une femme très âgée dont les fonctions cérébrales ont été très actives, c’est-à-dire ceux de la fondatrice de Saint-Cyr.

    Mon intention ne pouvait être d’écrire l’histoire de Madame de Maintenon. J’ai seulement considéré comme un devoir de présenter sous son vrai jour, dans un livre consacré à Saint-Cyr, la grande figure de celle qui, née dans l’extrême pauvreté et parvenue, par son mérite et sa vertu, jusqu’au trône des reines, obtint de la munificence royale la fondation de cette maison où se sont formés tant de braves officiers. Pour atteindre ce but, imposé à l’honnêteté de l’écrivain par le souci de la vérité et le respect de tout ce qui a contribué à la gloire de la France, je n’ai eu qu’à consulter les ouvrages de nos historiens les plus distingués, de ces érudits qu’aucune passion n’aveugle, et qui s’inclinent devant la vertu sans le moindre souci des racontars mensongers colportés à travers les siècles.

    Madame de Maintenon s’est révélée tout entière dans ses lettres, écrites, non pour la publicité, mais uniquement pour servir de guide aux Dames de Saint-Louis dans l’éducation des Demoiselles. On pourrait en dire ce que C. Rousset écrivait au sujet des lettres de Louvois conservées au Dépôt de la guerre : « sa vie officielle et privée est là, jour par jour, heure par heure, pendant trente ans. »

    Les lettres de Madame de Maintenon réfutent victorieusement les calomnies dont elle avait été poursuivie pendant sa vie et après sa mort. La première publi--cation en fut faite, en 1752 et années suivantes, par La Beaumelle, compilateur infidèle, qui ne craignit pas d’altérer le texte même des lettres, dénaturant ainsi la phrase ample, claire et solide de cette épistolière « qui suit de près madame de Sévigné, et quelquefois marche de pair avec elle. » Malgré cette transformation très malheureuse, les Lettres de Madame de Maintenon, paraissant à une époque où les mémoires de Saint-Simon n’étaient pas publiés, eurent un très grand succès. « De toutes les femmes de cette époque où l’on parlait si bien, écrit Th. Lavallée, nulle n’a un langage plus clair, plus sensé, plus vrai : « langage doux, juste en tous points, dit Saint-Simon, et naturellement éloquent et court ; » « langage de la sagesse, dit Fénelon, qui parle par la bouche des grâces. »

    Les Souvenirs de madame de Caylus, parus en 1770, et les mémoires de Languet de Gergy, archevêque de Sens, qui avait été aumônier de la Dauphine de 1704 à 1715, ont confirmé l’impression produite par les Lettres, et montré en Madame de Maintenon une femme supérieure, modeste, dévouée, charitable, digne de tous les respects. C’est ainsi que l’ont présentée Voltaire, madame de Genlis qui écrivit en 1806 l’histoire de la fondatrice de Saint-Cyr, madame Suard, femme du secrétaire perpétuel de l’Académie française, puis Th. Lavallée, C. Rousset, Sainte-Beuve, Saint-Marc Girardin, le duc de Noailles, Barbey d’Aurevilly, M. Geffroy, M. Taphanel et tout récemment M. Oct. Gréard, de l’Académie française, dans son remarquable livre sur l’éducation des femmes par les femmes. Tous sont unanimes pour flétrir avec la plus grande force les odieuses calomnies de Saint-Simon et de la Palatine : tous déclarent et démontrent qu’elle n’eut aucune part à la révocation de l’édit de Nantes. On peut affirmer également que jamais une seule preuve n’a été produite, établissant qu’elle aurait été la maîtresse de Louis XIV ou de Villarceau. — « C’est à l’école de l’adversité, écrit M. Suard, que se formèrent cette noble fierté, cette raison forte, cette dignité de maintien, cette inaltérable fermeté de principes qui distinguèrent particulièrement Madame de Maintenon. »

    Ce qui a surtout contribué à égarer l’opinion au sujet de Mme de Maintenon, c’est le portrait qu’en a fait son ennemi le plus acharné, le duc de Saint-Simon, dans ses fameux Mémoires, où il a, dit M. Geffroy, « recueilli, développé et envenimé » toutes les médisances, tous les bruits infamants qu’on fit courir sur elle, principa--lement en Allemagne et en Hollande. Ne reposant sur aucune donnée positive, et contredit depuis par les faits les plus probants, le jugement porté par Saint-Simon sur la fondatrice de Saint-Cyr, n’est plus considéré que comme une œuvre de haine, sans la moindre valeur historique.

    De nos jours pourtant, et parmi tant de véritables et consciencieux historiens qui ont eu à cœur de rétablir la physionomie exacte de cette femme célèbre, et de venger sa mémoire d’outrages immérités, un écrivain a pu rééditer sur elle les calomnies de Saint-Simon. Narrateur tendre et délicat, peintre d’un merveilleux talent, Michelet se préoccupe bien plus de décrire les personnages tels que son tempérament passionné les lui montre, que sous leurs couleurs vraies. « Tant que la passion ne l’emporte pas, dit Philippe Gille, Michelet est incomparable. Mais il ne saurait guère écrire sans qu’elle intervienne, et c’est, il faut bien le dire, à elle qu’il doit le plus beau de son talent. » De Madame de Maintenon il semble n’avoir connu et n’avoir accepté pour vérité que tout le mal qu’on en a dit ; de son admirable charité, de la simplicité de sa vie dans une situation si haute, de son désintéressement extraordinaire qui la laissa absolument pauvre à la mort de son royal époux, du rôle qu’elle eut à Saint-Cyr pendant trente ans, du talent et du dévouement infatigable de l’institutrice des demoiselles pauvres, Michelet semble ne rien connaître. « Où est, s’écrie Barbey d’Aurevilly, indigné de tant d’injustice, où est l’ambition dans tout cela ? Voilà la femme que Saint-Simon traîne sur la claie. Il est vrai que c’est sur la même claie, devenue splendide, qu’il a étendu le corps rayonnant de Louis XIV. »

    Sainte-Beuve l’a dit avec raison, lors de la publication des Lettres et Entretiens par Th. Lavallée : « La cause de Madame de Maintenon est désormais gagnée ; cette correspondance nous la montre arrivée dans un sens à la perfection de sa nature et ayant réussi un jour à la produire, à la modeler dans une œuvre immense qui a eu son cours et à laquelle est resté attaché son nom. »

    C’est avec un égal souci de la vérité que j’ai écrit l’histoire de l’Ecole spéciale militaire. J’ai puisé les éléments essentiels de ce travail aux sources les plus authentiques, dans les archives de la guerre et dans celles de Saint-Cyr, en étudiant longuement, minutieusement, la correspondance très volumineuse des comman--dants de l’Ecole avec le Ministre de la guerre, depuis 1803, les rapports des commis--sions, les registres de délibérations et de comptes, les livres d’ordres, tous les documents officiels enfin qui constituent comme la trame de cette histoire.

    Un grand nombre de ces documents sont inédits. Ils surprendront peut-être ceux qui se figurent volontiers nos écoles militaires comme ayant toujours été les premières du monde, mais ils représentent la vérité et j’aurais cru m’abaisser et manquer à mon devoir en l’altérant ou en la taisant. Une cruelle expérience nous a montré ce qu’il en coûte de ne point connaître la vérité et de se laisser leurrer par les apparences ; au moment où nous pensions tenir le sceptre de la suprématie militaire, il a suffi d’un boulet des canons Krupp pour jeter bas tout l’échafaudage de nos illusions. « Le couronnement de l’édifice, dit J. Claretie, était un drapeau prussien. »

    Osons donc regarder la vérité en face, la vérité qui montre une plaie pour qu’on la cicatrise, un vice de notre organisation militaire pour qu’on le fasse disparaître. « Les armées bien avisées, écrivait le général Trochu en 1867, seront celles qui, mettant cartes sur table, soumettront leurs voies et moyens à la discussion la plus étendue, par comparaison avec les voies et moyens des autres armées quelles auront l’obligation d’étudier avec soin. » Taire les causes évidentes de nos défaites, dissimuler les abus, les erreurs manifestes qui vicient fatalement le recrutement du commandement dans notre armée, ce serait, comme le dit très bien Renan, la désertion à l’intérieur, c’est-à-dire la plus mauvaise action qu’on puisse commettre. Quant au grief de faire connaître à nos ennemis les imperfections de notre système militaire, il n’y a pas à s’y arrêter. Ce qu’écrivait à ce sujet le général Trochu en 1862, est plus vrai que jamais : « Il n’y a pas, dit-il, à révéler l’armée française aux officiers étrangers. Instruits comme ils le sont presque tous, studieux, chercheurs, obser--vateurs particulièrement attentifs à tout ce qui se passe en France, ils nous savent beaucoup mieux que nous ne nous savons nous-mêmes. » Une foule d’écrits publiés à l’étranger, en Allemagne surtout, discutent en parfaite connaissance de cause le fort et le faible de notre armée, dénoncent les vices graves de nos institutions, de nos établissements d’éducation militaire, de notre recrutement du commandement, sans passer sous silence le favoritisme, dont nos vainqueurs disent que « jamais, sous aucun régime antérieur, on ne l’avait vu acquérir pareille envergure »¹. — Ce qui importe avant tout, c’est d’être plus fort que son adversaire, ou, tout au moins, de ne lui être inferieur en rien.

    L’histoire d’une école militaire serait aride et incomplète, si elle se bornait à l’étude des procédés d’éducation et d’instruction, et des règlements qui en déter--minent le fonctionnement. J’ai donc porté une attention toute particulière sur le caractère, les habitudes de toutes ces générations d’élèves qui ont donné à Saint-Cyr une physionomie si originale ; élément très turbulent, longtemps indiscipliné, passionné à l’extrême, animé d’un grand esprit de dévouement, ne rêvant que l’action, les grands coups d’épée, et professant, en général, un véritable dédain pour le travail et la science. — Pour cette partie vécue de l’histoire, j’ai fait de longs emprunts aux mémoires des anciens élèves : Faré, Girod de l’Ain, Blaze, le colonel Combe, le général Ricard, le pasteur Martin, Montalant-Bougleux, le général Rilliet de Constant, le général de La Motte-Rouge, de Tavant, le baron du Casse, A. Teller, René Maizeroy, G. Virenque. Tous disent : « j’étais là, telle chose m’advint ; » rien ne peut remplacer ces récits, où l’on sent vibrer à chaque ligne la vie, l’exubérante jeunesse et la sincérité.

    Pour les époques où les mémoires faisaient défaut, je me suis adressé à nombre d’élèves, les priant de me donner leurs impressions sur leur séjour à l’Ecole. Tous m’ont répondu, depuis les généraux anciens jusqu’aux élèves des plus récentes promotions ; leurs récits, d’une concordance frappante au point de vue des appréciations émises sur l’Ecole spéciale militaire, témoignent d’un égal respect de la vérité.

    L’Ecole de cavalerie de Saint-Germain, créée en 1809, ayant été une Ecole spéciale qui s’inspira beaucoup de Saint-Cyr et y fut versée à sa suppression en 1814, j’en ai donné l’histoire, puisée également aux archives de la Guerre.

    J’ai été amené à donner un développement important à la période de l’histoire de Saint-Cyr correspondant au second Empire. Il s’agissait là de faits qui se sont passés sous mes yeux, où j’ai été acteur, souvent attristé, et que j’ai pu compléter en faisant appel aux souvenirs de camarades plus anciens ou plus jeunes. Les notes humo--ristiques consacrées aux officiers et aux professeurs, sont un tableau très atténué de la vérité, intéressant en ce qu’il permet de se rendre compte des conditions dans lesquelles se faisait alors le fonctionnement de notre grande école militaire.

    Pour permettre de suivre les diverses générations d’élèves dans le cadre même où elles ont vécu, je me suis attaché à faire une description minutieuse des locaux qu’elles ont occupés et à en suivre toutes les transformations, aussi bien pour Fontainebleau et Saint-Germain que pour Saint-Cyr. J’ai appuyé ce travail sur des documents officiels irrécusables, ce qui m’a permis de combler de nombreuses lacunes et de rectifier des erreurs graves propagées par les ouvrages relatifs à Saint-Cyr. — Grâce au concours de M. Couard, directeur des archives à la préfecture de Versailles, j’ai pu donner un plan inédit du village de Saint-Cyr, antérieur à la construction de la Maison Royale de Saint-Louis par Mansard ; on y voit l’emplacement du château du marquis de Saint-Brisson Séguier. — L’ouvrage de M. Taphanel, bibliothécaire de la ville de Versailles, relatif au théâtre de Saint-Cyr, m’a fourni de précieux renseignements. — J’ai trouvé aux Archives Nationales des plans manuscrits inédits de Fontainebleau et de Saint-Germain, établis par le Génie à l’époque où ces châteaux étaient occupés par les élèves de l’Ecole spéciale militaire ; ils sont du plus grand intérêt. — Enfin j’ai utilisé à la Bibliothèque Nationale, des plans manuscrits, des vues anciennes, des portraits, se rapportant aux trois grands établissements dont il est fait mention dans ce travail.

    J’ai traité avec les plus grands détails la question des uniformes portés aux différentes époques par les élèves de l’Ecole spéciale militaire, sujet qui n’avait jamais été l’objet d’une étude sérieuse. Il est à remarquer que, à part la Description du 3 septembre 1863, imprimée au Journal militaire, toutes les décisions relatives à la tenue des élèves de Fontainebleau, de Saint-Cyr et de Saint-Germain, sont manuscrites et n’ont jamais été publiées. C’est par une longue et minutieuse étude de la correspondance et de registres nombreux, que je suis arrivé à reconstituer ces uniformes de grande et de petite tenue, aussi bien pour les officiers, adjudants, tambours et employés de l’établissement que pour les élèves. En faisant appel aux collectionneurs, aux anciens élèves, et à l’aide de mes documents particuliers, j’ai pu donner des croquis exacts de la plupart des objets d’uniforme, parmi lesquels figurent notamment quinze plaques de schakos et jusqu’aux différents boutons de l’Ecole.

    Je témoigne toute ma gratitude aux personnes qui ont bien voulu me fournir des documents et de précieux renseignements sur l’Ecole spéciale militaire : à M. le général comte d’Exéa, élève de la petite Ecole de Saint-Cyr en 1817 et de la grande Ecole, de 1823 à 1825, et dont la merveilleuse mémoire se rappelle les moindres incidents de ces époques éloignées ; à M. le général Quenot ; à M. le général Riff ; à M. le colonel marquis de Vérigny ; à M. le colonel Duhousset, élève puis professeur à l’Ecole ; à M. le colonel Jayet ; à M. le comte de Nazelle, mon ami aux cuirassiers de la Garde ; à M. le colonel Schasseré ; à M. de Pavant, élève à Saint-Cyr de 1828 à 1830, dont je donne le portrait d’après un charmant dessin d’Isabey ; à M. Quesnay de Beaurepaire, ancien officier d’infanterie et peintre distingué ; à madame la baronne de La Roncière Le Noury, veuve de l’illustre amiral fils du premier com--mandant de l’Ecole de cavalerie de Saint-Germain ; à madame Petitot-Bellavène, à madame la baronne de Rostang, petites-filles de l’éminent organisateur des écoles militaires sous le premier Empire ; à M. le baron Maupoint de Vandeul, petit-fils du second commandant de l’Ecole de Saint-Germain ; à M. Selmersheim, qui a bien voulu me communiquer les eaux-fortes donnant l’aspect ancien du château de Saint-Germain ; à M. Couard ; à M. Boissieu et à M. Gerbaux, des Archives Nationales ; à M. Raffet, de la Bibliothèque Nationale, à M. Léon Hennet, aux capitaines Duponchel et Veling, qui m’ont aidé dans mes recherches avec une obligeance extrême, aux lieutenants Besset et Bourin, à M. Cottreau, à M. Perrot, à M. Perdriel, collectionneurs bien connus.

    Je dois une reconnaissance toute particulière à M. le général Trochu, qui a bien voulu m’écrire la lettre si intéressante qu’on lira à la fin de ce livre, dans la Conclusion. Elle met en lumière les vices radicaux de l’Ecole, aussi anciens que l’institution elle-même et dont tout le monde convient. Le général en a fait un exposé saisissant dans son livre intitulé : L’Armée française en 1879. Il me les a résumés, non sans tristesse, dans une entrevue que j’eus avec lui au mois de mai 1896, dans sa petite maison de Tours, et qui m’a laissé d’inoubliables souvenirs. Si le poids des ans avait déprimé les forces physiques du général, sa belle intelligence était restée aussi vive, aussi claire qu’à l’époque où elle lui valut la chaude amitié de son illustre chef, le maréchal Bugeaud. En l’écoutant pendant de longues heures, profondément touché de sa bienveillance et de son affectueux accueil, je ne savais ce que je devais admirer le plus, de ce sens droit et pratique, de cette connaissance profonde des choses, de cette rare élévation de sentiments qui a sa base dans le culte du devoir et dans le dévouement sans bornes à la patrie.

    Je puis affirmer que les théories que j’émets dans ce livre, sur les établis--sements d’éducation militaire et sur le recrutement du commandement dans l’armée, sont le plus souvent inspirées du général Trochu et ne s’écartent pas sensiblement des idées qu’il a défendues et professées toute sa vie. Et il est notoire que si, dans son rôle politique, le général Trochu a pu être l’objet des attaques les plus passionnées, sa haute valeur militaire n’a jamais été contestée par personne ; en Afrique, en Crimée, en Italie, il avait forcé l’attention par des qualités de premier ordre, par sa grande intelligence, son caractère, son énergie, « Tous les grands chefs de l’armée d’Afrique, dit le général du Barail, se le disputaient comme aide de camp, parce qu’il était à la fois le plus intelligent des collaborateurs et le plus délicieux des compagnons... C’est le sens critique qui lui a inspiré son beau livre sur les armées modernes, sur l’Armée française en 1867, où il préconisait le service à court terme et les idées qui triomphent aujourd’hui... Sa psychologie compliquée reposait, d’ailleurs, sur un fond d’honnêteté impeccable. Il a forcé le respect universel par la plus digne et la plus austère de toutes les retraites, et ce n’est pas une des conséquences les moins pénibles de nos malheurs que la perte prématurée des forces intellectuelles et morales qu’il représentait².

    J’ai cru devoir mettre l’organisation de nos établissements d’éducation mili--taire et notre système de recrutement du commandement, — questions absolument connexes, — en parallèle avec les institutions analogues de la Prusse. Ce contraste, après les événements de 1866, les prédictions du colonel Stoffel et l’écrasement de la France en 1870, a quelque chose de frappant qui s’impose à tous les esprits sérieux. On l’a dit avec raison, et je l’explique longuement dans les deux derniers chapitres de cet ouvrage : ce sont les écoles qui ont préparé la grandeur de la Prusse ; elles assurent à son armée un commandement d’une indiscutable supériorité, et il faudrait un aveuglement bien grand pour ne pas le reconnaître. L’école, la caserne, voilà toute l’Allemagne contemporaine. — Je n’ai insisté sur ce pénible rapprochement, que parce qu’il découvre une des causes les plus efficientes de nos revers, et qu’il nous impose d’importantes réformes. Il n’est jamais trop tard pour faire son devoir.

    Chez nos vainqueurs, le chef est l’officier le plus intelligent, le plus instruit, le plus laborieux, étant donné que ces qualités sont complétées par le caractère. Les généraux prussiens ont commencé par être les élèves les plus distingués des écoles militaires ; c’est là que s’est dessiné leur avenir. « Quand une armée a des penseurs qui la font ce qu’elle doit être, dit le général Trochu, elle a toujours des généraux pour la bataille... Sous l’Empire, les militaires instruits, réfléchis, capables de saisir la philosophie de la guerre, s’appelaient des savantasses ; trente ans plus tard, sous le gouvernement constitutionnel, des avocats ; aujourd’hui des penseurs, et dans les trois périodes les armées déclaraient qu’elles n’en avaient que faire. Cependant tout l’avenir de la guerre moderne est entre les mains de ces savantasses, avocats et penseurs. Les pourfendeurs ont fait leur temps³. »

    La France possède d’exceptionnels éléments de force ; ses ressources sont immenses ; si elle voulait les utiliser, elle serait invincible. — La France a un soldat auquel toutes les nations rivales reconnaissent les plus belles qualités d’endurance et d’élan ; Villars disait déjà, pendant la guerre de la succession d’Espagne : « Je ne reconnais la nation que dans le soldat ; sa valeur est infinie. » — Nous avons un corps d’officiers où les hommes intelligents, laborieux et actifs, doués pour la guerre, sont plus nombreux peut-être que dans toute autre armée ; à quoi cela nous sert-il, si la poussée des intérêts particuliers, primant partout l’intérêt général, subordonne trop souvent le mérite à la faveur, et si, comme le reconnaît le général Trochu, la carrière militaire est une affaire de chance beaucoup plus que de mérite ? — « La tyrannie d’un prince, dit Montesquieu, ne met pas un Etat plus près de sa ruine que l’indifférence pour le bien commun n’y met une République. L’avantage d’un Etat libre est qu’il n’y a point de favoris ; mais quand cela n’est pas, et qu’au lieu des amis et des parents du prince, il faut faire la fortune des amis et des parents de tous ceux qui ont part au gouvernement, tout est perdu ; les lois sont éludées plus dange--reusement qu’elles ne sont violées par un prince, qui, étant toujours le plus grand citoyen de l’Etat, a le plus d’intérêt à sa conservation⁴. »

    Je le dis avec une conviction profonde et quoiqu’il m’en coûte, m’appuyant sur la douloureuse expérience des faits et sur l’opinion des écrivains militaires et des généraux les plus éminents, souvent cités au cours de ce travail : tant que l’armée conservera son mode actuel d’administration de l’avancement au choix, basé essentiellement sur l’action, le favoritisme et la chance, rien n’empêchera les hom--mes médiocres d’arriver aux commandements supérieurs. Et qui oserait affirmer qu’au jour où les destins de la France s’accompliront, ce ne sera pas un de ces hommes-là qui tiendra dans ses mains le sort de la patrie ?

    « L’une des plus grandes difficultés que rencontre notre pays tel qu’il est fait, dans son effort de réorganisation, écrit le général Trochu, c’est le préjugé, c’est la tyrannie des anciennes idées qui ont pénétré les esprits et qui y demeurent. Je les combats le plus que je puis, là où je les trouve. » — C’est à ce sentiment que j’ai obéi. Mon dévouement absolu pour l’armée, où j’ai passé ma vie et où je compte de si chaudes sympathies, l’amour exclusif de mon pays, m’ont constamment et uniquement guidé dans ce travail et dans

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