Connaissez-vous beaucoup de troupes où les officiers portent une louche dans leur coiffure? Dont le symbole sacré n’est pas un drapeau, mais une marmite (que l’on renverse pour donner le signal d’une mutinerie)? Où l’équivalent de notre colonel porte le grade de « distributeur de soupe », assisté de « cuisiniers en chef » puis de « chefs marmitons », tous soumis à l’autorité suprême et prestigieuse d’un « Père nourricier »? Certes, des grands chefs étoilés commandent de nos jours des brigades. Il ne s’agit pas cependant ici de restaurants, mais des janissaires (du turc yeni tcheri, « nouvelle troupe », via l’italien giannizerro), l’infanterie d’élite de l’Empire ottoman, redoutés et admirés sur trois continents, du XVe au XVIIe siècle. Et les bizarreries attachées à ces féroces durs à cuire ne se limitent pas au monde culinaire, loin de là…
Le corps des janissaires est créé vers le milieu du xive siècle – les historiens ne s’accordent toujours pas sur une date précise –, c’est-à-dire au début du grand processus d’expansion de l’Empire ottoman, en particulier en direction des Balkans et aux dépens des royaumes orthodoxes de la région, notamment serbe, et de ce qui restait de Byzance. C’est à ce moment que les Turcs effectuent une véritable conversion stratégique: ce peuple nomade, originaire des grandes plaines d’Asie centrale, se « territorialise », régnant sur des nations sédentaires regroupées dans un empire.
La secte des bektachis leur inculque le sens de la justice, de la morale et de la solidarité.
Cette mutation du mode de vie a des incidences)!