Le 1er juin 1432, l’armée de Florence défait celle de Sienne à San Romano, près de Lucques. L’événement n’est guère notable, sinon comme une borne de l’hostilité séculaire qui oppose les deux cités; mais il est immortalisé par les trois spectaculaires tableaux du maître Paolo Uccello, qui met en scène le déroulé de l’affrontement et les gestes des combattants. Parmi eux, les figures des Florentins Niccolò da Tolentino et Micheletto Attendolo (voir ci-contre et encadré p. 49) se démarquent dans la forêt des armures et des lances: ils illustrent dans l’imaginaire actuel le temps des condottieres du XIVe au XVIe siècle – une époque guerrière associée d’abord à la péninsule italienne, mais aussi à l’ensemble de l’Europe. Elle se distingue dans l’emploi du mercenariat pratiqué depuis l’Antiquité, et par le poids social et militaire global tenu par les condottieres, ces hommes d’aventure, sur une société qu’ils finissent par transformer.
Fils des divisions politiques
À la fin du XIIIe siècle, la péninsule italienne est une mosaïque politique où chaque pièce est en conflit avec ses voisines. Au sud, les Aragonais et les Angevins de Naples se partagent le royaume de Sicile depuis la révolte des Vêpres siciliennes, en 1282, contre la présence française. Le Nord et le Centre sont tourmentés par la prolongation de l’ancienne opposition des gibelins, partisans de l’Empereur, et des guelfes, partisans de la papauté. Cette situation a profité à l’affirmation des cités septentrionales, devenues communes autonomes fortes de leur puissance économique, de leur contado – le terroir agricole sur lequel la cité exerce son emprise – et de leur démographie: Milan, Florence et Venise passent le cap des 100000 habitants dès 1300.
Pour faire la guerre, les grandes cités du Nord mobilisent leurs citoyens. C’est une force – ils sont rapidement disponibles et supérieurement motivés –, mais aussi une faiblesse, car tout désastre militaire menace de fragiliser le, comme les Este à Ferrare ou les Visconti à Milan. Cette nouvelle classe dirigeante n’est guère encline à jouer ses considérables intérêts sur le tapis vert des haines locales. Aussi paraît-il plus sûr de se tourner vers des étrangers, italiens ou d’origines plus lointaines, peu concernés par les querelles intestines pour assurer la sécurité, défendre des intérêts personnels et soutenir toute prétention à l’exercice d’un pouvoir.