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La traque blanche
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Livre électronique637 pages8 heures

La traque blanche

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À propos de ce livre électronique

Le maître-chien ne répondit pas tout de suite, puis avec un timbre plus pâle que d’habitude murmura : « Ils n’ont pas froid Lieutenant, pas du tout : ils ont senti quelque chose qui les inquiète ». Il regarda Marine dans les yeux et ajouta d’une voix d’outre tombe : « En fait ils sont morts de trouille ». Méribel 21 janvier : la saison touristique bat son plein, mais lorsqu’un conducteur de dameuse disparaît en pleine nuit Marine Lansec, jeune Lieutenant de gendarmerie, découvre avec effroi que la montagne abrite peut-être un redoutable secret. Théo de Roncevaux, gloire de la Crim, ne s’attend pas non plus à réveiller les instincts meurtriers d’un moine lorsqu’il décide d’aider une fillette surdouée à retrouver son père. Personnages attachants, intrigue haletante, rebondissements permanents, ce thriller ne laisse aucun répit et vous entraîne dans l’aventure sur grand écran.
LangueFrançais
Date de sortie6 janv. 2012
ISBN9782312007526
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    Aperçu du livre

    La traque blanche - Dominique Alba

    cover.jpg

    La traque blanche

    Dominique Alba

    La traque blanche

    LES ÉDITIONS DU NET

    70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux

    © Les Éditions du Net 2012

    ISBN : 978-2-312-00752-6

    1

    Henri Duval bailla pour la troisième fois en moins de sept minutes. Dehors la neige tombait drue et seules les bourrasques de vent interrompaient les lignes verticales et régulières des fl ocons.

    La dameuse progressait difficilement sur la pente Nord du Mont Vallon, l’une des nombreuses pistes de Méribel et ni les phares ni l’essuie glace ne permettaient à son conducteur d’avoir une visibilité supérieure à quelques mètres.

    Duval n’en avait cure. Il connaissait les pistes par cœur pour les avoir pratiquées depuis plus de dix ans.

    Son collègue Pierre Pasquier devait être à quatre cents mètres en contrebas, décalé sur la droite afin de couvrir le plus de piste possible.

    Henri Duval regarda le tableau de bord et la montre qui indiquait 3 h 34. Il travaillait depuis deux heures.

    La radio se mit à clignoter puis à crachoter :

    « 315 ici contrôle. Ca va Henri ? »

    « Contrôle de 315. R.A.S. Travail difficile et visibilité nulle. Le vent ne nous gène pas trop. N’hésites pas à nous amener des croissants et du café chaud si tu n’as rien à faire ».

    « J’y penserai. Terminé ».

    Au cœur de la station, Georges Sarron surveillait la progression de son parc de dameuses. Il n’aimait pas ce temps chargé. Ses conducteurs connaissaient parfaitement la station mais cela n’avait pas empêché l’un d’eux de verser dans un ravin il y a quelques années. Il consulta pour la deuxième fois la prévision météo. Le vent devait se calmer et les chutes de neige devenir éparses à partir de 5 heures du matin.

    Trente ans de vie en montagne lui chuchotaient que les prévisions de Météo France ne seraient pas tenues aujourd’hui et qu’au contraire le temps allait encore se dégrader.

    Il hésitait à appeler le directeur de l’exploitation pour proposer d’ajourner la nuit de travail et faire rentrer ses équipes. Puis il décida de se donner encore une heure de réfl exion.

    700 mètres plus haut Henri Duval continuait inlassablement à travailler la piste; Le moteur de la dameuse envahissait la cabine de son grondement sourd et rageur.

    Depuis quelques minutes Duval avait l’impression qu’un autre bruit s’ajoutait à celui de son moteur.

    Il regarda successivement tous les cadrans de son tableau de bord et demanda à l’ordinateur une vérification complète. La dameuse paraissait en parfait état.

    Le deuxième bruit sembla se répéter, devenir plus audible. Il semblait venir de l’extérieur. Une autre dameuse ?

    « 316 ici 315. Pierre tu m’entends ? »

    « Salut Henri ! Tu m’offres un café ? »

    « Où es tu ? »

    « A quelques mètres du pylône quatre. Il y a un problème ? »

    « Je croyais que tu étais près de moi. J’ai cru entendre quelque chose. Tu n’entends rien ? »

    « Comment veux tu que j’entende quelque chose avec tout ce boucan ! Déjà le moteur alors avec le vent en plus … »

    « Ouais ! OK désolé. »

    « Si tu entends des voix tu peux toujours aller à Lourdes, ils recrutent. »

    « Tu sais bien que je ne sais que piloter des dameuses. »

    « Dameuses ou chaises roulantes quelle différence. Certaines sont à moteur. »

    Henri commençait à rire quand il entendit et cette fois plus distinctement une sorte de râle.

    Ce n’était absolument pas un bruit habituel et encore moins en haut d’une montagne sous les bourrasques de neige. Il eut la tentation de rappeler Pierre mais la peur d’être ridicule pour la deuxième fois lui fi t renoncer à sa pulsion première.

    Il voulait en avoir le cœur net et coupa le moteur de son engin. L’impression de silence fut saisissante. Puis rapidement le bruit du vent en rafales occupa l’espace. Duval se demandait bien ce qu’il pouvait espérer voir ou entendre avec une météo pareille.

    Il tendit l’oreille. Pour la deuxième fois mais cette fois moins distinctement il eut l’impression d’entendre à nouveau ce bruit, non pas un râle mais plus une sorte de souffle saccadé, paradoxalement plus éloigné. Comme si le fait d’avoir coupé son moteur le rendait moins perceptible. Il se demanda si son imagination lui jouait des tours mais c’était bien la première fois qu’il entendait un bruit de la sorte dans la station.

    La neige tombait un peu moins à présent et la visibilité s’était légèrement améliorée. Duval y voyait maintenant à 20 mètres environ, mal mais il voyait.

    Il redémarra le moteur de la dameuse et repris son travail. Il avait beau essayer de se raisonner, son cœur battait la chamade : il avait peur. Il se surprit à jeter des coups d’œil à droite et à gauche, à regarder dans son rétroviseur.

    Il arrivait maintenant en haut de la combe. Il pouvait deviner le poste qui marquait l’arrivée des bennes, un peu plus loin sur la droite. De loin la bâtisse semblait floue, bougeant au gré des rafales de neige.

    Duval s’apprêtait à faire demi-tour pour attaquer la piste dans l’autre sens mais il n’arrivait pas à détacher son regard du poste d’arrivée des bennes. Le hangar semblait légèrement déformé, sur la droite. Comme si on avait rajouté quelque chose. Il arrêta la dameuse pour prendre les jumelles dans la boîte à gants.

    Au début, à cause du temps il eût un peu de mal à faire le point. L’absence totale de lune ne permettait pas de voir beaucoup mieux d’ailleurs et la dameuse n’était pas idéalement placée pour que ses phares éclairent la scène. Il lui sembla distinguer quand même une sorte de grosse boule, foncée. Chose étonnante la neige ne semblait pas y adhérer et c’est la différence de couleur qui attirait l’œil.

    La radio se mit à crachoter et le fit sursauter sur son siège :

    « 315 ici contrôle. Que se passe t –il Henri ? Cela fait 5 mn que tu ne bouges plus. »

    Chaque dameuse possédait un boîtier qui permettait au contrôle de la station, via un système GPS, de suivre ses allées et venues.

    « Contrôle ici 315. Non pas de problème. Désolé, j’ai renversé du café dans la cabine et je suis en train de nettoyer. Je repars, j’attaque la descente. »

    C’est pas le moment de délirer, pensa Duval. Ils vont me prendre pour un fou et penser que je ne supporte plus la solitude. Il termina son demi-tour et engagea la dameuse dans la descente

    Les phares de l’autre dameuse qui remontait la pente le ramenèrent à la réalité et le rassurèrent. Pour le coup il avait envie d’un café et prit la Thermos sur son siège.

    Il était déjà en retard sur le programme et entreprit donc de se servir tout en conduisant.

    Un choc sourd à l’arrière de la dameuse le fit bondir de son siège et la tasse lui échappa des mains. Le café lui brûla la cuisse le faisant hurler de douleur.

    Il bloqua la dameuse et se retourna pour voir ce qu’il se passait quand un deuxième choc, cette fois à l’avant le prit à nouveau par surprise.

    Il regarda cette fois à travers le pare brise. Il y avait quelque chose sur la dameuse et cette vision déclencha une vague de terreur qui le liquéfia. Il se mit à hurler lorsque le pare brise vola en éclat. Il eut à peine le temps de sentir une odeur putride, son visage se déchira et il s’évanouit au moment ou les premières gouttes de sang aspergeaient la cabine.

    2

    Le Lieutenant Marine Lansec de la gendarmerie nationale regardait le périmètre de la scène de l’accident avec désolation. Certes la zone avait été balisée mais les autres dameuses alertées par le PC opération étaient arrivées bien avant et tous les conducteurs s’étaient déjà approchés plusieurs fois laissant des centaines de traces sur la neige ainsi que sur la dameuse accidentée.

    Pour comble de malchance la neige continuait à tomber en abondance et le vent se chargeait d’effacer le reste.

    Marine se demandait aussi pourquoi la Gendarmerie nationale se plaisait à affecter une Bretonne dans un endroit aussi peu hospitalier et surtout aussi loin de la mer !

    Elle avait examiné l’intérieur de la dameuse. Il était couvert de sang mais on ne trouvait pas de trace de corps.

    Le pare brise avait explosé mais il semblait avoir explosé vers l’extérieur et non vers l’intérieur du véhicule. Comme si le conducteur lui-même s’était jeté au travers de son pare brise. Possible mais dans ce cas où était ce foutu corps et pourquoi l’intérieur était-il couvert de sang ?

    Marine se tourna vers le gendarme le plus proche :

    « J’ai demandé les chiens ! Où sont-ils ? »

    « Ils arrivent Lieutenant, 5 minutes pas plus »

    « Et la brigade scientifique que fait-elle ? Elle devrait être là depuis 1 heure ! »

    « Elle est apparemment bloquée sur la route, ils viennent d’Annecy avec une berline classique. On vient de leur envoyer un 4x4 »

    Marine remercia tandis qu’un groupe de conducteurs s’approchait.

    « On n’aime pas ça du tout Lieutenant, tout cela sent la merde jeta le premier d’entre eux

    « On devrait retrouver le corps d’Henri vu le sang qu’il a perdu il est forcément pas loin

    « Et avec ce temps seules les dameuses peuvent se déplacer fi t un troisième y’a forcément un loup. Enfin un problème je veux dire » comme si le mot loup donnait des frissons à tout le monde.

    Marine essaya son masque. Putain de temps, putain de région pensa t-elle et dire que je viens d’arriver depuis 6 mois à peine.

    « Messieurs je vous demande tout d’abord de rester maître de vos émotions. Vous êtes des conducteurs professionnels, aguerris et même si les circonstances sont exceptionnelles vous vous devez de vous contrôler. » Marine les regarda à tour de rôle dans les yeux et vit que son petit discours fonctionnait. Parle aux couilles des mecs, disait ma grand-mère, c’est là qu’ils ont les oreilles !

    « Nous attendons les chiens d’avalanche et aussi la brigade scientifique. De plus j’ai demandé que la zone soit patrouillée par un hélicoptère dès que la masse nuageuse le permettra.

    Quand à vous laisser faire une battue ce n’est pas acceptable. Nous avons déjà perdu un de vos amis ce n’est pas le moment de jouer vos vies. »

    Le premier conducteur la regarda :

    « Vous pensez qu’il y a toujours du danger et que nous risquons nos vies ! On dirait que vous en savez beaucoup plus que vous dites !! »

    « Je ne sais rien du tout et c’est justement pour cela que je ne veux pas prendre de risque. Donc les gars vous allez retourner sagement dans vos tondeuses et vous me laissez faire mon travail. Quand j’aurai besoin de savoir comment on dame une piste, je vous ferai signe » lâcha Marine en s’éloignant du groupe pour se rapprocher de l’équipe radio.

    « J’adore ce genre de nana » fit le premier conducteur « au moins dans un lit, je suis sûr qu’elle mène le bal !» Déclenchant le rire gras de toute la troupe.

    « Où sont mes chiens ? Tassaud ! Où sont mes chiens ? »

    « Ils arrivent Lieutenant, regardez, on voit les lumières de la dameuse qui les transporte »

    Marine plissa des yeux et aperçut en effet les contours fl ous des phares de l’engin.

    La porte s’ouvrit et trois chiens de montagne dont un berger allemand splendide s’ébrouèrent dans la neige.

    Les trois maîtres-chiens se portèrent au devant de Marine :

    « Nous devons retrouver le corps du conducteur de la dameuse. Logiquement vu la quantité de sang qu’il a perdu, il n’a pas pu faire plus de 100 mètres par ce temps et avec cette couche de neige meule. Vous rayonnez donc de la dameuse sur 100 mètres chacun prenant un tiers de la zone. OK ? » Marine s’assura que chacun avait compris puis d’un mouvement de tête lança la recherche.

    Elle se tourna à nouveau vers Tassaud :

    « Bon et la Scientifi que maintenant ??? »

    Tassaud parla à la radio. Marine n’entendit pas la réponse à cause du vent.

    « Ils sont à Moutiers ! »

    « Putain Moutiers ! » jura Marine « si ça continue il fera bientôt jour. »

    Les chiens s’étaient avancés vers la dameuse et portés par leurs maîtres avaient reniflé l’intérieur puis poussant des aboiements d’excitation commençaient à faire le tour de l’engin

    Apparemment la piste n’était pas facile à prendre car les trois chiens tournaient en rond depuis un moment. A 100 mètres de la dameuse toujours pas de trace, les maîtres-chiens faisant pourtant le maximum pour que les chiens gardent leur concentration.

    Marine décida de se porter à la limite des 100 mètres et interrogea le premier maître-chien :

    « Vous n’avez rien ? »

    « Non »

    « Peut-être que le corps a été projeté à plus de 100 mètres ? »

    « Faudrait un sacré impact et en plus l’avant de la dameuse n’a pas une égratignure »

    « Oui je sais. On ratisse quand même sur trois cents mètres. »

    « Ok c’est vous le patron »

    Le maître-chien fit signe à ses collègues de continuer. Mais il fallut se rendre à l’évidence : toujours rien.

    Marine était près d’eux.

    « Pas la peine de s’acharner. De toute façon, il n’a pas pu se déplacer seul de plus de trois cents mètres. Attendez moi ici je vais voir la Scientifique qui vient d’arriver »

    Les hommes de la gendarmerie scientifique commençaient à déballer le matériel.

    Leur chef, Jason Pollock, que tout le monde surnommait le British, à cause de son nom, émettait un sifflement admiratif et surpris en regardant l’intérieur de la cabine.

    « Bonjour Lieutenant cela fait plaisir de voir un visage charmant dans ce paysage austère »

    « Bonjour Jason, je ne sais pas comment vous pouvez voir mon visage sous cette capuche et derrière ce masque. »

    « Vous connaissez l’élégance britannique ma chère, je devrais dire la galanterie n’est-il pas ? »

    « Comme vous voulez Sherlock mais si vous me donniez une piste cela m’aiderait. Cela fait plusieurs heures que nous nous gelons à essayer de retrouver le corps d’un homme qui ne semble nulle part »

    « Vous voyez ma chère » dit Jason en montrant l’intérieur de la cabine » il y a là probablement les trois cinquième du sang de notre ami. »

    « Oui et alors ? »

    « Alors soit il est sorti tout seul et, dans ce cas, il n’aurait pas fait un mètre soit quelqu’un l’a sorti et dans ce cas cela m’étonnerait qu’il soit encore dans les parages »

    « Vous êtes en train de me dire que c’est un meurtre ? »

    « C’est un peu tôt pour l’affirmer. Disons que j’ai un doute »

    « Merci cela m’aide beaucoup »

    « De rien » répondit Jason sans paraître le moins du monde affecté par l’ironie de Marine. « De toute façon il va falloir transporter cette dameuse au labo pour effectuer tous les tests. Mais en attendant je vous suggère de laisser un petit cordon de sécurité et de faire rentrer votre équipe. »

    Marine opina et s’éloigna vers les autres conducteurs.

    « Messieurs on remballe, je vous demande simplement de ne pas passer près de la dameuse accidentée et d’être disponibles dans la station dès demain. Bonne nuit »

    Puis elle fit signe au reste de l’équipe de ranger le matériel. Les maîtres-chiens s’étaient rapprochés de la gare des télécabines pour s’abriter de la neige et du vent.

    Marine les rejoignit pour leur commander de rentrer aussi. Mais pendant qu’elle parlait, les chiens tournaient en rond en se collant contre leurs maîtres, la queue entre les jambes et tremblant de tous leurs membres.

    « Pour des chiens d’avalanche ils ne sont pas très résistants au froid vos artistes ! »

    Le premier maître-chien ne répondit pas tout de suite puis avec un timbre plus pâle que d’habitude murmura :

    « Ils n’ont pas froid Lieutenant, pas du tout, ils ont senti quelque chose qui les inquiète.

    Il regarda Marine dans les yeux et ajouta d’une voix d’outre tombe :

    « En fait ils sont morts de trouille. »

    3

    Après avoir ouvert les yeux Théo de Roncevaux se décida à regarder le réveil : 4H20

    Et merde se dit-il conscient que cette nuit comme toutes les autres depuis plusieurs mois ne serait pas une nuit noire mais plutôt blanche.

    Il repoussa les draps, sortit de sa chambre et se dirigea vers la cuisine. L’eau fraîche le détendit pendant quelques secondes puis la chape de plomb qu’il avait sur les épaules retomba aussitôt.

    Six mois. Cela faisait six mois qu’il se traînait la journée, qu’il restait les yeux grands ouverts la nuit.

    Six mois que Blanche l’avait quitté.

    Théo ne s’était pas vraiment intéressé aux affaires de ses parents, sa vie se partageant entre la maison de Corse et le chalet de Courchevel. C’était cependant un étudiant très brillant, bac à 16 ans, prépa HEC et la réussite du concours à la douzième place.

    Il était sur le point de terminer sa première année lorsque ses parents avaient disparu.

    L’avion était neuf, la météo excellente et le pilote chevronné. La thèse de l’accident fut cependant retenue sans que l’on comprenne réellement ce qui avait pu arriver.

    Théo renforça rapidement le comité de direction puis retourna comme si de rien n’était sur les bancs d’HEC

    L’histoire fit bien entendu la une de tous les magazines internationaux. C’est un journaliste américain, ayant fait ses études en France, qui surnomma Théo : Le Cid reprenant à son compte le célèbre vers de Corneille : la valeur n’attend point le nombre des années.

    Théo termina son cursus d’HEC puis enchaîna avec un MBA aux USA.

    La perte de ses parents et l’ombre qui planait autour de l’accident ne cessait cependant de le hanter.

    Compte tenu de son carnet d’adresses, il lui fut très facile de rencontrer le patron de la police criminelle de Paris.

    Les deux hommes n’avaient rien en commun mais ce jeune homme plein d’audace et de volonté, plut rapidement au vieux lion. Théo n’avait qu’une idée : que l’on ouvre à nouveau le dossier du crash et que l’on reprenne l’enquête à zéro.

    « Bien entendu Monsieur le Divisionnaire, les frais de cette réouverture seront entièrement à ma charge ! »

    Le Divisionnaire partit d’un tel fou rire que ses adjoints alertés par le bruit se pressèrent tous à la porte de son bureau. Voir le patron plié en quatre était un spectacle rare.

    « Monsieur de Roncevaux, nos bureaux ne sont certes pas luxueux mais sachez que nous travaillons avec des fonds publics et uniquement des fonds publics »

    « Oui bien sûr » bredouilla Théo devant la mine à la fois réjouie du Divisionnaire Antoine Quesnel et les airs ahuris de ses adjoints.

    Le Divisionnaire regarda sa montre :

    « Que quelqu’un aille me chercher le dossier Roncevaux et soyez assez aimable pour que ce jeune homme puisse le consulter »

    En quelques semaines Théo devint l’ami, le confident, le disciple des femmes et des hommes de la Crim.

    Il passait des heures à lire et relire le dossier, en vain.

    Il allait régulièrement retrouver Quesnel dans son bureau pour lui poser des questions ou lui soumettre une hypothèse, et à chaque fois, le Divisionnaire douchait ses espoirs.

    « Théo, l’enquête n’a rien donné et les équipes qui s’y sont collées sont de vrais pros. Je les connais bien. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien mais en l’état nous ne pouvons pas rouvrir le dossier. Il nous faut un élément nouveau et cet élément tu ne l’as pas.

    Nous n’avons même pas idée du mobile : personne n’a lancé de raid sur le groupe de tes parents, personne ne t’as proposé de racheter. Son cours de bourse continue à grimper et à priori tes parents avaient une vie très active mais sans histoire. Crois-en mon expérience. Saboter un avion, qui plus est un jet de plus de cinquante millions de dollars et ne pas laisser de traces est un travail de pros. Tu rentres dans la catégorie des services spéciaux des grands pays. Ton groupe est puissant et très rentable, mais il ne s’agit aucunement de produits stratégiques, militaires ou révolutionnaires. »

    Tout doucement Théo commença à se faire une raison.

    Le virus de l’enquête, de la traque était cependant maintenant en lui et il savait que l’équipe allait lui manquer douloureusement. Il venait de se trouver une nouvelle famille.

    Théo termina brillamment son MBA et passa, dans la foulée le concours d’entrée de l’école de police avec mention TB suivit de deux années à l’école supérieure de la police de Saint Cyr au Mont d’or, en alternant les études et les stages pratiques. Il passait aussi deux heures tous les soirs à travailler avec les équipes dirigeantes de son groupe, soit par téléphone, soit en les faisant venir à Lyon.

    Théo sortit de l’école en tant que major de promotion, assura son stage au 36 quai des orfèvres sous l’œil de plus en plus paternel d’Antoine Quesnel. Il devint commissaire à vingt quatre ans avec affectation immédiate à la Crim ce qui dans l’histoire de cette honorable maison fut vécu comme une révolution.

    Quesnel le nomma commissaire de liaison avec la brigade fi nancière, poste dans lequel le jeune homme fit merveille compte tenu de son parcours universitaire mais aussi de son carnet d’adresses impressionnant.

    Puis il fut affecté à la direction d’une des équipes de la Crim et obtint en quelques années des résultats qualifiés d’extraordinaires par Quesnel lui-même, pourtant très avare de compliments.

    Les méthodes de Théo n’étaient pas toujours très orthodoxes et provoquaient de temps en temps les piques de la presse voir des autres services.

    Quand la polémique enflait et que la presse assiégeait le 36, Quesnel envoyait Theo s’expliquer sachant pertinemment que le charisme du garçon, sa gueule d’ange et son élocution naturelle feraient merveille. Il ne se trompait pas.

    Six ans plus tard, Quesnel était sur le point de prendre sa retraite et bien que Théo n’ait pas neuf années révolues obligatoires pour passer Divisionnaire, il demanda que l’on nomme Théo Divisionnaire de la Crim. Le ministre de l’intérieur de l’époque, très redevable à Quesnel, mais aussi conscient que cette nomination ferait la une de tous les journaux accepta par dérogation exceptionnelle.

    Théo de Roncevaux devenait à 30 ans le plus jeune commissaire Divisionnaire de la criminelle et de toute l’histoire de la police. Le plus riche aussi possédant 65% d’un groupe dont le chiffre d’affaires dépassait les 20 milliards d’Euro et le profit plus de 1,5 milliard d’Euro ce qui laissait à Théo une centaine de millions d’Euro de dividendes chaque année !

    Après le départ de Blanche, le moral de Théo s’effondra. Il passait de la colère à l’apathie sans raison ce qui commençait à inquiéter son équipe mais aussi Quesnel. Mais la Crim avait un autre souci :

    Une fillette de 9 ans avait disparu, probablement enlevée près du Trocadéro. Tout le monde était sur les dents : c’était la troisième en deux mois et la police avait retrouvé les deux autres petites fi lles mais trop tard : elles avaient été violées et torturées avant de mourir. Le tueur ne laissait pas de trace sauf sa signature : un papillon joliment dessiné au fusain sur le mur.

    Le Cid travaillait jour et nuit sur cette affaire, comme s’il s’était agi de sa propre fi lle.

    Un matin vers 6 heures, pensant avoir localisé la cache du kidnappeur une équipe de choc de la brigade prit l’appartement d’assaut.

    Le ravisseur, un certain Philippe Névrier, dormait paisiblement sur son lit. Sur la porte de la chambre, il y avait la fillette... Elle était nue, clouée, comme crucifiée. Son pauvre corps portait des traces de torture.

    « Sortez-moi ce salopard fit Théo et appelez la police scientifi que, on ne touche à rien ».

    Le kidnapper se mit à rire :

    « Vous fatiguez pas les gars, jamais j’irai en prison, vos toubibs vont me déclarer malade et j’irai dans un hôpital pour cinglés où je pourrai me tirer toutes les salopes qui sont là-bas. Je n’en ai rien à foutre de vos gueules, vous me faites pas peur et toi le grand con tu peux te taper la gamine on voit bien que tu en crèves d’envie ».

    Théo regarda la pièce et le violeur. Tout devint noir et glacial.

    Théo rangea son Desert Eagle et sortit le couteau de combat qui était attaché sur sa jambe droite. La lame faisait bien 10 cm.

    Névrier le regardait toujours, mais son sourire avait disparu.

    « C’est quoi ce bordel putain! Tu veux quoi putain! Je veux voir mon avocat, j’y ai droit putain ! ».

    Les yeux du violeur s’agrandirent et il commença à pâlir. Théo avançait toujours et ses yeux noirs n’exprimaient rien sinon la violence et la mort.

    « Putain sortez-moi de là, vous n’avez pas le droit, je veux la police. » Les yeux plein de terreur, il se liquéfiait et commença à s’uriner dessus.

    L’adjoint de Théo lui mit la main sur l’épaule :

    « La Scientifi que va arriver. Laisse tomber. Ce type va aller en prison et tu sais ce que les autres prisonniers font à ce genre de détraqué sexuel »

    Le reste de l’équipe était tétanisé.

    Le bras de Théo retomba doucement le long de son corps.

    « J’ai besoin de vacances » lâcha-t-il dans un murmure.

    Il recula doucement et sortit de la pièce.

    4

    A six heures du matin Théo quitta son appartement. Il se dirigea lentement vers son café habituel et s’assit lourdement sur le tabouret. Le propriétaire le salua de la tête, sans un mot, et posa un petit crème et un croissant sur le zinc.

    Théo resta ainsi les yeux dans le vague, des images de Blanche plein la tête. Il ne comprenait pas. Qu’elle ait fait une crise parce qu’il ne s’occupait pas d’elle pourquoi pas, qu’elle soit partie en claquant la porte passe encore, qu’elle ait choisi de partir avec un danseur de Tango commençait à l’étonner carrément, mais qu’après six mois, elle ne soit pas revenue sans même d’ailleurs lui donner signe de vie le vexait considérablement.

    Bien sûr, il aurait pu lui arriver quelque chose mais Theo avait accès à toutes les bases de données des polices mondiales et il les épluchait à chaque fois qu’on parlait d’une femme.

    Il se décida à mordre dans son croissant mais sans appétit et le café était déjà froid. Comme à chaque fois. La lecture des journaux du matin l’occupa quelque temps, puis aussi doucement qu’il était venu, il retourna vers son appartement.

    En arrivant devant l’immeuble, il aperçut une petite fille assise sur les marches du perron, les bras autour des genoux, la tête baissée et qui grelottait de froid.

    Théo se pencha et la regarda de plus près. C’était une petite fi lle d’une douzaine d’années, les cheveux châtain clair, très mignonne.

    « Que fais-tu ici? Il fait froid ce matin, et tu n’es pas très bien habillée ».

    La petite fille ne bougea pas. Aucun de ses muscles ne tressaillait.

    «Que veux-tu? Est-ce que je peux t’aider ? »

    Théo finit par s’asseoir à côté d’elle et lui mit doucement la main sur l’épaule. La petite fille tourna lentement la tête et planta son regard vert dans les yeux du policier.

    Le Cid resta sans voix, touché par la grâce de la fillette mais surtout par ce regard qui lui rappela tellement celui de Blanche.

    La fillette lui sourit un peu, comme pour s’excuser :

    « Je cherche la police »

    « La police? » répondit étonné Théo, « et pourquoi faire ? Tu as perdu quelqu’un ? »

    « Non mais mon Papa est mort et personne ne veut me croire. » « Croire que ton Papa est mort ? » s’étonna à nouveau Théo.

    « Non ! Croire qu’il a été tué! » dit-elle avec force.

    «Tué ? Tu veux dire que quelqu’un l’a tué ? Et d’abord comment le sais-tu ? »

    « Ils disent que mon papa est mort dans un accident de voiture et Papa n’aurait jamais eu d’accident de voiture ! »

    « Ah! Et pourquoi donc ? Il y a plein de gens qui ont des accidents et pleins qui meurent » répondit Théo d’une voix très douce.

    « Oui mais pas mon Papa, il conduisait trop bien tout le monde le disait. »

    «Je suis sûr qu’il conduisait très bien, mais même les meilleurs conducteurs peuvent avoir un accident. Et puis, ce n’est peut-être pas de sa faute mais celle d’une autre personne qui aura fait une erreur. »

    « Ben moi, je suis sûre et de toute façon tu es comme les autres, tu réponds exactement la même chose, tu ne me crois pas, mais tu ne veux même pas vérifier » dit-elle en se levant brusquement.

    Théo la rattrapa par le bras.

    « Attends, calme toi. Il fait trop froid de toute façon pour en parler ici ».

    « Moi, je n’ai pas froid ! » lui lança la petite fille d’un regard provocateur.

    « Toi peut-être, mais moi je ne suis pas aussi costaud que toi et je commence à grelotter » répondit Théo en souriant. « J’habite dans cet immeuble, je te propose de venir chez moi, on prend tous les deux un chocolat chaud et j’accepte que tu me racontes tout. D’accord? ».

    « Papa m’a toujours dit de ne jamais suivre un inconnu ».

    « Ton Papa a complètement raison. Écoute, nous allons aller voir tous les deux la gardienne de l’immeuble qui me connaît très bien et ensuite tu décideras toute seule. Qu’en penses-tu? ».

    La fi llette planta son regard vert dans les yeux de Théo et après un instant de réfl exion fit oui de la tête.

    Théo se leva, tendit la main à la jeune fille et l’aida à se lever. Il s’arrêta ensuite devant la loge et frappa quelques coups au carreau de la vitre qui couvrait une bonne partie de la porte.

    Sylviane Rochet n’était pas du genre à s’étonner de quoi que ce soit. En tant que gardienne d’immeuble depuis 20 ans, elle avait vu passer du monde et dans ce quartier chic les bourgeois avec leurs lubies, leurs modes, leurs egos surdimensionnés, elle connaissait.

    Mais lorsque qu’elle vit le commissaire Théo tenant par la main une petite fi lle frigorifiée devant sa porte, et qui plus est, à 7 heures du matin, elle se demanda quand même si elle ne rêvait pas.

    « Bonjour, Sylviane. Excusez-moi de vous déranger de si bonne heure mais j’ai besoin que vous confirmiez ma moralité » fi t Théo avec un petit sourire en montrant de la tête la jeune fille. « Cette demoiselle ici présente, et que je viens de trouver devant le perron de l’immeuble, se demande si je suis un garçon sérieux et si je peux lui offrir un chocolat chaud ».

    « Bonjour, Monsieur Théo. J’espère que vous ne me sortez pas du lit pour me faire une blague ? Parce que moi je n’ai toujours pas pris mon café » dit-elle d’un air courroucé, fronçant les sourcils en regardant la jeune fille dans les yeux.

    Cette dernière n’avait pas l’air très impressionnée pour autant :

    « Papa m’a toujours dit que je ne devais jamais suivre un inconnu. Mais, d’un autre côté c’est vrai qu’il fait froid dehors et en réfl échissant je prendrais bien un chocolat chaud ».

    La gardienne esquissa un sourire devant cette petite fille qui s’exprimait comme une jeune femme :

    « Je connais bien ce monsieur, mais je ne te recommande pas de le suivre, surtout après ce que tu m’as dit ! ».

    « Et pourquoi ? » répondit la jeune fille en lâchant brusquement la main du commissaire.

    « Parce que je pense qu’il est incapable de te faire un très bon chocolat chaud ! » s’exclama-t-elle le plus sérieusement possible. « Je me demande même s’il sait faire chauffer de l’eau ! Mais je vais te dire ce que nous allons faire ».

    La jeune fille pencha la tête et regarda alternativement la gardienne et Théo qui restaient tous deux de marbre.

    « Et qu’allons-nous faire Madame ? » demanda-t-elle le plus sérieusement du monde.

    « Je vais monter avec vous pour vous faire le meilleur chocolat chaud du monde et j’en profiterai pour nous faire aussi un bon café » répondit-t-elle en clignant de l’œil.

    La jeune fille se détendit aussitôt et regarda Théo et Sylviane avec un sourire soulagé.

    « Vous avez un bel appartement, Monsieur » fit la jeune fille en découvrant l’immense salon de Théo 

    « Je te remercie. Mais, je réalise que nous ne connaissons même pas ton nom. Je te rappelle que je m’appelle Théo et je serai content que tu puisses m’appeler par mon prénom car Monsieur cela fait quand même très protocolaire. Madame Rochet ici présente se prénomme Sylviane et je suis sûr aussi qu’elle préférera que tu l’appelles comme cela ».

    « Je suis d’accord » répondit la jeune fille toujours aussi calmement. Moi, je m’appelle Victoria.

    Victoria Suchet » et elle tendit la main successivement à Sylviane et à Théo. « Je suis enchantée de faire votre connaissance ! »

    Victoria terminait son chocolat chaud, assise sur le bord d’un des fauteuils. Théo la regardait comme s’il voyait une jeune fille pour la première fois. Il tournait sa cuillère dans son café depuis cinq minutes. Sylviane passait de Victoria à Théo en se disant que décidemment la vie réservait bien des surprises et que ces deux-là avaient l’air de venir de la planète Jupiter.

    « C’était un très bon chocolat chaud. » remercia Victoria en regardant Sylviane.

    « Je t’en prie. Tu en veux encore ? ».

    « Non, c’est parfait comme cela et j’ai déjà trop abusé de votre gentillesse ».

    Sylviane se tourna vers Théo, un sourire aux lèvres, étonnée de voir cette gamine se comporter comme une dame du monde.

    « Et si tu nous racontais ton histoire maintenant ? » demanda Théo.

    Victoria posa sa tasse, croisa les jambes et mit ses deux mains sur ses genoux.

    « Papa travaille pour une grosse société. Il est ingénieur et faisait de la recherche. Je n’ai jamais vraiment compris ce qu’il faisait réellement mais cela avait l’air très compliqué. Depuis plusieurs semaines, il rentrait tard et était un peu fatigué, quelquefois énervé. Pas avec moi, mais je voyais bien qu’il faisait des efforts ».

    « Et ta maman ? » demanda Sylviane

    « Je n’ai pas connu ma maman. C’est Papa qui m’a élevée tout seul et depuis qu’il n’est plus là je suis dans un foyer pour orphelins » répondit Victoria. Elle regardait Sylviane dans les yeux et pas un muscle de son visage ne trahissait son désarroi. Seuls ses yeux s’embuaient, mais elle ne voulait absolument pas montrer sa douleur.

    Théo fit comme s’il n’avait rien remarqué et enchaîna :

    « Ton papa travaillait loin de chez toi ? Où habitiez-vous ?

    « Nous habitons Suresnes. Papa travaillait à la Défense. C’était pas trop loin »

    « Où a eu lieu l’accident ?

    « Je ne sais pas exactement mais près de Nevers. Papa voyageait souvent depuis quelque temps pour des rendez-vous de travail. Il allait à Grenoble. Il restait souvent une nuit là-bas et revenait ensuite. »

    « Il partait en voiture depuis Paris ? » s’étonna Théo.

    « Non, il partait en train et je crois qu’il avait une voiture là-bas ».

    « Tu veux dire qu’il louait une voiture ? »

    « Je ne sais pas. Peut-être qu’on lui en prêtait une »

    « Nevers n’est pas précisément la route pour aller à Grenoble » fi t doucement Théo puis plus fort :

    « Que s’est-il passé ? »

    « Un soir la police est venue à la maison. Je venais de rentrer à l’école. Ils ont demandé à parler à Maman, mais comme il n’y avait pas de Maman, ils m’ont dit que mon Papa venait d’avoir un accident et qu’il fallait que je sois très courageuse » répondit Victoria. Elle leva la tête regarda Théo et se mit à pleurer tout doucement en se tenant la tête.

    « Cette petite n’a pas dormi, elle a eu froid. Il faut la laisser se reposer, Monsieur Théo ! » s’exclama Sylviane en prenant la jeune fi lle dans ses bras.

    « Viens avec moi, je vais te faire couler un bain chaud et ensuite tu te coucheras et tu nous raconteras la suite un peu plus tard ».

    Elle accompagna Victoria dans la salle de bain en lançant un regard en biais à Théo qui voulait dire : « C’est comme cela, je m’occupe de cette petite ». 

    « Une dernière question Victoria » demanda quand même Théo. « Dans quel foyer es-tu ? »

    « Sainte Madeleine à Nanterre »

    Théo alla récupérer son téléphone dans sa chambre à coucher et demanda les coordonnées du foyer aux renseignements téléphoniques.

    « Foyer Sainte Madeleine » répondit une voix d’homme.

    « Bonjour, je suis le commissaire Divisionnaire Théo de Roncevaux. Je souhaiterais parler au directeur de votre établissement ».

    « C’est une directrice. Madame Verlaine. Mais elle n’arrive qu’à 9 heures ».

    « Qui la remplace en ce moment ? »

    « Le surveillant général, Monsieur Durieux ».

    « Passez-le-moi s’il vous plaît »

    « Oui, ne quittez pas. Je vous le transfère »

    « Un surveillant général dans un foyer pour orphelins ! Ça sent bon la prison cet endroit. Pauvres gosses ! ».

    « Allo, ici Durieux ».

    La voix était sûre d’elle, sèche et autoritaire. Un vrai surveillant général, pensa Théo sans sourire.

    « Je suis le commissaire Divisionnaire Théo de Roncevaux. Je voudrais savoir si vous avez bien une pensionnaire du nom de Victoria Suchet ».

    « Vous l’avez retrouvée ? » demanda avec angoisse Durieux. « Elle a disparu cette nuit et nous nous en sommes aperçus à l’appel de ce matin vers 7 heures. J’ai tout de suite prévenu la police ».

    « Oui je l’ai retrouvée. Elle était devant mon immeuble. Elle va bien. Pour l’instant elle dort » ajouta Théo. Vous avez le numéro du commissariat que vous avez appelé ?

    « Celui de Nanterre » répondit Durieux en lui communiquant le numéro.

    « Très bien je vais les appeler. Je vous donne mon numéro si vous souhaitez me joindre et je vous tiens au courant. »

    Théo raccrocha et composa le numéro du commissariat de Nanterre. Il connaissait très bien le commissaire pour avoir travaillé avec lui sur le meurtre d’une petite frappe locale.

    « Je voudrais parler au commissaire Laval » fit Théo dès qu’il eut le commissariat en ligne.

    « Qui le demande ? »

    « C’est personnel. Je suis un ami. »

    « Laval j’écoute. »

    « Toujours aussi bourru au téléphone mon cher Francis »

    Laval hésita quelques secondes :

    « Théo ? C’est toi ? »

    « Très bonne oreille en plus. Comment vas-tu ? Toujours à traquer des gangs ? »

    « Ça alors ! Cela fait vraiment plaisir de t’entendre. Le moins que l’on puisse dire est que tu t’es fait discret ces derniers temps. Tu as repris du service ? »

    « Non, pas vraiment. Je viens juste de récupérer une gamine qui traînait devant mon immeuble. Elle s’appelle Victoria Suchet et tu as dû lancer un appel à son sujet. Je t’informe juste qu’elle est chez moi et que pour l’instant elle dort. Donc ne te fatigue pas sur ce coup, c’est déjà réglé. »

    « Génial. On a eu l’info ce matin du foyer. Je suis content qu’elle soit chez toi. Je déteste ces histoires de gosses qu’on enlève. Ça me fout des frissons. »

    « Je sais » fit Théo d’une voix fatiguée et l’image de la petite fi lle clouée dans le placard s’afficha devant ses yeux.

    « Euh, oui excuse-moi Théo, je ne voulais pas revenir là-dessus, c’est juste que... »

    « Ne t’excuse pas » Francis coupa Théo. « Personne n’aime les histoires qui concernent les gamins. Pour cette fois, on a de la chance.

    Tant mieux. Annule juste la recherche. Tu as mon numéro. Je la laisse se reposer et ensuite je te rappelle si je la ramène au foyer ».

    « Ok pas de problème et si tu passes par Nanterre, viens quand même me voir » supplia Laval.

    « Promis » Théo raccrocha puis retourna dans son salon.

    Sylviane était dans la cuisine et finissait de ranger les tasses.

    « Elle dort comme un ange. Étonnante cette gamine. Je l’aime bien. Qu’allez-vous faire ? »

    « Je devrais la ramener au foyer » répondit Théo d’une voix peu convaincante.

    « Déjà ! Si vous ne voulez pas la garder, moi je la garde chez moi » s’exclama Sylviane avec un ton de reproche dans la voix.

    « Ce n’est pas une question de vouloir Sylviane, c’est juste que c’est la loi »

    « La loi ! La loi ! Elle a bon dos la loi. Et d’abord la loi c’est vous. À quoi cela sert d’être commissaire, Divisionnaire en plus, si vous ne pouvez rien faire ! »

    « Ce n’est pas la police qui décide mais le juge et seulement le juge ».

    « Et bien appelez le ce juge. On ne peut pas la renvoyer comme cela. Et puis vous avez promis d’écouter son histoire ! »

    « Je ne suis pas sûr qu’avec mon dossier un quelconque juge me laisse héberger une gamine de 12 ans sous mon toit » répondit Théo avec amertume.

    « Vous auriez dû le tuer cet animal. Vous avez été beaucoup trop sympa avec lui. Mais on voit bien que les gamins ne risquent rien avec vous, c’est tout le contraire. De toute façon, si vous n’appelez pas le juge c’est moi qui vais m’en charger ! Et si cela ne suffit pas, j’appelle les journaux ! » s’écria Sylviane.

    « Vous allez la réveiller si vous parlez si fort. »

    « Ah oui ! Excusez-moi » chuchota Sylviane. « Mais je ne quitte pas cet appartement tant que vous n’avez pas réglé cette affaire » ajouta-telle d’un air buté.

    « Sylviane vous savez que Staline est mort depuis quelque temps déjà » répondit Théo avec un sourire en coin. « Et donc que la dictature du prolétariat est passée de mode. »

    « Faites le malin Théo. Vous avez de la chance que je vous connaisse aussi bien. Maintenant on arrête de rigoler. Vous me promettez que vous essayez de la garder quelques jours. Au moins qu’on y voit clair. »

    « Je vous aime bien comme patron Madame Rochet. À vos ordres Madame Rochet. Ok je vous promets que je vais faire le max et maintenant débarrassez le plancher. »

    « Oui, mais vous m’appelez quand elle se réveille » supplia Sylviane.

    « Evidemment. De toute façon, comment voulez-vous que je me débrouille sans vous » répondit Théo avec un large sourire.

    5

    Victoria dormait dans la chambre d’ami et Sylviane était redescendue pour faire des courses.

    Théo réfléchissait. Il ne croyait pas à la version de Victoria, mais quelque chose dans sa voix, son attitude lui disait qu’elle n’était pas le genre de petite fille à raconter n’importe quoi.

    Il décrocha son téléphone et appela la Crim.

    « Jean-Luc, c’est Théo, j’ai besoin que tu vérifies un dossier pour moi. Un accident de voiture, conducteur Suchet. Non je ne connais pas le prénom. Ni l’endroit. Ni la date ajouta-t-il en souriant en l’entendant râler. Fais marcher ta machine infernale. »

    À l’autre bout du téléphone Jean-Luc rentrait les données dans l’ordinateur.

    « J’ai un Suchet. Victor Suchet, accident de voiture à 10 km de Nevers. Il y a 4 semaines. C’est la gendarmerie de Nevers qui a traité le dossier. »

    « Tu peux me passer une copie du dossier par mail ? »

    « Il n’y a pas de copie. Comprends pas »

    « File moi le téléphone de la gendarmerie. Tu as le nom du mec qui a traité le dossier ? »

    « Non rien du tout ! »

    Théo raccrocha. Ces foutus gendarmes n’étaient pas capables de faire un dossier correctement. Juste bon à mettre des radars sur les routes.

    La gendarmerie décrocha au bout de la deuxième sonnerie et Théo se présenta en demandant à parler au gendarme le plus gradé.

    « Bonjour, Commissaire je suis le capitaine Roncin »

    « Bonjour, Capitaine, Théo de Roncevaux, commissaire Divisionnaire à la Crim . Je cherche des renseignements sur un accident de voiture dont le dossier a été géré par vos services. Le nom du conducteur est Victor Suchet »

    « Donnez-moi une minute »

    Théo entendait les mains du gendarme s’activer sur le clavier de l’ordinateur.

    « J’ai bien un dossier au nom de Suchet. Accident il y a quatre semaines environ »

    « Vous pouvez m’envoyer le constat ? Le conducteur est décédé n’est-ce pas ? »

    Au bout de la ligne il y eut un silence, puis il sembla à Théo que le gendarme cherchait encore dans l’ordinateur.

    « Il y a un petit problème » fi t-il finalement. « Je ne trouve pas la copie électronique du dossier »

    « Vous avez bien une copie papier archivée quelque part non ? »

    « Oui bien sûr. C’est important ? Parce que cela va prendre un peu de temps »

    « Oui c’est important. Si vous pouviez envoyer quelqu’un la chercher maintenant vous me rendriez un fi er service »

    « Je vous rappelle dans 30 mn » il raccrocha.

    Théo se dirigea vers la cuisine et alluma sa machine expresso. Puis il retourna dans la chambre d’ami. Victoria dormait toujours à poings fermés. Il resta un petit moment à la regarder, s’assit et ferma les yeux.

    Le bip-bip du téléphone le tira de sa rêverie.

    « Roncin. J’ai une mauvaise nouvelle. On ne trouve pas trace du dossier papier non plus ».

    « Je croyais que c’était une procédure automatique ! »

    « Ça l’est !» répondit embarrassé la capitaine de gendarmerie. « Pour être franc avec vous je ne comprends pas. C’est la première fois »

    « Qui est le gendarme qui a fait le constat ? »

    « L’adjudant Casanera »

    « Vous pouvez me le passer ? »

    « Ça va être difficile commissaire, je le crains. » Roncin paraissait de plus en plus ennuyé.

    « Pourquoi ? »

    « Il est mort, il y a trois semaines. Un malheureux accident de chasse. »

    6

    L’ambiance de la salle polyvalente de la Mairie de Méribel n’était pas vraiment à la fête. Autour du Maire qui présidait, se tenaient son adjoint, le directeur de la station, un conducteur de dameuse et Marine Lansec.

    « Il est très clair que la gendarmerie n’a aucune piste sérieuse

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