Des cadavres dans les placards: suivi de Derrière les apparences
Par Philippe Ayraud
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À propos de ce livre électronique
Des cadavres dans les placards s’intéresse aux non-dits, aux occultations de la mémoire, qu’elle soit individuelle ou collective. Les personnages de ces nouvelles ont tous un compte à régler avec leurs attitudes passées, parfois même avec l’Histoire.
Derrière les apparences interroge l’envers du décor : la réalité des choses et des êtres est-elle bien celle que nous percevons ? Les protagonistes de ces récits, individus ou peuples, apprendront, hélas à leurs dépens, que les apparences sont souvent trompeuses…
Découvrez deux nouvelles traitant respectivement des non-dits de la mémoire, et des apparences trompeuses.
EXTRAIT
Je suis arrivé sur Wunna en pleine saison paradoxale. Ainsi nos physiciens nomment-ils cette alternance très courte de chaleurs caniculaires et de froids extrêmes. J’avoue être bien incapable ici d’en retracer les causes. Lors du stage de formation qui a précédé mon départ, j’ai cru mourir étouffé sous une avalanche de données scientifiques, dont la complexité n’avait d’égale que le caractère profondément ennuyeux. Peut-être n’étais-je guère réceptif non plus : je voyais sans cesse, en surimpression, le corps souple de Loretta bousculer la rigidité des équations projetées sur les écrans d’hypnoapprentissage. Je n’ai donc rien retenu des avatars orbitaux de Wunna. Si ce n’est une information pratique : mieux valait prévoir une garde-robe conséquente sur une planète où l’on pouvait, dans un laps de temps réduit, passer du tee-shirt à la fourrure polaire.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Philippe Ayraud est professeur de Lettres en Lycée Professionnel et animateur d’Ateliers d’Ecriture. Passionné de polars, il crée en 2002 et dirige jusqu’en 2006 le festival Mauves en Noir, qui accueille les meilleurs auteurs du genre. Outre différents textes dans des anthologies collectives, il a publié un recueil de nouvelles (Nos Rendez-vous manqués, Coëtquen Editions) ainsi que trois recueils de poèmes : L’Adieu au Père, Café La Perle et autres lieux et Chansons vivantes, aux éditions Lello.
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Aperçu du livre
Des cadavres dans les placards - Philippe Ayraud
Table des matières
DES CADAVRES DANS LES PLACARDS
DERRIERE LES APPARENCES
LES SILENCES DU CAPITAINE DUROC
IMPORT
ET POUR L’EXEMPLE
DERRIERE LES APPARENCES
PERDRE NOS CHAÎNES
LE DÉTAIL QUI TUE
LES SOUPIRS
P’TIT CHEF
PROLOGUE
EPILOGUE
CHARITE BIEN ORDONNÉE...
PROLOGUE (il y a quelque temps, déjà…)
IN VINO VERITAS
La vérité figure
PARTIE EN LAISSANT L’ADRESSE
LA FRONTIERE
PHILIPPE AYRAUD
DES CADAVRES DANS LES PLACARDS
suivi de
DERRIERE LES APPARENCES
nouvelles
Éditions Ex Æquo
42 rue sainte Marguerite
51000 Chalons en Champagne
www.editions-exaequo.fr
Dépôt légal : novembre 2009
PHILIPPE AYRAUD
NÉ EN 1961, PROFESSEUR DE LETTRES ET AUTEUR.
ANIMATEUR D’ATELIERS D’ÉCRITURE POUR ADULTES OU ADOLESCENTS
Créateur et directeur du festival du roman noir Mauves en noir de 2002 à 2006, qui a accueilli les principaux auteurs français : Daeninckx, Pouy…
Ouvrages déjà édités :
— Nos rendez-vous manqués, (nouvelles)
Coëtquen éditions.
— L’Adieu au Père, (poèmes)
LELLO éditions.
— Café La Perle et autres lieux, (poèmes)
LELLO éditions
—Nouvelles et poèmes en recueils collectifs,
éditions de l’Ours Blanc.
A François Braud et Bernard Giusti,
qui ont publié mes premiers textes
J’écris comme on se passe la langue sur une dent cariée : pour le plaisir de la douleur
Denis Tillinac, En désespoir de causes
DES CADAVRES DANS LES PLACARDS
UN TRAIN POUR TEREZIN
Un coup de dé jamais n’abolira le hasard...
Stéphane Mallarmé.
I
Des putains d’trains, dans ma vie de chien, j’en ai pris plus d’un. Les tortillards qu’on guette à quai à l’aube incertaine, quand les néons blafards du Buffet de la Gare dégueulent leur maquillage, obscène à racoler tous les crevards. N’oublie jamais ça petit, le monde appartient à ceux qui ont des ouvriers qui se lèvent tôt. J’en ai pris des plus classieux aussi, tu t’en doutes, des qui taillaient la route ou plutôt la voie vers la Russie, l’Orient, la Laponie...
Je vais crever. Qu’est ce que je disais... Ah ouais les trains... Faut quand même que j’te raconte mon histoire. Installe toi bien petit, mets toi à l’aise dans mon compartiment, allonge tes jambes sur la moleskine usée de mes souvenirs en berne.
Il était une fois un train...
II
En 1944, l’Office de Propagande du Reich décida de réaliser un film destiné à contrecarrer les informations qui circulaient sur les camps de concentration, et à influencer les commissions de La Croix Rouge internationale. Le tournage fut entièrement préparé et réalisé au camp de Térézin par des détenus Juifs sous le contrôle des SS. Dans le film on voyait les prisonniers jardiner, jouer au foot, visiter des bibliothèques, se prélasser au bord des piscines... Il s’agissait d’accréditer l’idée que le Führer, dans sa grande mansuétude, offrait une ville aux Juifs. Tu parles ! Une fois le reportage mis en boite dans des décors pipeau, la dernière prise de vue effectuée, ils ont regagné les camps d’extermination.
Pour pallier le manque de figurants, les Nazis avaient affrété un train spécial au départ d’Auschwitz. Hommes, femmes, enfants, tous les acteurs nécessaires à la production du documentaire y avaient pris place. Pour une fois, ils avaient échappé aux wagons à bestiaux. Il fallait qu’ils arrivent en forme à destination...
J’accompagnais le S.S qui dirigeait l’opération. En tant que chef monteur ça faisait belle lurette que je m’étais tiré de l’usine je pouvais être utile à la réalisation du film. En tant que Juif, je servais de relais entre les officiers et ma communauté.
Le S.S a arpenté le couloir, posant sur tous son regard froid et soupçonneux. Il l’a remarquée tout de suite, avec ses deux enfants serrés contre elle sur l’étroite banquette. Je suis sûr qu’il a pensé : la beauté du diable de ces salopes de Juives.
Il l’a toisée longuement. Puis il a sorti un dé de sa poche, qu’il lui a donné avec une feuille sur laquelle il avait griffonné :
6 : Tous les trois libres. Tu ne me dois rien.
5 : Tous les trois libres si tu couches avec moi
4 : Ta fille est libre.
3 : Ton fils est libre.
2 : Je t’exécute immédiatement.
1 : Je vous abats tous les trois.
III
Le train a subi une formidable secousse, nous projetant les uns contre les autres. On a tous pensé qu’on quittait la voie, mais le rail délabré nous procurerait encore ce genre de désagréments. A cette époque, l’Economie de Guerre avait bien d’autres soucis que l’entretien du réseau ferré. Elle venait juste de lancer le dé, qui avait roulé sous une banquette. Je me suis mis précipitamment à quatre pattes pour le ramasser et je l’ai remis respectueusement à l’Oberfuhrer.
Il y a jeté un coup d'œil et son visage s’est éclairé. Il lui a fait signe de le suivre. Pâle comme une morte, elle a obéi à l’injonction du destin. Cinq petits ronds en étoile inscrits dans un carré...
IV
Arrivés sur les lieux du tournage, les figurants ont été répartis dans des baraquements. Il l’a dévisagée sur le quai :
- Tu es une chienne, mais je n’ai qu’une parole. Vous êtes