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Surcouf: Capitaine de Corsaire
Surcouf: Capitaine de Corsaire
Surcouf: Capitaine de Corsaire
Livre électronique299 pages4 heures

Surcouf: Capitaine de Corsaire

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À propos de ce livre électronique

Charles Cunat nous présente le parcours d’un célèbre corsaire

Robert Surcouf (1773-1827) est né à Saint-Malo, la ville des « Hardis Corsaires ». Embarqué volontaire à quinze ans, il apprend la rude vie de marin. Il devient capitaine de corsaire et navigue sur toutes les mers du globe au service de la France.

Charles Cunat, à l'aide de documents authentiques, dresse un portrait complet de ce marin aux faits d'armes héroïques.
Cet ouvrage publié en 1842 est complété par un glossaire de termes marins.

En plus de présenter la biographie d’un personnage qu’il a admiré, Charles Cunat revient sur l’importance du rôle joué par les marins dans l’Histoire.

EXTRAIT

La vie de Robert Surcouf est du nombre de celles, qui doivent passer à la postérité, entourées de glorieux souvenirs, comme récompense d’un brillant courage, et cependant les noms du Triton et du Kent qui l’immortalisèrent, dorment silencieux dans la tombe du célèbre corsaire ; de même que les armures de bataille que les anciens Gaulois, nos ancêtres, enterraient près d’eux, sous leurs Dolmens.
Comment se fait-il que, par une fatalité étrange, ces courses audacieuses, ces engagements héroïques soient ignorés ou mal connus du pays qu’ils ont illustré ? Jusques à quand l’indifférence et l’oubli pèseront-ils donc sur les annales de notre marine ? L’homme de mer, toujours sacrifié au militaire, reste proscrit des monuments élevés à la gloire de notre nation. La sculpture a incrusté nos soldats dans le marbre, dans le bronze, sur nos colonnes et aux faces de nos arcs de triomphe ; la peinture les a représentés avec profusion sur la toile ; tandis que nos matelots, ces hommes admirables et incompris, se trouvent non seulement privés du ciseau et de la palette des artistes, mais encore du burin de l’histoire.

À PROPOS DE L’AUTEUR

Charles-Marie Cunat (Saint-Malo, 20 Mai 1789 – Saint-Malo, 21 février 1862.) était un officier de la marine français, un corsaire et un historien spécialisé dans le naval.
LangueFrançais
ÉditeurCLAAE
Date de sortie23 févr. 2018
ISBN9782379110160
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    Surcouf - Charles Cunat

    mers.

    I.

    Course et Corsaires

    LA vie de Robert Surcouf est du nombre de celles, qui doivent passer à la postérité, entourées de glorieux souvenirs, comme récompense d’un brillant courage, et cependant les noms du Triton et du Kent qui l’immortalisèrent, dorment silencieux dans la tombe du célèbre corsaire ; de même que les armures de bataille que les anciens Gaulois, nos ancêtres, enterraient près d’eux, sous leurs Dolmens ¹.

    Comment se fait-il que, par une fatalité étrange, ces courses audacieuses, ces engagements héroïques soient ignorés ou mal connus du pays qu’ils ont illustré ? Jusques à quand l’indifferenceet l’oubli pèseront-ils donc sur les annales de notre marine ? L’homme de mer, toujours sacrifié au militaire, reste proscrit des monuments élevés à la gloire de notre nation. La sculpture a incrusté nos soldats dans le marbre, dans le bronze, sur nos colonnes et aux faces de nos arcs de triomphe ; la peinture les a représentés avec profusion sur la toile ; tandis que nos matelots, ces hommes admirables et incompris, se trouvent non seulement privés du ciseau et de la palette des artistes, mais encore du burin de l’histoire. Les biographies elles-mêmes, ne donnent pas exactement nos illustrations maritimes : quelles belles actions néanmoins pourraient en ressortir et qui demeurent inédites ? L’éclatante immolation de l’équipage du Vengeur, gît dans les cartons poudreux de Versailles ² et sur quelques mauvaises estampes, sans avoir obtenu, de la patrie qu’elle glorifiait, un édifice durable et national ¹. Nos ports peuplés d’une jeunesse vouée dès le berceau à l’Océan, n’offrent à ses regards qu’un petit nombrede statues sans bas-reliefs ou quelques tableaux, tandis que la défense de Mazagran aura son obélisque au milieu de la capitale !

    Dans la tâche ardue, peut-être au-dessus de mes forces, que j’entreprends, voici une observation qui m’a soutenu. De tous les grands hommes de la marine, et ils sont nombreux, le renom d’un seul est devenu populaire en personnifiant en lui le courage audacieux : je parle de Jean Bart, l’intrépide capitaine de corsaire ; les autres, à quelques rares exceptions, sont inconnus. Ainsi puissent mes concitoyens, en lisant ce travail qui répare une anomalie historique, voir l’expression du sentiment de patriotisme sincère qui m’a inspiré, et ou le zèle seul n’a pas failli. Jaloux de tout ce qui donne du relief à ma contrée natale, j’ai groupé autant que possible les périodes qui s’y enchaînaient sans secousses.

    La France toute sanglante, toute froissée, mais forte et vigoureuse, luttait contre elle-même et l’Europe entière, lorsque la guerre de la révolution vomit ses laves brûlantes sur nos colonies abandonnées. Surcouf, à peine devenu homme, sentit s’éveiller en lui l’enthousiasme sacré de la gloire ; s’élançant alors sur les mers de l’Inde, il promène loin de la France sa destinée aventureuse. Bientôt, par une action étonnante qui rehausse la dignité de notre jeune drapeau, il porte l’effroi parmi les possessions asiatiques de la Grande-Bretagne ²et prouve que les braves ne manquent jamais dans la cité des Duguay-Trouin et des La Bourdonnais.

    Une opinion injuste repousse, chez les Français principalement, le nom de corsaire et sa destination. Une espèce de défaveur accompagne elle-même ces marins, lorsqu’ils sont rentrés jeunes hommes dans les douceurs de la vie civile, ou vieillards dans le repos de la retraite, quoiqu’ils aient eu pour compagnons d’armes et d’intimité quelques-uns de nos premiers amiraux ². Ils sont encore plus mal appréciés par les badauds de l’intérieur, habitués à voir grimer les farouches forbans de nos petits théâtres. La profession de corsaire stigmatisée, telle qu’on la dépeint, est donc loin d’être honorée autant qu’elle devrait l’être, parce que sur elle plane cette pensée fausse, que l’appât du gain est le seul mobile qui dirige ses entreprises : sentiment sordide incompatible avec l’honneur français ¹ ; tandis que la capture des bâtiments marchands est une conséquence inévitable de la guerre, comme elle, un fléau nécessaire, qui affaiblit notre adversaire, diminue ses ressources, et le trouble dans son commerce. Dès les croisades, les escadrilles des corsaires malouins étaient proclamées les troupes légères de la mer, incommodant l’ennemi, divisant ses forces, balayant ses croiseurs et butinant de riches cargaisons.

    C’est même le moyen le plus efficace d’arrêter les différends entre les princes. Leur crédit se fonde sur les contributions individuelles ; que deviendront-ils si cette base est ruinée ? La populace de Londres le savait fort bien, quand elle fît retentir en plein parlement la rage et les lamentations séditieuses de ses émeutes, ce qui attira contre Saint-Malo ² d’effroyables agressions par terre et par mer : le blocus de sa rade très-périlleux parmi les cailloux, ne permettant pas d’intercepter les sorties de ses croiseurs qui se renouvelaient comme l’hydre aux sept têtes ³.

    Au reste, l’opinion des hommes d’Etat et des diplomates est fixée. Désormais, ils adopteront la coutume de la course ; peu de grandes armées navales, mais des divisions de vaisseaux ou frégates qui captureront, couleront les navires du commerce, depuis l’ouverture de la Manche jusqu’au fond des Indes, d’où l’arrogante Angleterre retire sa splendide opulence.

    Cette marine auxiliaire armée, qu’on pourrait comparer à juste titre à ces compagnies franches, que les gouvernements du continent européen autorisent pour flanquer les grands corps de bataille, et opérer simultanément avec eux, rendit d’immenses services aux dernières années désastreuses de Louis XIV, et pendant la durée du siècle de Louis XV, où elle balança, par ses succès inouïs, les triomphes des flottes britanniques.

    Sous Louis XIV (en 1709), les Malouins, riches de leurs croisières, donnèrent au Trésor royal appauvri, 50 millions. Sous Louis XV (en 1718, 11 février) ils prêtèrent encore 22 millions d’argent en barres au remboursement de 33 livres le marc, pour retirer les anciennes pièces de la circulation. Eh bien ! cette heureuse coopération des corsaires à toutes les époques, soit de l’antique monarchie, soit de la république ou de l’empire, n’est point enseignée à nos compatriotes, la plupart étrangers aux guerres maritimes.

    D’une autre part, si on réfléchissait aux qualités qui doivent être l’apanage des capitaines corsaires, on leur accorderait certainement plus de considération. Car aux connaissances du marin il faut qu’ils joignent l’activité, la bravoure et l’audace ; de plus, qu’ils soient doués de cette perspicacité qui devine les ruses de guerre et en invente au besoin : certes de tels hommes ont droit à la considération publique. Le grand roi que nous venons de citer (Louis XIV), ne fut pas la première tête couronnée qui éleva aux rangs les plus éminents, ceux qui avaient commandé des bâtiments particuliers armés en guerre. Le 2 novembre 1580, la reine Elisabeth admit le capitaine Drake, avec une distinction recherchée, le nomma chevalier, et alla dîner à bord du vaisseau aventurier le Dragon qu’il avait monté pendant sa course triennale autour du monde.

    Pour se convaincre que la course ne doit pas être traitée avec les termes d’abjection où le mépris d’une ignorance étourdie l’a reléguée, et qu’elle mérite les égards, l’estime et le respect de tout individu, qu’on ouvre l’ordonnance de la marine du mois d’août 1681, chef-d’oeuvre de sagesse. Elle a régularisé la législationet la procédure antérieures relatives aux prises. Depuis, la jurisprudencenécessitée par les changements de civilisation, a adopté la course et l’a sanctionnée ; mais toujours elle a été l’objet de faveurs encourageantes.

    Le roi accordait ses propres vaisseaux à des particuliers, quelquefois même radoubés, carennés et gréés, avec des munitions et autres choses nécessaires à leur armement ¹ ; les princes s’y associaient, et les premiers dignitaires de la couronne y prenaient de gros intérêts. C’est ainsi qu’armait, avec une grande dépense, Luc Trouin de la Barbinais, pour en donner le commandement à son frère l’illustre René Duguay-Trouin.

    L’escadre la plus considérable qu’ils équipèrent fit l’expédition de Rio-Janeiro : elle était composée de sept vaisseaux ; le Lys et le Magnanime de 74, le Brillant, l’Achille et le Glorieux de 66, le Fidèle de 60 et le Mars de 56 ; de six frégates : l’Argonaute de 46, l’Aigle de 40, l’Amazone et la Bellone de 36, l’Astrée de 22, la Concorde de 28 et deux galiotes à bombes. Cet armement exécuté à Brest, Rochefort et Dunkerque, s’éleva, malgré les secours puisés dans les arsenaux, à la somme de 1 200 000 livres partagée entre neuf associés, dont six Malouins, les deux Trouin, Beauvais, la Saudre, le Fer, Belle-Isle, Pépin, Delespine, Danycan et Chapdelaine ayant à la tête de leur société Louis Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, duc de Penthièvre, fils légitimé de Louis XIV, grand amiral de France ², et monsieur de Coulanges, contrôleur général de la maison de sa Majesté.

    En prêtant ses vaisseaux, le roi autorisait les officiers de la marine à les monter sous la même discipline que celle du service. Les équipages (officiers mariniers et matelots) étaient levés par les commissaires de marine, et les déserteurs condamnés aux galères perpétuelles. (Ordonnance de Fontainebleau, 15 novembre1745.)

    À la place de grand-maître, chef et surintendant général de la navigation et du commerce, supprimée en novembre 1669, avait succédé la charge de grand-amiral ¹ qui prélevait le dixième ² d’abord sur le produit brut, plus tard sur le bénéfice net des prises. Longtemps il fut le seul émolument pour soutenir cette dignité élevée, dont les appointements n’excédaient pas anciennement la modique somme de 15 000 livres. Nonobstant, le droit fut d’abord tempéré, ensuite relâché et même supprimé à perpétuité (édit de septembre 1738). En vue d’encourager et favoriser la course, à la prière de Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre, alors grand-amiral de France, et fils du comte de Toulouse, gouverneur de Bretagne, qui reçut à titre d’indemnité une rente annuelle de 150 000 livres, assignée sur les fermes générales unies.

    Le gouvernement de Saint-Malo, l’un des plus éminents de la province, qui n’avait jamais été commis par les rois de France et les ducs de Bretagne qu’à des seigneurs de haute lignée, comptait aussi en première ligne de ses revenus et prérogatives, le prélèvement du dixième sur les prises, ce qui élevait son traitement à un chiffre considérable ¹.

    Les motifs qui amenèrent l’abolition de l’impôt du grand-amiral sont remarquables. « Dans les différents objets qui occupent les soins et l’attention que nous donnons continuellement à tout ce qui peut contribuer aux progrès du commerce et de la navigation de nos sujets, statuait et signait de sa main le souverain législateur, de science certaine, pleine puissance et autorité, nous avons remarqué que les armements particuliers qu’ils font en temps de guerre méritent une protection toute spéciale. Il nous a paru convenable de prendre, dès à présent, des mesures pour les exciter à les multiplier, simplifier leurs procédures, diminuer les frais et mettre ceux qui font de pareils armements en état de profiter, le plus promptement que faire se pourra, du fruit des dépenses qu’ils feront, et des risques auxquels ils s’exposent. Nous sommes déterminés à renouveler les principales dispositions d’émulation, en ajouter de nouvelles, et faire connaître plus particulièrement la résolution où nous sommes de protéger la course et la favoriser par toute sorte de moyens. » (Ordonnances de Versailles des 5 mars 1748 et 15 mai 1756.)

    Outre ces avantages, pour engager les constructions d’une force respectable, le roi promit de prendre pour son compte et de payer des deniers du trésor royal sur le pied d’estimation ou de facture, à l’option des négociants, les prises de 24 canons et au-dessus, ainsi que les corsaires de cet échantillon qui, ayant été armés neufs, se trouveront en bon état de service lors de la cessation des hostilités ; laissant néanmoins aux armateurs la liberté de les garder ou de les vendre.

    De nouvelles dispositions vinrent encore aider plus efficacement ce genre de conquêtes. On régla les récompenses des chefs et des subordonnés afin de provoquer le zèle ; des gratifications excessives leur furent attribuées : d’abord 500 livres et puis 100 par chaque canon de quatre livres de balles et au-dessus, jusqu’à douze ; trente quatre livres pour ceux de douze livres et au-dessus ; ceci pour les navires marchands pris. Cent cinquante livres et deux cent vingt-cinq livres pour ces deux catégories de calibres sur les corsaires capturés : deux et trois cents livres pour ceux des bâtiments de guerre amarinés. Trente livres pour chaque prisonnier provenant des bâtiments du commerce, quarante livres pour ceux des corsaires et cinquante pour les bâtiments de guerre. Lorsqu’il y a combat, les gratifications sont accordées d’après le nombre d’hommes effectifs présents au commencement de l’action et sont augmentées d’un quart en sus, si les bâtiments de guerre et les corsaires ont été enlevés à l’abordage. Pour preuve honorable de la conduite du capitaine, il lui est délivré par le trésor une ampliation de la quittance au bas de la copie de l’ordonnance royale, réservant au surplus de donner au dit capitaine et à l’équipage d’autres marques publiques de satisfaction, même des emplois dans la marine militaire. On promettait aussi des témoignages d’intérêt aux négociants qui s’étaient distingués, par des entreprises étendues, leur octroyant encore pour les dédommager des désastres que souffriraient leurs vaisseaux-corsaires en se rendant maîtres des bâtiments de guerre, cent livres pour chaque canon de quatre, jusqu’à douze livres, et deux cents livres de ce calibre et au-dessus. De plus, vingt livres pour chaque tête de combattants ennemis.

    Pour inviter les corsaires à se joindre aux vaisseaux du roi, il fut établi qu’ils auraient part dans les prises faites durant leur jonction, proportionnellement à leur nombre de canons.

    Par l’article 11, les corsaires sont assimilés aux bâtiments de guerre, en ce que leurs officiers et volontaires, suivant leur belle conduite sont dispensés, d’une ou deux campagnes d’obligation sur les vaisseaux du Roi pour être reçus capitaines au long cours ou au cabotage.

    L’article 12 ajoute, que les officiers et matelots de corsaires invalides par suite de blessures, seront compris dans les états de demi-solde des gens de mer ; des pensions et des gratifications ¹ sont accordées aux veuves et aux enfants mineurs orphelins, de ceux qui auront été tués. N’omettons pas de mentionner le numéraire que la vente des prises procure à la caisse des invalides par les retenues faites à son crédit.

    Louis XIV, rénumérateur trop magnifique pour oublier ses marins, lorsqu’il assurait un royal asile à ses troupes de terre, forma le projet de pouvoir de la même manière au soulagement des gens de mer en établissant à cette fin deux hôpitaux, l’un à Rochefort, pour le Ponant, l’autre à Toulon pour le Levant.

    Il y admettait les officiers, volontaires et matelots estropiés sur les bâtiments particuliers armés en course ; ces braves ne méritant pas moins de faveurs, observait-il, que ceux qui servaient sur ses propres vaisseaux.

    Il ne s’en tint pas là ; ayant renoncé à la construction de ces deux édifices qui eussent rappelé la fondation du somptueux Greenwich, il résolut d’y suppléer en procurant aux marins des pensions et une demi-solde, afin qu’ils puissent jouir du fruit de leurs travaux et passer le reste de leurs jours en tranquilité, et comme, répétait-il, les gens des navires particuliers armés en guerre servent également l’État, il voulut qu’ils fussent classés dans cette catégorie et admis à la distribution des récompenses, pensions et demi-soldes : de là le berceau de la caisse des Invalides.

    Pour assurer un fonds suffisant à cet effet, après maintes variations ¹, il y eut un édit qui éleva ce prélèvement jusqu’à six deniers pour livre sur le montant total des prises ; mais la loi régnante (arrêté des consuls de la République sur le rapport du ministre de la marine, 7 fructidor an VIII), le fixa avec plus de munificence à un décime pour franc (10 p. 0/0).

    Enfin l’article 9 porte que les navires armés en course, jouiront de l’exemption de tous droits généralement quelconques, sur les vivres, artilleries, munitions et ustensiles de toute espèce, servant à leur construction, avitaillement et armement. (Déclaration signée à Versailles le 15 mai 1756.)

    La loi intervient aussi au pacte qui lie l’équipage et les armateurs ; elle préside au partage de leurs bénéfices. Quant à la propriété des prises, elle est reconnue si légitime qu’on peut la faire assurer comme un bien patrimonial.

    La déclaration de Versailles du 24 juin 1778 dit encore, que les canons des corsaires seront fournis des arsenaux de la marine, ou, s’ils ne pouvaient être livrés, le gouvernement avançait la somme de 800 l. pour acheter chaque canon.

    Nous le répétons, nous avons extrait cette longue énumération du savant commentateur René-Josué Valin, avocat et procureur du Roi au siège de l’amirauté de la Rochelle sur les us et coutumesnautiques, pour prouver que la course a été hautement considérée et qu’on lui a offert les plus larges concessions.

    Certains de l’assentiment de nos compatriotes des côtes de la Manche, nous répudions les griefs et les pitoyables jérémiades d’indélicatesse que nous lancent gratuitement les habitants de l’intérieur qui jugent des coups à l’arrière garde. S’ils désirent connaître notre manifeste ayant pour préambule la devise de notre altière duchesse Anne, inscrite sur une des tours de notre château : quic en groingne ¹, nous le publierons, la tête haute, en sécurité de conscience. Nous Malouins, guérillas de la mer, nous ferons la course, bannière déployée, narguant les rigoureux hivers, bravant les boulets et la mitraille et ce qui est cent fois pire, les hideux pontons, opprobres de la Grande-Bretagne. Citoyens français, nous subissons les hostilités déclarées par notre souverain ; en compensation de nos pertes et de nos dangers, il nous octroie les croisières, nous en profitons. Enfants de l’Océan, nos fortunes sont à la merci et à la discrétion des armateurs ennemis qui n’en chôment ; abandonnées à l’élément le plus inconstant, elles ne présentent aucune sûreté des propriétés du paisible rentier ². Recourons donc aux représailles ; vengeons la mort de nos parents, nos expéditions violées, nos établissements anéantis, nos bâtiments et nos marchandises capturés, nos maisons écrasées sous les bombes, nos campagnes ravagées, nos chantiers brûlés, nos usines détruites, et parmi la peinture exacte de la désolation que nous avons soufferte, corsaires de Saint-Malo, que notre courage se tienne debout comme celui de nos pères : Dieu et notre droit ³, telle est notre profession de foi, n’en déplaise aux protocoles et aux conférences de cabinet.

    Le nom de corsaire tire son étymologie de course. Les marines militaires dans leur origine ne furent qu’une réunion de corsaires, alors que les rois et les seigneurs suzerains étaient obligés, pour faire la guerre en mer, de noliser des barques aux villes commerçantes, comme ils levaient des compagnies d’hommes d’armes sur leurs vassaux.

    Venise la superbe, reconnut dans son sénat, pour patricienne, sa marine de corsaires, car elle avait appris que ses services n’étaient pas plébéiens quand il s’était agi de protéger son commerce contre les attaques de ses ennemis, envieux de sa naissante splendeur. De nos jours, l’Amérique du nord, après la déclaration de son indépendance, établit aussi son immense commerce sous le patronage de ses corsaires qui formaient sa seule marine nationale, à la tête de laquelle se distinguait l’aventureux Paul Jones.

    Pour abréger cette fastidieuse dissertation, nous n’examinerons pas les utopies des philosophes à la tête desquels se pose le vénérable Benjamin Franklin. Nous discuterons encore moins les vociférations de certains énergumènes qui se prétendent les apôtres de l’humanité ; à chacun son idole : sans vouloir imposer notre opinion, nous la résumerons. Non, aucun état n’osera prendre l’initiative de la suppression de la course ; non, le gouvernement français ne la proscrira pas ¹. Quelle que soit la philanthropie qui le dirige, il sera contraint de suivre les usages de la guerre sous peine de se trouver trop inférieur à son ennemi en ne se servant pas de mesures dont la négligence lui causerait un grand préjudice, et en abandonnant de précieux avantages. Pour satisfaire des rêveurs et céder à leurs exigences puériles, faudrait-il qu’avec une marine plus faible que celle de ses adversaires, décimée sous des revers continuels, la France, minée dans son commerce, dépouillée de ses colonies, et privée de leurs productions devenues un besoin, renonçât au droit de se venger et de se défendre, pendant que les navires marchands anglais, libres d’entraves, traverseraient les mers depuis les rives de la Tamise jusqu’aux bouches du Gange, approvisionnant les marchés des nations coalisées contre nous, ravitaillant leurs places de guerre, transportant et jetant des troupes nombreuses dans les provinces occupées par nos armées ? en vérité, ce serait une niaise duperie. D’ailleurs les vaisseaux de guerre beaucoup plus redoutables que les corsaires n’ont-ils pas toujours couru sus aux bâtiments marchands ².

    On tient généralement à savoir les détails de l’enfance des hommes remarquables, espérant y découvrir les secrètes inspirations qui ont déterminé chez eux la vocation dans laquelle ils se sont distingués. Je vais raconter ce que j’ai appris des premières années de Robert Surcouf avant de retracer ses rencontres.

    Pour décrire les croisières d’un marin, il faut connaître soi-même le mouvement, le tumulte de sa vie pleine de dangers ; il faut être initié aux impressions de tous ses moments ; il faut avoir lutté avec lui contre le vent impétueux des tempêtes et le tonnerre retentissant des combats. Contemporain du célèbre Malouin dont j’écris la carrière, j’ai l’avantage, comme narrateur, d’avoir parcouru avec plusieurs de ses compagnons ces mers qu’il avait sillonnées si audacieusement avec ses corsaires. Les parages témoins de ses succès me sont familiers ; le Triton et le Kent, nobles trophées de ses exploits, je les ai aperçus sous voiles et encore menaçants ¹. J’ai vu Surcouf à l’Ile-de-France, je l’ai rencontré dans le golfe du Bengale, promenant avec orgueil à bord du Revenant, le pavillon tricolore, et jetant par sa présence, l’épouvante dans les comptoirs britanniques, d’où les bâtiments n’osaient plus sortir qu’escortés de vaisseaux de guerre. Marseille, cette colonie de Phocéens, n’inspira pas une plus grande terreur aux temps du capitaine Laigle, fougueux corsaire contemporain de Duguay-Trouin, dont la réputation de bravoure était si divulguée, que les Anglais assuraient à Londres leurs bâtiments avec cette clause spéciale : franc de Laigle ².

    1. Roche isolée qui marquait le tombeau d’un guerrier.

    2. Aujourd’hui à la marine.

    1. La Convention nationale (21 messidor an II), après avoir entendu le rapport de son comité de salut public, avait décrété qu’une forme du vaisseau le Vengeur serait suspendue à la voûte du Panthéon, et que les noms des braves républicains composant son équipage seraient inscrits sur la colonne de ce temple.

    Elle convoquait, en leur promettant des récompenses décernées dans une fête nationale, les artistes peintres, sculpteurs et poètes pour célébrer le plus dignement la gloire et les traits sublimes de ce dévouement.

    2. La presse anglaise le suivait à la piste dans ses colonnes, et sonnait le tocsinà coups pressés et redoublés pour que les vaisseaux de guerre le chassassent et que les Indiamians * et Extra-Ships ** pussent l’éviter.

    On lit dans le Courier de Madras, du 9 février 1796 : « Nous apprenons, par le schonner l’Espion, que le Modeste (ancien nom de l’Emilie) croise à la hauteur de la pointe des Palmiers.

    « Un vaisseau danois arrivé dernièrement a été chassé, dit-on, à la hauteur de Palliacat, par un vaisseau qui a l’apparence d’un Pilot-schonner, et qui probablement est un de ceux qui ont été caplurés récemment par le Modeste.

    Le Glascow arrivant de Calcutta a rencontré, par le travers de la pointe des Palmiers, naviguant alors en compagnie d’un autre vaisseau, un navire qui l’observait. Le corps et le grément de ce bâtiment correspondent exactement au signalement donné du Modeste.

    Des lettres du Bengale, en date du 27 du mois dernier, mentionnent que le Wood-Cote, vaisseau de l’honorabis compagnie, ayant reçu un renfort de quinze matelots de chaque bâtiment avec un détachement de cinquante soldats commandé par un capitaine et des sous-officiers choisis dans le troisième bataillon d’européen, allait partir de suite ainsi que la corvette le Sea-Horse, en croisière sur les brasses à la recherche du Modeste.

    16 février 1796 : « Le Modeste, accompagné de ses deux prises, a été vu par plusieurs navires arrivés dernièrement du Bengale. Il parait conserver sa station de la pointe des Palmiers.

    * On appelle Indiaman un bâtiment de commerce anglais, naviguant dans l’Inde, d’une côte à l’autre.

    ** On désigne sous le nom d’Extra-ship un vaisseau marchand frété par l’honorable Compagnie des Indes.

    2. A toutes les époques les bâtiments armés par le commerce (soit sous le nom de vaisseau de la Compagnie, soit sous celui de Corsaire), ont fourni bon nombre d’officiers à la marine militaire ; quelquefois on a vu ceux-ci quitter les vaisseaux de haut-bord pour prendre le commandement de navires marchands ou corsaires. Ces mutations furent surtout très-communes pendant les guerres de la

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