I ls sont drapiers, tisserands, bouchers, bourreliers, tailleurs, menuisiers… De simples artisans, pas des hommes de guerre, et leur arme favorite, qu’ils appellent « goedendag », évoque d’ailleurs un outil: un gros bâton ferré, mi-épieu mimassue. Ils n’ont pas, de surcroît, choisi de s’abriter derrière des murs, mais ont choisi de se battre à pied, dans ce plat pays si favorable aux chevaux, le dos à la rivière Lys… Robert II d’Artois qui commande les meilleurs chevaliers d’Europe en ce matin du 11 juillet 1302, à Courtrai, ne se fait guère de souci: une pluie de traits suivie d’une bonne charge éparpillera ces amateurs. Quelques heures plus tard, Robert est mort, et avec lui le connétable, deux maréchaux, le chancelier et le gouverneur de Flandre de Philippe le Bel…
Ainsi, à l’aube du XIVe siècle, de simples artisans ont taillé en pièces l’élite de la cavalerie lourde, à la stupéfaction du monde militaire européen. Mais s’agit-il vraiment d’une surprise? Ce n’est pas la première fois que des armées de chevaliers sont vaincues par la piétaille. L’empereur Frédéric Barberousse a ainsi été écrasé à Legnano en 1176 par les milices lombardes (voir G&H no 64, p. 66). En 1297, les schiltroms écossais de William Wallace ont culbuté la cavalerie lourde d’Édouard Ier, roi d’Angleterre (voir G&H no 50, p. 54). La noblesse montée a par ailleurs déjà bénéficié de l’appui de contingents urbains dès le début du xiii siècle, comme à Steppes (ou Steps) en 1213 ou à Bouvines en 1214 ( G&H ). Dès cette époque, des villes fournissent des troupes de fantassins qui jouent un rôle important dans les affrontements féodaux.
