1 L’ARRIÈRE-PLAN
Quand il est élu roi d’Allemagne en 1152, premier pas vers le sacre impérial en 1155, Frédéric Ier de Hohenstaufen, surnommé Barberousse pour sa flamboyante pilosité faciale, est l’homme fort de l’Europe. Les princes l’ont choisi à l’unanimité, notamment parce qu’il réunit en sa personne les familles rivales des Hohenstaufen et des Welfs qui se disputaient le pouvoir. « Il est en mesure de sceller ensemble les 2 murailles qui s’écartaient », écrit ainsi son oncle, l’évêque et historien Otton de Freising. Mais Frédéric est également le maître des royaumes d’Arles (avec Lyon et Marseille) et d’Italie (Lombardie, Toscane). Or, ce dernier domaine est en pleine mutation.
Au XIIe siècle, la péninsule italienne (voir carte p. 64) est fractionnée entre républiques maritimes, territoires pontificaux et grandes principautés urbaines et féodales, dont Milan est la puissance montante dans la plaine du Pô. Mais la prospérité croissante née de l’expansion commerciale s’accompagne également d’une prise de conscience politique. Certaines cités, comme Lodi, acceptent la domination impériale avec ses exigences fiscales. D’autres, comme Milan, la rejettent au nom de leur autonomie. Beaucoup d’entre elles sont en train d’étendre leur influence et leur domination territoriale, créant ainsi de véritables seigneuries urbaines à la tête des campagnes et des petites villes environnantes (ce qu’on appelle le « contado »). Apparaissent ainsi des cités-États, aussi querelleuses que revendicatrices. Ce qui déplaît profondément à Frédéric. Pour lui, le seul pouvoir légitime, tenu de Dieu, est celui de l’empereur. Toute prétention d’indépendance ne peut être qu’une usurpation propre à remettre en cause son pouvoir sacré.
Dès le début de son règne, de gré ou de force, Frédéric entend exercer en Italie toutes ses prérogatives – les « regalia »: droit de battre monnaie, perception de taxes sur les routes, ponts, foires et marchés, exercice de la justice et nomination des magistrats. Mais l’empereur n’a pas seulement des droits, il a aussi des obligations, notamment celle de faire régner l’ordre et la paix – un piège qui fragilise son pouvoir: contraint d’intervenir dans les incessants conflits entre villes, ses arbitrages en faveur des unes le font passer pour un tyran aux yeux des autres. Or, chaque camp est bien décidé à préserver son « honneur » – terme qui désigne alors l’ensemble des biens et des droits dont on dispose. Le défendre est autant une question de pouvoir réel que de prestige. Le conflit qui se prépare peut donc apparaître comme une lutte qui oppose une politique d’État au service de l’empire aux intérêts particuliers des féodaux, de l’Église et des communes italiennes qui aspirent à l’autonomie.
La maison de Hohenstaufen tient son nom du château berceau de la famille, en Souabe, dont Frédéric I devient duc en 1079. Son fils Conrad III est élu roi d’Allemagne en 1138, fondant la lignée impériale qui s’éteint avec siècle reçurent le nom de Gibelins, en référence au château de Waiblingen, une des places emblématiques du clan.