Au camp de Ruesnes, non loin de Roubaix, où l’armée française s’est repliée après la défaite, le chevalier de Folard, blessé à la cuisse, repense à la bataille qui s’est déroulée quelques jours plus tôt à Malplaquet, à mi-chemin entre Maubeuge et Valenciennes… Le 11 septembre 1709, les Anglo-Hollandais de Marlborough et les Impériaux d’Eugène de Savoie, maîtres de Lille depuis l’année précédente, s’y sont ouvert la porte de la « ceinture de fer» et bientôt, pourquoi pas, celle de la « Vieille France», voire la route de Paris. Mais les maréchaux de Villars et de Boufflers leur ont vendu cher l’entrée: plus de 20000 tués et blessés, un quart de l’effectif, plus du double des pertes françaises. En fait, les alliés exsangues sont incapables d’exploiter leur avantage, et l’invasion redoutée n’a pas lieu. Pendant que Versailles célèbre Villars comme un vainqueur, Folard rumine. Pour lui, le carnage de Malplaquet n’est pas un triomphe, mais une impasse tactique dont il est urgent de sortir les armées du roi.
Le Traité de la colonne
Jean-Charles de Folard (1669-1752) n’a jamais été général d’armée comme Villars. C’est un ingénieur autodidacte versé dans l’infanterie, déjà quadragénaire à Malplaquet. Ce petit noble originaire du Comtat Venaissin est très imbu de sa personne, mais il n’a pas tout à fait tort. Les armées réduites, maniables et mobiles de l’époque du grand Turenne ont grossi démesurément et la guerre se traîne de siège en siège, afin d’obtenir les places qui serviront de monnaie d’échange lors des traités. Si l’on parvient toutefois sur le champ de bataille, les bataillons s’y rangent en ligne sur trois ou quatre rangs pour tirer le meilleur parti de la puissance de feu, formant des lignes interminables quasiment impossibles à déplacer. Le combat se borne ensuite à des fusillades aussi meurtrières que stériles. Pour redonner aux armes françaises l’élan et la