Guerres & Histoires

RÉGIS GUILLEM, COMMANDO OAS À 18 ANS DANS L’ALGÉRIE EN FEU

Fin 1954, c’est le début de ce qui va devenir la guerre d’Algérie. Vous avez 10 ans. Quel écho vous en arrive-t-il?

Du fait de mon jeune âge, je ne prends pas conscience des événements. À Aïn Sefra, le petit village où nous vivons, on connaît pourtant deux attentats à la grenade et une incursion d’un groupe rebelle qui est immédiatement anéanti. Le couvre-feu est à 21 heures.

Parle-t-on de la guerre en famille ou à l’école?

Non, mais on l’évoque par les trains qui sautent sur des mines. C’est quotidien. Beaucoup d’amis de la famille, des cheminots, seront tués de cette façon. Mon père, qui est contrôleur, saute deux ou trois fois. Chaque fois qu’il part, on se demande s’il va revenir… À partir de 1956, je commence à prendre conscience de la guerre. Il faut dire qu’elle est là, tout près. Notre village est installé dans une cuvette entre deux djébels voisins de la frontière marocaine, qui sont le théâtre de combats quotidiens, car l’ALN essaie constamment de s’infiltrer en Algérie. Les accrochages avec la Légion sont réguliers. On entend le bruit des combats, le va-et-vient des avions T-6 qui mitraillent les montagnes.

Vous entendez, donc, mais vous ne voyez encore rien de la guerre en 1956.

Si, j’ai vu une chose: deux têtes décapitées plantées sur un piquet de part et d’autre de la voie ferrée. Celles du garde-barrière et de sa femme. Je suis incapable de vous dire la réaction que j’ai eue. Souvent, j’essaie de me souvenir, mais rien ne vient. En revanche, du soir où un groupe FLN est entré dans le village, je me souviens bien, c’était le 14 août 1957, vers 20 heures. Mon père faisait un couscous, il lui manquait une épice, il m’a envoyé en chercher. À la sortie du magasin, j’ai entendu des rafales d’arme automatique. Je suis rentré en me cachant dans les recoins des portes cochères. Je n’ai pas eu peur.

1959, c’est l’année de votre certificat d’études primaires et aussi celle du discours du général de Gaulle sur l’autodétermination, le 16 septembre…

Dans la rue, la jeunesse en parle, mais personne ne prend conscience que ce sont les balbutiements de l’indépendance. Les Européens n’y ont jamais cru. Ils sont convaincus qu’ils resteront en Algérie. Les musulmans, eux, commencent à manifester alors que, l’année précédente, l’immense majorité d’entre eux n’étaient pas favorables à l’indépendance. Le fossé a commencé à se creuser cette année-là.

1960, c’est la semaine des barricades à Alger, c’est-à-dire le premier défi à la politique de de Gaulle. Qu’est-ce que ça change pour vous?

Nous habitons alors tout près de Mostaganem, où mon père a été muté, dans le petit port de pêche de La Salamandre. J’ai 15 ans. Les filles, la plage, les surboums, Elvis Presley, l’insouciance… avec quand même une anxiété qui monte, car il y a régulièrement des jets de grenades dans les cafés, des assassinats d’Européens ou de musulmans.

Vous êtes toujours à l’école?

Ma mère a réussi à m’inscrire dans une école technique, où je ne reste pas longtemps. Je trouve ensuite un emploi de commis aux écritures. C’est à la fin de 1960: on a quitté La Salamandre pour aller dans la périphérie de Mostaganem, dans les HLM Bel-Hacel.

C’est à cette époque que débute votre engagement politique?

Un peu avant, puisque j’ai adhéré à vers la fin 1959. On distribue des tracts, on colle des affiches, on manifeste. Avec des amis, on ressent la nécessité de s’impliquer davantage, influencés par certains adultes dont nous écoutons les propos. On se réunit

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