Frédéric « le Grand », maître tactique de « l’ordre oblique », a été le précurseur d’une politique de guerres « courtes et vives », remportées par des batailles stratégiquement « décisives ». Et si la guerre de Sept Ans n’a pas répondu à ce schéma, le génie prussien n’est pas en cause: l’échec à imposer son (supposé) art de la guerre serait plutôt la marque des limitations – de composition, logistiques, ou de commandement – des armées du XVIIIe siècle. Quant à la capacité de Frédéric à sauver in extremis la Prusse et à triompher finalement, elle démontre, en creux, la pertinence de ses conceptions stratégiques – contrariées mais jamais démenties.
Le seul problème est que le portrait qui précède est l’œuvre d’un faussaire: ce tableau doit tout à la réécriture des faits par le roi de Prusse lui-même, monument de mauvaise foi mais habile propagandiste de ses campagnes et génie incontestable de l’autojustification. Éblouis par un souverain volontiers revêtu (non sans calcul) de l’habit du philosophe, trouvant dans le plaidoyer de Frédéric II les arguments pour pousser leurs propres réformes, ses contemporains militaires, notamment en France, vont volontiers marcher dans la combine. L’image déformée est achevée à la fin du XIX siècle par l’armée de l’Allemagne wilhelmienne, non seulement par nationalisme (le Vieux Fritz devenant une sorte de super-Napoléon puisque finalement victorieux) mais aussi pour légitimer sa propre doctrine. Le legs frédéricien est ainsi marqué du sceau du paradoxe: son exemple a servi à alimenter