Jalonnée de réformes incessantes, d’éclipses, de dissolutions et de refondations, l’histoire des troupes de marine illustre indirectement la place de la marine dans l’Ancien Régime. Parente éternellement pauvre des armes françaises, elle est condamnée à emprunter sur ses maigres moyens pour former des troupes que l’armée n’a de cesse de lui emprunter, ou de lui voler, pour se battre à terre. Il y a à ce titre une constance entre les régiments Royal-La Marine et Royal des Vaisseaux qui s’illustrent aux frontières sous les Bourbons, les marins de la Garde impériale vétérans de Wagram, Leipzig et Waterloo, les troupes de marine qui combattent à Sébastopol, Puebla, au Tonkin et à Bazeilles, et les fusiliers-marins des deux conflits mondiaux, héros de Dixmude en 1914 et de Bir Hakeim en 1942.
Pas de royale sans État
Leur saga commence pendant les heures sombres qui marquent les armes navales françaises au début du XVIIe siècle. En 1622, quand reprend la guerre qui oppose Louis XIII aux protestants, la seule flotte huguenote de la ville de La Rochelle suffit à désoler tout le littoral atlantique. L’amiral de France Henri II de Montmorency n’exerce guère son autorité qu’en Normandie et en Picardie, et il faut solliciter la Bretagne et le Levant pour, en octobre 1622, réunir péniblement à Brouage une première flotte disparate, renforcée par des compagnies d’infanterie levées à cette occasion et appelées Compagnies ordinaires de la mer. Vain effort: le 17 janvier 1625, le duc de Soubise, qui commande la flotte huguenote, s’empare de six navires de l’escadre royale ancrée au Blavet, près de Lorient. C’est un affront terrible au pouvoir royal, forcé de louer des navires aux Anglais et aux Hollandais pour se venger. De cette époque date la volonté politique de doter le royaume d’une marine de guerre permanente, uniquement composée d’éléments nationaux.
L’homme qui incarne la fondation de la), le cardinal se donne pour mission de renforcer l’État. En attendant de créer à son profit en 1626 le titre de grand-maître et surintendant de la navigation et du commerce qui va remplacer celui d’amiral, il développe une vraie vision de l’avenir maritime du royaume, concrétisée dès 1624 par la commande de 60 pièces de canon en bronze marqués d’une ancre. Il fonde par la suite un arsenal à Brest et ordonne un premier programme de construction navale. L’assemblée des notables se saisit de la question en 1627 et approuve ainsi la construction de 45 navires, pour 1,2 million de livres.