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Apparences trompeuses: Thriller
Apparences trompeuses: Thriller
Apparences trompeuses: Thriller
Livre électronique352 pages4 heures

Apparences trompeuses: Thriller

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À propos de ce livre électronique

Deux journalistes mènent l'enquête !

Une agression inhumaine, un meurtre sordide, douze ans séparent ces deux faits divers que tout rapproche. Dylan Chaplet, journaliste aussi talentueux qu’arrogant, était là lors de la première agression. Il était persuadé d’avoir trouvé le coupable…et il a payé lourdement son erreur.
Associé bien malgré lui à Rose Gilian, jeune journaliste au caractère bien trempé, ce duo improbable devra donner un sens à ces affaires gravitant autour d’une seule et même famille : les Foreman.
Embarqués dans un sombre jeu de poker menteur où tout le monde s’accuse mais où aucun suspect ne s’avère plus crédible qu’un autre, Dylan Chaplet et sa partenaire devront trouver l’agresseur de la pauvre Emma, sœur de Patrick Foreman, plongée dans le coma depuis toutes ces années.
Pour démêler le vrai du faux, tout en évitant d’être la prochaine victime, un seul mot d’ordre : les apparences s’avèrent bien souvent trompeuses…

Découvrez sans plus attendre un thriller haletant aux côtés d'un journaliste, arrogant et talentueux, sur les traces d'un dangereux meurtrier.

EXTRAIT

J’en ai presque assez par moment d’avoir raison. Mais une fois de plus, je dois me rendre à l’évidence, mon cerveau a encore vu juste. Si la vie n’était pas une simple répétition de situations similaires à l’infini, je ne pense pas que tous ces imbéciles de jeunes journalistes seraient surpris de me voir arriver si tôt au bureau.
Un petit détail qui change dans leur journée parfaitement réglée et ça y est, ils sont déconcentrés. En plus d’être un peu vexant à mon égard, je trouve le comique de la situation vraiment pathétique. Et ils se disent grands reporters…
Les choses ont totalement changé depuis l’époque où j’étais au top. À croire que pour me punir, on a remplacé l’ensemble de mes « collègues » par des zombies avec le quotient intellectuel d’un poulpe amnésique. Enfin, tous ces moutons ne m’intéressent pas. Mais, pour les perturber encore un peu plus, je me forçais à sourire et à dire bonjour à tous ceux que je croisais.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Drômois de naissance et Ardéchois d’adoption, Julien Charreyron a passé la majeure partie de son enfance à Loriol-sur-Drôme où il s’est découvert deux grands amours qui ne le quitteront plus jamais : la lecture et la musique heavy-metal.
Deux univers aussi différents que complémentaires, qui ont forgé son caractère : l’imagination et la tranquillité apportées par les livres, l’énergie débordante et la liberté par la musique.
Un alliage parfait de l’eau et du feu.
Résidant aujourd’hui dans le petit village Ardéchois de Saint-Symphorien sous Chomérac, Julien Charreyron a décidé de rassembler ses deux passions pour faire voyager les lecteurs dans son monde, leur faire toucher ses rêves et ses passions du bout des mots.
LangueFrançais
Date de sortie11 oct. 2018
ISBN9782378776633
Apparences trompeuses: Thriller

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    Aperçu du livre

    Apparences trompeuses - Julien Charreyron

    I

    À trente-cinq ans, Thomas Bekare n’était pas ce qu’on peut appeler un sportif. Petit, trapu (certains disaient même très gentiment « bouboule »), il n’avait jamais aimé se dépenser. Le sport, c’est la santé, oui, mais celle des autres.

    Paradoxalement, sa tenue vestimentaire avait toujours été la copie exacte de ce qu’arborerait tout joggeur digne de ce nom. C’était encore le cas ce soir : maillot d’une équipe de football, pantalon de survêtement bleu ciel, et basket de course orange fluo.

    Sa façon bien personnelle de s’habiller le suivait depuis aussi longtemps qu’il s’en souvenait. Déjà à l’école, il était la risée de tous. Voir un petit gros, les cheveux longs d’un étincelant blond vénitien, courir dans cet accoutrement en se trémoussant avec la grâce d’un canard boiteux avait toujours été un grand moment de fou rire, pour ses collègues d’école, et même pour ses professeurs.

    Si bien qu’il avait rapidement choisi comme sport favori le remplissage intensif de son estomac, au grand ravissement de ceux qui aimaient le ridiculiser et se moquer de la « boule qui irait plus vite en roulant plutôt qu’en courant ».

    Gros Tom, puisqu’on le surnommait ainsi, avait le défaut d’avoir un visage enfantin qui n’aurait jamais pu inspirer de la méfiance aux grands caïds de son école. Aussi rouge que rond, ce qui ne faisait qu’accentuer l’impression de boule reprise par tout le monde, encore et encore. La seule chose appréciable sur son visage, c’était ses yeux d’un bleu sombre qui était l’unique partie de son corps sur laquelle on l’ait déjà complimenté.

    La plupart des personnes l’ayant côtoyé le voyaient comme l’archétype du bon copain, le mec sympa qui est là quand tu as besoin de lui, loin des critères de beauté essentiels à l’âge où le physique prime.

    Pourtant, ce soir encore, même s’il n’y avait en lui quasiment aucun muscle digne de ce nom, Thomas courait à une vitesse prodigieuse vu sa corpulence.

    C’est sensationnel ce qu’on peut se surpasser quand on est menacé de mort.

    Cela étant dit, s’il n’était pas sportif, il avait toujours été un excellent élève grâce à un esprit vif et une capacité de déduction largement au-dessus de la moyenne. Et, à ce moment précis, son analyse de la situation lui disait que l’énergie du désespoir ne suffirait pas. Pour la première fois de sa vie, il espérait se tromper. Mais les événements qui venaient de se dérouler n’étaient pas faits pour lui donner de l’espoir.

    Cette journée avait paradoxalement vraiment bien commencé. Il avait eu, pour une fois, de la chance au jeu, ce qui lui avait rapporté un très joli pactole. Une belle partie de poker remportée au bout d’une longue bataille comme il les aimait. Des cartes qui lui étaient enfin favorables, de superbes bluffs qui lui avaient permis de dépouiller ses adversaires de quelques jetons, et pour finir, un sublime quint flush sur la rivière qui avait failli lui donner une crise cardiaque (ça n’aurait pas été si mal finalement, se disait-il). 

    Il allait enfin pouvoir commencer à rembourser certaines anciennes dettes. Ou plutôt, il continuerait à gagner de nouvelles parties avant de pouvoir tout rembourser d’un coup. Oui, c’était une bien meilleure idée.

    Ou encore mieux, il ferait semblant d’avoir perdu pour garder tout cet argent durement gagné, et demanderait, comme toujours, de l’aide pour rembourser ses dettes à son meilleur ami qui le faisait sempiternellement. C’était la moindre des choses vu ce qu’ils s’étaient promis depuis toutes ces années…

    Ces pensées se stoppèrent net à ce moment précis. C’est inouï à quel point un coup de couteau reçu dans le ventre peut vous ramener à la réalité.

    Il n’était même pas encore rentré dans sa belle maison. Il avait à peine eu le temps d’arriver sur le palier et de commencer à mettre la clé dans la serrure, insouciant. Cette lame, glaciale, parfaitement aiguisée, lui avait transpercé l’épiderme. Thomas pouvait simplement voir le manche noir collé contre sa peau, tenu par une main gantée.

    Il ne ressentait pas encore la douleur du choc brutal, qui commençait à peine à se propager en lui. Un bref regard à son t-shirt blanc se remplissant progressivement d’une immense tâche rouge lui avait fait comprendre l’urgence de la situation.

    Pour quelqu’un qui ne s’était jamais battu, la vue de sa blessure lui avait servi d’électrochoc. Il ne s’était pas écroulé lamentablement devant chez lui. Il avait trouvé l’énergie nécessaire pour repousser son agresseur avec une force prodigieuse, et partir en sprint le plus loin de chez lui chercher un secours providentiel.

    Malheureusement, il avait jeté ses dernières forces dans la bataille, et il n’était même plus en mesure de trouver les ressources pour appeler à l’aide. Sa respiration était extrêmement bruyante et saccadée. On pouvait entendre dans ces difficiles râles tout le désespoir et la souffrance qui habitaient Thomas en cet instant. Il sentait le sang, son sang, envahir et obstruer ses voies respiratoires. Sa vue se troublait progressivement. Il semblait avoir définitivement perdu la faculté de parler.

    Courir, c’est la seule chose qu’il pouvait encore faire. Pour quelqu’un qui avait eu le sport en horreur depuis sa tendre enfance, il se disait que le sort était parfois vraiment cruel.

    Pourtant, il crut l’espace d’un instant merveilleux que ses efforts ne resteraient pas vains. Il courrait depuis un moment qui lui paraissait une éternité, et il était persuadé de voir juste devant lui se rapprocher son but : le centre-ville. De la lumière, des gens… arriverait-il finalement à s’extirper de cette situation ?

    Au moment où il commençait à réellement croire en sa bonne étoile, il reçut une nouvelle violente décharge, dans le dos.

    Malgré toute sa volonté, il ne put résister à l’attraction de la terre. Il chuta si lourdement sur le goudron qu’il pensa s’être cassé le nez, qui se remplissait à son tour de sang. La douleur était sur le point de lui faire perdre connaissance. Il entendit sortir de sa bouche des gémissements de douleur, déchirant le lourd silence s’abattant alentour. Il aurait aimé voir une personne, entendre le son d’une voiture approchant de lui, mais rien ne se passa. Le silence restait son seul allié. Il finit cependant par entendre son agresseur se retenir, puis exploser de rire, juste au-dessus de son visage.

    Tu n’auras réussi à courir que sur une vingtaine de mètres, gros lard. Tu m’as bien fait rire, merci. Je vais presque te regretter, quel dommage que tu doives déjà nous quitter… 

    Cette voix lui glaça le sang. Il pouvait maintenant le sentir couler dans ses veines et abandonner son corps par les trous béants que lui avait infligés la lame du couteau. Quel sentiment étrange de se vider de ce liquide qui nous maintient normalement en vie !

    Il ressentait la douleur dans son dos, et dans son ventre. Elle s’amplifiait au fil des secondes, et le tétanisait. Il aurait aimé pouvoir hurler sa rage, crier à gorge déployée afin de faire sortir cette satanée douleur de son corps, mais rien n’y faisait. Il était figé au sol telle une statue.

    Il sentit juste la semelle de la chaussure de son agresseur sur son flanc, qui le poussa pour le remettre sur le dos. La position était encore plus douloureuse, le sang s’accumulant dans sa gorge et l’empêchant progressivement de respirer.

    Tu n’en as plus que pour un instant, rassure-toi. Un dernier mot avant de me laisser tranquille ?

    La voix s’adressant à lui résonnait dans sa tête de plus en plus fort, prête à la faire exploser… Était-ce sa mémoire qui lui jouait des tours ? Croyait-il entendre quelqu’un qu’il connaissait pour l’aider à accepter son triste sort ? Son inconscient l’aidait-il à surmonter ses douleurs avant de partir définitivement ? Allait-il entendre d’autres voix bien moins amicales pour le tourmenter de toutes les mauvaises choses dont il s’était rendu coupable ?

    Non, impossible, ça ne pouvait pas être…

    Il fut surpris et presque heureux de ne ressentir aucune décharge, ni même de douleur cette fois-ci. Il s’endormit simplement, avec comme dernière image le manche du couteau dépassant de sa gorge, et le visage de son agresseur, qui, malgré le sang qui emplissait ses yeux, lui paraissait familier.

    « C’était comme écouter du métal lourd (heavy metal) qui tombe du ciel. »

    « It sounded like heavy metal falling from the sky. »

    Extrait d’une critique d’un concert de The Jimi Hendrix Experience, parue dans le journal « New York Times ».

    II

    Je n’aime pas le réveil. Je n’ai jamais aimé ça. Le génie responsable du dicton « l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt » mériterait d’être exécuté dans d’atroces souffrances. Quel plaisir peut-on éprouver à s’extirper de dessous sa couette, se préparer à vivre la même journée de travail que la veille, et que le jour d’avant, et que tous les jours depuis des siècles ?

    Et qu’on ne me parle pas du week-end, où on fait semblant d’être heureux de voir sa famille ou ses amis, tout en sachant que l’on va reprendre son train habituel quelques heures plus tard… dès que la machine au bip-bip infernal sonnera.

    Au classement des pires interruptions de sommeil contre ma volonté, il y a pour moi des trucs comme les cris des voisins qui s’insultent une fois de plus, ou les gémissements de leurs sales gosses qui ne veulent pas aller à l’école. Ces imbéciles n’ont toujours pas admis que la vie est une éternelle répétition de situations qu’on n’aime pas mais qu’on fait quand même. Vivement qu’ils le comprennent, ils prouveront au moins qu’ils ont un cerveau presque aussi aiguisé que le mien, et avec un peu de chance, ils la fermeront.

    Pourtant, ces réveils-là (comme ceux dus à la sonnette de l’appartement par d’autres sales mioches, les travaux dans la rue, et j’en passe) sont très loin d’être au niveau de celui qui a été le mien ce matin-là. La façon dont je fus sorti du pays des songes est un sublime signe annonciateur d’une journée qui va être un peu différente des autres, c’est à dire encore pire. Pour le coup, c’est ce satané portable qui a sonné. L’inventeur de cette machine infernale m’est aussi sympathique que celui qui a créé les réveils : ils devraient réellement être tous les deux brûlés et écartelés en même temps.

    Un coup d’œil à l’instrument de torture posé sur la table de chevet : trois heures du matin. Qui est assez bête pour avoir envie de se faire insulter en pleine nuit par un gars vraiment pas d’humeur à entendre la sonnerie de son téléphone ?

    L’écran affiche « Geronimo ».

    Forcément, mon patron adoré.

    Cette journée est en passe de devenir vraiment parfaite : il ne manque plus que cet imbécile de fils à papa veuille me virer, et je pourrais aller boire un coup ou deux pour fêter ça.

    Salut, Dylan, je ne te réveille pas au moins ? 

    Du sarcasme, de bon matin… tout ce que j’aime. Christopher Alonzo, le grand manitou du journal pour qui je travaille, parlait de sa voix grave et forte, facilement reconnaissable.

    Je ne sais pas si c’est l’heure bien trop matinale qui influait sur mon jugement, mais je trouvais son timbre très énervant, et beaucoup trop puissant. Je reculais légèrement le combiné de mon oreille afin de ne pas perdre une partie de mon acuité auditive. Je me raclais la gorge, et répondais d’une voix légèrement enrouée.

    Tu ne sais peut-être pas, mais les gens qui ne vivent pas à leur bureau pensent à dormir de temps en temps, ce n’est pas si mal.

    Tant mieux.

    Cet abruti ne m’écoute même pas, pour ne pas changer. La discussion peut devenir marrante.

    Tu es au courant de ce qu’il vient de se passer ? 

    Oui bien sûr, le marchand de sable est venu m’amener un fax de la rédaction.

    Tu vas continuer à répondre de manière désagréable à chacune de mes questions où tu vas entamer une discussion normale, entre adultes ? 

    Loin de moi l’idée d’être moqueur envers toi, je ne pourrais duper un esprit aussi affûté que le tien. 

    J’aime vraiment le mettre hors de lui dès que j’en ai l’occasion. Et me faire réveiller quelques heures après être tombé dans les bras de Morphée m’a donné une motivation supplémentaire pour être agaçant.

    Vous me trouvez probablement déjà fortement antipathique, mais comment réagiriez-vous en vous faisant réveiller en pleine nuit pour parler de boulot ? La plupart des gens normaux feraient exactement comme moi, ou ne décrocheraient même pas leur téléphone. Et ceux qui ne voient pas où est le problème… je ne peux rien faire pour eux, ils sont aussi fous que mon patron.

    Ce dernier, n’appréciant vraiment pas ma mauvaise humeur matinale, soupira bruyamment, avant de reprendre, légèrement contrarié.

    Bref reprit-il, tu te souviens de l’affaire Foreman ? 

    Tu parles du simple petit fait divers qui m’a fait perdre mon boulot, ma crédibilité et grâce auquel je travaille à ton service en faisant la rubrique des chats écrasés dans un journal miteux pour un salaire de misère ? Oui, il me semble que j’en ai un vague souvenir. 

    Formidable. Il y a eu de nouveaux éléments. 

    La fille Foreman est sortie du coma et elle va enfin pouvoir nous dire qui était son agresseur. Elle aurait pu attendre sept ou huit heures du mat’.

    Alonzo riotait, visiblement amusé par ma mauvaise humeur.

    Ça m’étonnerait que tu te lèves aussi tôt vu que tu n’arrives jamais au bureau avant onze heures. Non, elle dort toujours, mais le meilleur ami de Patrick, son frère, vient d’être assassiné. Le tueur ne s’est pas raté comme avec Emma Foreman : coup de couteau dans le ventre, le dos, et la gorge. On a aussi découvert une inscription tailladée au couteau sur son ventre.

     Laisse-moi deviner. Un pentagramme et la phrase « God hates us all » ?

    Oui pour le pentagramme, non pour la phrase. Elle est différente, quoique toujours sur le même thème. Il est marqué « Leeper Messiah », messie lépreux en français. 

    Encore des paroles de chansons de hard rock ? 

    Bonne réponse. 

    C’est probablement à nouveau l’ex-petit ami d’Emma qui est dans le coup. Ce fanatique de cette musique de dégénérés a dû sortir de prison déjà non ? 

    C’est là que ça devient intéressant. Il aurait dû être dehors aujourd’hui…

    Tu veux probablement dire hier, parce qu’il est déjà trois heures du mat’, si tu as oublié…

    Oui, d’accord, si tu veux jouer sur les mots, il aurait dû sortir hier. Mais le plus important n’est pas là. Suite à un problème administratif, il ne sortira finalement que ce matin. 

    C‘est désormais officiel, cet andouille de patron vient d’éveiller ma curiosité. Celui qui a été accusé de l’agression de sa petite amie de l’époque, la personne qui était forcément coupable (j’avais été le premier à le suggérer, soit dit en passant), aurait été imité ? Ou pire, on aurait commis un meurtre en attendant le jour de sa sortie de prison dans le but de lui faire porter le chapeau ? Intéressant…

    Je dois le reconnaître j’ai presque oublié l’heure extrêmement matinale de cet appel, et j’essaye, sans trop de difficulté, de me remémorer les tenants et les aboutissants de l’enquête que j’avais menée, qui me laisse encore aujourd’hui un sublime goût d’inachevé. On reparlera de ce détail plus tard.

    Mon chef adoré attendant toujours de connaître mon ressenti, j’inspirais profondément avant de répondre du ton le plus neutre possible. 

    Fort bien. Je te remercie de m’avoir réveillé au beau milieu de la nuit pour me l’annoncer. Et que puis-je pour toi ? 

     Je veux que tu reprennes l’affaire. 

    Finalement, je ne suis peut-être pas le seul à trop forcer sur l’alcool.

    Ce que je m’apprête à te dire est extrêmement rare, mais je crois que je n’ai pas compris ? 

    Effectivement, ces mots sont aussi rares dans ta bouche que bonjour et merci. Mais tu as bien compris. Tu connais parfaitement le dossier, les suspects et les témoins. Et de plus… 

    De plus je n’ai absolument rien à perdre. Dis donc, combien de tes journalistes ont déjà décliné ta proposition si alléchante ? 

    Tous, tu es le dernier. Disons que ce qui t’es arrivé lors de tes investigations il y a douze ans fait peur. Personne ne veut… et bien, disons, descendre aussi bas que toi. 

    Patron, pas trop de compliments je vais rougir. Et si je refuse ? 

    Je te nomme reporter exclusif de toutes les fêtes et trucs joyeux où tu seras obligé de te rendre. Allez, pense que tu seras peut-être capable aujourd’hui de donner un sens à tout ceci. Il n’est pas non plus improbable que tu puisses regagner un peu de crédit vis-à-vis des chaînes de télé qui te tournent le dos aujourd’hui encore. 

    Là, il frappe où ça fait mal, dans mon ego. Et il le sait puisque cet imbécile enchaînait :

    Donc, je suppose que ce long silence signifie que ton ego surdimensionné a déjà fait son choix.  Je te retrouve au bureau à huit heures, ça te changera de ne pas être en retard une fois dans ta vie.  Des questions ? 

    Oui, une seule.  Ce coup de fil est-il compté en horaire de nuit pour mon salaire ? 

    Il a déjà raccroché. 

    L'affaire Foreman... Sacrée histoire.  Des années ont passé et je me souviens du moindre détail, comme si la première agression avait eu lieu hier.

    Cette pauvre gamine battue, mutilée et laissée pour morte. Son petit ami de l’époque qui a rapidement été accusé. Son comportement bizarre du début à la fin de l’enquête, où il n’a cessé de clamer son innocence tout en n’ayant jamais nié être responsable.

    L’enquête fut extrêmement difficile puisque la famille Foreman est une famille très puissante. Les infos qui filtraient étaient prodigieusement rares. Il a fallu beaucoup extrapoler pour tenter de découvrir quoi que ce soit, et de pouvoir répondre à cette simple question : pourquoi ?

    Remémorez-vous l’époque, si proche, et pourtant si lointaine. Nous sommes en 2004. Internet existe, bien évidemment, mais on n’y trouve pas autant d’info, réelle ou totalement farfelue, que nous pouvons nous procurer aujourd’hui. Cet outil est encore une simple aide, même si des millions d’adolescents débiles y déversent déjà toutes les inepties sur leur vie insignifiante pour se donner un semblant d’intérêt à la face du monde entier. De mon temps, on avait la décence de cacher nos secrets dans un journal intime. Aujourd’hui, on se livre sans retenue, à la planète entière. Et je ne parlerai pas de l’orthographe. Mon Dieu, quelle génération d’illettrés à la limite de l’aliénation mentale !

    Enfin, je m’égare. Revenons à cette enquête. Se replacer dans le temps est essentiel pour comprendre ce détail : seulement quelques années en arrière, on devait chercher des informations par nous-mêmes, et aller farfouiller sur les réseaux sociaux n’était pas encore dans nos habitudes, loin de là.

    De toute façon, il ne me semble pas que quelqu’un aurait été assez stupide pour écrire « Aujourd’hui je vais aller tuer Emma Foreman dans une ruelle en fin de soirée, LOL, PTDR, etc., etc.… ». Et encore, quand je vois le niveau intellectuel de certains candidats de téléréalité, j’en viens presque à me demander si cela ne serait pas possible…

    Quoi qu’il en soit, c’était une de ces affaires sordides, où les données en la possession des journalistes sont tellement maigres qu’il faut des qualités de déductions et de compréhensions réellement hors normes.

    Et là, malheureusement pour mes « collègues » de l’époque, j’étais déjà le meilleur. De ce fait, tout le monde m’a écouté cherchant à savoir ce que j’avais deviné. Enfin ce que j’avais cru découvrir. Avec le recul, j’aurais mieux fait moi aussi de m’abrutir devant mon ordinateur plutôt que de tenter d’apporter des explications à la famille de la victime.

    En résumé, ce fut l’enquête de trop pour moi, alors au sommet de la gloire. Un peu plus d’une décennie s’est écoulée, Emma Foreman est toujours dans le coma et moi je suis ruiné, alcoolique (enfin ça c’est ce que disent les autres) et avec une vie sociale presque aussi développée que la sienne. 

    Bref, mon cerveau tourne déjà à plein régime, impossible de dormir maintenant. Quoi de plus jouissif que de se replonger à trois heures et demie du matin dans ses archives d'une histoire d'agression à caractère satanique ?

    Messie Lépreux

    Décérébré depuis le début, absorbé dans son rôle,

    Le cirque arrive en ville, c'est toi le clown principal.

    S'il te plaît, s'il te plaît,

    Propageant sa maladie, il vit de son histoire.

    À genoux, à genoux,

    Tombez à genoux, souffrez pour sa gloire.

    Vous le ferez.

    Temps pour la luxure, temps pour le mensonge

    Le moment est venu pour toi de dire au revoir à ta vie.

    Envoie-moi de l'argent, envoie-moi des dollars

    Les portes du paradis s’ouvriront pour toi.

    Fais un don et tu obtiendras un meilleur siège.

    Prosterne-toi devant le messie lépreux.

    Émerveille-toi de ses tours, il te faut ton talk-show du dimanche.

    Tu es devenu d'une dévotion aveugle, ton esprit a pourri.

    Chaîne, chaîne,

    Rejoins la chaîne sans fin, séduit par son prestige.

    Gloire, gloire,

    La contamination, c'est son truc, tu es ivre de pouvoir.

    On le voit.

    Temps pour la luxure, temps pour le mensonge,

    Le moment est venu pour toi de dire au revoir à ta vie.

    Envoie-moi de l'argent, envoie-moi des dollars,

    Les portes du paradis s’ouvriront pour toi.

    Fais un don et tu obtiendras un meilleur siège.

    La magie s'affaiblit, vois les ouailles qui se rassemblent.

    Tends le piège, hypnotise, maintenant tu suis.

    Temps pour la luxure, temps pour le mensonge,

    Le moment est venu pour toi de dire au revoir à ta vie.

    Envoie-moi de l'argent, envoie-moi des dollars,

    Les portes du paradis s’ouvriront pour toi.

    Fais un don et tu obtiendras un meilleur siège.

    Mensonge…

    Traduction des paroles de la chanson « Leper Messiah », Metallica.

    III

    J’en ai presque assez par moment d’avoir raison. Mais une fois de plus, je dois me rendre à l’évidence, mon cerveau a encore vu juste. Si la vie n’était pas une simple répétition de situations similaires à l’infini, je ne pense pas que tous ces imbéciles de jeunes journalistes seraient surpris de me voir arriver si tôt au bureau.

    Un petit détail qui change dans leur journée parfaitement réglée et ça y est, ils sont déconcentrés. En plus d’être un peu vexant à mon égard, je trouve le comique de la situation vraiment pathétique. Et ils se disent grands reporters…

    Les choses ont totalement changé depuis l’époque où j’étais au top. À croire que pour me punir, on a remplacé l’ensemble de mes « collègues » par des zombies avec le quotient intellectuel d’un poulpe amnésique. Enfin, tous ces moutons ne m’intéressent pas. Mais, pour les perturber encore un peu plus, je me forçais à sourire et à dire bonjour à tous ceux que je croisais.

    Malheureusement je n'eus pas trop le temps de m'amuser puisque big boss, qui avait compris mon petit manège, m’intima silencieusement d'arrêter mes enfantillages, en me regardant d'un air dépité. 

    Je me dirigeais alors vers son bureau, lançais un « Bonjour patron quelle belle journée, n'est-ce pas ?! » dans le but de clore mon jeu, et j'attendais sa remarque qui ne tarda pas.

    Tout le monde est surpris de te voir ponctuel et poli… Tu n’as pas envie de remettre ton attitude en question un minimum ?

    Si, tu as raison. Je pense que je vais faire attention à redevenir le plus antipathique possible sinon je risque d'être apprécié par ces crétins.

    Alonzo, qui me tournait le dos jusqu’à maintenant, se retourna pour s’asseoir dans son siège noir impeccable, qui s’inclina légèrement lorsqu’il s’installa confortablement contre le dossier. Il me montra une chaise, m’intimant de venir lui faire face, ce que je fis bien volontiers. Il reprit alors, désabusé.

    Évite au moins de les insulter, ce serait déjà pas mal. 

    Sauf votre respect cher patron, nous sommes là pour parler de mon comportement ou de l'affaire grâce à laquelle vous m'avez réveillé aux aurores ? 

    Christopher me regardait tout en secouant la tête, comme un père scrute son fils, désespéré par son comportement.

    C'est fou ce que le mot « respect » ne va pas dans ton langage. Peux-tu me faire un rappel précis de ce qu’il s'est passé il y a douze ans ? 

    J’acceptais, singeant au passage un salut militaire de la manière la plus sérieuse possible. Ma victime favorite se mordilla les lèvres, retenant une remarque cinglante à mon encontre.

    Bien sûr, maître vénéré. Une enquête simple en apparence. Emma Foreman, sœur du puissant homme d'affaires Patrick Foreman, est retrouvée dans une ruelle, battue à mort, inconsciente, avec une inscription satanique tailladée au couteau sur le ventre : un pentagramme, et une phrase, « God hates us all », Dieu nous déteste tous, en français. On a rapidement supposé que ces mots avaient été écrits en Anglais en référence

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