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Du sang sur le Quai: Les trois Brestoises: Tome 8
Du sang sur le Quai: Les trois Brestoises: Tome 8
Du sang sur le Quai: Les trois Brestoises: Tome 8
Livre électronique311 pages4 heures

Du sang sur le Quai: Les trois Brestoises: Tome 8

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À propos de ce livre électronique

Il ne fait pas bon vivre en ce moment pour les gagnants du Prix du Quai des Orfèvres...


Penmarc’h, salon du Goéland Masqué, un auteur de romans policiers est retrouvé sauvagement assassiné. Des faits similaires se reproduisent durant le salon du Chien Jaune à Concarneau. Un point commun entre les victimes : toutes deux ont obtenu le fameux Prix du Quai des Orfèvres.
Du Finistère à la Russie - et ses services secrets - en passant par Paris et le Berry, de courses-poursuites en fausses pistes, Léanne et son équipe vont devoir s’immerger dans le milieu de l’édition pour mettre hors d’état de nuire un tueur en série. Un voyage dans la folie d’un assassin peu ordinaire qui a décidé de se mesurer à la commandant de police.


Encore une enquête des plus palpitantes de la part de Pierre Pouchairet, Prix du Quai des Orfèvres avec son titre Mortels trafics !

CE QUE LA CRITQUE EN PENSE

"J'aime bien l'angle pris par le romancier pour nous faire vivre l'enquête." YvPol, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR


Pierre Pouchairet s’est passionné pour son métier de flic ! Passé par les services de Police judiciaire de Versailles, Nice, Lyon et Grenoble, il a aussi baroudé pour son travail dans des pays comme l’Afghanistan, la Turquie, le Liban…
Ayant fait valoir ses droits à la retraite en 2012, il s’est lancé avec succès dans l’écriture. Ses titres ont en effet été salués par la critique et récompensés, entre autres, par le Prix du Quai des Orfèvres 2017 (Mortels Trafics) et le Prix Polar Michel Lebrun 2017 (La Prophétie de Langley). En 2018, il a été finaliste du Prix Landerneau avec Tuez les tous… mais pas ici.

LangueFrançais
ÉditeurPalémon
Date de sortie26 nov. 2021
ISBN9782372606950
Du sang sur le Quai: Les trois Brestoises: Tome 8

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    Aperçu du livre

    Du sang sur le Quai - Pierre Pouchairet

    Chapitre 1

    Un léger crachin balaye le Ménez Hom, le vent tourne régulièrement comme s’il n’arrivait pas à se décider sur une direction à prendre… Un temps pourri pour le parapente, tant pis. Claude Schuller ne compte pas laisser la météo lui dicter sa loi. Il refuse d’entendre les petites voix qui ne cessent de lui crier que c’est une connerie absolue de vouloir voler aujourd’hui. Même la visibilité est mauvaise. Têtu comme peut l’être un Alsacien, il s’en moque. Il a décidé qu’il le ferait, il va le faire. Il n’y a pourtant personne d’autre que lui sur le site. Tous les Bretons qu’il a rencontrés hier se disaient des passionnés, il leur suffit de pas grand-chose pour les faire renoncer. Ce n’est pas son cas. Au Grand Ballon, il en a vu d’autres. Lui, il a volé un peu partout en France et dans des conditions bien pires.

    Avec le vol libre, qu’il pratique depuis qu’il a pris sa retraite de France Télécom, il s’est découvert une nouvelle folie. Son aile ne le quitte plus.

    Comme il le fait à chaque fois qu’il visite une région, il veut la voir d’en haut. Il prendra peut-être quelques photos… Même si la météo est loin d’être idéale.

    Le sexagénaire laisse sa voiture sur le parking désert, et d’un pas résolu, sac sur le dos, s’en va vers l’aire d’envol.

    S’il se pose plus bas, il trouvera un véhicule pour le ramener. Ce n’est qu’une éventualité, il compte revenir au point de décollage. Il suffit de maîtriser les courants ascendants. Un regard vers le ciel le fait hésiter. Avec ce crachin, ce n’est pas gagné…

    Un rayon de soleil transperce les nuages, la pluie s’arrête un instant. Bon signe, ça va s’arranger. Ceux qui disent qu’en Bretagne on a plusieurs temps en une même journée ont raison. Une fois son but rejoint, il ouvre son sac et déroule la voile sur le sol en préparant soigneusement les cordages qu’il fixe à la sellette. Il y est presque, casque, gants, il se harnache. Un regard sur la manche à air, elle a déjà tourné deux fois. Cette inconstance n’annonce rien de bon. Il reste positif. Là où certains y verraient un mauvais signe, lui pense qu’il faut juste s’armer de patience pour attendre le moment propice. Et il y est, une traction des bras arrache la voile du sol. Elle se gonfle. Il se penche en avant et tire vigoureusement tout en fonçant dans la pente ; quelques pas suffisent pour que l’aile se positionne au-dessus de sa tête. Encore un peu et ses pieds ne touchent plus terre, il se cale sur la sellette… C’est parti.

    Une bourrasque le propulse en hauteur. Claude sent ses fesses s’écraser sur la planchette qui fait office de siège, il grimpe, et vite, un véritable ascenseur. En une poignée de secondes, le voilà à une centaine de mètres au-dessus de l’aire de décollage. Un sourire ravi s’affiche sur le visage du pilote. Encore quelques coups comme celui-ci et il n’aura besoin de personne pour le ramener. Il jette un œil sur l’altimètre, il ne perd presque rien. Il hésite pour la suite. Son aile a une finesse de 10, c’est-à-dire qu’à une altitude de cinq cents mètres par rapport à la mer, il peut parcourir dix fois cette distance au sol, soit cinq kilomètres. Il pourrait décider d’une balade et se poser n’importe où, même si cela est déconseillé, voire interdit, mais ça changerait ses plans. Il prend le temps d’admirer le paysage. Malgré la brume, la visibilité s’étend au loin, de la rade de Brest à la pointe Saint-Mathieu, et plus près il pourrait plonger vers le pont de Térénez, l’embouchure de l’Aulne et Landévennec, avec son cimetière de bateaux. Il distingue l’Albatros qui attend toujours que des ferrailleurs l’exécutent¹. Il se penche sur la droite et l’aile vire doucement pour lui offrir un panorama plus terrestre. Il a lu que l’on pouvait voir le Mont-Saint-Michel de Brasparts, un autre sommet breton de 381 mètres ; ce dernier est caché dans les nuages, tout est bouché. Il est secoué par un nouveau coup de vent. L’ensoleillement a été de courte durée. Il lève les yeux et s’aperçoit que la trouée qui laissait passer quelques rayons a été remplacée par un ciel opaque dont la couleur change, allant du gris à un bleu tirant sur le noir. Inquiétant. Un éclair déchire la masse orageuse. Le sourire qu’affichait Claude a disparu pour laisser place à l’angoisse. Un cumulonimbus s’est formé, le pilote sait qu’il s’agit du nuage le plus dangereux. Si ces masses d’air sont capables de détruire un avion de ligne, elles sont sans pitié pour les parapentistes qu’elles prennent dans leurs griffes. Claude regrette déjà amèrement son imprudence. Fini la promenade, il faut fuir, et sans tarder. Il a pris beaucoup d’altitude et s’est éloigné de son point de décollage. Il cherche à descendre, mais l’altimètre ne bouge pas. Il doit pourtant y arriver. Il se penche à droite, baisse le frein du même côté et tente une descente rapide en vrille pour échapper au prédateur. Ça vire, il est collé sur la sellette par la force centrifuge, comme s’il était sur un manège balançoire tournant à grande vitesse. Il en attraperait le vertige, d’autant qu’il va de plus en plus vite. Il a été trop brusque et a laissé faire trop longtemps. Impossible de sortir de cette manœuvre, c’est une toupie qui dégringole du ciel. Il chute sans plus rien maîtriser. Il comprend qu’il va s’écraser, voit le sol se rapprocher. C’est le trou noir.

    Quand Claude reprend connaissance, il ne sait pas depuis combien de temps il gît le nez dans la boue. Il est trempé, il a froid. Il est emmêlé dans les suspentes de son aile, devenue un chiffon rempli d’eau et de terre. Il ouvre les yeux, sa première pensée est qu’il est sauf. Il bouge un à un ses membres et constate avec satisfaction que tout semble fonctionner. Plus de peur que de mal. Il s’assied sur les fesses, revit sa chute, regarde autour de lui. Il est perdu dans la lande, aucune idée du lieu. La Bretagne n’est pas un désert, il doit bien y avoir une route à proximité. Il fouille dans une poche à la recherche de son portable. Tout cela pour s’apercevoir que l’appareil est tombé à quelques mètres de lui, dans une flaque d’eau. L’iPhone n’a pas supporté le traitement. Agaçant, mais il ne va pas se plaindre, il a déjà de la chance d’être encore en vie, alors le téléphone, c’est juste une péripétie sans grande importance. Le parapentiste se met debout et s’attaque au rangement rapide de son matériel. Physiquement, même si rien n’est cassé, il a tout de même l’impression d’avoir séjourné dans un tambour de machine à laver. Tout son corps n’est que douleur, il peine à respirer, il a quelques ecchymoses apparentes, certainement une entorse à une cheville, et il pense s’être ouvert une arcade sourcilière. Ça saigne abondamment, mais il imagine que ce n’est pas trop grave. Tout son barda récupéré, il se met en route et marche un moment jusqu’à ce qu’il aperçoive un bâtiment en pierre, une sorte de longère, un abri de berger, quelque chose qui ressemble à une habitation. Ce qui le rassérène est de constater qu’il y a de la lumière. Il va trouver de l’aide. Il en a bien besoin, cette marche est un calvaire. Le bonheur d’être de ce monde a quasi disparu pour faire place au désespoir. Il a envie de pleurer et de crier. Heureusement que son chemin de croix est bientôt terminé. Il va falloir qu’il aille dans un hôpital ou qu’il fasse appel aux services d’urgence. Il voit un mouvement dans la maison, elle est habitée. Dans le même temps, il se demande qui peut vivre ici, dans cet endroit retiré, éloigné de tout. Pas de voiture, pas étonnant, vu qu’il n’y a pas de route ; il semble que l’on atteigne la demeure par un sentier étroit qui se dessine entre les herbes hautes et les fougères. Il n’est peut-être pas encore au bout de ses peines. Il jette un œil par une fenêtre, un type est en train de cuisiner. Une assiette et des couverts sont posés à l’extrémité d’une longue table de ferme, dont la plus grande partie est occupée par un ordinateur portable, des feuilles imprimées et des livres de poche. Il reconnaît le bandeau rouge caractéristique d’un roman que son oncle achète chaque année. En apercevant une affiche murale mentionnant que « Le prix du Quai des Orfèvres est le Goncourt du roman policier », il se souvient qu’il s’agit de cette collection. Il frappe aux carreaux et voit l’occupant sursauter avant de se retourner. Le visage est celui d’un quadragénaire, cheveux châtain clair, l’œil vif, une barbe de pâtre grec. S’il n’y avait pas ces romans, Claude penserait qu’il va avoir affaire à un écolo baba cool qui a décidé de vivre la grande aventure en pleine nature. Habituellement, il se moque de ce genre de types, aujourd’hui, il va se garder de la moindre réflexion. Il s’avance en clopinant vers la porte en bois. Elle s’ouvre avant qu’il ne frappe.

    — Qu’est-ce que vous voulez ?

    Le ton de son sauveur est loin d’être accueillant et l’expression du visage confirme cette impression. Claude fait comme s’il ne s’en rendait pas compte. Il arbore ce qu’il estime être un sourire correspondant à la voix plaintive qu’il prend pour conter sa mésaventure et formuler sa demande d’assistance. L’attitude du propriétaire des lieux ne change pas. Il est planté comme un piquet devant sa porte. Bordel, avec le sang qui coule et ses vêtements couverts de boue, on le voit pourtant qu’il est mal en point et qu’il a besoin d’aide ! L’homme finit par lâcher :

    — Vous n’avez prévenu personne ?

    Le parapentiste secoue faiblement la tête.

    — Non, personne ne sait que je suis allé voler ce matin et on ne m’attend pas. Il n’y a bien que vous qui puissiez m’aider, mon téléphone s’est fracassé dans la chute. Vous avez un moyen d’appeler des secours ? J’ai besoin de soins…

    Toujours pas de réaction. Claude s’impatiente, hésite à râler et à s’en prendre à cet enfoiré. Le découragement le submerge, des larmes lui viennent. Il peine à conserver son calme, il a envie de hurler. Du sang lui coule dans les yeux, il se mélange à la pluie et aux larmes. La rage au ventre, les traits tordus, le cri qu’il veut pousser se transforme en un filet de voix presque inaudible :

    — Je vous en supplie, aidez-moi.

    Les regards s’affrontent. Claude perçoit un semblant de sourire et une petite lumière briller dans les yeux noirs. L’homme finit par s’écarter et libérer le passage.

    — Entrez.


    1. Voir La cage de l’Albatros, même auteur, même collection.

    Chapitre 2

    Fin mai, c’est un week-end pluvieux qui s’annonce. Léanne et ses deux copines avaient prévu une longue promenade avec un pique-nique, c’est raté. Elles en sont à se demander comment passer la journée quand Élodie fait une proposition.

    — Il y a le salon du polar de Penmarc’h, « Le Goéland masqué ». On pourrait y aller. Habituellement, je ne le manque pas, et nous sommes toutes fans de thrillers.

    Vanessa n’est pas emballée, ou si elle l’est, elle le cache bien.

    — J’adore les romans, mais je doute que cela passionne Hugo. À deux ans, il n’a pas encore l’âge de lire.

    Léanne jette un œil vers Nasrat, l’ado est avec elle ce week-end.

    — Des romans policiers, ça te tente ?

    Il semble réfléchir avant de lui répondre.

    — Tu m’as déjà fait lire des trucs, j’aime bien. Tu penses qu’il y aura des auteurs que je connais ?

    — Aucune idée.

    La commandant envoie un regard vers Élodie.

    — T’as le programme ?

    Des trois filles, même si elles sont toutes addictes à la littérature noire, la médecin légiste est la plus grande amatrice.

    Il ne se passe pas une semaine sans qu’elle aille traîner chez Dialogues à Brest et qu’elle achète un ou plusieurs bouquins.

    — En général, c’est bien, il y a la crème du roman policier national et international, ainsi que des auteurs régionaux. Chaque fois que j’y suis allée, je n’ai jamais été déçue.

    Léanne lance un coup de menton vers Vanessa.

    — Dans le sud, la météo est toujours plus clémente. S’il fait beau, après, on ira se promener sur la plage de Pors-Carn et manger chez Marie-Cath, les gosses pourront jouer… Sinon, on se fait une toile à Quimper ou Bénodet. On ne va quand même pas rester toute la journée à la maison.

    La psychologue n’est pas emballée.

    — Le cinéma, c’est long pour Hugo. S’il ne s’endort pas, il va vite en avoir marre et vous pourrir la séance. Il faudra que je finisse le film dehors.

    Léanne hausse les sourcils et lance une moue amusée en direction de sa copine.

    — Hou là ! Positive un peu. Tu t’es levée du mauvais pied ou quoi ? Rien de ce qu’on propose depuis ce matin ne te va. Allez, en tout cas, on ne reste pas là, on sort. Direction Penmarc’h, on verra par la suite ce qu’on fait.

    Quelques minutes… longues. Le temps qu’elles soient toutes prêtes, les Brestoises sont en voiture. Cap au sud. Les trois quadras sont des amies d’enfance. Hasard de la vie, après avoir pris des chemins différents, elles se sont retrouvées sur la terre de leur jeunesse et travaillent à Brest. Leur activité les conduit à collaborer régulièrement. Léanne, la blonde, est commandant divisionnaire, cheffe de la Police judiciaire du Finistère, Élodie, la rousse, est médecin légiste et la brune, Vanessa, est psycho-criminologue. Ces professions particulières ne sont pas leur unique point commun, puisqu’elles ont également reformé Les Trois Brestoises, le groupe de rock qu’elles avaient créé au temps de leur adolescence. Si elles sont célibataires, Vanessa est la seule des trois à avoir un enfant, Hugo, un gamin de deux ans. Nasrat en a treize. D’origine afghane, sa présence en France est le résultat d’un drame. Orphelin, il a intégré le collège militaire d’Autun et, même s’il n’est pas adopté, Léanne l’a pris sous son aile protectrice. Il vient régulièrement chez elle pendant les vacances, ou durant les longs week-ends. Ce qui est le cas pour la Pentecôte.

    Alors que les kilomètres défilent, Hugo s’est endormi et Nasrat n’est pas loin de faire la même chose au moment où Élodie s’adresse à lui :

    — Ça se passe bien le lycée ?

    — Le collège, corrige Vanessa. Il faut que tu l’embêtes avec les études ? C’est bien une question de vieille. Laisse-le tranquille, il est comme nous, il n’a peut-être pas envie de parler travail quand il est en congé.

    L’enfant éclate de rire.

    — Mais non, c’est normal qu’elle me demande, ça ne me gêne pas. Oui, tout se passe bien. J’ai de bons copains, l’ambiance est sympa. J’ai quelques difficultés en français, pas facile l’orthographe, mais le reste va bien.

    — Et tac ! Tu vois que je ne l’embêtais pas, fanfaronne la légiste.

    Léanne, qui conduit, s’esclaffe :

    — Arrêtez toutes les deux !

    Après une heure de voiture, ils arrivent à Pont-l’Abbé et poursuivent en direction de Penmarc’h. Le salon du « Goéland masqué » fait déjà l’objet d’un fléchage.

    — Je suppose qu’il va y avoir plein de flics, conjecture la psy, avant de s’adresser spécifiquement à Léanne.

    — Tu n’as jamais eu envie d’écrire des polars, comme le font tes collègues ?

    — Si. J’y ai pensé, j’en ai d’ailleurs commencé un.

    Élodie, sur le siège avant, échange un regard avec Vanessa, assise à l’arrière. Les deux filles ne s’attendaient pas à l’aveu de leur copine. La légiste laisse éclater sa surprise :

    — Tu nous as caché ça ! Tu nous laisseras le lire ?

    Léanne regrette instantanément sa réponse et ses joues s’empourprent.

    — C’est juste un début. Je ne sais pas si je vais poursuivre. Je ne peux pas vous le donner en l’état.

    — Oh, si, Léanne… Moi aussi, je veux le voir, s’enthousiasme Nasrat.

    — Non, c’est personnel. J’aurais dû me taire. Pour revenir à ta question, Vanessa, quand je me consacre à une enquête, je ne peux pas penser à autre chose. Écrire est une occupation à plein temps, il faut soit se mettre en disponibilité, soit être en retraite.

    Elles sont arrivées. Preuve d’affluence, il n’y a aucune place de stationnement à la salle Cap Caval de Penmarc’h. La flic trouve à se garer en face, sur l’avenue Skibbereen. Le temps de sortir la poussette et de réveiller Hugo, elles sont prêtes pour partir en exploration livresque. À l’extérieur, côté parking, des barnums ont été montés. Des passionnés écoutent une conférence donnée par un écrivain qu’elles ne connaissent pas. Malgré une ondée, le bar sous chapiteau a attiré quelques auteurs collés au comptoir pour s’abriter. Élodie reconnaît Jean-Bernard Pouy, verre de vin blanc à la main, en train de discuter avec d’autres romanciers, dont Jean-Hugues Oppel. Un coup de coude à Léanne et la légiste, impressionnée, les désigne fièrement à sa copine. Léanne a un sourire vachard et persifle.

    — Ça picole tôt, les polardeux.

    — C’est certainement pour cette raison qu’il y a autant de policiers parmi eux.

    — Ha, ha, ha.

    Vanessa les interrompt en même temps qu’elle accélère le pas pour entrer dans le bâtiment.

    — Je crois que le point est pour Élodie.

    La salle a été aménagée pour l’occasion. Une quarantaine d’écrivains sont derrière des tables et dédicacent leurs ouvrages à une clientèle où se mêlent des passionnés et de simples amateurs ayant inclus la visite dans leur sortie dominicale. Nasrat brûle de partir à la recherche d’auteurs jeunesse ou de bédéistes. Léanne lui lance un regard bienveillant.

    — Ne me ruine pas. On est bien d’accord. Tout ce qu’on achète, il faudra que tu le lises.

    — Évidemment.

    Il a repéré le coin bande dessinée et les abandonne. Élodie n’est pas loin d’avoir la même fougue, elle balaye l’endroit des yeux pour voir s’il y a des écrivains qu’elle connaît. Elle compte bien faire un tour complet des tables. Les deux autres filles la suivent, elles se fieront à son avis en cas d’hésitation. Leur visite commence à peine qu’un cri déchirant les surprend. Ça provient de l’entrée. Alors qu’une vague d’effroi saisit la salle, elles demeurent imperturbables, presque agacées par le tumulte qu’elles attribuent inconsciemment à une débile.

    — Il est mort ! Il est mort !

    Cette fois, les trois Brestoises partagent un regard inquiet. Il se pourrait bien que ces cris annoncent la fin de leur week-end. Vanessa se focalise sur Hugo, le petit ouvre de grands yeux, le trouble marque son visage. La psy envoie un coup de tête en direction de l’entrée.

    — Allez voir ce qui se passe. Je retrouve Nasrat.

    Chapitre 3

    D’un pas rapide, Léanne et Élodie se précipitent dans le hall d’accueil. Une petite foule est amassée devant la porte des toilettes des hommes. Léanne se fraye un passage et tombe sur un quadra musclé qui lui interdit d’avancer.

    — C’est une scène de crime. On n’entre pas !

    Elle s’arrête devant lui. Il approche la cinquantaine, le cheveu rare, une corpulence de sportif, il a quelque chose de militaire dans son attitude. Elle parie pour un gendarme. Elle croise le regard d’Élodie avec, dans son esprit, une question muette : « Tu sais qui c’est, celui-là ? » La réponse, tout aussi silencieuse, est clairement négative.

    — T’es qui ?

    — Je suis capitaine de police. Personne ne doit entrer.

    Léanne a la prétention de connaître tout ce qui ressemble à un flic dans le département. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, elle extrait sa brème de son sac et la fait claquer devant les yeux du cerbère.

    — Léanne Vallauri, commandant divisionnaire fonctionnel, cheffe de la PJ de Brest. Ça te suffit comme carte de visite ?

    Elle désigne sa copine :

    — Élodie Quillé, médecin légiste, directrice de l’Institut médico-légal. Allez, pousse-toi !

    Le type fait un léger sourire.

    — Désolé, je ne te connais pas, je suis en poste à Nantes. Je suis ici en tant qu’auteur de polars et j’ai juste voulu aider.

    Léanne n’écoute pas, elle est déjà passée. Dans les toilettes, elle trouve une femme d’une soixantaine d’années et un agent de sécurité. Ils sont debout, comme fascinés par le spectacle. Le regard des deux filles se joint au leur. Une cabine est entr’ouverte, bloquée par un cadavre pendu au plafond par une corde. Cette fois, c’est Élodie qui est la première à réagir.

    — Je suis médecin légiste, laissez-moi entrer !

    Elle se faufile dans l’étroit passage entre la porte et le corps. Un coup d’œil suffit pour juger qu’il n’y a qu’une solution. Elle se débarrasse de ses chaussures à talons, s’appuie sur Léanne qui l’a suivie et grimpe sur le rebord de la cuvette pour avoir un accès sommaire à la victime. Pas besoin d’un grand examen pour rendre son verdict :

    — Il est bien mort.

    Léanne note mentalement ce qu’elle voit. Le défunt a un peu plus de trente ans, les cheveux d’un noir corbeau, légère barbe, taille moyenne. Il est pieds nus, en jean, le pantalon est souillé par ce qui ressemble à des traces d’urine, il porte un T-shirt et un petit gilet, ce qui lui confère un côté artiste bobo, rockeur. En tout cas, il était trop jeune pour mourir. Le corps est pendu par le cou avec une corde de chanvre que l’on a passée autour d’une poutre métallique dont l’accès a été dégagé en retirant une dalle du faux plafond. L’autre extrémité du lien est accrochée à une tuyauterie derrière la cuvette des toilettes.

    Inutile d’en faire plus, le collègue qui leur barrait l’entrée avait raison. C’est bien une scène de crime. Elles ressortent. Pour la commandant, une évidence s’affiche. Cette affaire est pour elle. Elle s’adresse aux deux témoins présents :

    — Vous avez appelé la police ou la gendarmerie ?

    C’est la femme qui répond.

    — Non… J’allais le faire. Nous venons de le découvrir à l’instant.

    Léanne opine du chef et se présente.

    — Je m’occupe de tout. Je vais vous faire sortir pour laisser les lieux en l’état jusqu’à l’arrivée de mes collègues. Qui a trouvé le corps ?

    — Un de nos bénévoles.

    — Et le cri féminin que j’ai entendu ?

    — Une visiteuse… Je ne sais pas… Il faut demander.

    La commandant comprend que tout le monde est en état de choc.

    — Vous connaissez la victime ?

    Élodie est la première à répondre.

    — C’est Mercier, un auteur de romans. J’ai lu plusieurs de ses polars, il a obtenu le prix du Quai des Orfèvres dernièrement.

    — OK !

    Elle se retourne vers la femme :

    — Vous êtes ?

    — La présidente de l’association du « Goéland masqué ». C’est nous qui organisons le salon.

    — Pour le moment, ne dites rien à personne, quand mes collègues seront là, nous vous entendrons. Tout le monde reste ici jusqu’à ce qu’on ait recueilli les témoignages et pris les identités.

    — Ça ne va pas être facile. Les gens vont

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