Etchebetche ou l'espoir d'une vie
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Aperçu du livre
Etchebetche ou l'espoir d'une vie - Odile Ariane Pahai Langa
Etchebetche ou l’espoir d’une vie
Odile Ariane Pahai Langa
Etchebetche ou l’espoir d’une vie
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2016
ISBN : 978-2-312-05017-1
L’entame…
Moulé entre les pagnes de sa mère et de sa tante, Etchebetche ressentait la force du nœud qu’avait serré sa génitrice pour l’éviter une sortie prématurée de l’abdomen de cette dernière. Cette habitude devenait de plus en plus fréquente lorsque celui-ci, enlacé contre sa mère, devait supporter les allées et venues de leur domicile à ses nombreuses activités. Sa mémoire commençait peu à peu à emmagasiner les informations et les aventures qu’il était malgré tout obligé de vivre. Ce petit garçon, loin d’être à sa maturité, avait traversé bon nombre de saisons aux côtés de sa mère qui ne voulait en aucun cas l’abandonner tout seul. Quelque peu diminué de sa liberté, Etchebetche observait le monde du haut de son balcon en espérant un jour trouver réponse aux mystères qui l’entouraient, depuis qu’il avait eut le droit de sortir avec Zilimangata, cette femme pour qui il vouait une adoration sans failles. Cet amour il ne savait pas d’ou il venait mais il savait une chose, il aimait sa mère. La tête penchée de côté, Etchebetche sentait le souffle de l’air qui lui traversait le visage de façon impromptue et désabusée et l’accueillait avec joie au levée du matin, puis le rejetait aisément au couché du soleil. Son quotidien se déroulait comme les notes d’une musique avec certains accords plus hauts et moins longs, tandis que d’autres pouvaient se présenter plus longs et excessivement bas ainsi le mystère restait palpable au fur et à mesure que les jours se comptaient. Il vivait ainsi reclus sur le dos de sa mère et sentait les os de sa colonne vertébrale bouger à chaque fois qu’elle faisait un mouvement brusque. Rien ne pouvait l’empêcher de ressentir cette sensation de bien-être et d’abondance lorsqu’il se retrouvait attaché contre celle qui ne lui avait amené que joie, respect et confort durant sa toute petite vie.
Zilimangata, jeune femme menue, au visage enfantin ne souriait presque jamais à part lorsqu’il fallait qu’elle se soumette aux convenances de son environnement. Non pas qu’elle ne trouva pas le sourire à son arrivée dans cette contrée de la terre, cependant il ne lui avait pas été accordé de devoir user continuellement de cette faction que majorait une partie de son visage. Partager les émotions entre ses semblables ne la gênait guère, cependant le fait de devoir utiliser son sourire ou sa mâchoire afin d’exprimer, la joie, le bonheur ou même le sarcasme n’avait pas un si grand impact dans son sillage et autour de sa personne. D’uns la qualifiaient d’étrange ou d’inaccessible, d’autres de fétichiste ou parfois de sorcière car incomprise de tous. Le jugement d’une société ou d’une entité faisait plus d’éclat lorsque l’on se retrouvait au milieu d’un mystère ou d’une incompréhension, surtout vis à vis d’un individu, d’une personne, ou de plusieurs autres phénomènes qui demeuraient étranges pour le commun des mortels. Zilimangata faisait partie de celles-là pour qui on chuchotait ou la montrait du doigt lors de ses apparitions publiques, car elle avait mainte fois fait l’objet d’interrogations dans son village. Fille ordinaire d’une famille de onze personnes, Zilimangata comme toute jeune fille de son village était allée en épousailles juste après que les symptômes de la puberté ne se soient dévoilés. Comme toute jeune fille arrachée à sa famille, Zilimangata qui avait un nom unique s’était vue attribuer le nom de madame Kemandéké auprès de son mari. Cette femme au visage plaisant à regarder s’était automatiquement pliée en quatre pour son jeune mari qui n’avait aucune notion de la famille à part celui de devenir berger, paysan agriculteur, de posséder des animaux, et enfin de prendre des épouses sans doute pour agrandir son cheptel.
Mazikané Kemandéké quant à lui, cinquième garçon d’une famille de huit, était ce personnage qu’on pouvait qualifier de naïf ou de candide vu ses actions créant à chaque fois le buzz ou l’hilarité de tous. Son paternel avait voulu l’envoyer en mariage tôt parce qu’il estimait que cette nouvelle responsabilité le ferait murir et enfin devenir un homme. L’occasion s’était donc présentée lorsque ses parents lui avaient proposé de pouvoir épouser la jeune fille de leurs plus proches voisins au village. En effet, cette famille de onze personnes qui avait une majorité de femmes dans leur foyer ne demandait qu’à donner leur progéniture en mariage. Prompt à vouloir à tout prix changer l’état actuel de son fils, le père de Mazikané Kemandéké en avait parlé à son voisin le plus proche le sieur Ourhékéni. Rempli de sa fonction de chef de famille, ce dernier annonça la nouvelle à son fils Mazikané comme un ordre, lui intimant de se préparer à devenir « enfin » un homme. Cette confrontation s’était passée de manière radicale sans consultation de sa part. Comme un problème dont on voulait à tout prix se débarrasser afin d’enlever la honte que trainait le comportement peu fiable de son rejeton. C’est ainsi qu’un matin, juste avant de se rendre au marché, le patriarche de la famille Kemandéké appela son fils à tout vent, de manière ostentatoire et drue car il ne savait pas comment il réagirait face à cette annonce :
– Mazikané !
– Mazikané !
Cria t-il à la volée.
– Père !
Répondit ce dernier en accourant maladroitement et sur le qui-vive d’un futur reproche.
– Pourquoi mets-tu autant de temps avant de répondre lorsque je t’appelle ?
– J’étais entrain d’aider mère à remplir le grenier de Sorgho et de mil.
– Elle t’a dit qu’elle avait besoin d’aide ?
Lui rabâcha son père à la limite de l’énervement.
– Non père, mais comme elle était seule à le faire, alors je me suis proposée de l’aider pour vite terminer cette besogne.
– Je ne t’ai élevé ni dans le mensonge, ni dans la fourberie. Pourquoi veut-tu affirmer que tu aidais ta mère alors que t’ai aperçu il y’a une heure entrain de trainasser autour de la cuisine ?
– Père je ne vous mens pas, je cherchais des brindilles de bois pour activer le feu sous la marmite de bouillie.
Se défendit le garçon, tremblant de tous ses membres de peur que son père ne lui fasse subir une de ses punitions quotidiennes.
– Et tu oses encore discuter mes ordres ? Mazikané Kemandéké arrête de raconter des ignominies et pour une fois dans ta vie assume tes actes !
– Je ne vous mens pas, j’étais assis sur le tronc d’arbre en attendant que mon grand frère Hizama et mère ramènent le sac pour stocker le Sorgho et le mil.
Continuait de se défendre ce jeune garçon frêle et apeuré.
– Même si c’est vrai ce que tu me raconte, pourquoi tu trainais devant la marmite de bouillie ? Tu veux déjà te transformer en homme de cuisine ? Je n’ai pas besoin de te rappeler que la cuisine est faite pour les femmes et non pour les gourmands qui ne pensent qu’a se remplir la panse au lieu de se mettre à l’œuvre.
– Oui père, je le sais et je m’en excuse si cela vous a perturbé.
– Et de deux, ta mère ne mélange jamais le Sorgho et le mil dans le même grenier. Alors, cesse de te cacher derrière ces mensonges pour te discréditer, et réagit en homme pour une fois dans ta vie.
Avait fini son père las de devoir lui remonter les bretelles à chacune de leurs altercations.
– Je m’excuse père si vous n’avez pas compris mes explications, mais je vous jure que j’attendais l’arrivée de mère et de mon frère qui récupèrent actuellement le Sorgho et le mil au séchage non loin de la maison.
– Je suis déjà vieux et je ne peux plus courir après toi comme lorsque tu étais plus jeune, alors j’ai pensé à toi ce matin.
Commença monsieur Kemandéké un peu plus calme.
– viens t’asseoir près de moi, j’ai à te parler.
Lui dicta son géniteur l’air plus serein et prêt à lui annoncer une grande nouvelle. Mazikané avait à la fois peur et se sentait également mieux parce-que son père s’était un peu calmé. Par ailleurs, il ressentait également une certaine appréhension vis à vis de la nouvelle que son paternel s’apprêtait à lui annoncer. Ne voulant pas une fois de plus mettre son père dans l’embarras, il s’exécuta sans demander son reste.
– Tu sais que tu n’es plus un enfant et qu’un jour je ne serais plus là pour m’occuper de toi ou te nourrir. Alors, j’ai discuté avec ta mère et nous nous sommes mis d’accord pour que tu puisses t’envoler à ton tour et commencer une nouvelle vie. Je sais que tu viens à peine de sortir de l’adolescence, toutefois, avec la présence constante de tes grands frères près de toi, j’estime que tu as beaucoup appris et malgré ta paresse et ta naïveté, tu pourras devenir avec le temps une bonne personne si tu as plus de responsabilité dans ta vie. Nous avons donc conclut de te trouver une femme afin que tu puisses te marier.
– Mais père…
– Ecoute Mazikané je ne suis pas entrain de te punir, loin de là ! Je veux juste que tu te comportes en homme, et non comme un garçon maladroit qui ne veut pas grandir et qui veut rester enfermé dans le cocon familial. Personne ne te déteste à vouloir te mettre à la porte, au contraire ta mère et moi aimerions que tu sois plus respecté et ne soit plus le sujet de moquerie de tes camarades.
Effrayé par cette révélation, Mazikané voulut d’abord fuir mais prit peur en pensant à ce qui pourrait arriver si son père se mettait en colère face à cette fuite. Il ne savait que penser de ce que son paternel venait de lui annoncer si crument. Ne sachant trop quoi répondre, il se gratta la tête et détourna le regard au loin, s’imaginant loin de cette conversation gênante et malsaine.
– Lui se marier ? Pourquoi ?
Cette idée ne lui avait jamais traversé l’esprit même en rêve. Il ne comprenait pas ce qui était entrain de lui arriver. Il aurait pensé à tout sauf à devoir faire fi de sa liberté en se mariant à une inconnue de surcroit. Pourquoi ses parents voulaient lui imposer un tel affront ? Qu’avait-il fait de mal jusqu’a ce jour ? Il ne se considérait pas comme un saint mais se savait propre devant ses congénères. Il ne se mélangeait pratiquement jamais avec les autres enfants du village. Préservant jalousement sa solitude, Mazikané vaquait à ses occupations sans causer des noises à qui que ce soit. Perturbé par cette annonce subite, son esprit vagabondait entre ne rien dire ou se défendre. Cependant, le bon sens lui disait de ne pas se mettre à dos les décisions de ses géniteurs. Toujours perdu dans ses pensées, le jeune garçon voulu se plier aux désidératas de son paternel, mais sa conscience pensait autrement. Son esprit ne cessait de vagabonder entre l’imaginaire, le réel ou la soumission. Que devait-il choisir ? Ses parents ou la raison ? Malmené par tant de questions sans réponses, Mazikané sortit la première phrase qui lui vint à l’esprit.
– Père, je ne peux pas me marier maintenant.
– Pourquoi tu ne pourrais pas te marier maintenant ? Penses-tu être encore un enfant ? A ton âge j’étais déjà marié à ta mère et j’avais déjà eu ton frère aîné. De toute façon je ne demande pas ton avis, je te dit simplement ce qui se passera dans les mois à venir pour que tu sois prêt à endosser cette nouvelle vie, que de te balader à ne rien faire devant les marmites de bouillies tous les matins.
Lui dit son père d’une voix moins encline à la désobéissance.
– Mazikané lorsque je te parle, je veux que tu me regarde dans les yeux.
Recommença t-il plus serein.
– Oui père… je j’aimerais d’abord connaître la femme qui fera partie de ma vie avant de pouvoir l’épouser.
Répondit le jeune homme, sans pour autant penser ce qu’il disait.
– Depuis que tu sors tous les matins, est-ce que tu nous as démontré à moi et ta mère que tu voulais devenir un homme et non être le sujet des moqueries de tes camarades ? Nous t’aimons et voulons que tu deviennes une personne respectable et digne de porter le nom de Kemandéké. Nous ne demandons pas ton avis et te prions de te préparer à accueillir ta future épouse dans les mois qui suivront.
– Papa je ne discute pas tes ordres, je suis simplement surpris que vous pensiez cela de moi. Nous travaillons tous pareillement dans cette maison et je souhaite véritablement prendre un peu de temps avant de pouvoir prendre une femme pour épouse.
– Tu discute veux discuter mes décisions ?
– Non père… Je n’ai encore aucun revenu, ni de maison m’appartenant, comment voudriez-vous que je puisse m’occuper d’une femme ?
Supplia le jeune homme avec un espoir que ses parents puissent le comprendre.
– Ne t’en fait pas pour tous ces questionnements ? Ta mère et moi nous y avons pensé très longuement et nous nous sommes dits que tu irais occuper le domicile de tes grands parents qui se trouve à quelque cinq kilomètres du village. Il est actuellement occupé par des paysans qui louent les parcelles voisines pour les récoltes, et le bail arrive à sa fin dans quelques jours. Tu pourras donc t’y installer et former une nouvelle famille avec ton épouse.
– Je ne suis pas prêt père…
– Fils je vais te raconter une histoire : lorsque j’étais plus jeune, ton grand père en tant que conseiller du chef de village devait normalement avoir plusieurs épouses afin de perpétrer la tradition. Cependant, il ne le voulait pas ; ceci parce que sa propre mère était décédée de suite d’une confrontation avec l’une de ses coépouses. La polygamie pour lui était devenue comme un virus dont il ne voulait être contaminé.