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La merveilleuse aventure de Willy Morgan dans la vallée aux pierres
La merveilleuse aventure de Willy Morgan dans la vallée aux pierres
La merveilleuse aventure de Willy Morgan dans la vallée aux pierres
Livre électronique417 pages6 heures

La merveilleuse aventure de Willy Morgan dans la vallée aux pierres

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À propos de ce livre électronique

Comme tous les enfants de leur âge, Jennifer et William Morgan commencent leurs vacances dès la fin de l’école. Comme chaque année, ils vont passer l’été chez Mamy Rose et Papy Willfred.
Pourtant, dès le premier jour, quelque chose d’inattendu les amène à découvrir leur grand-père sous un nouveau jour, plein de mystère…
Et si Papy Willfred pouvait vraiment comprendre le langage des animaux…
Les deux enfants connaissent bien l’émerveillement qui les emporte lorsque Papy Willfred raconte une histoire d’animaux comme il les aime. Mais cette fois, ils vont enfin pouvoir l’écouter raconter son histoire, quand on l’appelait encore Willy Morgan…
Cette histoire va nous entraîner à la découverte du secret du langage qui permet de parler avec les animaux.
Le petit d’homme « au cœur de la légende » va devoir siéger au Grand Conseil des animaux pour tenter de sauver du désastre la vallée et tous ses habitants. Il va lier des amitiés extraordinaires… Il va devoir affronter Canaille et Caraïbes, aller à la rencontre des loups, mais aussi retrouver sa sœur Jane qui a disparu dans la Vallée aux pierres et dont il n’a plus de nouvelles.
Il pourra compter pour cela sur les amitiés naissantes avec Thivy, Jérémiade, Darling, Révérence, Facsimilé, Beaver, Centimètre, Rébus, Contumace, Moon, Craquette, Jacasse,… tous ces animaux au grand cœur qui comptent sur lui autant qu’il peut compter sur eux.
Il recevra le soutien inattendu de Gribouille, Prunelle, Grismalou et Adémar, sans qui l’aventure aurait pu tourner au drame.
Cette merveilleuse aventure pourrait arriver à tous les enfants s’ils se reconnaissent dans l’amitié, la confiance, et l’amour de tous les animaux…
Quand vous l’aurez lue, peut-être n’arriverez-vous pas à croire qu’il s’agit d’une histoire vraie. Cela n’a rien d’étonnant ! Willy Morgan lui-même reconnaît qu’elle est impossible à croire : il suffit de quelques jours à la plupart des humains qui la découvrent pour qu’ils se mettent à penser tout simplement qu’ils ont rêvé…
Mais peut-être pas vous… Qui sait ?
LangueFrançais
Date de sortie15 nov. 2018
ISBN9782312062723
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    Aperçu du livre

    La merveilleuse aventure de Willy Morgan dans la vallée aux pierres - Guy Joseph Durand

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    La merveilleuse aventure de Willy Morgan dans la vallée aux pierres

    Guy Joseph Durand

    La merveilleuse aventure de Willy Morgan dans la vallée aux pierres

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    Du même auteur

    THOMAS SANS PAROLES, LA BELLE HISTOIRE DE THOMAS LE MENUISIER

    ASIBEL ET LE LION AMOUREUX

    © Les Éditions du Net, 2018

    ISBN : 978-2-312-06272-3

    Prologue

    La calèche cahotait à vive allure, suivant le pas joyeux de Bucéphale. Il semblait apprécier la route et s’il pouvait parler, il vous dirait lui-même comme il avait su en découvrir les uns après les autres tous les méandres. Ce n’était pas la première fois qu’il empruntait cette piste, qui le menait chaque année de la ferme familiale des grands-parents Morgan à la belle maison de briques rouges qu’habitaient aujourd’hui Harry Morgan et sa famille, dans les beaux quartiers de la plus importante ville de l’état.

    Bucéphale veillait à ne pas relâcher l’allure. Il savait bien qu’il lui faudrait trotter ainsi toute la journée s’il voulait arriver au but avant la nuit. Il avait oublié la fatigue de la veille, alors qu’ils avaient pris la route en sens inverse, à la rencontre de Jane et Willy, qui terminaient leurs vacances à la ferme des grands-parents. En bon guide, Harry Morgan avait d’ailleurs pris soin de ne pas fatiguer son cheval plus que nécessaire, en prévision du voyage de retour.

    Mon Dieu ! C’est vrai. J’ai oublié de vous dire : Bucéphale est un cheval. Mais je suppose que vous l’aviez deviné. Et pour l’heure, Bucéphale était occupé à tirer la calèche de son maître. Il ne prêtait guère d’attention aux merveilleux paysages, teintés des premières couleurs de l’automne, qu’il traversait d’un bon train. Il se méfiait surtout des mauvaises pierres de la route qui pouvaient secouer la carriole, et son regard filait droit devant. Il avait compris, en écoutant la conversation de ses maîtres, que la petite Jane avait dû s’endormir à l’arrière de la voiture. En bon cheval qu’il était, il prenait soin d’éviter les secousses susceptibles de la réveiller.

    Harry Morgan avait toutes les raisons d’être satisfait de son cheval. Depuis qu’il s’était installé comme vétérinaire dans la grande ville, celui-ci lui avait rendu bien des services. Au point qu’il ne souhaitait pour rien au monde s’en séparer, pas même pour l’une des ces nouvelles voitures automobiles qui commen-çaient d’apparaître dans la cité, et qui pouvaient dépasser parait-il les cinquante miles à l’heure ! Non, la vitesse n’était pas du style de Harry Morgan, et il était aussi fier de caresser son fidèle serviteur que pourrait l’être n’importe quel adepte de ce nouveau sport racontant ses exploits. D’ailleurs, pensait-il, la mode de ces voitures trop rapides serait tombée avant même qu’il n’ait songé à mettre Bucéphale à la retraite. D’autre part, disait Harry, le voyage en calèche entre la ferme et la ville est un plaisir que je ne saurais me refuser, pas plus qu’aux enfants.

    Les enfants en question ne semblaient guère goûter avec une attention toute particulière les plaisirs du voyage, du moins pour le moment. Jane s’était endormie sur la banquette arrière de la voiture, et ne paraissait pas gênée des cahots que Bucéphale ne pouvait éviter. Quant à Willfred, l’enthousiasme qu’il mettait dans la conversation avec son père était sans proportion aucune avec les plaisirs habituels de la route.

    – Mais je te dis, papa, ils m’ont parlé comme je te parle !

    – Allons, Willy, cesse de dire des bêtises aussi grosses que toi.

    – D’abord, je ne suis pas gros, et ensuite, je ne dis pas des bêtises. Je t’assure que je dis vrai !

    Pour ce qui est de ne pas être gros, c’était bien la vérité. Willfred Morgan était un charmant garçon d’une dizaine d’années, tout à fait normalement bâti. Quant à dire vrai, il avait bien du mal à en convaincre son père.

    – Je te dis qu’ils m’ont parlé, – reprit-il. Comme je te parle. Ou plutôt, pas tout à fait : ils parlaient comme ils parlent d’habi-tude, avec le même langage, mais moi, je pouvais les comprendre comme s’ils parlaient vraiment.

    – Arrête-toi là, Willy ! Tu vas me faire éclater de rire, et je ne pourrais plus tenir les guides.

    Harry Morgan écoutait l’histoire de son fils avec un large sourire, montrant bien qu’il ne voulait pas y croire. Cette attitude n’était guère du goût de Willfred, dont les propos devenaient de plus en plus vifs.

    – Et ils pouvaient même me comprendre quand je parlais. Ils m’ont dit que c’était normal et qu’avant, c’était comme ça pour tout le monde. D’ailleurs, demande à Bucéphale, tu vas voir !

    Cette fois, Harry Morgan éclata de rire pour de bon :

    – Et comment veux-tu que je le lui demande, à mon cheval ! Dis lui donc d’avancer plus vite, si tu peux. Tu verras, il en profitera pour ralentir son pas.

    – Oh ! Ce serait trop facile, – reprit le garçon. Tu tricherais en tirant sur les rênes au moment où je lui demanderais. Mais, tiens, attends, tu vas voir…

    Se tournant vers le cheval, Willfred appela :

    – Ecoute, Bucéphale…

    Seul le cheval put entendre la suite. Quand Willy se tut, l’animal fit un grand signe de tête puis reprit son pas habituel.

    L’instant d’après, la voiture arrivait devant une bifurcation. La route se séparait en deux pistes, de part et d’autre d’une belle prairie, où paissaient quelques vaches tranquilles. Harry Morgan tira sur les rênes comme à l’accoutumée pour faire obliquer son cheval sur la droite. Contre toute attente, Bucéphale se déporta soudain. Il posa d’abord un premier sabot sur l’herbe tendre de la clairière, puis un second, puis il entraîna la calèche dans une ronde folle à travers le pré, entrant dans une véritable danse, comme on en voit dans les fêtes foraines.

    Jane s’éveilla, surprise par la manœuvre brusque du cheval.

    – Que se passe-t-il, Papa ? Pourquoi est-ce qu’on tourne comme ça ? – demanda-t-elle inquiète.

    – N’aie pas peur, – dit-il à sa fille comme s’il rêvait tout éveillé. Et demande donc à ton frère. Je ne comprends rien à ce qui se passe.

    – Willy, qu’est ce qui se passe ? – reprit-elle.

    Willfred n’avait rien entendu des propos de sa sœur, tant il riait fort. Comme le cheval poursuivait sa course folle, il s’adressa à lui entre deux rires :

    – Ça suffit, Bucéphale, je crois qu’ils ont compris. Ils s’en souviendront longtemps.

    – Je ne crois pas, – lui répondit le cheval dans un long hennissement. Tout le monde ne peut pas comprendre. Tout à l’heure, ils croiront seulement qu’ils ont rêvé.

    Et comme il terminait de hennir, Bucéphale regagna la piste vers la ville.

    PREMIÈRE PARTIE :

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    Le secret de Papy Willfred

    Chapitre 1

    Début des années 70…

    La cloche de l’école venait de sonner. Dans la chaude moiteur de cette belle journée de fin juin, l’impatience des élèves était telle qu’on aurait cru qu’une averse soudaine venait de libérer l’orage au beau milieu de la cour. Le flot des enfants dévalait les escaliers du perron pour envahir les trottoirs et les rues du quartier, qui seraient bientôt submergés par cette joyeuse marmaille. Le ton inhabituel des rires et des plaisanteries qui s’échappaient des groupes d’écoliers trahissait l’excitation des veilles de vacances.

    William se trouvait comme bien souvent dans le premier groupe à atteindre le portail de l’école. Il avait négligemment jeté par-dessus son épaule la sangle qui retenait les livres et les cahiers qu’il s’efforçait déjà d’oublier jusqu’à la rentrée suivante. Comme il s’arrêtait au coin du trottoir, l’un de ses camarades lui lança vivement :

    – Eh ! William ! Le dernier au bus perd sa place. Tu es prêt ?

    – Je ne peux pas, – répondit celui-ci. Je dois attendre Jennifer. Je vous rejoins à l’arrêt du bus !

    Jennifer était la petite sœur de William. William et Jennifer Morgan, respectivement âgés de onze et huit ans, avaient su se faire remarquer dans leur école comme deux enfants qui s’entendaient à merveille. Il n’était pas rare de voir le jeune William attendre sa sœur devant le portail à l’heure de la sortie. La classe de Jennifer sortait souvent après la sienne, et plus d’un autre aurait montré de l’impatience à cet égard. Mais William aimait à montrer qu’il prenait au sérieux ses responsabilités de grand frère, et c’est avec le sourire qu’il attendait chaque soir sa cadette. Pourtant, ce jour là, il semblait plus impatient que d’habitude.

    – Mais enfin, qu’est-ce qu’elle fait ? Elle aurait quand même pu se dépêcher pour la dernière sortie. On va rater le bus si elle continue.

    Comme il terminait de se parler à lui-même, Jennifer arrivait sur le perron. Elle traversa l’allée d’honneur en courant pour rejoindre son frère.

    – Qu’est ce que tu faisais ? – lui demanda-t-il en maîtrisant mal son impatience.

    – Je disais au revoir aux tourterelles de la maîtresse. Tu comprends, elles n’auront pas de visite pendant deux mois, je ne pouvais pas partir comme ça.

    William connaissait l’intérêt de sa sœur pour tout ce qui touche aux animaux, aussi ne lui en fit-il pas le reproche.

    – C’est bien, – reprit-il. Mais maintenant courrons vite, le bus ne nous attendra pas.

    Le pas rapide des deux enfants ne suffit pas à reprendre le temps perdu, et le bus démarrait juste lorsqu’ils arrivèrent en vue de l’arrêt. William tempêta une dernière fois :

    – Trop tard ! Maman va encore rouspéter, et tout ça pour des tourterelles. Enfin tant pis, après tout, demain on est en vacances. Pas vrai ?

    Déjà la bonne humeur réapparaissait sur le visage de son frère, et aussitôt celui de Jennifer s’éclaira d’un large sourire. Ces enfants s’entendaient décidément très bien. Et comme par chance, le bus suivant arrivait déjà au loin.

    – Tu vois, on sera à peine en retard ! – reprit Jennifer.

    L’instant d’après, Jennifer et William s’installaient dans l’autobus, où ils trouvèrent deux places côte à côte, qui leur laissaient tout le loisir de suivre le trajet par les grandes baies vitrées du véhicule. Ils s’en réjouissaient déjà quand leur attention fut attirée par une curieuse femme, d’une corpulence peu ordinaire, qui tentait d’arriver jusqu’au bus avant qu’il ne démarre. Sa course était d’autant plus cocasse qu’elle tenait dans ses bras, outre son sac à main qui n’arrêtait pas de ballotter sur son énorme manteau de fourrure, un petit chien noir et frisé qui ne semblait pas apprécier l’étroitesse de la situation. Comme pour accompagner sa démarche, la grosse dame lançait de grands appels à l’intention du chauffeur en brandissant le bras en avant. L’ensemble faisait penser aux gestes comiques des éléphants de cirque qui réclament des cacahuètes en courant derrière leur dresseur. Comme il ne pouvait pas avoir manqué ce spectacle, le chauffeur patienta le temps nécessaire pour que l’imposante personne monte à bord, puis il démarra.

    Tandis que Jennifer et William retenaient difficilement leur envie de rire, la grosse dame vint s’installer, avec son espèce de chien qui semblait vouloir ressembler à un caniche, sur le strapon-tin qui leur faisait face.

    – Le siège va casser ! – glissa l’espiègle Jennifer à l’oreille de son frère.

    Cette réflexion ne fit qu’accroître leur envie de rire. Pour comble de comique, leur imposante voisine commença à l’adresse de son chien un monologue qui ne pouvait que renforcer le coté burlesque de la situation :

    – Mon pauvre chéri Buster, tu as bien failli courir, hein ! Mon gros chéri. Heureusement que ta maman était là, hein ! Mon trésor. Regarde-moi, je suis toute en nage maintenant. Mais tu vas pouvoir te reposer, n’est ce pas. Là, sois sage, repose-toi contre moi, mon ange. Oh ! S’il pouvait me parler, n’est ce pas qu’il me dirait merci, mon gros Buster adoré. N’est ce pas qu’il le dirait ?

    Lorsqu’ils l’entendirent appeler le pauvre caniche « son gros Buster adoré », les enfants ne purent retenir un éclat de rire. Perdu dans l’énorme fourrure qui devait suffire à mettre en nage sa maîtresse, l’animal faisait l’effet d’un caniche nain. Et quant à dire qu’il se trouvait bien où il était, cela tenait certainement de l’exagération. Tandis que sa maîtresse le cajolait, il semblait chercher en vain le moyen d’échapper à l’encombrante étreinte, en émettant une plainte à demi étouffée qui ponctuait le rire des enfants.

    Quand ils descendirent de l’autobus au coin de leur rue, Jennifer et William laissèrent éclater leur fou rire.

    – En tout cas, – souligna Jennifer entre deux éclats – s’il pouvait parler, le pauvre Buster lui donnerait sûrement l’adresse d’un bon régime amaigrissant.

    – Et je suis sûr qu’il aurait préféré courir derrière l’autobus plutôt que de se laisser couver dans son manteau de fourrure.

    Tandis que William renchérissait ainsi, ils arrivaient tous deux devant une splendide maison de briques rouges qu’entourait un grand jardin planté de massifs verdoyants et fleuris. Un énorme chien, qui devait sûrement compter un Saint Bernard au nombre de ses ancêtres, bondit à leur rencontre avant même qu’ils n’aient pu ouvrir la barrière qui fermait l’allée principale. Brutus – c’était son nom – semblait attendre depuis longtemps cet instant. La manière joyeuse et désinvolte de laquelle il agitait le panache qui lui servait de queue démentait aussitôt l’impression que l’on pouvait avoir en entendant son nom pour la première fois. Brutus était loin d’être ce que l’on appelle un chien méchant. Bien au contraire, il était difficile de le retenir dans ses élans d’affection, et l’animal devenait souvent envahissant. C’est d’ailleurs ce qui se passait chaque soir, à l’heure du retour d’école, et Jennifer et William avaient bien du mal à s’en dégager.

    – Ça suffit, Brutus ! – fit William en riant des extravagances de son compagnon. Tu vois bien qu’on est en retard, et Maman va s’impatienter.

    En effet, si Brutus ne se souciait pas du léger retard des enfants, il ne semblait pas en être de même de sa maîtresse. Madame Morgan se tenait sur le perron de sa maison en attendant le retour des écoliers

    Hélène Morgan était une femme élégante, dont l’allure sympathique avait de quoi faire envier le sort de William et de Jennifer. Elle portait sur elle la grâce mêlée de simplicité de la bourgeoisie traditionnelle qui habitait ce quartier de la ville.

    Elle y était venue douze ans auparavant, juste après son mariage avec Jeffrey Morgan. La grande maison rouge avait vu naître chacun des membres de la famille Morgan, depuis que le grand-père de son mari, Harry Morgan, était venu y installer son cabinet de vétérinaire. Jeffrey Morgan s’y était installé à son tour avec sa femme lorsque son père, Willfred, avait décidé de transformer la grande ferme familiale en une charmante résidence de campagne. La belle propriété du grand-père Willfred était située au fond d’une petite vallée, à trois heures de route à peine de la ville. William et Jennifer aimaient à y passer chaque année leurs vacances d’été. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’Hélène Morgan s’impatientait sur le pas de la porte. Elle tenait en effet à ce que ses enfants soient fins prêts pour le départ du lendemain. Elle les interpella vivement :

    – Dépêchez-vous, tous les deux ! Je sais bien qu’il fait beau et que vous joueriez encore toute la soirée, mais vous n’en avez plus le temps. Courrez voir Cynthia, votre goûter est prêt. Ensuite, vous irez dans la salle d’eau où je vous ai fait couler un bon bain pour vous rafraîchir. Il faut être en forme si vous voulez partir demain chez Papy Willy… Quant à toi, Brutus, calme-toi donc un peu si tu ne veux pas que je t’enferme au garage ! – conclut-elle d’un ton sec à l’égard du chien.

    Cette dernière réflexion devait être ponctuée d’une touche de je ne sais quelle baguette magique. A peine sa maîtresse avait-elle terminé sa phrase qu’on vit l’animal disparaître, la queue basse, dans un coin du jardin, et l’on ne devait plus entendre parler de lui pour le restant de la soirée.

    Jennifer et William se débarrassèrent rapidement de leurs affaires qu’ils déposèrent sur le grand banc d’osier de l’office. Ils allaient juste s’installer à table lorsqu’une voix soudaine se fit entendre :

    – Voulez-vous bien vous laver les mains, avant tout, petits garnements ?

    – Oh ! Ma bonne Cynthia, – répondit William avant même que la bonne n’ait eu le temps de terminer son reproche. Excuse-nous. Nous avons tellement ri que nous en oublions les bonnes manières.

    – Et qu’est-ce qui a bien pu vous amuser à ce point ? – reprit-elle alors qu’elle leur tendait l’essuie-mains.

    Son ton s’était radouci d’un seul coup, et il était facile de comprendre que, si elle savait manier la fermeté pour exiger des enfants le minimum de discipline nécessaire à la bonne tenue de la maison, Cynthia préférait de beaucoup les instants privilégiés où elle pouvait se voir complice de ses deux protégés.

    – Est-ce que vous auriez encore inventé quelque nouvelle farce aux dépends de notre pauvre Mademoiselle Potts ?

    Mademoiselle Potts était la vieille dame acariâtre qui, avec son chien Maxence, occupait seule le vieux manoir grisonnant qui dressait sa tour dans la propriété voisine. Les enfants s’amusaient souvent à lui jouer quelque bon tour qui donnait à tout le quartier l’occasion de sourire. Cynthia n’était pas près d’oublier le jour où elle vit ce pauvre Maxence se promener tout l’après-midi déguisé en volatile, empêtré qu’il était dans la parure de plume que William avait emprunté à son costume d’apache. Mademoiselle Potts avait failli en devenir folle de rage, et il avait fallu toute l’habileté et la diplomatie de Cynthia pour ramener les choses au calme. Aussi s’inquiétait-elle de savoir ce que les enfants avaient encore pu inventer.

    – Oh ! Non, rassure-toi, ma bonne Cynthia. Il ne s’agit pas de cela ! – reprit Jennifer tandis qu’elle entamait son goûter. Mais si tu savais ce que l’on a vu, tu rirais autant que nous.

    Lorsque Jennifer et William eurent raconté à leur bonne ce qu’ils avaient vu dans le bus, tous trois rirent de bon cœur. Mais très vite, la gouvernante se ressaisit :

    – C’est bien joli, tout ça, mais croyez-vous qu’il soit très charitable de vous moquer ainsi des gens ? D’ailleurs, est-ce que vous n’oubliez pas qu’il vous arrive à vous aussi de parler à votre chien ?

    – Oh ! Peut-être, – reprit Jennifer en riant – mais tout de même. Nous n’avons pas un manteau de fourrure aussi ridicule.

    – Et puis avec Brutus, ce n’est pas pareil ! – renchérit William. Quand on lui parle, c’est juste pour lui demander de nous laisser tranquille. Il est toujours à nous sauter dessus quand il veut jouer.

    – Ça suffit ! – trancha Cynthia. Maintenant terminez votre goûter, et ensuite, allez prendre votre bain en vitesse, si vous ne voulez pas le prendre froid.

    La voix avait retrouvé sa fermeté, et il ne fut pas nécessaire de renouveler ces consignes. Le reste de la soirée serait décidément consacré à préparer le départ.

    Chapitre 2

    La superbe voiture de Jeffrey Morgan s’arrêta devant la propriété. Il en descendit, sa serviette à la main, et s’avança vers l’entrée du jardin. Son poste d’ingénieur au service informatique de la ville lui permettait de disposer aisément de son temps, et il avait donc choisi de se libérer de bonne heure dans la matinée pour préparer tranquillement le voyage de ses enfants. Il avait en effet projeté de conduire lui-même Jennifer et William jusqu’à la propriété de son père. A dire vrai, il s’arrangeait pour qu’il en soit ainsi chaque année, tant il avait plaisir à rendre visite à ses parents.

    Il allait faire jouer le loquet de la barrière d’un geste souple de la main, lorsque Brutus fit son apparition, et partit au galop dans sa direction.

    – Brutus, si jamais tu salis mon pantalon, tu auras affaire à moi ! – lança Jeffrey sur un ton qui se voulait convaincant.

    Le chien fit aussitôt mine de s’arrêter, et son maître, rassuré, poussa la barrière. Il avait à peine eu le temps de se retourner que l’animal, négligeant l’avertissement, vint lui faire fête de la plus belle manière : les pattes avant sur le costume de son maître, il fouettait de la queue avec ardeur.

    – Oh Brutus ! – constata Jeffrey d’un air désolé. Tu es vraiment incorrigible ! Qu’est-ce que Maman va encore dire ?

    Comme il s’apprêtait à pénétrer dans la maison, sa femme, qui avait vu toute la scène depuis la fenêtre du salon, vint à sa rencontre.

    – Décidément, – dit-elle. Depuis tout à l’heure il n’est vraiment bon qu’à faire des bêtises. Imagine-toi qu’il n’a rien trouvé de mieux ce matin que de se baigner tout entier dans le bac où Cynthia préparait sa lessive. Et non content d’avoir tout éclaboussé par son plongeon, il a fallu qu’il aille s’ébrouer à travers toute la maison. Non, vraiment, il y a des jours où je me demande ce qui t’a pris d’accepter ce chien dans la famille.

    Comme s’il s’agissait là d’une question épineuse, Jeffrey esquiva la réponse :

    – Allons, n’avions-nous pas décidé qu’il s’agissait d’un sujet tabou. Dis-moi plutôt où sont les enfants. Je ne les entends pas.

    – Cela n’a rien d’étonnant. J’ai demandé à Cynthia de les laisser dormir ce matin. Ils seront bien assez énervés par le voyage. D’ailleurs, il va être temps de les réveiller. Je vais faire signe à Cynthia.

    – Non, laisse… – dit Jeffrey. Si Je comprends bien, Cynthia doit avoir pas mal de travail à réparer les bêtises de ce gros bêta de Brutus. Je vais les réveiller moi-même. Après tout, une fois n’est pas coutume.

    Ce disant, il gravit l’escalier jusqu’au palier du premier étage, sans se douter qu’il était suivi de peu par son « gros bêta » de Brutus. Il entra dans la chambre, et se dirigea vers la fenêtre pour en tirer les volets.

    – Allons les enfants ! – lança-t-il d’une voix forte et douce à la fois, pour faire de ce début des vacances un premier moment de bien-être.

    – Allons ! – reprit-il, alors que les enfants ne semblaient pas entendre. Il est temps de vous lever. Je croyais que vous auriez plus d’enthousiasme au moment de partir chez Papy Willy.

    – Hein ! Qu’est-ce que tu dis ? Il est déjà l’heure de partir ? Mais nous ne sommes même pas prêts !

    C’est évidemment William qui s’inquiétait ainsi en se redressant brusquement sur son lit. Il se réveillait à peine, et n’avait entendu que les dernières paroles de son père.

    – Jennifer, dépêche-toi, – reprit-il. On s’en va tout de suite !

    – Mais non, rassure-toi, – répondit son père. Vous avez tout le temps de vous préparer, à condition de vous lever maintenant.

    Comme Jennifer s’inquiétait à son tour, Jeffrey continua de rassurer ses enfants, avec une bonne humeur qui eut tôt fait de les calmer.

    – Et tâchez de ne pas trop vous énerver, – dit-il en guise de conclusion. Ne faites pas comme cet animal de Brutus. On dirait qu’il comprend que vous devez partir. Depuis ce matin, il ne fait que des bêtises.

    Comme s’il avait compris son maître, c’est bien évidemment ce moment là que choisit Brutus pour surgir de derrière la porte où il s’était dissimulé. En trois bonds, il fut sur le lit de William. Trois bonds plus tard, il était dans celui de Jennifer, et en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « ouf », toute la chambre était sens dessus-dessous. Tandis que son maître cherchait à le retenir par le collier, Brutus s’engagea sous les couvertures de Jennifer, dans lesquelles il eut tôt fait de disparaître. Jeffrey, ne voulant pas lâcher prise, allait se laisser entraîner dans ce tunnel improvisé, lorsque les gesticulations de l’animal parvinrent à renverser la literie complète à même le sol. En voyant leur père essayer de s’extirper de l’amas de draps et de couvertures, les enfants ne purent s’empêcher de s’esclaffer.

    – Oh non, ce n’est pas vrai ! – se lamenta Jeffrey au milieu des rires de ses enfants. Ce chien me rendra fou !

    Les cris de son maître et le rire joyeux des deux complices portaient à son comble l’excitation de Brutus, qui continuait de plus belle son manège. Jeffrey, quant à lui, se sentait tellement ridicule qu’il ne savait plus sur quel ton réagir.

    – Ce n’est pas possible ! – clamait-il. Plus je le gronde, et plus il continue. Ce n’est pas un chien, c’est une bête de cirque !

    De fait, le spectacle qui s’offrit à Hélène Morgan quand elle parut sur le seuil de la pièce ressemblait plus à celui d’une piste de cirque après la grande cascade des clowns qu’à une chambre à coucher. Il lui fallut mobiliser tout son sang froid pour intimer au chien un ordre qui tomba sèchement :

    – Brutus, au garage, tout de suite !

    L’effet « baguette magique » ne se fit pas attendre, et l’animal disparut aussitôt. Il eut beau faire la mine triste, l’ordre était ferme, et il le savait. Il s’empressa de s’esquiver coté jardin, avec la ferme intention de se faire oublier un moment.

    – Bien, ce n’est pas tout ! – reprit Hélène sur le ton de commandement qui faisait d’elle la maîtresse de maison. Maintenant, debout ! Le petit déjeuner vous attend. Et veillez à ce qu’il soit copieux parce qu’à l’heure qu’il est, il est probable que vous ne mangerez plus avant le goûter… Quant à toi – reprit-elle à l’intention de son mari – on ne peut pas dire que la façon dont tu allèges le travail de Cynthia soit très efficace. Tu ne trouves pas ?

    Ce disant, Hélène ne pouvait s’empêcher de sourire devant la mine déconfite de Jeffrey au milieu de tout ce désordre, dont il se sentait responsable.

    C’est environ une heure plus tard, alors que Jennifer et William terminaient de prendre leur déjeuner, que Jeffrey ferma la dernière boucle des sangles à bagages. La grande voiture de l’ingénieur était maintenant surmontée d’un monticule bâché, sous lequel devaient s’entasser toutes les affaires nécessaires à deux enfants débordants d’énergie qui s’apprêtaient à passer deux mois de vacances ininterrompus.

    Après avoir bien vérifié l’arrimage, Jeffrey se dirigea d’un pas rapide vers la cuisine, où il voulait prendre le temps d’avaler un sandwich avant de partir. Comme à son habitude, il comptait rouler d’une seule étape jusqu’à la ferme, pour éviter d’allonger la durée du voyage.

    Il entra dans la cuisine au moment même où Jennifer et William terminaient leur repas. Aidés de Cynthia, ils avaient pris le temps de faire une rapide toilette, et avaient tous deux revêtu une tenue légère, dont ils auraient certainement l’occasion d’apprécier la fraîcheur pendant le voyage.

    – Ah ! William ! Jennifer ! Enfin, vous voilà prêts ! – commença Jeffrey avec sa bonne humeur habituelle. Je m’inquiétais de savoir si je n’avais pas préparé tout ce chargement pour rien. J’en venais à croire que vous ne vouliez plus partir.

    – Oh ! Papa ! – dirent-ils ensemble. Tu ne peux pas penser ça ?

    L’accent taquin de leur père avait visiblement échappé aux enfants. Cela suffit à le rendre joyeux, et il partit d’un bon rire :

    – Mais non ! Je ne peux pas penser ça. Je ne suis pas assez fou pour le croire. Et juste assez taquin pour vous le faire croire ! – compléta-t-il d’un ton moqueur. Mais je suis bien content de vous voir en pleine forme… Ceci étant dit, puisque vous êtes prêts, tachez donc de libérer le siège de ma voiture.

    Devant l’air interrogateur des enfants, il reprit :

    – Si vous voulez vraiment partir, il faudra faire comprendre à Brutus qu’il ne part pas avec nous. Depuis tout à l’heure, il occupe le siège avant, et ne semble pas vouloir le quitter. Il y a bien assez d’animaux chez Papy Willy pour que l’on ait besoin d’y emmener celui là. Il…

    Jennifer l’interrompit :

    – Oh ! Papa ! S’il te plaît, est-ce qu’on ne pourrait pas l’emmener, juste pour le voyage ? Tu le reprendrais avec toi pour le retour.

    – Non, Jennifer ! – reprit-il. Tu sais bien que ce n’est pas possible. Il n’y a pas moyen de le faire remonter dans la voiture au moment de repartir. Il n’y a que ta mère qui sache se faire obéir, et elle ne peut malheureusement pas nous accompagner aujourd’hui. Nous vous rendrons visite avec lui dès le prochain week-end. Pour l’instant, occupez-vous de le faire descendre de sa place. Faites vite, nous partons d’ici cinq minutes.

    Tandis que leur père prenait le temps de se restaurer, les deux enfants descendirent jusqu’à la voiture, où ils trouvèrent le chien endormi sur le siège du conducteur. A dire vrai, Brutus ne devait pas réellement dormir, et je dirais même qu’il avait du apercevoir de loin ses petits maîtres descendre l’allée du jardin. Le regard espiègle qui filtrait à travers ses yeux mi-clos laissait comprendre qu’il s’apprêtait à jouer une comédie du genre : « Laissez-moi tranquille, vous voyez bien que je dors ». Aussi, lorsque les enfants commencèrent de l’appeler pour le faire descendre, fit-il mine de ne rien entendre.

    William ne s’y laissa pas prendre :

    – Il ne sortira pas comme ça, – dit-il à sa sœur. Il va falloir le faire descendre de force. Si tu veux, tu n’as qu’à monter de l’autre coté pour le pousser pendant que j’essaierai de le faire sortir.

    Suivant la consigne de son aîné, Jennifer fit le tour de la voiture. Elle avait à peine ouvert la portière de l’autre coté que Brutus fit d’un bond la culbute par dessus le fauteuil, pour s’installer confortablement sur la banquette arrière.

    – Tout est à refaire ! – reprit William. On repart à zéro.

    Comme les deux enfants ouvrirent ensemble les portières arrière du véhicule, Brutus se sentit soudain pris au piège. Prestement, il s’esquiva entre les jambes de William pour se retrouver sur le trottoir. Jennifer et William s’apprêtaient à pousser un « ouf » de soulagement, mais Brutus ne voulait pas s’avouer vaincu aussi facilement. Il fit rapidement le tour de la voiture, et d’un bond, s’installa sur le fauteuil avant dont l’accès était resté libre par la portière grande ouverte.

    – Oh non ! – gémit William. Ce n’est pas possible. On n’y arrivera jamais. En tous cas, moi, j’y renonce !

    – Quand je pense que Papa trouve qu’il est difficile de le faire monter en voiture ! – enchaîna Jennifer. On devrait appeler Maman à la rescousse.

    Comme Jennifer concluait ainsi, Hélène Morgan apparaissait justement devant le portail. Elle eut tôt fait de se rendre compte de ce qui se passait, et donna un ordre pour venir en aide à ses enfants.

    – Brutus, veux-tu descendre, tout de suite !

    Pour une fois, Brutus ne parut pas vouloir obéir. Il se redressa dans la voiture, et regarda sa maîtresse. Il semblait vouloir dire : « Oh ! Maîtresse, pour une fois, est-ce que je ne pourrais pas désobéir ? ». Aussi fut-il nécessaire de réitérer l’ordre :

    – Allons Brutus ! Dépêche-toi, descends et viens ici, vite !

    La baguette magique de Madame Morgan devait être restée à la maison, car la réaction de l’animal fut des plus lentes. Il descendit pourtant de la voiture et s’approcha de sa maîtresse, mais son regard s’était brusquement terni pour se teinter d’un reflet de tristesse et de résignation.

    Hélène Morgan y fut sensible, et comme le chien s’approchait d’elle, elle plongea lentement sa main dans l’épais poil qui lui couvrait le front.

    – Allons, – dit-elle en consolation. Tu les reverras. Mais maintenant, ils doivent partir s’ils veulent arriver avant l’heure du goûter.

    Tandis qu’elle lui parlait ainsi, Hélène retenait le chien à ses côtés, et les enfants purent s’installer sans encombre à l’arrière de la voiture.

    L’instant d’après, Jeffrey claquait la

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