Anomalie Littéraires Numéro 0: Le Club des Loutres Anarchistes Contre la Solitude
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À propos de ce livre électronique
Anomalie Littéraires Numéro 0 - Le Club des Loutres Anarchistes Contre la Solitude, est un recueil de nouvelles et d'illustrations SFFF réalisé par le collectif nommé "le Club des Loutres Anarchistes".
Il est question d'en faire une revue gratuite disponible sous format électronique. Voici le numéro 0
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Avis sur Anomalie Littéraires Numéro 0
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Aperçu du livre
Anomalie Littéraires Numéro 0 - Philippe Deniel Le Club des Loutres Anarchistes
Préambule
Il y a quelque temps (je suis sûr que vous vous en souvenez comme si c’était hier, probablement parce que c’était hier, enfin l'an dernier) un vilain virus couronné a contraint la population à rester cloîtrée chez elle dans la plus pure application de la règle monacale de l’Abbaye de Cîteaux.
C’est dans ce contexte que plusieurs auteurs/autrices et illustrateurs/illustratrices ont choisi de se regrouper pour produire la revue gratuite autant que numérique que vous tenez entre vos petits doigts graciles. Un regroupement pour lutter contre l’isolement et la solitude en somme.
Ce numéro est le premier d’une série que nous espérons aussi longue que possible. C’est aussi un « test en vraie grandeur » qui aura permis à sa toute jeune équipe éditoriale de faire ses premières armes, et elle espère sincèrement qu’il vous plaira.
Au sommaire, vous découvrirez des vagabonds, une apocalypse totale, un immeuble hanté, des moines qui prennent le métro, un flic à vapeur et une fillette qui rêve beaucoup trop. Toutes ces histoires n’attendent qu’un lecteur pour prendre vie dans les pages qui suivent. À vous de jouer maintenant !
Quelques informations légales à présent :
Les textes sont la propriété de leurs auteurs et autrices respectifs à savoir :
Tout Seul, texte de Népenth S.
Quatre-Vingts Secondes, texte de Philippe Deniel
Quelque Chose de Célia, texte de Yvan Barbedette
<Ô>, texte de Danü Danquigny
Gris, texte de Aaron Judas
L'Homme Qui Valait 3000 Bars, texte de Philippe Aurèle Leroux
De mêmes pour les illustrations :
L'illustration de couverture , solitude 21
, est l'oeuvre de MoonE
Tout Seul
, photographie de Loane Crucifx (modèle Anna Deluche), illustration de la nouvelle éponyme
La Traversée
, photographie de Loane Crucifix (modèles Anna Deluche et L'Ombre Furtive
), illustration de la nouvelle <Ô>
Le Cauchemar Eveillé
, illustration de MoonE, illustration de la nouvelle Gris
Sans titre
, illustration de Elerzed
l'llustration de la nouvelle Quatre-Vingts Secondes
est issue de la banque d'images libres de droits Pixabay (http://pixabay.com)
l'illustration de la nouvelle Quelque Chose de Célia
est issue de la banque d'images libres de droits Pixabay
l'illustration de la nouvelle L'Homme Qui Valait 3000 Bars
est issue de la banque d'images libres de droits Pixabay
Le Maudit
, illustration sur le thème de la Solitude, photographie de Loane Crucifix (modèle Anna Deluche)
Solitude
, illustration de Max,
Les images issues de la banque Pixabay sont utilisées conformément à la licence en cours sur le site pixabay.com
Les images et les textes dans le présent document sont reproduits ici avec l'autorisation explicite de leurs créateurs et créatrices.
Table of Contents
Préambule
Tout Seul
Quatre Vingt Secondes
Quelque Chose de Célia
Ô
Gris
L'Homme Qui Valait Trois Mille Bars
Landmarks
Cover
Tout Seul - Népenth S.
Seul dans la rue froide et hostile. Seul à vagabonder dans les impasses étroites. Je n'ai pas de maison et ne me souviens pas d'en avoir eu une. Aucun ami, aucune famille qui puisse m'apporter quelque réconfort.
Je suis seul.
Et c'est peut-être cela qui m'a poussé à me promener près du cinéma de la ville. Je n’y suis jamais entré, mais je sais qu'il y a toujours beaucoup de monde, là-bas. Il m'arrive de rester des heures à détailler les affiches des films ou à regarder les gens entrer et sortir du bâtiment. Je les écoute commenter ce qu'ils viennent de voir, m'imaginant que c'est à moi que l'on raconte toutes ces choses. C'est comme si je n'étais plus seul, et cela me réchauffe le cœur. Parfois, il me prend l'envie d'entrer dans le cinéma. Je renonce bien vite à cette chimère : jamais on ne laisserait un vieux grisonnant et malodorant tel que moi pénétrer dans les salles flambant-neuves du complexe. Je salirais les fauteuils et incommoderais les autres spectateurs. Non, je préfère ne plus y songer…
Et pourtant, par un matin pluvieux, alors que je tentais désespérément de rester au sec en me collant près de l'entrée du cinéma, le patron ouvre la porte et passe sa tête à l'extérieur. Lorsqu'il me voit, au lieu de grimacer et de m'insulter comme le fait la plupart des gens, il me sourit et me dit d'une voix chaleureuse :
— Tu es seul dehors par un temps aussi mauvais ? Entre donc, sinon tu vas attraper la mort.
Jamais on ne m'avait parlé aussi gentiment de toute ma vie et, surtout, jamais on ne m'avait invité à entrer où que ce soit. Pourtant, c'est ce que le patron du cinéma vient de faire en se poussant sur le côté afin de me laisser passer. Je pénètre dans le hall, tremblant de froid et de reconnaissance. Le patron se glisse derrière le comptoir de bois stratifié et revient vers moi avec une serviette dans les bras, en m'expliquant qu'il fallait vite me sécher pour ne pas tomber malade. Il me conduit ensuite dans sa maison, adjacente au cinéma, à laquelle on accède par une petite porte située derrière le comptoir. Il me fait asseoir devant la cheminée en m'assurant que je pouvais rester aussi longtemps que je voulais. J'ai tout de même dû prendre un bon bain afin d'enlever toute la crasse que j'avais accumulée durant mes années d'errance. Néanmoins, la seule pensée d'avoir enfin un toit au-dessus de ma tête, et surtout un ami avec qui le partager, emplissait mon cœur de bonheur.
Depuis ce jour, ma vie est devenue si simple. Monsieur Morel (c'est le nom du patron du cinéma) me fait à présent assez confiance pour me laisser entrer dans la salle de projection. Je ne le remercierai jamais assez pour ça. Comme j'aime regarder les images défiler sur l'écran ! Au début, les spectateurs trouvaient cela étrange de me voir à leurs côtés, mais se sont très vite habitués à ma présence ; comme si j'avais toujours été là. Je suis même devenu célèbre, en quelque sorte : les gens viennent me saluer avant et après chaque séance. Les enfants aussi m'aiment bien. Je dois avoir une bonne tête, finalement. Pendant que leurs parents vont acheter les tickets de cinéma, je joue avec eux, histoire que l'attente soit moins longue. Ils montent sur mon dos, me tirent les oreilles ; j'endure patiemment, trop content d'être autant sollicité.
Mais ce que je préfère par-dessus tout, c'est le samedi soir. Chaque semaine, Monsieur Morel organise ce qu'il appelle la soirée « vieilles bobines », durant laquelle il projette des vieux classiques du cinéma. Aujourd’hui, mes yeux s'écarquillent de frayeur devant Psychose d'Hitchcock. Ce film a beau dater de 1960, il est cent fois plus effrayant que tous ces thrillers modernes bourrés d’effets sanglants. J'ai même laissé échapper un couinement de terreur lorsque Anthony Perkins est entré dans la cave sordide, vêtu des habits de sa mère et tenant un couteau à la main ! Le samedi d’après, l'horreur laisse la place au rire avec L'Impossible Monsieur Bébé. Impayable, ce Carry Grant, surtout quand il découvre le léopard dans la salle de bain ! Et le pseudonyme que lui invente Lady Hepburn, « Mr Bone », m'a particulièrement plu.
Ah ! comme je suis heureux dans ce cinéma, entouré du bon Monsieur Morel et de la ribambelle de spectateurs.
Mais tout bonheur a forcément une fin. Le cinéma a changé de patron, et Monsieur Morel a dû déménager. Il m'a longuement expliqué qu'il ne pouvait pas me garder avec lui, que, dans son nouvel immeuble, le propriétaire n’acceptait pas ceux de mon espèce.
— Je t’aurais bien amené avec moi, mais tu comprends…
Oui, je comprenais ; ça n’en faisait pas moins mal. Et quand il est parti sans moi, deux semaines après, je suis tombé de haut. Bien sûr, j’étais au courant, je savais que, tôt ou tard, nos routes devraient se séparer ; mais c’était quand même dur. J’ai vu sa voiture sortir du parking et s’éloigner au bout de la rue. Je me demande si Monsieur Morel pleurait, au volant. Moi, j'ai pleuré : on s'attache vite à des gars comme lui. Mais il était obligé de me laisser.
Je m'assois près de l'entrée du cinéma, puis finis par me coucher, la tête entre mes grosses pattes velues, désespéré et à bout de force. Une femme et son gamin passent près de moi. J'entends vaguement le petit demander :
— Maman, je peux caresser le chien ? Dis, je peux ?
Et sa mère de lui répondre durement :
— Pas question ! Il a l'air malade. Et puis il mord peut-être.
Le monde est injuste,